Gilles Balmet – « Waterfalls » à la galerie AL/MA – Montpellier


Jusqu’au 25 mars 2023, la galerie AL/MA présente « Waterfalls », première et incontournable exposition personnelle de Gilles Balmet à Montpellier. Après une première collaboration pour «Supervues 022 » à Vaison-la-Romaine, en décembre dernier, Marie Caroline Allaire Matte accueille cet artiste-collectionneur qui vit et travaille entre Paris, Grenoble et Montpellier. Depuis 2012, il enseigne à l’École des Beaux-Arts de Montpellier (MO.CO. Esba). En 2020, il a installé un atelier à Montpellier qui complète ceux dont il dispose à Paris et à Grenoble.

Gilles Balmet - Silver mountains, 2017 et White Rain, 2017 - « Waterfalls » à la galerie ALMA - Montpellier
Gilles Balmet – Silver mountains, 2017 et White Rain, 2017 – « Waterfalls » à la galerie ALMA – Montpellier

Dans un accrochage sobre et rigoureux, Gilles Balmet expose une dizaine d’œuvres sur papier qui évoquent d’étranges « paysages » où s’entrecroisent mystère et merveilleux. Le regard est littéralement happé par la puissance et la magie des images. Immédiatement, l’imaginaire du visiteur est sollicité et très vite commencent à se tisser des narratifs fantastiques et poétiques.

Gilles Balmet -White Rain, 2017 - Ink mountains, 2021 (1 et 2) - « Waterfalls » à la galerie ALMA - Montpellier
Gilles Balmet -White Rain, 2017 – Ink mountains, 2021 (1 et 2) – « Waterfalls » à la galerie ALMA – Montpellier

Souvent qualifié d’alchimiste, Gilles Balmet travaille par séries exécutées sans pinceaux, mais qui répondent des protocoles et à des gestes précis où « le paysage s’autogénère dans le moment de sa création ». Il n’a y a aucun référentiel dans la construction de ces œuvres. « Il n’y a pas de représentation, il y a simplement une sorte d’apparition, comme dans un moment de révélation conditionné à la fois par mes gestes et par la manière dont je manipule mes outils »… Dans un processus extrêmement rapide qui laisse une place à l’aléatoire, la « relation à l’instant et l’écoute de la matière » sont déterminants.

Gilles Balmet - Waterfalls Minimal, 2018 (1 à 4) - « Waterfalls » à la galerie ALMA - Montpellier
Gilles Balmet – à gauche : Double Waterfalls Minimal. À droite : trois Waterfalls Minimal (1 à 3), 2018 – « Waterfalls » à la galerie ALMA – Montpellier

Les œuvres exposées dans « Waterfalls » se situent dans un entre-deux de la peinture et du dessin. Dans un incertain entre l’abstrait et le figuratif, on semble percevoir un écho troublant avec la révélation photographique.

White Rain 2017 Peinture acrylique et lavis d'encre sur papier 70x100cm (2)
Gilles BalmetWhite Rain, 2017. Peinture acrylique et lavis d’encre sur papier. 70X100cm. Photo GilleS Balmet

L’accrochage débute sur la gauche par White Rain (2017). Dans le catalogue qui accompagnait « Happy Together – Gilles Balmet et sa collection » au Pavillon Carré de Baudouin dans le 20arrondissement de Paris, l’artiste décrivait ainsi le protocole de cette série :

« La série White Rain propose des images paysagères sombres comme lacérées de pluies. Celles-ci sont travaillées lors d’un processus complexe composé de trempages multiples des parties hautes et basses du support dans des bains de lavis d’encre et de peinture acrylique. En parallèle, des retournements successifs de l’œuvre à chaque trempage viennent créer des zones de masquage humides par les écoulements qui empêchent d’autres couches de peintures de s’accrocher au support. L’œuvre est ensuite rincée avant de révéler son aspect final qui joue sur une ambiguïté photographique ».

