SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Jusqu’au 9 janvier 2022, le MOCO Montpellier Contemporain présente à La Panacée une première édition très réussie de SOL ! La biennale du territoire. L’ambition affirmée est de « refléter le territoire et la scène artistique locale » avec la volonté d’être à la fois « intergénérationnelle, inclusive, aimant à explorer les lisières (…) et généreuse ».

L’équipe curatoriale rappelle que ce projet s’est engagé dès la création du MOCO en 2019 par des visites d’ateliers et des rencontres sur le territoire défini comme allant « de Sète à Alès et de Nîmes à Béziers ».
« Après avoir recensé, avec l’aide des différents acteurs de l’art contemporain du territoire, plus de 300 artistes, nous avons rencontré une centaine d’entre eux afin de définir un premier ensemble de 31 artistes » peut-on lire dans l’introduction du livret de visite.

Cette première édition, SOL ! La biennale du territoire rassemble des œuvres de :

Becquemin & Sagot •Aldo Biascamano • Fabien Boitard • Elsa Bres • Charlotte Caragliu • Julien Cassignol • Lise Chevalier • Anne-Lise Coste • Agathe David • Daniel Dezeuze • Elisa Fantozzi • Margaux Fontaine • Adrien Fregosi • Pablo Garcia • Joëlle Gay • Marie Havel • Gérard Lattier • Mohamed Lekleti • Emilie Losch • Audrey Martin • Ganaëlle Maury • Clément Philippe • Aurélie Piau • Anne Pons • Guillaume Poulain • Pierre Tilman • Natsuko Uchino • Pierre Unal-Brunet • Gaétan Vaguelsy • Claude Viallat • Carmelo Zagari.

Intitulée « #1 Un pas de côté », cette première édition de la biennale s’est construire autour de l’idée de « décentrement », une problématique chère à Nicolas Bourriaud, déjà présente dans son ouvrage The Radicant publié en 2009 que l’on retrouvait dans son essai L’exforme: Art, idéologie et rejet
On lira dans l’extrait du texte de présentation reproduit ci-dessous comment cette idée de « décentrement » est au cœur de SOL ! La biennale du territoire.

Brouillant allégrement les frontières entre catégories (art brut, artisanat ou beaux-arts) et pratiques artistiques, le parcours s’articule selon trois thématiques qui parfois « se croisent et se rejoignent » :

  • Le rapport à l’Histoire avec « Nous sommes tous des légendes »,
  • Le rapport à la société avec « Bisous baston »,
  • Le rapport à la nature avec « Symbiose et totems ».

Si globalement l’accrochage et la mise en espace sont parfaitement maîtrisés, la première séquence, « Nous sommes tous des légendes », nous a semblé moins fluide et moins évidente que les deux suivantes.

Mohamed Lekleti - Ils ont cette raison qui te semble démence, 2021 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Mohamed Lekleti – Ils ont cette raison qui te semble démence, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Carmelo ZagariAutoportrait au Dalmatien, Sam avec pigeon, 2020 et Écouter ton cœur, 2018 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Indépendamment de la qualité de leurs œuvres et de la pertinence de leur présence dans cette section, les dialogues Carmelo Zagari/Mohamed Lekleti puis Élisa Fantozzi/Gérard Lattier/Adrien Fregosi/Gaétan Vaguelsy paraissent parfois un peu difficiles et empruntés.

De fait, les œuvres isolées s’expriment avec plus de puissance. C’est notamment le cas pour Aldo Biascamano avec quelques séquences de sa Mythologie du passé, du présent et du futur de la ville de Sète.

Aldo BiascamanoMythologie du passé, du présent et du futur de la ville de Sète, 1992-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

C’est surtout très évident pour le Road-movie péplum : deux sirènes chez les Argonautes (2018 – 2021) de Becquemin & Sagot avec une inénarrable analyse de Nicolas Bourriaud.

