Pour la deuxième année consécutive à la Friche la Belle de Mai, l’exposition des diplômé.e.s du DNSEP 2023 en art & design des Beaux-arts de Marseille réussit son pari de relier les travaux de 36 artistes émergents. Une gageure relevée de main de maître par la commissaire indépendante Karin Schlageter qui parvient « à distinguer ce qui fait promotion (génération), de ce qui relie, ce qui s’oppose » par le prisme d’une image commune à toutes les propositions artistiques : le « Drift ». Autrement dit le détournement de la fonction première de l’objet, en l’occurrence, à l’origine, le dérapage contrôlé d’une voiture ou le dispositif installé sous un bateau pour, justement, l’empêcher de prendre le large. Et, du point de vue sociétal, l’utilisation médiatique et politique du « dérapage » s’agissant d’actions dans l’espace public ou de frondes verbales…

Pour rendre compte des dérives et autres drift des diplômé·e·s, Karin Schlageter propose une déambulation ouverte à la polysémie des problématiques abordées. Avec effet miroir.

Parade flamboyante

Sinueux et faussement brouillon, le parcours agit comme une photographie de famille. Il éclaire les questionnements et les recherches dans une totale fluidité. Entre contre-point et porosité les œuvres s’auto-activent (Fan, Ultime de Valentin Vert), documentent (installation de Azalina Mouhidini), racontent (BabyWolf13006 de Joséphine Gélis), déclament (La conquête de l’Argentine, Mélissa Yagmur Saydi). Ou entrent en résonance quand cohabitent astucieusement les installations de Amaria Boujon (Le Bûcher, Le Couteau) et de Laurence Merle (La pesanteur et la grâce).

La fragmentation en sections met en exergue les écarts volontaires de chaque pratique, soit « par glissement sémantique ou excès formel », soit « en s’affranchissant des normes », qui toujours emprunte des chemins buissonniers. Pas par anticonformisme forcené mais par un sens éthique de la marge. Qu’elle soit liée à l’imaginaire de l’enfance comme dans la série d’impressions sur papier de Zoé Sinatti doublée de l’accrochage des matrices recomposant une cosmogonie personnelle, à l’évocation des normes sociales – l’enfermement, les pratiques collectives, la nourriture, le vivre ensemble – comme à l’intime avec Manon Monchaux qui évoque à travers la photographie ses relations amoureuses (Pour une amitié tendre à Palerme).

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai

D’une manière tout autre, mais toujours en dérapage, Oliver Salway revalorise les matériaux laissés à l’abandon pour raconter une autre histoire de l’Estaque et interroger le système de production « qui nous a amenés à la crise existentielle actuelle ».

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai

Déborah Maurice compose un paysage mental à partir de ses souvenirs, figeant des instants pour l’éternité dans des pièces en verre soufflé posées à même le sable.

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai

Miguel Canchari croise art urbain et histoire personnelle dans un paysage-peinture éclaté en lévitation, voiles tendues laissant jouer notre regard pour inventer ses propres perspectives…

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai

Nouvelle réalité

L’humour, le détournement, le non sens, l’écologie, l’activisme, la sexualité traversent les créations des jeunes designers ; au sens poétique et/ou politique selon Célia Leray, Carla Lloret-Palmero, Mia Luo, Adriano Dafy Razafindrazaka et Ryan Jamali.

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai. Photo Vern
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai . Photo Vern

Mais si l’on accepte de se confronter à la réalité tout en se laissant absolument dériver, l’anamorphose de Milan Giraud vient à point nommé clore l’exposition : composée de vingt-cinq sérigraphies, l’image fragmentée, disloquée, n’a de sens qu’apposée sur le lieu même qu’elle représente. Quelques indices clairsemés nous aident à percer le mystère…

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai

Drift, Dérapage contrôlé
Exposition des diplômé.e.s 2023 art & design
Jusqu’au 22 octobre. La Tour, 5e étage, 41 rue Jobin, Marseille 3e

Avec les artistes :
Théo Anthouard – Lily Barotte – Amaria Boujon – Miguel Canchari – Nathalia Golda Cimia – Mahira Doume – Sarah Fageot – Alexandre Fontanié – Louison Gallego – Garance Gambin – Christian Garre – Joséphine Gélis – Milan Giraud – Victor Giroux – Ryan Jamali – Célia Leray – Carla Lloret-Palmero –Miao Luo – Déborah Maurice – Laurence Merle – Manon Monchaux – Azalina Mouhidini – Lolita Perez – Clare Poolman – Justine Porcheron – Adriano Dafy Razafindrazaka – Jeanne Yuna Rocher –Lola Sahar – Oliver Salway – Melisa Yagmur Saydi (melagro) – Hosana Schornstein – Zoé Sinatti –Fabian Toueix – Valentin Vert – Etta Marthe Wunsch – Kylian Zeggane

Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la elle de Mai. Photo Vern
Drift – Dérapage contrôlé à la Friche la Belle de Mai . Photo Vern

En savoir plus :
Sur le site de La friche la Belle de Mai
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