La Relève 4, Veiller au Centre Photographique Marseille

Chloé Erb • Nabila Halim • Corentin Laplanche Tsutsui • Jade Maily • Claire Maroufin • Emma Tholot • Aliha Thalien • Lingjun Yue


Jusqu’au 26 mars prochain, le Centre Photographique Marseille accueille « La Relève 4, Veiller » dans le cadre du festival Parallèle 12. Pour la seconde année consécutive, l’équipe du CPM présente dans d’excellentes conditions le travail des huit jeunes artistes sélectionné·e·s.

Très bien construit, l’accrochage offre les espaces nécessaires à chacun pour que leurs images puissent « “veiller” en nous et sur nous »…

À l’entrée, la lumière du jour trompe la vigilance de la cigale de Chloé Erb (Discret device for smashing entrance, 2022), au moins en début d’après-midi.

Emma Tholot – Bona Nit, 2018- en cours

Après la demi-cimaise qui sépare opportunément depuis quelques mois l’espace d’exposition du hall, Emma Tholot propose avec sa série Bona Nit (2018 – en cours) un premier moment fort du parcours.

Suspendues au plafond, 13 photographies imprimées par sublimation accompagnent deux pièces qui mêlent tirages et matériaux textiles. À travers cette sorte de labyrinthe, Emma Tholot nous invite à rencontrer Maria et sa famille.

On y croise la figure d’un grand-père présenté comme veilleur et magicien et celle de Margarita qui berce sa petite-fille avec des comptines dont une certaine Bona Nit (bonne nuit) qui est sa favorite…

« Après le village de Jesús, il y a, à droite de la route, l’entrée du chemin rocailleux, et au bout, Maria et sa famille. Il y avait quarante ans qu’aucun enfant n’était né à S’Estanyol. Pépé, présence masculine, posture d’un Merlin l’Enchanteur des temps modernes, règne sur les terres depuis des générations. Il nourrit les poules et le paon Pavarotti. C’est un veilleur. Margarita, la grand-mère, berce sa petite-fille sur des comptines paysannes des années d’après-guerre — Bona Nit (bonne nuit) est la préférée de Maria et de son amie Céline. Elle leur raconte aussi en patois, les légendes des sorcières, des créatures barraguets et du dieu protecteur Bes, qui fait fuir les forces du mal. Vipères, scorpions, ne survivent pas à ses sorts ni à la terre rouge dite sacrée d’Ibiza ».

Ces photographies, issues de situations documentaires, parfois rejouées, sont remarquablement construites et exposées. Elles imposent à elles seules un passage par le Centre Photographique Marseille…

Emma Tholot est née en 1994. Diplômée en Photo/Vidéo en 2020 de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris.
https://emmatholot.com/bona-nit/

Jade MailyPhotographie témoin d’un écran d’un arrêt sur image, 2019- 2021

Au fond du premier espace de la galerie, Jade Maily présente une large impression sur bâche nautique dont le titre laisse perplexe : Photographie témoin d’un écran d’un arrêt sur image d’une vidéo performative d’une expérience d’échecs qui n’existe pas dans la forêt (2019-2021).

Un regard insistant sur l’œuvre ne suffit pas à en percevoir réellement le sens. Le texte du dossier de presse offre quelques pistes sans pour autant éclaircir tout à fait la signification de cette image :

« Le cœur de ce travail vient d’une réflexion autour des objets nécessaires à la survie humaine impliquant le point de vue du sensible comme condition essentielle à cette dernière. En faisant écho à des problématiques d’urgence, l’installation contribue également à brouiller les certitudes du spectateur en instituant une accumulation de doutes autour des conditions de vue de l’image tout autant qu’elle invite à nous interroger autour de l’autorité de l’image photographique ».

Jade Maily est née en 1996 à Beaune. Vit et travaille à Marseille. Diplômée en 2019 d’un DNSEP Art, à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon.
https://jademaily.cargo.site/Phototemoin

Au centre du CMP, les six photographies de Lingjun Yue (Après que le soleil se soit couché, 2020-2021) cohabitent sans problème avec l’installation How deep is your love (2021) de Nabila Halim.

Lingjun YueAprès que le soleil se soit couché, 2020-2021

Avec pertinence, les tirages de Lingjun Yue sont contrecollés sur Dibond, évitant ainsi tout reflet. En effet, le sujet de sa série aurait certainement très mal supporté un encadrement sous verre…

Ces photographies ont été prises chez des personnes invitées à imaginer une sculpture temporaire à partir d’objets quotidiens trouvés à leur domicile. Éclairées par leur téléphone portable, ces « architectures » évoquent la tour des bouddhistes (Marnyi stone). À leur propos, le dossier de presse rapporte ces propos de Lingjun Yue :

« La tour que l’on construit est pour moi un symbole, une sorte de Marnyi stone sous forme moderne. En Chine, on construit des Marnyi stones dans la nature avec des pierres. Elles sont parfois seules, souvent éphémères et fragiles. Mais c’est un espoir qu’on donne à la vie et un hommage aux âmes mortes ».

Lingjun YueAprès que le soleil se soit couché, 2020-2021. Photographies couleur, jet d’encre sur papier Fine Art, contrecollé sur Dibond – La Relève 4, Veiller au Centre Photographique Marseille

On se souvient avoir découvert Lingjun Yue avec quelques photos d’une série intitulée Habité. es qu’elle avait présentées lors de « Politiques du silence », l’exposition des diplômé. e. s du MO.CO. Esba en juillet 2021. Nul doute que son travail mérite d’être suivit…

Lingjun Yue est née en 1993 à Sichuan. Vit et travaille à Montpellier. Diplômée en 2021 d’un DNSEP Art de l’École Supérieur des Beaux-Arts Montpellier Contemporain.
https://www.instagram.com/lingjun.yue/?hl=fr

Nabila HalimHow deep is your love, 2021

L’installation de Nabila Halim, How deep is your love (2021) est un autre temps fort de « La Relève 4, Veiller ».

