Avec « Insolare », Eva Nielsen et Marianne Derrien présentent une exposition incontournable, sans doute une des plus abouties des Rencontres d’Arles 2023. Lauréates de la deuxième édition du Prix BMW Art Makers, l’artiste et la curatrice, qui se connaissent depuis 2002, ont imaginé un projet avec la Camargue comme terrain d’étude.
Pour Eva Nielsen,ce projet a débuté par un road trip en Camargue depuis Arles, jusqu’à la plage de Piémanson, en passant par les marais salants. Dans un entretien publié par BMW Art Makers avec Polka, l’artiste précise :
« Je ne voulais pas me documenter en amont, car je souhaitais recevoir une impression sensible du terrain. J’ai donc sillonné ce territoire au fil de l’eau en me laissant traverser par ses paysages, fluctuants par nature. »
Au gré de trois séjours, elle photographie des fragments de paysages entre terre, mer et ciel, mais aussi entre ville, zones industrielles et marais.
« J’ai, dit-elle, été saisie par l’ambiguïté de ce territoire, à la fois séduisant et hostile, marécageux et touché par la sécheresse, immuable et en mutation, naturel et industriel, protégé et en danger. J’ai donc cherché à restituer cette polysémie dans mes œuvres ».
Après ce travail sur le terrain où sa démarche photographique « penche du côté du prélèvement de matériau », le retour à l’atelier se traduit par une combinaison de « cette “matière première” avec d’autres techniques ». Elle joue « avec des effets de matière, de transparence et de superposition, proposant une vision des lieux fragmentée et éphémère », avec la volonté de ne jamais être autoritaire.
Pour créer ses images, elle combine la photographie, la peinture, et la sérigraphie. Le recours à cette technique d’impression donne par ailleurs le nom « Insolare » au projet.
« Ce terme est en lien avec la technique de la sérigraphie: on crame une image qu’on surexpose, pour en faire ressortir le grain et la tatouer sur un écran. La lumière prend alors une dimension éblouissante, aveuglante, comme celle des marais que j’ai arpentés, mais aussi révélatrice. Un lointain écho aux bains de la photographie argentique ».
Pour Marianne Derrien, l’enjeu était de concevoir une scénographie qui autorise et encourage les dialogues entre les œuvres d’Eva Nielsen et l’architecture du Cloître Saint-Trophime, en respectant les contraintes du lieu inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Dans le guide publié par BMW Art Makers et Polka, la curatrice souligne :
« Nous avons conçu des structures métalliques en suspension, dans lesquelles seront accrochées les pièces, afin de ne pas éclipser l’architecture du cloître. Pourra alors s’instaurer entre les voûtes et les œuvres, un jeu graphique et géométrique fait de résonances et de répétitions. Par souci écologique, nous nous sommes interdit la surenchère de production de matériaux. Cette scénographie sera donc en partie rejouée à Paris Photo. »
Éva Nielsen et Marianne Derrien réussissent une exposition éblouissante dont l’équilibre harmonieux repose sur leur complicité et sur l’engagement d’un mécénat qui a su laisser la créativité du duo s’exprimer à travers cette carte blanche.
« Insolare » propose une expérience subtile et troublante dans laquelle se superposent des paysages à la fois envoûtants et hostiles. Au travers de couches d’images, de voilages et de trames s’entrecroisent sans doute des récits imaginaires peuplés de mythes, de spectres. On pourrait peut-être y percevoir quelques présages sur l’avenir de ces territoires et l’impact des activités humaines sur leur environnement.
Un guide d’une vingtaine de pages tiré à 1200 exemplaires accompagne l’exposition.
Soutien artistique et scénographique par Ghost House et superbe conception lumière de Serge Damon.
Deux œuvres d’Eva Nielsen étaient récemment accrochées dans la pléthorique et malheureusement trop souvent illisible « Immortelle » au MO.CO. Montpellier contemporain.
On se souvient également de la présence de cette artiste dans deux éditions d’Art-O-Rama, en 2018 dans « Azur et Bermudes » une très belle proposition de Joël Riff pour Moly-Sabata, puis en 2019 dans un accrochage partagé avec Ugo Schiavi sur le stand de The Pill.
En savoir plus :
Sur le site des Rencontres d’Arles 2023
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Sur le site d’Eva Nielsen
Eva Nielsen sur le site de The Pill et sur celui de la Galerie Peter Kilchmann
Marianne Derrien sur le site Jeunes Commissaires
Sur le site BMW Art Makers