Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille


Pour sa première exposition monographique d’importance à Marseille, Thomas Mailaender « entend enduire, insoler, couper, coller, tirer, relier, projeter, plonger, recycler, détruire et, d’un même mouvement, exposer tous ces faits et gestes » dans les espaces du Centre Photographie Marseille.

« Lumière Passion » est certainement la proposition la plus surprenante, la plus « culotée » et la plus impertinente de la 14° édition du Printemps de l’Art Contemporain à Marseille (PAC 2022).

Derrière la façade miroitante d’une improbable boutique, Thomas Mailaender a transformé les locaux du Centre photographique Marseille en un « joyeux bazar », un laboratoire foutraque entre « installation performée et performance installée ».
Deux semaines avant le vernissage, Thomas Mailaender avait invité de public à assister, voire même à participer au montage de son exposition.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PAC 2022

Jusqu’au 10 septembre, il convie le visiteur à sortir, s’il le souhaite, de son rôle de regardeur pour mettre les mains dans la cuisine de ses ateliers depuis une serre « Transcryl » jusqu’à un labo argentique en passant par un séchoir à images, une vaste chambre à cyanotype équipée de deux bancs de bronzage UV et un espace d’édition où sur une table des livres photo attendent d’être démontés, disséqués et badigeonnés de divers produits chimiques.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PAC 2022

En fin de parcours, après un salon qui devrait permettre la vente de quelques productions, la salle de projection du CPM diffuse un film « work in progess » qui s’enrichit régulièrement des événements qui se déroulent dans « Lumière Passion » depuis son montage jusqu’à son finissage.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PCA 2022

Cette incontournable proposition rappellera de nombreux souvenirs à celles et ceux qui se sont approprié·e·s dans les années 1970 ces techniques simples et économiques pour manipuler et créer des images à des fins activistes dans la politique, la musique et les arts plastiques. Celles et ceux qui sont né·e·s avec les outils numériques pourront découvrir dans ce réjouissant capharnaüm qu’en cas de grand shutdown tout restera possible…

« Lumière Passion » de Thomas Mailaender est une des multiples expositions de la programmation du Grand Arles Express des Rencontres d’Arles 2022. On ne peut qu’encourager celles et ceux qui viendront aux Rencontres à faire le déplacement jusqu’au Centre photographique Marseille.

Commissariat de Erick Gudimard.
Exposition en partenariat avec La Chambre, Strasbourg, La Réserve des Arts et le Mund Art, Marseille.

Pour Murmurations à la Friche la Belle de Mai, Thomas Mailaender expose cet été une impression d’une image de l’œuvre L’Invisible de Julien Berthier (2021), son premier invité en résidence à Tuba

À lire, ci-dessous, le texte de présentation de « Lumière Passion » par Guillaume Blanc et quelques repères biographiques à propos de Thomas Mailaender.

En savoir plus :
Sur le site du Centre photographique Marseille
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Sur le site de Thomas Mailaender
Sur le site des Rencontres d’Arles

Lumière passion

L’on connaissait Thomas Mailaender en franc-tireur de l’exposition, en pirate de la technique, en collectionneur de bizarreries, bref, en bandit des grands chemins de l’art ; le voilà qui se présente à nous sous la double casquette de l’artiste industrieux et du contremaître. Il entend enduire, insoler, couper, coller, tirer, relier, projeter, plonger, recycler, détruire et, d’un même mouvement, exposer tous ces faits et gestes. Une fabrique donc, au beau milieu du Centre Photographique Marseille, qui tourne à plein temps et à plein régime. Là où, dans les musées, l’on accorde au moins un jour de repos aux oeuvres pour les laisser respirer, Mailaender fera du sans relâche, 24/7, et avec lui quelques mains et têtes supplémentaires.

À l’encontre du modèle normatif de la rencontre avec l’oeuvre – produit du génie de l’artiste, livré tel quel depuis les méandres de sa subjectivité unique –, c’est ici tout le processus créatif qui est mis en jeu et sous nos yeux, plutôt que sa seule finalité. Dans la lignée d’un Duchamp, qui parlait d’une « chaîne de réaction » pour qualifier le travail de l’artiste, la proposition de Mailaender se tient entre l’installation performée et la performance installée. C’est, en somme, une unité de production artistique qui sera donnée à voir, au sein de laquelle l’art, in statu nascendi, fait les trois-huit, pour enfanter des résultats suspendus à l’enchaînement des décisions, des repentirs, des échecs et des succès, de la volonté des matériaux et du temps passé en salle de repos, entre bières et pizzas.

Entrons donc dans le joyeux bazar organisé par l’artiste, nommé comme l’une de ces boutiques photographiques des « trente glorieuses » : Lumière Passion. À tout prendre, l’on devrait s’y sentir comme dans une fête foraine, dans la chambre risquée d’un chimiste en herbe ou dans le garage fourmillant d’un mécanicien amateur. L’on y verra les heureux stigmates du travail cérémoniel, fondé sur des protocoles variables, qui aura permis de faire des livres, des cyanotypes monumentaux à même les murs, un film, et d’autres objets vendus comme ceux qui sortent d’une usine.

Guillaume Blanc

Thomas Mailaender – Repères biographiques

Connu pour son utilisation d’un large éventail de médiums, dont la céramique, le cyanotype, la photographie et le collage, Thomas Mailaender (né à Marseille en 1979) incorpore souvent des images et des objets trouvés dans ses oeuvres, remettant au goût du jour des procédés photographiques obsolètes, en parfait touche-à-tout et archéologue du temps présent.

Collectionneur et archiviste, il a rassemblé une importante collection – The Fun Archaeology – dont les documents mettent en évidence l’absurdité même de leurs sujets, la richesse vernaculaire de leur langage et leur poésie accidentelle.

Parmi les récentes expositions personnelles de Thomas Mailaender, citons notamment sa première rétrospective dans un musée européen, The Fun Archive au NRWForum de Düsseldorf (2017). Ses oeuvres ont fait partie d’expositions collectives et individuelles dans d’importantes institutions artistiques, foires et manifestations internationales, comme le MOMA de San Francisco (Don’t ! Photography et Art of Mistakes organisé par Clément Chéroux en 2019), la Saatchi Gallery de Londres (Iconoclast), la Tate Modern de Londres (Performing For The Camera), le Palais de Tokyo à Paris (Do Disturb), les Rencontres d’Arles (From Here On). De nombreux livres d’artistes ont été publiés sur le travail de Mailaender et son Illustrated People (publié par AMC / RVB books) a reçu le prix du livre de photos de l’année lors de l’édition 2015 des Aperture Foundation PhotoBook Awards. En 2016, il a été résident de la résidence LVMH Métiers d’Art aux Tanneries Roux pour son projet Skin Memories. Son travail de curateur comprend Hara Kiri (Rencontres d’Arles 2016), Night Climbers of Cambridge (Festival Images, Vevey 2015) et Photo Pleasure Palace avec Erik Kessels (Unseen, Amsterdam, 2017), avec qui il collabore régulièrement sur des projets fortement orientés vers la question de la réappropriation de l’image.

Thomas Mailaender est représenté par la galerie Michael Hoppen (Londres).

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