Europa, Oxalá au Mucem

Aimé Mpane, Aimé Ntakiyica, Carlos Bunga, Délio Jasse, Djamel Kokene-Dorléans, Fayçal Baghriche, Francisco Vidal, John K. Cobra, Katia Kameli, Mohamed Bourouissa, Josèfa Ntjam, Malala Andrialavidrazana, Márcio Carvalho, Mónica de Miranda, Nú Barreto, Pauliana Valente Pimentel, Pedro A.H. Paixão, Sabrina Belouaar, Sammy Baloji, Sandra Mujinga, Sara Sadik


Jusqu’au 16 janvier 2022, le Mucem présente « Europa, Oxalá » dans les espaces d’expositions du Bâtiment Georges Henri Rivière au Fort Saint-Jean.

Dans une scénographie remarquable signée par Joris Lipsch et le Studio Matters, « Europa, Oxalá » rassemble une très intéressante sélection de travaux d’une vingtaine d’artistes et d’intellectuels européens dont les origines familiales se situent dans les anciennes colonies (au Congo, en Angola, en Guinée, au Bénin, en Algérie, à Madagascar). Parmi ces derniers, on retrouve plusieurs artistes présents sur la scène marseillaise, notamment à la Friche et au Frac Paca (Fayçal Baghriche, Katia Kameli, Mohamed Bourouissa, Sabrina Belouaar, Sammy Baloji, Sara Sadik). C’est aussi l’occasion de très belles découvertes (Carlos Bunga, Délio Jasse, John K. Cobra, Malala Andrialavidrazana, Nú Barreto, Sandra Mujinga).

La soixantaine d’œuvres rassemblées alimentent naturellement les problématiques liées « au racisme, à la décolonisation des arts et à la déconstruction de la pensée coloniale ».

La volonté des commissaires est aussi de montrer des œuvres qui « s’inscrivent dans ce que l’on appelle aujourd’hui la “post-mémoire” : elles témoignent de l’assimilation par des générations actuelles de mémoires plus anciennes, issues de contextes coloniaux, et transmises par la famille, parents et grands-parents ».

« Europa, Oxalá » affirme également l’ambition de faire comprendre comment « reçues à partir de territoires européens, ces voix, ces gestes, ces sons, ces témoignages de vie, sont à l’origine d’œuvres innovantes et expressives ».

Le format réduit de l’exposition, la pertinence des œuvres sélectionnées, un accrochage subtil et dynamique et une scénographie discrète, mais très efficace donnent à « Europa, Oxalá » une puissance étonnante au service du propos des commissaires, sans pour autant produire un discours trop didactique. Avec finesse, « Europa, Oxalá » sait laisser la place à l’expression de chaque artiste et aux émotions des visiteurs…

Au-delà de la salle d’exposition, l’espace de projection sur la droite en entrant dans le bâtiment Georges Henri Rivière présente les films de Katia Kameli dans les conditions peut être plus confortables que celles de l’installation au Frac Paca.

L’exposition est accompagnée d’un catalogue et d’un livre d’essais publiés par les Edições Afrontamento et disponibles en français, anglais, portugais et néerlandais.

« Europa, Oxalá » sera présenté en 2022 à la Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne) et à l’Africa Museum (Tervuren).
Le commissariat est assuré par António Pinto Ribeiro, commissaire, Université de Coimbra, Katia Kameli, artiste et commissaire et Aimé Mpane, artiste et commissaire.

On lira, dans l’entretien des commissaires avec le Mucem, les raisons du titre « Europa, Oxalá », pourquoi l’art contemporain peut aussi se situer dans le champ des études mémorielles et postcoloniales et ce qui rassemble les artistes choisis.

En savoir plus :
Sur le site du Mucem
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Entretien avec les commissaires António Pinto Ribeiro, Katia Kameli et Aimé Mpane

Que signifie « Europa, Oxalá » ? Pourquoi ce titre ?

Nous avons ainsi nommé l’exposition afin de véhiculer l’idée d’une Europe plurielle, mais unie. « Europa » nous vient de la mythologie occidentale. Oxalá est un terme portugais dont l’origine vient de l’expression arabe Insh’ Allah (« Si Dieu le veut ») et qui comporte plusieurs sens, tous liés au désir d’un futur où d’un événement positif. Par l’association de ces deux mots, nous affirmons notre volonté de rassembler au sein d’une Europe commune des géographies et des cultures supposées éloignées.

Ce projet se situe dans le champ des études mémorielles et postcoloniales. En quoi l’art contemporain peut-il aider à explorer ces notions ?

L’art contemporain est déterminant dans ce cadre, car dans la matérialité des œuvres d’art et de leurs récits, nous retrouvons des questions et des doutes semblables à ceux abordés dans ces études. C’est le cas, par exemple, des questions liées à la décolonisation des esprits, ou à la résistance aux modèles de domination encore pratiqués dans certains pays. L’art peut lutter contre le racisme contemporain, mais aussi aider à la relecture des histoires coloniales, de façon à créer des récits alternatifs.

Qu’est-ce qui rassemble ces artistes ? Partagent-ils des thématiques ou des langages plastiques ?

Ces artistes sont des enfants et des petits-enfants des générations qui ont vécu le processus de décolonisation. Ils soulèvent de nouvelles questions à partir de nouveaux territoires. Ils questionnent les histoires racontées (on non racontées) en Europe, les objets hérités du passé, mais aussi l’hégémonie de la modernité européenne et les différents récits autour des fantasmes coloniaux. Ces artistes revisitent des archives familiales ou issues d’organismes officiels et racontent ces histoires à travers des livres, des films et des œuvres d’art. De cette manière, ils redessinent la culture européenne ; aussi bien celle héritée de la tradition gréco-romaine que celle de la Mitteleuropa. Ces artistes deviennent les acteurs principaux d’une vision transnationale des arts, et ils jouent un rôle incontournable dans le cosmopolitisme européen du XXIe siècle.
Leurs parcours artistiques ont bien souvent comme point de départ le refus de tous les nationalismes artistiques, puisant dans les mémoires de leurs parents et grands-parents une matière première précieuse pour la réalisation de leur travail.

Certains d’entre eux n’ont pas d’ascendance liée aux anciennes colonies, mais ont commencé très tôt à travailler sur ces sujets que nous nommons, par simplicité de langage, « postcoloniaux ».

La matière sous-jacente à leur production artistique est le résultat de leurs réflexions sur les mémoires héritées de la période coloniale et des indépendances. Ces artistes participent à la production artistique internationale et contemporaine d’une façon très forte et incontournable.

Ils et elles s’expriment de façons très différentes. La singularité de leurs origines territoriales, les disciplines artistiques qui les inspirent, les théories avec lesquelles ils expliquent leurs pratiques, mais aussi leurs différences, se retrouvent dans la vaste diversité de techniques, de langages, et de formes que l’on peut voir dans cette exposition.

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