Becquemin & SagotRoad-movie peplum ; deux sirènes chez les Argonautes, 2018 – 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Introduite par le tas de douilles de grenades de Guillaume Poulain (ZADs, 2021), la séquence « Bisous baston », qui emprunte son titre à la signature des publications d’Aurélie Piau sur les réseaux (« bisoucœurcâlinbaston »), multiplie les rapprochements très éloquents émaillés d’ironie, de dérision, de jeux de mots et de détournements.

Guillaume Poulain - ZADs, 2021 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Guillaume Poulain – ZADs, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

C’est notamment le cas dans la salle qui rassemble le DEHORS LES de Anne-Lise Coste, les toiles de Fabien Boitard (quatre Grimaces et un Puissant de 2021) et la détonnante installation Aurélie Piau (Roger love in prolo, 2021).

Anne-Lise Coste - DEHORS LES, 2019 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Anne-Lise Coste – DEHORS LES, 2019 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Fabien BoitardPuissant n°3 et Grimaces n°51, n°52, n°53 et n°54, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Aurélie PiauRoger love in prolo, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Autour des Armes (de poing) et des Canons de table de Daniel Dezeuze, les peintures à l’aérosol de Anne-Lise Coste, le Tapis de jeux et la série Nostalgisme de Marie Havel produisent des frictions assez réjouissantes qui contrastent avec les sombres pièces de Charlotte Caragliu (Death Fuck, 2020, The Rest of You, 2017 et Postcard from the Hell, 2021).

Daniel DezeuzeArmes (de poing), 1987-1988 et Armes (canons de table), 1987 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Marie HavelTapis de jeux, 7, 2021 ; Nostalgisme, 1, 2 et 6, 2019 et Nostalgisme, 25, 26, 27, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Charlotte CaragliuDeath Fuck, 2020 et The rest of you, 2017 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Des épitaphes grinçantes de Pablo Garcia (série Nous n’oublierons jamais, 2014-2021) ponctuent à partir de là le reste du parcours…

Pablo GarciaNous n’oublierons jamais, 2014-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

La troisième thématique « Symbiose et totems » occupe avec élégance et simplicité la grande salle qui ouvre sur la droite du patio. On sait combien ici la géométrie de l’espace, la présence de piliers et une lumière naturelle compliquée et changeante constituent pour chaque exposition un véritable défi.

Malgré le nombre d’œuvres présentées et leur hétérogénéité, l’accrochage parvient à ne pas disperser l’attention du visiteur ! Les associations construisent assez naturellement des cheminements plutôt réussis, avec pour commencer les Métamorphismes (2021) d’Audrey Martin et les Grands Pardessus (2019-2021) d’Anne Pons.

Anne PonsGrand pardessus, 2020-2021 et Grand pardessus, 2019
Audrey Martin – Métamorphismes, So far away et From rocks to dust, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Au centre de l’espace, les fragiles sculptures de Joëlle Gay (Pionnières, 2015 et Levées, 2018) s’imposent de manière étonnante, sous une lumière douce, flottant sur des plateaux fabriquées pour l’exposition et dont l’équilibre interroge…

Joëlle GayPionnières, 2015 Extrait, série Stanza et Levées, 2018 Extrait, série Champs Tactiles – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Ces pièces de Joëlle Gay et notamment celles de sa série Champs tactiles interprètent une partition délicate qui fait un magnifique contrepoint à un superbe ensemble d’objets récents (2020-2021) de Claude Viallat

Claude ViallatObjets, 2020-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

On peut y remarquer un Hommage à Daniel Dezeuze, figure tutélaire avec Viallat de cette biennale. Les plus perspicaces découvriront un clin d’œil aux armes(de poing) de celui qui fut avec lui un des membres fondateurs du groupe Supports/Surfaces.

Claude Viallat010ob2021 – Hommage à Daniel Dezeuze, 2021 et ??ob2021– SOL ! La biennale du territoireu MOCO Panacée

Parmi les très beaux rapprochements de cette salle, on peut signaler celui d’un des « dragons » de Pierre Unal-Brunet (Dae Silaurec, 2020) avec un des draps de Agathe David (Marigot magique, 2012-2021).

