Jusqu’au 18 septembre 2021, Polyptyque 2021 présente le travail de onze artistes sélectionné·e·s dans le cadre du Prix Polyptyque qui soutient la création photographique en région depuis 2018. L’exposition occupe un commerce inoccupé, au 38 rue de la République à Marseille.
Au-delà de la qualité des œuvres exposées, il faut souligner l’engagement des artistes dans l’accrochage de leurs séries. Avec beaucoup de soin et de précision, leurs mises en espace expriment clairement les divers enjeux qui sous-tendent leur travail. En dépit des contraintes imposées par les locaux, ils et elles ont réussi à exploiter au mieux les mètres linéaires alloués et à déjouer les pièges d’une lumière diffusée par des tubes au néon.
Les onze artistes de la pré-sélection exposés pour le Prix Polyptyque 2021 sont :
Aurélien David • Rodrigue de Ferluc • Priscilia de Lima • Sylvia Donis • Léna Durr • Grégoire Edouard • Arina Essipowitsch • Brigitte Manoukian • Nicolas Ramel • Eleonora Strano • Dorian Téti
À l’ouverture du salon, un jury a distingué trois lauréates : Léna Durr, Arina Essipowitsch et Brigitte Manoukian. Elles bénéficieront d’une exposition collective à la Galerie Sit Down à Paris en 2022, d’un accompagnement professionnel pendant 6 mois et d’une bourse de 2 000 euros pour la production d’un nouveau projet.
Le jury du Prix Polyptyque 2021 était composé de : Francoise Bornstein, Galerie Sit Down • Emilia van Lynden, Consultante en Photographie Contemporaine et Responsable Marketing, Communication et Publications pour Manifesta • Caroline Stein, Responsable du mécénat de la banque Neuflize OBC • Erick Gudimard, Directeur artistique du Centre Photographique Marseille • Pascal Beausse, Responsable des collections photographique du Cnap.
Polyptyque 2021 est organisé par le Centre Photographique Marseille avec le soutien de la Ville de Marseille et de la Région Sud, en partenariat avec Studio AZA.
Léna Durr – Arlette, Giselle et Micheline, 2018 de la série Goldenage – Lauréate Prix Polyptyque 2021
Les images de la série Goldenage de Léna Durr sont autant de rencontres avec la vieillesse et ses corollaires – en tous cas tels qu’ils sont perçus par la société occidentale contemporaine – la solitude et la perte d’autonomie. Lors de ses échanges avec les pensionnaires d’une maison de retraite, l’artiste constate l’absence d’objets-souvenirs qui singularisent l’espace domestique. C’est la parole qui véhicule les souvenirs personnels, familiaux ou professionnels et qui, inévitablement, fait surgir une réminiscence qui marque à jamais la rencontre. C’est ce souvenir que l’artiste matérialise et réintroduit en présence de la pensionnaire dans l’espace institutionnalisé de l’établissement médicalisé. (Texte de salle)
https://www.lenadurr.com/
http://documentsdartistes.org/artistes/durr/repro12.html
Brigitte Manoukian – série Les fils de Burj Hamud, 2016-2020 – Lauréate Prix Polyptyque 2021
Brigitte Manoukian vit et travaille à Aix-en-Provence. Géographe, enseignante, formatrice, elle utilise la photographie pour interroger les territoires et les sociétés qui les modèlent. Dans sa pratique photographique, elle réfléchit aux questions de mémoire(s), de mémoire familiale et à l’importance des objets ou des lieux dans la transmission. Le Liban fait partie de son histoire familiale : ses grands-parents, partis de leur village au moment du génocide arménien, sont passés par Alep, puis Beyrouth et sont arrivés à Marseille. Burj Hamud se situe à l’est de Beyrouth. C’est un quartier arménien avec des Arméniens mais aussi des Palestiniens, des Syriens, des Africains. Un quartier qu’elle a arpenté sur plusieurs années. L’artiste a d’abord photographié Burj Hamud en couleurs, vives surtout dans les rues commerçantes d’Arax ou Marash, mais il lui fallait des noirs, des gris pour dire son regard sur les murs comme si c’était la fin d’une histoire. Une histoire de point de vue. (Texte de salle)
http://www.brigittemanoukian.com/galerie-10–les-fils-de-burj-hamud-.html
https://www.arnaudbizalion.fr/302-manoukian-brigitte-photographe-geographe
Arina Essipowitsch – Fold, 2020 et Schutz, 2020, La Roche (Sainte Victoire), 2021 entre autres – Lauréate Prix Polyptyque 2021
Le sujet de travail d’Arina Essipowitsch porte sur la question de l’identité. Cette notion apparaît souvent comme un élément divisé dans sa pratique : identités multiples, plurielles, fragmentées, identité palimpseste – ce sont des termes et des notions qui façonnent sa pratique artistique. Aujourd’hui citoyenne française, Arina est née à Minsk en Biélorussie, où elle a passé toute son enfance, avant de suivre ses parents en Allemagne en 2001. A-t-elle perdu une partie de son identité en quittant sa ville natale ? Peut-on même parler d’identité ? Ces questions sont familières à tous ceux qui ont traversé de nombreuses cultures. Il est donc naturel pour Arina qu’elles se reflètent, qu’elles apparaissent comme une caractéristique fondamentale de son travail. (Texte de salle)
http://arinaessipowitsch.com/index.php
Aurélien David – série Beleaf, 2019
Après une formation en ethnologie et une école de photographie, il développe au fil de ses voyages en voilier une écriture chlorophyllienne, mixant les croyances et les techniques pour produire une esthétique relationnelle du vivant, interrogeant notre représentation de l’environnement. Ses workshops permettent depuis 2012 la diffusion du pouvoir photosensible des végétaux. Il a ex-posé entre autres, à la galerie Super (Paris), la Biennale Mediterranea 16 (Ancône, Italie), le centre de création La Compagnie, la Nuit de l’Instant (Marseille), au Jardin des Plantes de Rouen (La Ronde#5) et au Quai des savoirs (Toulouse).
