Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Carlos Amorales • David Askevold • Joseph Beuys • Pierre Bismuth • Christian Boltanski • Slater Bradley • Marcel Broodthaers • David Claerbout • Angela Detanico et Rafael Lain • Claire Fontaine • Anna Gaskell • Kendell Geers • Nan Goldin • Douglas Gordon• Jenny Holzer • Jonathan Horowitz • Paul Johnston • Anselm Kiefer • Koo Jeong A • Delphine Kreuter • Barbara Kruger • David Lamelas • Richard Long • Hamid Maghraoui • Fiorenza Menini • Jonathan Monk • Mariko Mori • Owen Morrel • Tsuyoshi Ozawa • Adam Pendleton • Anri Sala • Jérôme Taub • Gavin Turk • Salla Tykkä


Jusqu’au 4 septembre 2022, la Collection Lambert propose avec « Bienvenue dans le désert du réel » un nouveau regard sur une sélection d’œuvres conservées à Avignon et sur la manière dont elles peuvent interroger la représentation du réel.

Après un enchaînement d’expositions passionnantes et audacieuses, renouvelées tous les trois mois, Stéphane Ibars présente un accrochage qui restera en place jusqu’à la fin de l’été, sans un seul Sol Lewitt, Ryman ou Basquiat… Toujours inspiré, son commissariat multiplie les références, et les clins d’œil à la Pop culture comme aux textes d’intellectuels contemporains (Slavoj Žižek, Baudrillard ou encore Badiou)…

Dans son texte d’intention (voir ci-dessous), Stéphane Ibars, directeur artistique de la Collection Lambert et commissaire de l’exposition précise à propos du titre choisi :

« Par cette phrase prononcée au début du film Matrix, largement inspiré de la pensée de Jean Baudrillard – « Le simulacre est vrai » -, Morpheus invite Neo à prendre conscience de la réalité d’un monde dont il ne percevait jusqu’alors que la représentation faussée, créée de tout pièce par la Matrice ».

Après deux néons de Claire Fontaine (We Are With You in The Night, 2008 et Foreigners Everywhere, 2010), le parcours est introduit avec plusieurs pièces de Hamid Maghraoui (Formation SAT, 2016 et trois séquences de ses Offsets, 2002-2015).

Elles dialoguent avec une Carte politique du monde (1973) de Marcel Broodthaers, un collage sur papier journal de Pierre Bismuth (How a Bride can Sparkle, 1999) et des montages photographiques de David Askevold.

Marcel BroodthaersCarte politique du monde, 1973 et Hamid MaghraouiOffset 19, 2002-2015 – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

La salle suivante met en correspondance des œuvres de Jenny Holzer (Rumsfeld ‘s Public Statements (blue), 2017 et Conscient de l’obligation (ochre blue), 2006), d’Andres Serrano (Blood Stream, 1987), Barbara Kruger (Who do you think you are ?, 1997) et Adam Pendleton (The Mexico et The Merxico (grey), 2005).

Parmi les séquences les plus marquantes de « Bienvenue dans le désert du réel », on peut noter la superbe installation Silent Movie (2003) de Jonathan Horowitz qui précède celle de Carlos Amorales (Everything Louder than Everything Else, 2003).

Dans la grande galerie, malgré des reflets très gênants, les séries de Douglas Gordon (Three Inches (Black), 1997 ; Never, Nerver (White), 2000 et Never, Nerver (Red), 2000) conversent subtilement avec trois photos de Slater Bradley extraites de sa série My Doppelganger as Ian Curtis in Charlatan Pose (200-2001) et celles du Real Life Project de Ross Sinclair.

Douglas GordonNever, Never (White), 2000. Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon © Studio lost but found / Adagp Paris, 2022

Slater Bradley – série My Doppelganger as Ian Curtis in Charlatan Pose (2000-2001) – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Ross SinclairReal Life Project – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Au fond de la galerie, un espace de projection a été aménagé pour Cave – trilogy (Lasso, Thriller, Cave) de Salla Tykkä.

Plus loin, au-delà du Wall Drawing #534 (1987) de Sol LeWitt, la longue salle de l’entresol est plongée dans l’obscurité pour ce qui est sans doute l’acmé du parcours avec le fascinant Rocking Chair (2003) de David Claerbout.

Subtile interrogation sur la représentation du réel, la découverte du verso de la projection mérite à elle seule un passage par « Bienvenue dans le désert du réel ».

Après deux photographies de Jonathan Monk de sa série Waiting for Famous People (1995-1997), une de David Shrigley (Lost, 1996) et les pneus de Gavin Turk (Signed ans Dated Tyres, 2008) l’installation Monument Odessa, 1989 de Christian Boltanski retrouve sa place dans la cage d’escalier qui rejoint la salle aux arcades.

