Stéphane Kouchian – « PETROLEUM » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

Jusqu’au 28 février 2021, Stéphane Kouchian présente « PETROLEUM », un projet singulier qui utilise l’Espace Saint-Ravy de Montpellier avec l’ambition d’un faire « un terrain de jeu où s’entrechoquent les réflexions de l’artiste autour de l’humain et du geste artistique »…

Dans cette exposition, qui mérite sans aucun doute attention, Stéphane Kouchian pose un regard ironique, un peu moqueur, mais sans aucune acrimonie ou causticité sur l’exposition, le monde de l’art, l’histoire de l’art. Le jouet est presque toujours le déclencheur de ses installations, sculptures et de ses séries dans une esthétique qu’il définit lui-même comme relevant d’un « Pop Art Conceptuel »…

Certain·e·s se souviennent peut être de sa « Barbie au musée » qui s’était discrètement glissée dans la boutique de jouets Pomme de Reinette à l’occasion de « Essentiel », le projet qui avait associé le MO.CO. et plusieurs commerces du centre-ville de Montpellier du 18 décembre au 23 janvier dernier.

Stéphane Kouchian - Barbie, visite au Musée (2008-2016) - « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy - Montpellier
Stéphane Kouchian – Barbie, visite au Musée (2008-2016) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

On retrouve cette installation à l’entrée de l’Espace Saint-Ravy. Barbie, visite au Musée (2008-2016) est une d’introduction à « PETROLEUM », une sélection d’œuvres miniaturisées parmi celles produites par l’artiste et surtout un regard humoristique et critique sur l’exposition, sur celles et ceux qui la font, qui la visitent et qui la commentent. Le cœur rose délivre quelques messages particulièrement succulents…

Dans ces trois coffrets, on remarque plusieurs versions réduites d’œuvres qui résonnent avec celles exposées ici et de multiples échos à l’histoire de l’art contemporain. Évidemment, on pense immédiatement à La Boîte-en-valise de de Marcel Duchamp.

Stéphane Kouchian - Barbie, visite au Musée (2008-2016) - « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy - Montpellier
Stéphane Kouchian – Barbie, visite au Musée (2008-2016) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier
Stéphane Kouchian – Barbie, visite au Musée (2008-2016) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

Au mur, trois photographies d’accrochages et de mise en espace réalisés dans un White Cube à partir des éléments présents dans les boites évoquent le film Musée imaginaire de Walt Disney (2017) de Bertrand Lavier et les sculptures en 3D créées à partir des planches parues dans le Journal de Mickey…

Stéphane Kouchian - Série Aphantasia (2019-2020) - « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy - Montpellier
Stéphane Kouchian – Série Aphantasia (2019-2020) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

Sur la droite, deux fois neuf peintures de la série Aphantasia (2019-2020) envahissent le mur. Qualifiées à la fois de radicales et de nonchalantes par Stéphane Kouchian, ces peintures sur carton rejouent, dit-il, « avec dérision certains des grands mouvements artistiques du XXe siècle ».

Les références à l’abstraction, au constructivisme ou au minimalisme y sont évidentes. Entre bon et mauvais goût, Stéphane Kouchian s’amuse avec les teintes criardes qu’il utilise dans ces compositions.

Stéphane KouchianHerland, 2018. Epée, bijoux fantaisies. – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

En face, Herland (2018) appartient à un ensemble de regalia (couronne, épée, orbe) couverts d’une multitude de bijoux kitch dont seule l’épée est exposée ici. Dans le cartel développé, Stéphane Kouchian souligne : « Ces insignes royaux sacrés, symboles de décision et de pouvoir souvent associés au genre masculin et à la virilité qu’incarnent ses porteurs, se vident ici de leur essence par la présence de bijoux en plastiques kitsch et colorés ».

Stéphane Kouchian - Plastiques II (2019) - « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier
Stéphane Kouchian – Plastiques II (2019) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

Sur le mur au fond de la salle côté place, on retrouve quelques-uns des joyaux qui ornent l’épée dans les 7 pièces peintes, inspirées de boucles d’oreilles fantaisie des années 1980. Pour reproduire ces objets dans ses peintures qu’il qualifie d’« abstraites géométriques pop », Stéphane Kouchian confie avoir été confronté à de nombreuses difficultés, obligé «de pousser la matière parfois jusqu’à la limite de la rupture ».