« La série Beleaf revisite la part de végétal qui vit en nous. Au fil de ses voyages sur son voilier, Aurélien David pose sur ses contemporains un regard animiste, les invitant à jouer les protagonistes d’un conte tribal, dans lequel ils se métamorphosent peu à peu en plantes. En photographiant des personnes dans différentes régions d’Afrique de l’Ouest avec le même protocole, il dessine une fesque universelle.» Aude Viridanel. (Texte de salle)
http://www.aureliendavidphoto.com/
https://www.instagram.com/aureliendavidphotography/
Dorian Teti – Série Rose, 2020
Le travail de Dorian Teti s’articule autour des mises en scène de l’intime, de la mémoire collective et individuelle. La photographie est pour lui un outil d’exploration de son histoire et de son identité. Elle lui me permet d’accomplir une mise à distance et d’opérer des mises en récit. Par l’engagement dans des expériences de vie, et par le biais de mises en scène, d’autoportraits, de réappropriations et d’associations photographiques ou textuelles, il fabrique un univers fait d’objets, de faux semblants, de simulacres et de doubles. Dorian s’intéresse particulièrement à la puissance mensongère de l’image, le faux, la copie. Depuis trois ans, il mêle à ce travail photographique un travail plastique en volume qui se nourrissent l’un l’autre, en travaillant la matérialité de l’image et la surface des volumes des objets recrées. Ce sont ces allers-retours constants entre l’espace du réel et celui de l’image qui le captivent. (Texte de salle)
https://dorianteti.com/index.php/rose/
Rodrigue de Ferluc – Voilà, 2017-2021
Le travail de Rodrigue de Ferluc s’inscrit dans une pratique réappropriationniste. Face à la surproduction et surconsommation d’objets, de services, de contenus, suivant la logique de réemploi, ses projets se développent à partir du mouvement « collecte/ré-appropriation/re-transmission » : l’un avec des images de presse (Augure), l’autre avec des verres (L’eau coule sur la boue). Dans ces deux projets, l’usage d’images et objets pré-existants lui permet de questionner les conditions de production de l’œuvre (dans une économie de la récupération) et le statut de l’artiste (comme transformateur et passeur).
Chaque projet répond à une dimension protocolaire. Pour l’artiste, les protocoles sont synonymes de contrôle, mais aussi les règles d’un jeu lui permettant de s’approprier certains espaces de liberté. Si certains projets traitent plus spécifiquement de la question de la ré-appropriation, d’autres concernent plus largement la création artistique à travers deux notions : l’automatisation (1,4 image-objet) et I’épuisement des moyens (Voilà). (Texte de salle)
https://rodriguedeferluc.com/voila/
Eleonora Strano – Ex Materia, 2018-2019
Photographe, journaliste, enseignante, Eleonora Strano a une pratique décloisonnée. Le rapport qu’elle entretient avec la photographie est celui qu’elle entretiendrait avec un semblable. Tout y est en perpétuel changement, en dialogue. L’artiste, la femme, la démarche et la pratique de la photographie elle-même sont en constante évolution. De la capture du réel, la pratique évolue vers une véritable sculpture de ce dernier. Opérant des allers-retours entre la foule et l’isolement, endossant tour à tour passions et recueillement elle établit une pratique de la photographie décomplexée.
