Ahram Lee – « Lécher la peau de la pastèque » au Château de Servières

Dans le premier espace d’exposition du Château de Servières, débarrassé de toutes ses cimaises, Ahram Lee propose une époustouflante exposition d’œuvres produites pour « Lécher la peau de la pastèque ». Sur plus de 20 mètres de long, les éléments démantelés d’un rideau de magasin en métal créent sur la droite un fascinant paysage de vagues qui évoquent à la fois l’environnement maritime de Marseille et les massifs calcaires qui l’enserrent.

Au sol, des chutes de bois de diverses tailles sont posées sur le chant. Toutes ont été récupérées dans divers ateliers d’artistes, de designers ou d’architectes membres du collectif des 8 Pillards. Elles dessinent une cartographie en trois dimensions où les îlots qu’elles construisent peuvent évoquer les quartiers de la ville.

Ahram LeeLécher la peau de la pastèque au Château de Servières – PAC 2022

En s’agenouillant auprès de ces sculptures, on découvre que des morceaux de phases y sont gravés au laser. Pas toujours très lisibles, ces mots transcrivent les souvenirs racontés par Patrick, un voisin de Ahram Lee avec lequel elle a longuement arpenté divers lieux à Marseille.

Au fond de l’espace, le faisceau d’un laser de chantier oscille en fonction des vibrations transmises par un caisson de basse. Celles-ci reproduisent une interprétation sonore d’enregistrements récupérés par l’artiste au Marégraphe de Marseille.

Ce vaste paysage absolument captivant est accompagné par deux autres installations.

Récit de vie rassemble quelques réponses à une lettre envoyée par Ahram Lee où elle joue « sur une administration fictive, en référence à une réalité invraisemblable, réactivera virus papyrus, l’histoire d’un virus blanchisseur de papier ; une partie de mur s’ouvre pour devenir les archives des dossiers suspendus contaminés ».

Ahram LeeLécher la peau de la pastèque au Château de Servières – PAC 2022

À l’entrée de l’exposition, un ensemble de bristols au format carte postale reproduisent des fragments de conversation d’Ahram Lee avec des amis, des artistes, des voisins, des personnes rencontrées dans la rue… Ces morceaux de vie où se mêlent humour, tendresse et poésie sont assez emblématiques des œuvres rassemblées au Château de Servières.

Dans le texte qu’elle signe pour l’exposition, après avoir reproduit un passage repris par Michel Foucault dans Autres inquisitions de Borges « qui (dit) cite (r) le docteur Franz Kuhn, qui cite (rait) lui-même une certaine encyclopédie chinoise intitulée Le marché céleste des connaissances bénévoles », Ahram Lee écrit :

« Lécher la peau de la pastèque est ainsi une tentative de porter les voix basses et vulnérables. Porter les voix, m’est une ambition véritablement vertigieuse mais qui me séduit constamment. Dans cette proposition d’exposition, je pose des questions pour y répondre par une autre. Lécher la peau de la pastèque, le proverbe coréen qui conseille de prendre gardes aux approches superficielles, pourrait être également un risque à prendre lorsqu’on tend un pas vers les autres, vers ailleurs. Ou, par ce mouvement tangent, plutôt distancé que conquérant, nous pourrions frayer une voie pour la rencontre sans l’ouvrir. En tant qu’artiste exploitant les patrimoines matériels et/ou immatériels des autres, je prétends me porter et me comporter comme une traductrice. Ma place sera toujours, un demi pas en arrière du texte.
Et avec elle ce questionnement persistant, comment faire de la place pour ceux et celles qui ne sont pas encore là ?
C’est aussi pour interroger ma propre place
 ».

C’est incontournable et c’est à voir et à revoir jusqu’au 15 juillet au Château de Servières !

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