Résidente à la Friche en fin d’année 2021 et accompagnée par Fræme dans le cadre du programme Résidences Méditerranée, Nabila Halim présente une série de dix photographies de colis « reçus du bled ».

Emballés avec soins par des proches, ces paquets racontent des histoires et « transportent l’amour du Maroc vers la France, vers les enfants exilés ».

« Étudiant. e. s ou travailleur.se. s à l’étranger, nous avons toustes une histoire avec ces colis préparés par les parents et envoyés depuis le pays d’origine » confie Nabila Halim.

Face à ces images aux couleurs vaporeuses et acidulées, Nabila Halim a installé au sol des moulages en plâtre des objets reçus. Ils devraient à terme peser le même poids que les colis.

Plusieurs photographies de cette série ont été choisies comme visuels pour la communication de « La Relève 4, Veiller ».

Nabila Halim est née en 1989 au Maroc. Vit et travaille à Nancy. Diplômée d’un DNSEP en 2018 de l’École Nationale Supérieure d’Art et de Design de Nancy.

La salle qui ouvre sur la droite, dont un des accès a été occulté, rapproche le travail de deux artistes plus par la nécessité partagée d’un éclairage réduit que par l’urgence des conversations qu’elles pourraient entretenir…

Corentin Laplanche TsutsuiOmbres portées, 2022

L’installation de Corentin Laplanche Tsutsui (Ombres portées, 2022) présente deux photographies du chantier d’une pagode tokyoïte, juste avant et juste après l’extinction des lumières. Imprimées sur plexiglas, elles sont rétroéclairées par une série de rubans leds. L’ensemble est « encadré » par une imposante structure en acier recouverte par des filets de chantier…

Par ses dimensions et par sa structure, Ombres portées intrigue et attire irrésistiblement le regard. L’œuvre s’inscrit dans un ensemble de pièces intitulé « Ville Composite » qui préfigure un projet de film. À suivre…

Corentin Laplanche Tsutsui vit et travaille à Marseille. Diplômé en Photo/Vidéo en 2018 de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris.
https://www.instagram.com/corentinlaplanchetsutsui/?hl=fr

Aliha ThalienDes corps, 2021 et État de rêve, 2021

Par la « fluidité et superposition des images », le dossier de presse suggère une résonance entre l’installation de Corentin Laplanche Tsutsu et les pièces proposées par Aliha Thalien. Ce qui ne nous a pas vraiment sauté aux yeux…

Aliha ThalienDes corps, 2021. Sculpture en résine acrylique, silicone, polystyrène et ampoule – La Relève 4, Veiller au Centre Photographique Marseille

Avec Des corps (2021), Aliha Thalien présente une sculpture en résine éclairée par une veilleuse qui diffuse une lumière rosée. Sur ce qui peut s’apparenter à une stèle, on déchiffre un texte manuscrit composé à plusieurs mains. Ce cadavre exquis offre « le récit d’un rêve possible mais qui n’a jamais eu lieu »…

Au sol, État de rêve (2021) est constitué par le moule de la pièce précédente sur lequel est projeté un film de found footage… Ces « images trouvées », tremblantes et délavées, sont « autant de bribes indéchiffrables de secrets réels ou imaginaires »…

Née en 1994. Aliha Thalien vit et travaille en Seine Saint-Denis. Diplômée d’un master de cinéma à La Sorbonne Paris I et d’un DNSAP à l’École des Beaux Arts de Paris.
https://www.alihathalien.fr/

Claire MaroufinTélé-travail, 2021-2022

Attention ! Ne pas oublier (comme j’ai failli le faire), la salle habituellement destinée aux projections. Claire Maroufin y présente Télé-travail (2021-2022), une installation composée d’imprimantes, scanners, écrans, lecteurs disques, cassettes, chaîne hi-fi, téléphones, machine à écrire, ordinateurs portables, vidéo projecteur, miroir, prises à minuterie, guirlandes lumineuses et cartes électroniques arduino.

Ces objets en veille, pas toujours récents, offrent selon le dossier de presse « une vision paradoxale de la nuit » :

« La nuit resterait le dernier objectif du capitalisme, sa dernière conquête à mener, afin que son emprise soit totale, sur nos corps, notre temps, nos rêves, en tout lieu et en tout moment. Ainsi la nuit déployée ici est une nuit parsemée des reliefs d’un festin technologique épuisé. Une nuit de veille, une nuit sans sommeil et une nuit sans fin, contrainte, une veille forcée où une technologie, ironiquement obsolète, en devient l’instrument et l’auxiliaire paradoxal »…

Claire Maroufin est diplômée en Design Graphique et multimédia en 2021 de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris.
https://www.instagram.com/claire.maroufin/?hl=fr

Commissariat : Erick Gudimard
Accompagnement artistique : Nicolas Feodoroff
Montage : Tous les artistes ainsi que Victorien Vicente, Camille Varlet et Clara Nebinger.

Merci à Clara Nebinger pour la gentillesse de son accueil et l’intérêt de nos échanges autour des propositions artistiques.

En savoir plus :
Sur le site du Centre Photographique Marseille
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