De même, opérant des allers et retours entre pratiques de recherche et volonté de transmission, pour ne rester dans ce qui pourrait sembler être de l’entre-soi ou une forme d’élitisme de l’art contemporain elle continue d’enseigner parallèlement à ses activités de photographe. (Texte de salle)
https://www.instagram.com/eleonora_strano/
http://www.eleonorastrano.com/
Grégoire Édouard – série Bruissement, 2010-2017
Grégoire Édouard est un photographe indépendant originaire d’Ardèche qui vit et travaille à Marseille depuis 2015. Depuis de nombreuses années. il mène un travail personnel, ou en collaboration avec d’autres auteurs. Il est également enseignant en photographie à l’école de design ECV/Aix-en-provence.
Dans sa pratique photographique, Grégoire Édouard a pour préoccupation principale les questions liées à la place de l’homme au sein de la biosphère. Sa pratique est guidée par de nombreuses marches et une poétique de l’expérience du monde, elle tente de restaurer les liens vivants qui nous lient aux êtres, aux choses et aux lieux. Il travaille là où il vit, là il où il peut faire l’expérience de l’ordinaire et du quotidien. (Texte de salle)
https://www.gregoireedouard.com/
Nicolas Ramel – séries Pinned-Up, 2015-2021
Pour le Prix Polyptique, Nicolas Ramel propose de nouvelles itérations de sa série ouverte Pinned-Up. Il s’agit d’une série de reproductions à l’échelle 1 de pin-ups à l’aide de punaises chromées de quatre différents diamètres. Au-delà du jeu de mots (pin en anglais signifiant punaise/épingle) et de l’aspect formel, ces figures sont aisément identifiables et fortement ancrées dans la culture occidentale. La pin-up est dans la vaste majorité des cas une femme, dont on épingle l’image au mur et fait ainsi écho à des questionnements autour de la représentation des femmes et de la production de masse – ici d’images – et de leur consommation, dans le passé et de nos jours.
L’artiste présente également une seconde série de portraits en plus petits formats serrés, de pin-ups célèbres, reproduits cette fois à l’aide d’épingles de couture. Les pièces en punaises ont été réalisées in situ à l’aide de nouveaux patrons. (Texte de salle)
http://www.nicoramel.com/
http://www.documentsdartistes.org/artistes/ramel/repro7.html
Priscila de Lima – série Vilem, 2021
À l’ère de l’excellence technique de l’image numérique, qui culmine dans sa prolifération et standardisation, Priscila s’intéresse aux possibilités de la matérialité photographique, qui ouvrent le médium à lui même et lui permettent d’explorer ses limites. Parmi les procédés photographiques anciens, notamment le collodion humide, l’artiste a trouvé le médium idéal pour une pratique anti-capitaliste et émancipatrice, dans laquelle elle détient ses moyens de production. Identité, violences faites aux femmes et migration sont des sujets souvent présents dans son travail.
Dans la série Vilem, inspiré des pages finales de « Pour une philosophie de la photographie » [Vilém Flusser], Priscila essaye d’inverser le dispositif photographique. Au lieu d’exposer sélectivement la plaque photosensible à l’aide d’une chambre noire et d’un objectif, elle expose la plaque sans l’aide d’un appareil, pour la développer sélectivement, en jouant avec la chimie et en ouvrant la photographie à elle-même. (Texte de salle)
http://priscilalima.art/fr/vilem_fr/
Sylvia Donis – Phantasma, 2021
Après des études de photographie à l’École Nationale de la Photographie d’Arles, Sylvia Donis s’est tournée vers une pratique qui interroge précisément les particularités du médium photographique, c’est-à-dire sa faculté à rendre présent ce qui est absent, à faire exister la conscience du temps et de ses superpositions, à creuser les béances du souvenir et à rendre visibles l’invisible et le vide. Sa pratique est donc naturellement devenue plus plastique. Un master d’arts plastiques est d’ailleurs venu l’enrichir et lui donner un autre relief, en l’ancrant davantage dans une expérience concrète et sensible, mais aussi conceptuelle, proposée aux spectateurs.
Sans cesse en recherche, elle tente par son travail de donner forme et vie à ceux que l’on ne voit pas, ou que l’on ne voit plus parce que morts ou disparus. Ses recherches tournent autour du vide, de l’absence, de la disparition. La figure originelle en est un souvenir familial traumatique et passé sous silence jusqu’au tabou : celui d’un enfant mort jeune. L’artiste s’intéresse aux procédés et processus qui interrogent les limites du visible et de l’invisible et qui questionnent l’acte de voir. Ses recherches portent également sur la manière dont l’imaginaire pourvoit aux manques de l’image. (Texte de salle)
En savoir plus :
Sur le site du Centre Photographie Marseille
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