Un nouveau musée dans le Var


À Giens, le musée du Niel abritant la collection de peintures de Jean-Noël Drouin a été inauguré au début de l’été. L’occasion de redécouvrir les toiles de Debré, Messagier, Music, Soulages, Ubac et tant d’autres réalisées dans les années 1950/1960.

Surplombant la Méditerranée, le musée du Niel flambant neuf est une invitation à déambuler sur les traces d’une aventure singulière : celle de la non-figuration de l’après-guerre… L’origine de la collection est le fruit d’une connexion entre l’entrepreneur Jean-Noël Drouin, la galerie parisienne Antoine Villeneuve et Madeleine Grenier, fille de Jean Grenier qui interviewa les peintres sur la R.T.F. en 1959, 1960 et 1961 « sur leur conception de l’art, l’évolution de leur carrière, les problèmes de la création ». Des conversations réunies dans un précieux ouvrage qui sert, aujourd’hui, de fil rouge à l’exposition inaugurale et que l’on peut réécouter en podcast grâce à un QR code placé à côté de chaque toile exposée. Entendre ainsi la voix des artistes est non seulement un moment intense d’émotion, mais aussi une formidable introduction à la lecture de leurs œuvres.

Une collection ouverte à tous et un pari architectural

« Pour l’art et pour tous, un nouveau port d’attache », tel est le mantra du musée du Niel installé dans une villa des années 60 signée de l’architecte Jacques Chapon dont les volumes ont été reconfigurés par Vialla Pouliquen Architectes afin de répondre aux besoins muséographiques (300 mètres carrés d’exposition répartis en 5 salles). Dont les jardins ont été redessinés avec des essences méditerranéennes dans un souci environnemental. Dont la scénographie a été pensée par Éric Morin, scénographe de la Fondation Giacometti à Paris, et la direction artistique confiée à Françoise Oppermann. L’été 2023 marque ainsi l’aboutissement du rêve de l’ancien ingénieur Jean-Noël Drouin : « La peinture ouvre souvent des fenêtres inattendues. J’ai voulu montrer des peintures qui font partie d’une période particulièrement libératoire de l’histoire de l’art. Les artistes de la collection du musée du Niel ont eu l’audace d’offrir une nouvelle vision du monde après le chaos du second conflit mondial. Cet élan touchera, je l’espère, une jeune génération parfois malmenée à son tour par les crises. Notre musée aimerait leur offrir un espace de respiration, une inspiration aussi ». Avec plus de 7000 visiteurs fin août, il semblerait que le public soit sensible à sa démarche…

Olivier Debré, Nature morte, 1956, huile sur toile, 114,3 x 145,5 cm, Collection musée du Niel
Olivier Debré, Nature morte, 1956, huile sur toile, 114,3 x 145,5 cm, Collection musée du Niel

Une exposition anniversaire

Sélectionnés parmi quelque 80 artistes de la collection, 17 condensent à eux-seuls la pensée du collectionneur qui, depuis dix ans, multiplie les acquisitions avec pour guide spirituel Jean Grenier, comme le souligne Florence Denis, directrice du musée, « depuis qu’un jour, enfant, il découvrit une toile de Nicolas De Staël et vécut un véritable choc artistique ». Ainsi a pris forme son intérêt pour la non-figuration selon le terme inventé par Jean Grenier à propos de Bryen, Busse, Carrade, Debré, Deyrolle, Fontené, Gauthier, Germain, Marfaing, Messagier, Music, Sima, Soulages, Szenes, Ubac, Vulliamy et Zack. Ceux-là mêmes qu’il réunissait dans un esprit de communauté cher aux idées qu’il défendait alors comme critique d’art dans le journal Combat après-guerre. N’écrivait-il pas, en 1963, date de parution de ses Entretiens, « grâce à l’art non-figuratif, nous ne reconnaissons plus ce que nous croyions connaître. Nous le découvrons ou le réinventons. Quelle chance pour ceux qui craignaient que tout ne fût dit ! ».

Aujourd’hui pas moins de 51 œuvres dessinent un chemin vers l’abstraction à travers cinq pistes à explorer : « Les héritiers d’une longue tradition » (Fontené, Szenes et Zack) ; « Du cubisme à la non-figuration » (Busse et Deyrolle) ; « Les enfants du surréalisme » (Bryen, Sima, Ubac et Vulliamy) ; « L’appel du lyrisme » ( Gauthier, Germain, Marfaing et Carrade) et « Brouiller les pistes » (Debré, Messagier, Music et Soulages). Le parcours, suggéré par la simple déambulation et les textes introductifs, invite à découvrir des correspondances ou des dissidences formelles et chromatiques, des premiers pas et des balbutiements comme des affirmations stylistiques. Dans ces années d’expérimentations, Soulages n’était pas encore dans l’outre-noir mais Olivier Debré avait déjà imaginé ses grandes compositions colorées, tandis que Michel Carrade « subissait » l’influence de Nicolas De Staël… Joseph Sima déposait des aplats aquarellés vaporeux et faisait éclore des éclats de couleur sur des fonds noir obsidienne quand Jacques Busse se détournait de l’imitation de la peinture pour construire sa propre réalité, loin de « la représentation d’une cruche, d’un arbre ou d’un cheval ». Chacun traçait son chemin en totale liberté.

À voir, jusqu’au 30 septembre.

Les Chemins de l'abstraction au Musée du Niel
Les Chemins de l’abstraction au Musée du Niel

À lire :
Jean Grenier, Entretiens avec dix-sept peintres non-figuratifs, éd. Folle Avoine , 1990
Collection Jean-Noël Droin, éd. galerie Antoine Villeneuve, Paris, 2020
Les chemins de l’abstraction, 17 peintres non-figuratifs dialoguent avec Jean Grenier, éd. musée du Niel, 2023

En savoir plus :
Sur le site du musée du Niel
Suivre l’actualité du musée du Niel sur Facebook et Instagram
Sur le site de la galerie Antoine Villeneuve

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer