La Beauté en partage – 15 ans d’acquisitions au musée Fabre


Premières impressions, avant une chronique à suivre…

Un parcours très bien construit, un accrochage remarquable et une scénographie efficace illustrent parfaitement la cohérence de la politique d’enrichissement des collections…

Un peu plus d’une centaine d’œuvres sélectionnées avec soin sont présentées en dix séquences dans les espaces d’exposition temporaire.

  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Peinture italienne
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Sébastien Bourdon et le Grand Siècle
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Fabre et son temps
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Le bel ouvrage montpelliérain
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Promenade dans Rome
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Paysages méridionaux
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - George-Daniel de Monfreid et Auguste Chabaud, figures de la modernité
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Nouvelles voies de l’abstraction et Dans la mouvance de Supports-Surfaces
  • La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Nouvelles voies de l’abstraction et Dans la mouvance de Supports-Surfaces

D’autres acquisitions de ces 15 dernières années sont exposées dans les salles du musée, avec notamment un hommage à l’action de Georges Desmouliez et un accrochage très intéressant dans les salles voûtées du premier étage avec les œuvres de François Ristori, récemment entrées dans les collections, un regard sur le groupe B.M.P.T. et des toiles de Jean-Michel Meurice et Jean-Pierre Pincemin acquises lors de la dispersion de la collection de Daniel Cordier.

Un commissariat très inspiré sous la direction de Michel Hilaire avec Florence Hudowicz, Maud Marron-Wojewodzki et Pierre Stépanoff.

Chronique à suivre dans « En revenant de l’expo ! »…
En attendant, à lire ci-dessous, les textes de salle des dix section du parcours (extrait du dossier de presse)

En savoir plus :
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​Parcours de l’exposition

Se déployant dans les salles d’exposition temporaire du musée, le parcours propose un vaste voyage dans l’histoire de l’art, de la Renaissance jusqu’à l’art contemporain, donnant à voir des œuvres d’artistes internationaux aussi bien que des figures majeures de la scène montpelliéraine, des maîtres du passé tout autant que des artistes vivants, des peintres célèbres comme des artistes en pleine redécouverte. Peinture, sculpture, dessin et arts décoratifs, tous les médiums et toutes les techniques se conjuguent pour offrir une visite riche et stimulante, à l’exemple des collections du musée Fabre dans leur ensemble.

​Peinture italienne

Depuis sa fondation en 1825, le musée Fabre conserve un important ensemble de tableaux italiens du XVIe et surtout du XVIIe siècle, dont l’enrichissement se poursuit aujourd’hui. Cette singularité s’explique par le goût de son fondateur François-Xavier Fabre (1766-1837) : né à Montpellier, ce peintre et collectionneur résida pendant plus de trente ans à Rome puis à Florence. Il se prit de passion pour les artistes de la péninsule italienne, notamment les peintres florentins et bolonais du XVIIe siècle. A son retour à Montpellier, Fabre offrit ainsi une centaine de tableaux italiens à sa ville natale.

La politique d’acquisition montpelliéraine s’efforce aujourd’hui de perpétuer ce goût, tout en ouvrant la collection vers des mouvements et des territoires italiens jusqu’alors peu représentés. La peinture caravagesque, très appréciée du public contemporain, trouve sa magistrale et pathétique expression dans La Déploration sur le Christ mort , de Leonello Spada, acquise en 2012. La peinture napolitaine a également fait l’objet d’une attention toute particulière : depuis 2013, des toiles d’Andrea Vaccaro, de Bernardo Cavallino, de Salvator Rosa et tout récemment, une spectaculaire Judith et Holopherne de Filippo Vitale (exposée à partir du 27 janvier) illustrent le sens du drame et le goût du clair-obscur propre aux peintres de cette cité. Le Mariage mystique de sainte Catherine du Génois Giovanni Battista Paggi (visible jusqu’au 26 janvier) propose une autre esthétique, à la fois dévote et précieuse, à l’orée du XVIIe siècle.

​Sébastien Bourdon et le Grand Siècle

Né à Montpellier en 1616, le peintre Sébastien Bourdon est un artiste de tout premier plan du XVIIe siècle français, époque majeure d’épanouissement des arts surnommée le « Grand Siècle ». Sa carrière d’ampleur européenne le mène à Rome, à Paris et jusqu’à Stockholm. Il s’intéresse à tous les genres et pratique la peinture religieuse, mythologique ainsi que le paysage et les scènes de bataille ou de taverne. Curieux de tous les styles, il s’inspire des scènes truculentes des peintres nordiques, des mythologies séduisantes du jeune Nicolas Poussin son aîné, avant d’évoluer vers un classicisme à l’éloquence démonstrative. Le musée Fabre est particulièrement attentif à proposer le plus riche résumé de toutes les facettes de ce peintre majeur.

Les contemporains de Bourdon, ses modèles ou ses collègues, ne sont pas en reste. C’est ainsi qu’une Diseuse de bonne aventure , inspirée de Caravage et peinte par Jean Tassel, de même qu’une composition religieuse au classicisme sévère d’Eustache Le Sueur, ont récemment rejoint les collections. Le tableau de Nicolas Poussin, Vénus et Adonis, à la fois poétique et sensuel, avait été coupé en deux parties vers la fin du XVIIIe siècle. La partie droite, illustrant l’étreinte de la déesse de l’amour et du jeune chasseur, fut donnée par Fabre en 1825. La partie gauche, avec le dieu fleuve, fut quant à elle achetée il y a dix ans grâce aux efforts conjoints de l’Agglomération de Montpellier, de la Région Languedoc-Roussillon, du Ministère de la Culture et de nombreuses entreprises mécènes. Cette acquisition rend toute son ampleur à cette œuvre de jeunesse de Poussin et illustre la capacité des musées à reconstituer un patrimoine parfois amputé par l’histoire.

​Fabre et son temps

François-Xavier Fabre, collectionneur et fondateur du musée de Montpellier, fut également peintre : élève de David, lauréat du Grand Prix de l’Académie, formé à la peinture d’histoire à Rome, il devient un portraitiste particulièrement prisé par la clientèle cosmopolite de Florence. Par ses acquisitions, le musée s’efforce d’assoir pleinement cette stature de peintre et d’évoquer les multiples aspects de son art et l’évolution de sa carrière des années 1780 jusqu’à sa mort en 1837.

À cette époque, le goût néoclassique, qui prône la rectitude de la ligne, la simplicité des formes et l’élégance du style, se diffuse en Europe. Fabre, qui s’intègre pleinement à ce mouvement artistique, eut à cœur de collectionner des œuvres de ses contemporains partageant ses principes. Cette démarche, poursuivie jusqu’à nos jours, fait du musée de Montpellier une des collections les plus riches de France et du monde en art néoclassique, de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Les compositions de Bidauld et de Valenciennes révèlent une conception renouvelée du paysage : qu’il s’agisse de narrer un récit mythologique ou de dépeindre un site pittoresque, l’artiste fonde sa composition sur une connaissance précise de la nature, de la lumière et des effets atmosphériques. Les tableaux de Mallet et de Gagneraux, inspirés du langage de l’Antiquité, illustrent le goût de l’allégorie sentimentale. C’est au contraire une vision dramatique et pathétique de l’Antiquité qu’illustre Jean-Baptiste Giraud à travers son Achille blessé , tout en tension. Ce plâtre est préparatoire au marbre qu’il exposa avec succès lors du Salon de 1789. La Tendresse conjugale de Louis Léopold Boilly propose un goût différent : sensible à la lumière et aux coloris des Hollandais du XVIIe siècle, il propose une chronique tendre et attachante de la vie bourgeoise de son temps.

​Le bel ouvrage montpelliérain

Toutes les époques connaissent leurs chantiers. La restructuration de l’hôtel de Cabrières- Sabatier d’Espeyran s’est fondée sur le principe d’y développer le département des arts décoratifs du musée Fabre. Dès lors il a été décidé d’élargir les collections aux grandes productions traditionnelles, principalement dans les domaines de la faïence d’apothicairerie et de l’orfèvrerie, contemporaines de l’essor de la ville de Montpellier aux XVIIe et XVIIIe siècles. La société des amis du musée Fabre, ainsi que la Fondation d’entreprise ont largement contribué à cette nouvelle orientation à travers notamment les acquisitions de pièces remarquables des premiers ateliers de céramique ou de la manufacture royale Jacques Ollivier pour la faïence et, pour l’orfèvrerie, de la dynastie des Bazille, maîtres-orfèvres sur plusieurs générations.