Pierre Unal-Brunet - Dae SILAUREC, 2020 et Agathe David - Marigot magique, 2018-2021 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Pierre Unal-Brunet – Dae SILAUREC, 2020 et Agathe David – Marigot magique, 2018-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Les sculptures Sans titre (2019-2021) de Natsuko Uchino dialoguent avec les délicates Mythologies intérieures (2018-2020) et les gants brodés (Le Jardin, 2019) de Lise Chevalier.

Natsuko Uchino - Sans titre, 2019-2021 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Natsuko Uchino – Sans titre, 2019-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Lise ChevalierMythologie intérieure, 2018-2020 et Le jardin, 2019 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

À noter également le face à face entre le paysage du quadriptyque de Julien Cassignol (Sans titre, 2021) et les cinq sentiers du Jardin des Sentiers qui bifurquent (2019-2021) d’Émilie Losch.

Julien Cassignol - Sans titre, 2021 - SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée
Julien Cassignol – Sans titre, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Émilie LoschJardin des Sentiers qui bifurquent, 2019-2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

Opportunément, Elsa Brès dispose d’un espace isolé et sombre pour la projection de son film Les Sangliers (2021) précédé par une sculpture (2020) appartenant à une série du même nom.

Elsa BrèsSans titre (série Les Sanglières) et Les Sanglières, partie 3, séquences 1&2, 2021 – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

De son côté, Clément Philippe bénéficie aussi d’une salle à l’écart pour les éléments de son installation performée Remède MKI (2017-2021). Introduite par une inscription funéraire de Pablo Garcia (A la recherche scientifique. Regrets) et une toile de Fabien Boitard (Ruissellement n° 4, 2021), cette pièce de Clément Philippe appartient à une section hybride entre « Bisous baston » et « Symbiose et totems »…

Clément Philippe – projet Section Confinement – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée. Photos de la performance par Marie Havel.

Avant de quitter La Panacée, un détour par les toilettes s’impose pour y écouter Les Monts-de-Venus (2021), une incontournable installation sonore de Ganaëlle Maury, autre diverticule de la séquence « Bisous baston »…

Dans une coursive, à l’articulation des deux premières thématiques, Folklore de la zone, propose une Fanzinothèque, dans un projet confié à Reno Leplat-Torti où on découvre une sélection des publications du territoire.

Folklore de la zone – SOL ! La biennale du territoire au MOCO Panacée

La moitié des artistes présente des œuvres nouvelles qui ont été produites par le MO.CO. pour la biennale.

Un catalogue devrait paraître début novembre avec une préface de Numa Hambursin, une Introduction et des notices de Rahmouna Boutayeb, Caroline Chabrand et Pauline Faure.

Une programmation accompagne SOL ! La biennale du territoire avec une projection-performance de la Mythologie du passé, du présent et du futur de la ville de Sète par Aldo Biascamano, une présentation préformée du Road-movie péplum par Becquemin & Sagot et une présentation de Lili, le double intime de Élisa Fantozzi dont il ne faut pas manquer son Envie d’être en vie (2017) perchée sur le toit de La Panacée.

Sous la direction artistique de Vincent Honoré, le commissariat très inspiré est assuré par Rahmouna Boutayeb, Caroline Chabrand et Pauline Faure.

À lire ci-dessous le texte de présentation extrait du dossier de presse à propos de l’idée de « décentrement » qui sous-tend l’exposition et un extrait de l’introduction au catalogue par les trois curatrices.

Ces premières impressions de visite seront complétées après un autre passage par La Panacée.

En savoir plus :
Sur le site du MOCO Montpellier Contemporain
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SOL ! La biennale du territoire : #1 Un pas de côté

(…) Cette première édition se concentre sur un phénomène de « décentrement » observé dans les pratiques artistiques contemporaines. L’artiste est souvent le radar, l’aiguillon qui ressent les changements, les menaces ou les enchantements du monde. Il/elle s’inscrit pleinement dans son temps, tout en exprimant une singularité lui permettant d’échapper aux normes en vigueur.
Depuis sa création en 2019, le MO.CO. poursuit cette même perspective de « décentrement » et accueille une création contemporaine qui s’accompagne souvent d’une défiance vis-à-vis d’un système autoritaire, hiérarchique, centré sur notre espèce, un système dont les valeurs sont établies selon des schémas de domination et des modèles périmés.

Les artistes quittent aujourd’hui les grandes capitales au profit de territoires moins denses, abandonnent les modèles de la production entrepreneuriale au profit de formes vernaculaires : les frontières entre art et artisanat, entre le noble et le prosaïque, s’estompent. Les œuvres dépendent désormais de lieux spécifiques, se transforment et évoluent au gré des cadres qui leur sont offerts. Ces grandes lignes nous ont conduits à cette première édition de la biennale, intitulée #1 Un pas de côté.

Les œuvres, montrées selon trois axes (« Symbiose et totems » le rapport à la nature ; « Nous sommes tous des légendes » le rapport à l’Histoire ; « Bisous baston » le rapport à la société), expriment ce décalage libérateur qui ouvre un rapport au monde dénué d’a priori, décomplexé face aux outils et matériaux de l’art, allant ici du pinceau à la branche, de la photocopie à la céramique émaillée, de la peinture en bombe aux pigments naturels. Un éclairage spécifique sera porté sur la scène des fanzines, tant cette forme particulièrement vivante à Montpellier et Nîmes notamment, incarne spontanéité et liberté de création.
(…)

Extraits du dossier de presse.

Extraits de l’introduction du catalogue

« Les équipes du MO.CO. ont écouté et regardé. Un fil a été tiré, même si bien sûr d’autres auraient pu l’être et le seront, car c’est bien cela la force de l’art : il n’est pas univoque, ne délivre pas de message. Il s’inspire, respire et échappe à toute forme de système normatif. L’humilité, une forme de naïveté enthousiaste et assumée qui déjoue les pièges de la normalisation, du centralisme, de la hiérarchie des styles ou des médiums cela pouvait faire communauté. Les artistes font avec ce qu’ils ont autour d’eux – un territoire, une histoire, une société qui les révolte souvent. Les trois chemins empruntés par l’exposition se sont dessinés avec les 31 artistes qui nous accompagnent aujourd’hui.

Le territoire d’abord une terre, la garrigue, la mer, le sol, les plantes, les chemins, les écorces… Nombre d’artistes du territoire crée au gré des résidences qui leur sont proposées. Les œuvres naissent alors de ces rencontres. […]

L’Histoire ensuite : sans nécessairement chercher dans le patrimoine bâti ou les sites remarquables d’un périmètre géographique, l’Histoire occitane est apparue comme celle des troubadours et des camisards, des résistants, des communautés qui ont fait un pas de côté face au centralisme étatique. Le socle commun pourrait être la revendication d’une liberté et de particularismes, inscrite dans une tradition souvent orale – le “biais” politique occitan est notamment analysé par Christian Conton et décrit comme celui du polycentrisme et de l’autonomie locale, forgeant une culture préférant le pluriel au singulier, respectant la différence et l’autogestion.

Ces quelques traits sont aussi ce que nous avons pu observer chez les artistes regroupés autour des thématiques baptisées “Nous sommes tous des légendes” et “Bisous Baston” – thématiques qui se croisent et se rejoignent d’ailleurs. L’homme et la femme, dans ce qu’il/elle a de plus libre y sont célébrés. Nous sommes tous des légendes, de par notre histoire, nos luttes, nos échecs et nos dépassements. […]

Le rapport au monde est le champ de création de l’artiste, et le pas de côté qu’ils font nous en offre une vision différente, parfois perturbante, toujours enrichissante.

Nous remercions les 31 artistes qui ont accepté de participer à cette exposition pour leur générosité, leur implication et leurs œuvres, qui nous autorisent, chacune à leur façon, à penser un ailleurs et un autrement, au-delà des systèmes et des habitudes, des normes et des injonctions. »

Rahmouna Boutayeb, Caroline Chabrand et Pauline Faure


Extraits de l’introduction du catalogue

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