Gilles BalmetInk mountains, 2021. Peinture acrylique et lavis d’encre sur papier. 29,7 x 42 cm. Photo Gilles Balmet

Un peu plus loin, on découvre deux œuvres de la série « Ink mountains », réalisées en 2021 dans son atelier montpelliérain. Dans son portfolio, Gilles Balmet explique à propos de cette série :

« Dans la série Ink mountains, série de peintures sur papier commencée en 2008 et poursuivie depuis, je m’attache à l’aide de Lavis d’encre de Chine et de bombes de peintures à reproduire certains processus naturels géologiques de sédimentation, de mouvements tectoniques et d’entropie dans un laps de temps extrêmement court. Cette rapidité dans la création d’une image évoque le processus de révélation d’une photographie dans les cuves d’un laboratoire et le plaisir ludique qui naît de son apparition, appliquée ici à des techniques relevant de la peinture. La question de la production de paysages, à la précision quasi photo réaliste, à partir de bains de matière dont on imagine mal les œuvres potentielles qu’ils contiennent, est ici centrale, comme la réalisation d’une sorte d’alchimie de la matière. La transformation de ces bains noirs inertes en images, représentations fictives de paysages crédibles, pourrait aussi constituer une métaphore du rôle de l’artiste qui agit comme une sorte de révélateur d’images potentielles enfouies dans la matière. Quant au caractère monumental de ces paysages, celui-ci en fait des illustrations possibles de la quête existentielle et métaphysique issue de la confrontation de l’être humain à l’immensité naturelle ».

Silver mountains 2017 Peinture acrylique argent sur papier noir 100x70cm
Gilles BalmetSilver mountains, 2017. Peinture acrylique argent sur papier noir 100x70cm. Photo Gilles Balmet

Entre les deux ouvertures sur la rue du Plan du Palais et au-dessus du bureau de la galeriste sont accrochés deux magnifiques exemplaires de la série Silver mountains, produits respectivement en 2017 et 2022. Le portfolio en dévoile quelques « secrets », comme l’épisode de l’Atelier A consacrée à Gilles Balmet et disponible dur le site d’Arte :

« L’ensemble d’œuvres Silver mountains, commencé au Japon en 201 0 est une variation autour de la série Ink Mountains, utilisant cette fois-ci de la peinture acrylique argentée sur du papier noir afin d’amplifier encore l’ambiguïté photographique que pouvait déjà contenir les Ink mountains. Les Silver mountains semblent être des négatifs de photographies de paysages alors qu’il s’agit de peintures sur papier. L’image est obtenue grâce à de la peinture acrylique à la bombe déposée à la surface de bains contenus dans des piscines ou des bacs et récupérée dans un deuxième temps. La feuille de papier est ensuite introduite dans le bain de matière perpendiculaire au bain avec un geste à la fois précis, presque chorégraphique qui laisse cependant une place au hasard dans le dépôt de la matière à la surface du papier. La peinture se dépose en fines couches et l’artiste joue avec la dilatation de la matière selon la courbure du papier et les vagues de peintures qui se reporte petit à petit et extrêmement rapidement à la surface de l’œuvre. L’aspect performatif de la réalisation d’un Silver mountains est important pour l’artiste qui se confronte dans un temps réduit à la réalisation d’une image presque photoréaliste et complexe ».

Silver mountains 2022 Peinture acrylique argent sur papier noir 50x70cm (2)
Gilles BalmetSilver mountains, 2022. Peinture acrylique argent sur papier noir 50x70cm. Photo Gilles Balmet

De cette série sont issues des pièces réalisées dans le cadre du 1 % artistique. Deux œuvres (Silver reliefs de 2012) ont été accrochées dans les bureaux du lieu de vie étudiante de l’université de Savoie à Chambéry. Quatre diptyques ont été installés entre 2012 et 2015 dans le hall de la Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine de Charenton-le-Pont.

En vis-à-vis de ces œuvres monochromes, l’exposition présente sur la droite un ensemble de trois Waterfalls Minimal et un Double Waterfalls Minimal de 2018. Face à l’entrée, une pièce très récente réalisée à Montpellier (Waterfalls Hybrid, 2023) accueille les visiteurs. Un détail de cette œuvre est reproduit sur le carton d’invitation au vernissage et pour la communication de l’exposition.