Toutes les époques connaissent leurs chantiers d’envergure et le projet qui a agité tout le XVIIIe siècle à Montpellier est celui de la place du Peyrou qui domine la ville, doublé de celui de la construction de l’aqueduc des Arceaux pour alimenter la ville en eaux. Ces grands travaux n’ont pas manqué de frapper l’imagination des artistes et de les solliciter dans les programmes décoratifs monumentaux. Le sculpteur Etienne d’Antoine reçoit la commande de la fontaine des Trois Grâces ainsi que celle des Licornes, tandis que Jean Journet, natif de Sumène, réalise une fontaine représentant Montpellier sous les traits de Cybèle, distribuant les eaux aux habitants, désormais place Chabaneau. Le grand sculpteur Augustin Pajou, dont le spectaculaire buste du parfumeur Riban trône au milieu de la salle, a également participé aux projets de décor, non exécutés, de cette promenade royale qui a également inspiré de manière inédite le décor en façade d’une commode fabriquée à la fin du XVIIIe siècle, peut-être dans le cadre des festivités inaugurales de la place.

Par ailleurs, les peintres ont également joué un grand rôle dans le dynamisme culturel de Montpellier au XVIIIe siècle : par exemple Dominique Van der Burch, ou encore Jean Coustou, ont contribué par leurs peintures ornementales, à décorer les intérieurs des hôtels particuliers ou des églises, mais aussi à l’animation de la Société des beau-xarts fondée en 1779. Le peintre Joseph Marie Vien contribuait également à la renommée, mais à une autre échelle, de sa ville natale, en devenant directeur de l’Académie de France à Rome en 1775.

​Promenade dans Rome

Depuis la Renaissance, la Ville éternelle attire les voyageurs, désireux de découvrir les vestiges et monuments antiques des Romains. Mais ce voyage initiatique prend pour les peintres une ampleur inédite à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle. Les artistes cherchent à renouveler leur démarche, en mêlant une connaissance archéologique de l’Antiquité à une observation des sites et des mœurs italiennes. La collection du musée Fabre est profondément marquée par ces trajectoires, et continue à s’enrichir de ces exemples aujourd’hui.

A l’aube ou à midi, les inflexions de la lumière sur la physionomie d’un paysage fascinent le peintre anglais Joseph Wright of Derby comme le Suisse François Sablet. Le Belge Philippe Van Brée et l’Allemand Henri Lehmann cherchent à retrouver le beau-idéal à travers les silhouettes pittoresques du peuple de Rome. Pour Dominique Papety, fidèle émule d’Ingres, une connaissance approfondie de l’archéologie permet de faire surgir, dans ses Femmes à la fontaine , une vision inédite de l’Antiquité, cohérente, tangible et colorée. Plus sensible à l’époque de la Renaissance, le Montpelliérain Alexandre Cabanel propose une mise en scène saisissante de l’atelier de Michel Ange : perdu dans ses méditations, l’artiste tourmenté ne remarque pas l’arrivée du pape Jules II et de sa cour. Son élève Louis-Emile Adan, sans doute influencé par la photographie naissante, adopte une démarche plus réaliste, en peignant largement le spectacle d’un prêche dans une église de Rome.

​Chefs-d’œuvre de papier, beauté fragiles

François-Xavier Fabre, en donnant toute sa collection de dessins et gravures, soit plus de mille pièces, constituait le premier cabinet d’arts graphiques contemporain de la création du musée. Il se composait alors selon deux axes majeurs : un premier ensemble correspondant à ses goûts de collectionneur et d’artiste formé à l’école néoclassique, avec les dessins italiens et français de la Renaissance au XVIIIe siècle ; et un second ensemble, tout aussi important, formé de ses propres dessins, près de six cents, préparatoires ou aboutis, qui décrivent de façon exemplaire sa pratique artistique.

Depuis, d’importantes donations se sont succédé au XIXe siècle, Valedau, Bruyas, Bonnet-Mel et Canonge, venant conforter et élargir le fonds de Fabre collectionneur. Le XXe siècle a quant à lui poursuivi la tradition initiée par Fabre artiste avec l’acquisition d’ensembles monographiques, par exemple de Vincent Bioulès, Alexandre Hollan, Daniel Dezeuze, Dominique Gauthier, Christian Jaccard ou d’autres encore à venir, pour lesquels le dessin ou l’œuvre sur papier occupent une place fondamentale dans la pratique de leur art.

Aujourd’hui, la fragilité constitutive des œuvres graphiques, dont les supports et certaines techniques supportent mal l’exposition à la lumière ou à l’humidité, oblige, pour des raisons de préservation, à un strict contrôle du climat, de la lumière, mais aussi de la durée de présentation. Ces contraintes d’exposition spécifiques comptent également dans le choix des acquisitions pour le cabinet des dessins.

Ainsi toutes les opportunités d’enrichir les collections pour les artistes de référence tels que François-Xavier Fabre, Dominique Papety ou encore Alexandre Cabanel et, plus largement tous les artistes ayant un lien avec la région, sont privilégiées et surveillées avec attention. À titre d’exemple, un solide fonds de référence se construit depuis plus d’une vingtaine d’années pour l’œuvre du peintre, dessinateur et écrivain Jean Hugo, arrière-petit-fils de l’illustre poète.

​Paysages méridionaux

L’émergence de la représentation de sites méridionaux en peinture est l’une des tendances fortes de l’art du paysage au cours du XIXe siècle, et constitue l’un des axes majeurs des collections du musée Fabre. Les tableaux languedociens de Gustave Courbet, qui séjourne à Montpellier durant l’été 1854, puis les peintures de Frédéric Bazille, témoignent de l’apparition d’une sensibilité particulière à la lumière du Midi, à l’aube de l’impressionnisme. L’ensemble de lettres, tout récemment acquis, issu de la correspondance du jeune peintre avec sa famille atteste de la nécessité du lien avec son environnement natal. L’artiste montpelliérain, bien qu’installé à Paris, s’inspire dans nombre de ses œuvres de la terre de son enfance, et du domaine de Méric tout particulièrement. Il devient l’une des figures de référence de la scène artistique régionale tout au long du siècle suivant.

Si son cousin Max Leenhardt, son contemporain Édouard Marsal, et, plus récemment, Philippe Pradalié, aiment à donner à voir la vie sociale et les mutations de leur époque au sein de ces paysages lumineux, de nombreux peintres se sont attachés à en retranscrire la beauté austère et dénudée, à l’instar de Jules Laurens et Vincent Bioulès dans leurs toiles et aquarelles.

La Beauté en partage - 15 ans d’acquisitions au musée Fabre - Paysages méridionaux
La Beauté en partage – 15 ans d’acquisitions au musée Fabre – Paysages méridionaux

Ancien élève de l’école des beaux-arts de Montpellier, le peintre Jean-Pierre Blanche, établi près d’Aix-en-Provence, continue d’exprimer au plus juste le rendu matériel et temporel de la lumière à travers des motifs de prédilection : les arbres et les atmosphères du crépuscule autour de la Bastide où il habite. La diversité des paysages, la force solaire mais également les mystères naturels des pourtours de la Méditerranée ont inspiré bien au-delà des frontières nationales, en atteste l’énigmatique Ile Maïre , des environs de Marseille, du Danois Emanuel Larsen.

​George-Daniel de Monfreid et Aguste Chabaud, figures de la modernité

Depuis ces quinze dernières années, le musée, s’il a poursuivi le développement de ses collections dans lignée de ses fondateurs et grands donateurs du XIXe siècle, a également constitué de nouveaux fonds autour de figures importantes, au croisement des réseaux artistiques parisiens et de la scène picturale du Midi.

Entre 2017 et 2021, ont ainsi été acquises six œuvres de l’artiste George-Daniel de Monfreid, jusqu’alors absent du fonds du musée. Peintre et collectionneur d’art, ce dernier naît à New York en 1856 et passe son enfance dans les Pyrénées avant de s’orienter vers la peinture et suivre des cours à l’Académie Julian à Paris. Il devient alors l’ami de nombreux artistes et poètes dont Paul Verlaine, Victor Segalen, Aristide Maillol, et surtout Paul Gauguin qu’il rencontre en 1887 et dont il deviendra le confident, mais également l’un de ses premiers biographes et mécènes. Il expose pour la première fois au Salon de Toulouse, puis au Salon des artistes français à Paris en 1877 et participe à l’exposition de peintures du Groupe impressionniste et synthétiste au Café des Arts aménagé par M. Volpini pendant l’Exposition Universelle. En 1891, il expose pour la première fois au Salon des Indépendants. Si l’œuvre de Monfreid s’inscrit d’abord dans le mouvement pointilliste, son style se rapproche au tournant du XXe siècle de celui de Gauguin et du groupe des Nabis dont il est proche.