Stéphane KouchianPlastiques II (2019) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier © Stéphane Kouchian

Pour cette série de 2019, intitulée Plastiques II, l’artiste évoque avec un peu de malice « un clin d’œil lointain aux shaped canvas » de Frank Stella et Charles Hinman, entre autres…

La deuxième partie de l’Espace Saint-Ravy est dédiée au projet La Traversée (2021), une série de sculptures d’animaux tissés en perles de bois. Quelques-uns, les plus « domestiques », sont installés dans les deux premières salles (mouche, chiens)…

Stéphane Kouchian - série La Traversée (2021) - « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier
Stéphane Kouchian – série La Traversée (2021) – « Petroleum » à l’Espace Saint-Ravy – Montpellier

Un paon paraît jouer le rôle de passeur vers la longue pièce voutée, plongée dans la pénombre. On y découvre une cigogne cauchemardesque, un perroquet effayé, un flamant rose renversé, un cobra menaçant et un singe effrayé, dramatiquement éclairées. Tous semblent être victimes de la domestication humaine…

Pour cette série déconcertante Stéphane Kouchian explique : « Ces objets prenant pour modèles des animaux miniatures, réalisés en perles de rocaille, issus de manuels de loisirs créatifs, sont agrandis 16 fois ». Pour ce qu’il considère comme une action performative, il ajoute avoir abordé «les schémas de tissage comme des protocoles d’art conceptuel, avec une série de gestes répétitifs, mécaniques et dépourvus d’affect »…

Le texte de présentation précise les raisons du titre choisi pour ce projet :

« Le titre de l’exposition “PETROLEUM” vient du latin médiéval, petra (“pierre”) et oleum (“huile”), ce qui signifie “pétrole” qui lui-même renvoie au plastique, matériau qui connut un franc succès à partir du XIXe siècle, faisant entrer l’humanité dans l’âge du pétrole (Petroleum Age). Mais c’est à partir du XXe siècle qu’il contamine intégralement nos quotidiens, même dans l’appellation “des arts plastiques”. (…) Le choix du titre “PETROLEUM” suggère ainsi cette ambivalence qui dicte notre rapport au pétrole et au plastique : entre fascination et répulsion, entre nécessité et menace ».

Bien entendu, un passage par l’Espace Saint-Ravy s’impose avant la fin février.

Si le lieu reste fermé au public pour le moment, les visites « professionnelles » sont possibles sur rendez-vous au 0678547048 et lambdaka@gmail.com…
Merci à Stéphane Kouchian pour son accueil chaleureux dans « PETROLEUM »

À lire, ci-dessous, quelques repères biographiques et les cartels développés qui devaient accompagner les œuvres pour une ouverture publique.

En savoir plus :
Sur la page de l’Espace Saint-Ravy sur le site de la Ville de Montpellier
Suivre l’actualité de de l’Espace Saint-Ravy sur Facebook
Sur le site de Stéphane Kouchian
Visite virtuelle de l’exposition

Stéphane Kouchian : Repères biographiques

Après une formation complète aux Beaux-Arts de Montpellier, Stéphane Kouchian poursuit sa carrière à Paris où ses connaissances du développement web, des outils de création numérique et de la stratégie digitale lui ont permis de fonder son entreprise aujourd’hui basée à Montpellier, et de collaborer avec de grands noms de la mode, de la cosmétique et de la culture tels que Dior, Chanel, Burberry, Lalala production, Arte ou encore La Prairie.

Outre la mode, l’art et le digital, Kouchian montre également un intérêt marqué pour la musique puisqu’il a travaillé pendant plusieurs années pour des musiciens indépendants. Il a ainsi collaborer avec des artistes comme Chilly Gonzales, Krikor, Born Bad Records, Piers Faccini, Tom of Finland, Mirways, Gesaffelstein ou Dj Hell. Lui-même musicien, il compose des musiques flirtant avec l’expérimental, et élabore des lives de musique électronique improvisée.

Ses oeuvres ont été montrées à Montpellier avec le MO.CO. (Exposition « Essentiel »), au Carré Saint-Anne, à la Halle Tropisme, à la galerie Annie Gabrielli et à la Galerie AL/MA, à Aniane à la Chapelle des Pénitents ou encore au Gwangmyeong Hall de Séoul dans le cadre de l’exposition « Barbie » du MAD Paris sous la direction d’Anne Monnier.