Gilles Balmet – à gauche : Double Waterfalls Minimal. À droite : trois Waterfalls Minimal, 2018. Lavis d’encre sur papier 100x70cm. Photo Gilles Balmet

Le protocole de la première est ainsi décrit :

« La série d’œuvres uniques Waterfalls est créée à partir d’une multitude de fines gouttelettes d’encres déposées à la surface d’une bâche de matière plastique puis transférées à la surface de feuilles de papier déposées sur la bâche encrée. Ces feuilles de papier une fois sèches et encrées sont ensuite trempées dans des bains ou des piscines remplies d’eau dans un geste rigoureux qui conditionne l’orientation de la dissolution des fines gouttelettes d’encres entrées en contact avec l’eau et donc l’écoulement et sa qualité qui va constituer l’image évoquant des chutes d’eau, des buildings dans un contexte urbain ou un ensemble varié de visions poétiques. Les œuvres sont accrochées ensuite dans un geste très rapide sur des étendages afin de laisser l’écoulement se terminer et les mélanges colorés se réaliser tout seul, par une addition verticale des gouttelettes dissoutes ».

Waterfalls Hybrid 2023 Lavis d'encre sur papier 100x70cm
Gilles BalmetWaterfalls Hybrid, 2023. Lavis d’encre sur papier 100x70cm. Photo Gilles Balmet

Les Waterfalls Hybrid sont légèrement différentes. Gilles Balmet en explique le processus dans le catalogue de l’exposition au Pavillon Carré de Baudouin :

« L’ensemble des Waterfalls Hybrid est une série très colorée aux motifs abstraits jouant sur les transparences de l’encre et la lumière vive du blanc du papier. Chaque œuvre se crée au sol à partir de gouttelettes d’encre projetées sur des matières plastiques froissées puis absorbées par les feuilles de papiers mouillés lorsqu’il fait très chaud dans mon atelier. Ce processus permet une absorption par contact direct de l’encre sur le papier et, dans un deuxième temps, son écoulement lorsque l’œuvre est relevée et accrochée sur un fil d’étendage métallique ».

Electric landscape 2022 55x75 cm Lavis d'encre sur papier
Gilles BalmetElectric landscape, 2022. Lavis d’encre sur papier 55×75 cm. Photo Gilles Balmet

Les plus curieux ne manqueront pas, à l’invitation de la galeriste, de glisser un regard dans la réserve. On peut y retrouver Electric landscape (2022) qui faisait partie de l’accrochage de « Supervues 022 » qui accompagne une troisième Ink mountains de 2022 dans un format un peu plus grand que celui des deux œuvres en salle.

Assez curieusement, Gilles Balmet a été assez peu exposé dans la région. Certains se souviennent peu être de sa présence dans l’exposition « Géographie du dessin » au MRAC à Sérignan en 2011 ou encore de sa participation en 2015 à « Who’s afraid of pictures » au Centre d’art contemporain à Cent mètres du monde de Perpignan. Il était également exposé dans « Ça charge » à La Panacée, une proposition de Judicaël Lavrador pendant le salon Drawing room 015 à Montpellier. Didier Gourvennec Ogor avait également montré quelques œuvres dans deux expositions de sa galerie marseillaise en 2011 et 2014.
Plus récemment, on se rappelle du Waterfalls Hybrid de 2017 accroché dans « Collectionner au XXIe siècle » à la Collection Lambert pendant l’hiver 2019/2020.

Gilles Balmet- Atelier A / ADAGP

L’expérience d’une confrontation aux œuvres de Gilles Balmet est un moment rare et exceptionnel qu’il ne faut absolument pas manquer. On ne peut qu’encourager amateurs et collectionneurs à venir découvrir « Waterfalls » à la galerie AL/MA.

En savoir plus :
Sur le site de la Galerie AL/MA
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Sur le site de Gilles Balmet
À lire l’entretien réalisé en 2022 par Jean-Paul Gavard-Perret et publié sur le site le Littéraire.com et celui avec Agnès Seux publiée dans la micro édition L’atelier des combles en 2018


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