Si l’œuvre d’Auguste Chabaud avait fait l’objet d’une acquisition par la Ville de Montpellier en 1940, six tableaux et plusieurs dessins du peintre ont pu entrer dans les collections grâce à des dons et achats ces dix dernières années. Né à Nîmes, entré à l’école des beaux-arts d’Avignon en 1896, Auguste Chabaud part à Paris poursuivre ses études à l’Académie Julian et à École des beaux-arts, dans l’atelier de Fernand Cormon où il rencontre notamment Henri Matisse et André Derain. C’est lors de son service militaire en Tunisie, entre 1903 et 1906, remplissant des carnets de croquis, qu’il s’attache à représenter la vie locale, dont le quotidien des soldats et des communautés indigènes. À son retour à Paris, il expose en 1907 au Salon des Indépendants parmi les fauves, proposant, dans une veine colorée outrancière, une vision désenchantée de la modernité. Il dépeint l’atmosphère de la nuit parisienne, des cabarets et des maisons closes. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale qu’il s’installe à nouveau dans le Midi, à Graveson. Il se consacre alors principalement à la peinture de scènes et de paysages de la région, dans des teintes plus froides et terreuses.

​Nouvelles voies de l’abstraction

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’abstraction devient le courant dominant de la scène artistique française. Celle-ci, défendue par des critiques, des galeries et des salons, se déploie sous différentes formes, de l’abstraction dite lyrique à l’abstraction géométrique. Alors que dès les années 1940 l’art moderne fait son entrée au musée Fabre, d’éminentes figures de la peinture abstraite y bénéficient de plusieurs expositions et de premières acquisitions, notamment Pierre Soulages en 1975, lui qui avait étudié brièvement, trente ans plus tôt, à l’école des beaux-arts de Montpellier.

Dans cette lignée, le musée Fabre entreprend depuis une vingtaine d’année la constitution d’un fonds cohérent et représentatif de la peinture abstraite en France d’après-guerre. En 2005, une donation d’une vingtaine d’œuvres de l’artiste aveyronnais, maître de « l’outrenoir » et représentant majeur de l’abstraction française, a considérablement enrichie les collections du musée, complétées par un nouveau don en 2013 de la Fondation d’entreprise du musée Fabre.

Cette dernière a très largement contribué aux acquisitions relatives aux différentes voies de l’abstraction. L’art du monochrome tout d’abord, avec l’achat d’une œuvre de Geneviève Asse, également à l’origine d’une importante donation en 2013. Le travail de la peintre bretonne, récemment décédée, est d’abord caractérisé par la production de natures mortes et de paysages, avant d’évoluer au tournant des années 1960 vers une abstraction totale, dans laquelle l’artiste étudie la lumière et les jeux de transparence. A partir des années 1980, Geneviève Asse s’adonne exclusivement à des recherches chromatiques sur le bleu à la manière de l’exploration du noir par Pierre Soulages.

Chez Martin Barré, une même réduction des moyens picturaux est à l’œuvre, l’artiste nantais s’intéressant à l’espace même du tableau où la peinture se révèle. Dès les années 1960, le peintre travaille directement avec un tube de peinture tranché, qui devient son outil, et n’intervient que sur une partie très réduite de la toile, se concentrant sur ses bords. Cette tension entre les éléments formels se retrouve dans l’œuvre de Didier Demozay, héritier de l’abstraction parisienne mais plus encore de l’art américain qu’il découvre chez le galerie Jean Fournier. Son écriture tremblée côtoie d’imposants aplats de couleurs, qui font écho, comme chez Barré, à la structure du tableau.