On y retrouve Ulysses (2017) de Angela Detanico et Rafael Lain et l’installation Ardennes Slate Line (1978) de Richard Long en place pour « L comme Lambert » à l’automne dernier. La vidéo de David Lamelas a laissé sa place à un captivant et étrange portrait de Mariko Mori (Miko no Inory, 1996).

Angela Detanico et Rafael LainUlysses, 2017 et Mariko MoriMiko no Inory, 1996 – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Dans la salle au parquet, quatre photos de la série U become Snow (1998) de Koo Jeong A conduisent le regard vers trois des fluids de Serrano (Ejaculate in Trajectory III, 1989 ; Frozen Sperm I, 1990 et Yellow River, 1987). L’accroche se poursuit avec cinq photos de la série Animals, the Cat (2003) de Salla Tykkä.

La fin du parcours est marquée par un superbe face-à-face entre le magnifique Blue Moon III (2011) de Kiki Smith et le majestueux tournesol de Anselm Kiefer qui a grandi à La Ribaute (Barjac) avant d’y être récolté et seché (Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996).

Kiki SmithBlue Moon III, 2011 et Anselm KieferCette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996 – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Dans la même salle, sous le plafond de Koo Jeong A (Le chemin qui nous mène quelque part, 2000), deux grands tirages de Nan Goldin sont mis en regard (Self-Portrait at Golden River, On Bridge, 1998 et Guido on the dock, Venice, 1998).

Nan GoldinSelf-Portrait at Golden River, On Bridge, 1998 et Guido on the dock, Venice, 1998 – Bienvenue dans le désert du réel – Œuvres de la Collection Lambert

Dans la dernière salle, la terrifiante étoile de Geers Kendell (Hex, 2007) est encadrée d’un côté par un diptyque de Jérôme Taub de sa série Purple America et de l’autre par deux photographies de Delphine KreuterMaya + M16 et Eve rue 16 (2000) et une de Fiorenza Menini (How Al Pacino Kills Me !, 1998).

Entre les fenêtres, deux paraboles superposées de Hamid Maghraoui (Raid SAT, 2009) terminent le parcours et conduisent le visiteur vers une salle dédiée au travail de François Ristori.

On attendait avec beaucoup de curiosité et d’intérêt de voir comment, avec ce nouvel accrochage :

« Les œuvres des artistes présentés nous invitent à une distanciation critique face à la représentation du réel telle qu’elle nous est imposée, (…) à douter de la nature des images que nous rencontrons [et] à déconstruire les mécanismes de construction du réel… »

Dans un contexte où les vérités alternatives prolifèrent à l’infini, les diverses interrogations sur la représentation du réel qui sont évoquées dans « Bienvenue dans le désert du réel » imposent un passage par l’Hôtel de Caumont.

En savoir plus :
Sur le site de la Collection Lambert
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« Bienvenue dans le désert du réel » : Texte d’intention de Stéphane Ibars

Par cette phrase prononcée au début du film Matrix, largement inspiré de la pensée de Jean Baudrillard – « Le simulacre est vrai » -, Morpheus invite Neo à prendre conscience de la réalité d’un monde dont il ne percevait jusqu’alors que la représentation faussée, créée de tout pièce par la Matrice.

Vingt ans après la sortie de ce film, au moment où la diffusion de l’information est sur le point d’imploser sous la pression de données numériques envahissant notre quotidien de manière incontrôlée, la question du réel, de la réalité et de leur représentation, s’impose comme un des enjeux majeurs de nos vies contemporaines.

Le monde semble ne plus apparaître que sous forme d’informations féroces s’affrontant à travers des récits artificiels, spectaculaires et excluant, offrant aux foules qu’elles espèrent conquérir des visions détournées, déformées, falsifiées de la réalité. Aussi, de nombreux artistes de ce début de siècle ont mis en perspective la tension entre le réel, sa représentation spectaculaire ou faussée et sa transposition dans des événements imaginaires.

En infiltrant les dispositifs et les récits à l’œuvre dans le monde de l’imagerie de masse (cinéma, presse, mythes contemporains), en concevant des œuvres dont les multiples sens de lecture nous invitent à une distanciation critique face à la représentation du réel telle qu’elle nous est imposée ou en s’attachant au réel dans sa forme la plus brute, les œuvres des artistes présentées dans cette exposition nous invitent avec une poésie indéniable à douter de la nature des images que nous rencontrons, à déconstruire les mécanismes de représentation contraignants en présence.

La manière dont nous pensons le monde — et, ce qui est probablement plus essentiel, comment nous le racontons — est d’une importance majeure. Ce qui arrive mais n’est pas raconté cesse d’exister. Celui qui contrôle et qui tisse le récit gouverne. *

Olga Tokarczuk, Le tendre narrateur, 2020

*Cette phrase servira de titre à un des essais les plus stimulants du début du XXIe siècle, écrit par le philosophe slovène Slavoj Žižek, paru en France en 2005.

Commissaire d’exposition : Stéphane Ibars

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