Stéphane Kouchian – PETROLEUM

Barbie, Visite au musée, 2008-2016

Matériaux divers

Détournant la logique propre au coffret de la célèbre poupée, Stéphane Kouchian en propose une version réactualisée à travers le prisme de sa pratique artistique. L’œuvre débutée en 2008 se compose, à la manière d’une panoplie, de trois coffrets contenant une sélection d’œuvres miniaturisées issues du corpus de l’artiste, permettant de recréer un White Cube extrait d’un musée imaginaire et construit de toutes pièces. La poupée est également dotée d’une voix, celle de la doubleuse française officielle de Barbie. Les phrases enregistrées reprennent pour certaines des citations d’artistes reconnus, tandis que d’autres figurent des commentaires au ton acerbe, entre humour et érudition. Dans cette salle de musée à échelle réduite, l’artiste s’approprie une icône de l’American way of life et la confronte aux versions miniatures de ses propres œuvres et réalise une mise en abîme critique et ironique de l’expérience muséale.

Plastiques II (série), 2019

Epoxy, polyester, mousse, contreplaqué, vinyle, plastique, carbone, inox, peinture, chrome, aimants

Détournement d’objets issus de l’univers de la mode, la série de peintures sculpturales Plastiques II est un clin d’oeil lointain aux shaped canvas, dont l’artiste s’émancipe en abandonnant totalement la toile et les pinceaux. Prenant pour modèle des boucles d’oreilles fantaisies des années 1980, Kouchian propose une réinitialisation de ces résidus kitsch de nos sociétés de consommation en les projetant dans le champ de l’art et vient révéler leurs qualités formelles et plastiques insoupçonnées. L’artiste re-localise l’attention du spectateur, le mettant non pas face à de simples agrandissements pop, mais en le confrontant à des peintures en relief aux compositions abstraites géométriques.

Aphantasia (série), 2019-2020

Aérosol, vinyle, peinture acrylique sur carton gris/carton bois

Le protocole d’exécution de la série Aphantasia relevant d’une série de gestes nonchalants et un brin provocateurs par leur simplicité même, rappelle une évidente esthétique postmoderne qui rencontrerait des formes abstraites et minimalistes. Aphantasia rejoue avec dérision certains des grands mouvements de peinture du XXème siècle. Le fond – sélectionné dans une gamme définie d’aérosol – est traité à la manière d’un monochrome. Les formes géométriques découpées dans du vinyle coloré évoquent une composition constructiviste épurée. La touche finale, dripping « simpliste » d’un mélange de couleurs primaires, vient équilibrer chaque tableau. Volontairement criardes, les teintes et tonalités témoignent d’une volonté de prise de risque, de subversion, d’un désir de composer avec le pire, se jouant du bon et du mauvais goût.

Herland, 2018

Epée, bijoux fantaisies

Herland est un projet mettant en scène des regalia recouverts d’une multitude de bijoux fantaisies. Ces insignes royaux sacrés, symboles de décision et de pouvoir souvent associés au genre masculin et à la virilité qu’incarnent ses porteurs, se vident ici de leur essence par la présence de bijoux en plastiques kitsch et colorés. Par ce télescopage brutal entre les époques, l’artiste fait se confronter deux âges ; l’un lointain et l’autre historiquement récent, témoin de l’époque de la « femme libérée », et tente de redéfinir et transcender les codes du pouvoir et les rapports établis entre femmes et hommes. Dans l’exposition PETROLEUM, seule l’épée est montrée, telle une évocation du mythe de Damoclès.

La Traversée (série), 2020-2021

Le projet La Traversée est une série de sculptures d’animaux tissés en perles de bois, composée d’un paon, d’une cigogne, d’un singe, d’une mouche, de deux chiens, d’un perroquet, d’un cobra et d’un flamant rose. Ces objets prenant pour modèles des animaux miniatures réalisés en perles de rocaille issus de manuels de loisirs créatifs, sont agrandis 16 fois et projetés dans l’espace d’exposition à l’instar d’images désincarnées, réduites à une idée, à une allégorie d’elles-mêmes, enfermées dans leur propre fable. Abordant les schémas de tissage comme des protocoles d’art conceptuel, Kouchian réalise, par une série de gestes répétitifs, mécaniques et dépourvus d’affect, un bestiaire stylisé, aux couleurs artificielles et aux accents sarcastiques, tant il semble découler de nos propres conceptions simplistes du monde animal. Énigmatiques et dérangeantes, ces présences muettes d’apparence plastique s’érigent dans la pénombre, dramatiquement éclairées, comme des colosses déchus, accablés par la main de l’homme.

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