Dans la mouvance de Supports/Surfaces

Parfois considéré comme la dernière avant-garde du XXe siècle, bien que ses protagonistes aient toujours rejeté cette notion, le groupe Supports/Surfaces se forme officiellement en 1970 à l’occasion d’une exposition du même nom au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Cette exposition réunit Vincent Bioulès, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat. Ces artistes sont rejoints par André-Pierre Arnal, Louis Cane, Noël Dolla, Toni Grand et Jean-Pierre Pincemin, lors de trois autres expositions tenues sous l’appellation Supports/Surfaces, et dont la dernière aura lieu en 1972, au Centre Lacordaire à Montpellier. Ces expositions marquent ce que d’aucuns appellent « le retour à la peinture », mais avec des moyens radicalement nouveaux : l’utilisation de la toile libre, le refus du pinceau, la simplicité des schémas de composition, la banalité du matériau observé d’un point de vue formel, sont autant de procédés mis en oeuvre afin de laisser visible et immédiatement perceptible la manière dont la toile est faite. Les membres du groupe se connaissent pour la plupart depuis le milieu des années 1960.

En 1970, a ainsi lieu à Montpellier, à l’initiative de certains membres fondateurs du groupe, « Cent artistes dans la ville », manifestation qui permet l’investissement par l’art de l’espace public. Les artistes s’intéressent davantage à la perception globale de l’espace où l’ensemble des œuvres se déploient qu’à chacune des pièces prises individuellement. Ces artistes opèrent une critique analytique du tableau traditionnel qui repose autant sur l’esthétique que sur l’éthique. Dans un contexte politique fortement marqué par le marxisme et le maoïsme, ces artistes partagent la volonté militante de placer l’œuvre d’art au cœur de la vie quotidienne, dans une comparaison avec le travail de l’artisan.

Ce mouvement réunit de nombreux artistes originaires de la région de Montpellier et passés par l’école des beaux-arts de la ville. C’est pourquoi, depuis la fin des années 1990, le musée Fabre a constitué un fonds exceptionnel autour des représentants de ce mouvement et de ses filiations, avec plus d’une centaine de toiles et œuvres en volumes qui évoquent la diversité des pratiques du groupe. Cet ensemble n’aurait pu exister sans la générosité des artistes eux-mêmes qui ont fait don de nombreuses de leurs œuvres au musée, comme c’est le cas de l’intégralité de celles présentées dans cette salle.

Dans les collections…

​Georges Desmouliez, l’entrée de l’art abstrait au musée

Salle 44

Ancien professeur de droit à l’Université de Montpellier, Georges Desmouliez (1917-2004) fut dès 1959 conseiller municipal, délégué aux Beaux-Arts et aux Affaires culturelles de la Ville de Montpellier, sous la mandature de François Delmas, jusqu’en 1977. Collectionneur et amateur d’art, il a été à l’initiative de nombreuses expositions consacrées à l’art abstrait, dont la première dédiée à Pierre Soulages en 1975. Durant toute sa vie, il a constitué une importante collection d’art moderne, dont certaines toiles furent récemment acquises par le musée Fabre.

​Dans la lignée de Jean Fournier

Salle 48

Galeriste parisien, Jean Fournier présente dès les années 1950 l’œuvre de Jean Degottex, Marcelle Loubchansky mais également celui de Simon Hantaï qu’il rencontre en 1955. Si Jean Fournier s’attache à mettre en valeur la singularité de chacun des artistes qu’il représente, le primat qu’il accorde à la couleur et à l’abstraction pure est manifeste chez les artistes qu’il expose, tout aussi bien notable chez Hantaï, dans le travail de Claude Viallat qu’il rencontre en 1968, qu’au sein de l’œuvre d’une troisième génération d’artistes, à l’instar de Bernard Piffaretti ou Didier Demozay. À l’occasion de la réouverture du musée en 2007, plusieurs dons, achats et dépôts d’œuvres issues du fonds de la galerie ont rejoint les collections du musée Fabre, présentées au sein de trois salles du parcours permanent.

​Une abstraction radicale : François Ristori – B.M.P.T. avant Supports/Surfaces

Salles 49 à 52

Depuis plusieurs décennies, le musée Fabre s’attache à représenter les différentes formes de l’abstraction picturale, contemporaines du mouvement Supports/Surfaces dont un certain nombre de représentants sont originaires de la région de Montpellier. Au cœur des débats politiques de la fin des années 1960, les œuvres de François Ristori, récemment entrées dans les collections du musée Fabre, celles du groupe B.M.P.T. et celles de Supports/Surfaces témoignent d’une radicalité qui interroge les fondements de la peinture et son rapport à l’environnement.

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