Pour la 18e édition d’Art-o-rama, Bleu Satellite – Coreaú présente avec Télescope – Lancer le regard une proposition ambitieuse, extrêmement bien construite, mais assez exigeante qui impose un peu de temps pour « voir loin » et prendre le « risque de déborder du visible »…
Dans leur texte d’intention, les acteurs de Coreaú, un laboratoire d’art contemporain bordelais, définissent ainsi les enjeux de ce nouveau projet :
Un télescope est avant tout un instrument d’optique, mais il incarne aussi un imaginaire, un élan vers le lointain. Le mot télescope vient du grec τηλε (tele) signifiant “loin” et σκοπεῖν (skopein) signifiant “regarder, voir”.
Regarder loin, voir loin, cette formule peut être lue de bien des façons : voir loin dans le temps, ou dans l’espace ? Dans le futur ou dans le passé ?
Mais cette idée peut aussi être détournée et utilisée avec distance au vu de notre époque, comme une façon d’interroger notre rapport au monde et notre capacité à nous projeter dans celui-ci.
Le télescope porte notre regard dans le cosmos. Pourtant, il ne regarde le ciel que depuis la terre. C’est en cela qu’il s’inscrit dans un rapport émouvant à l’espace : espace terrestre et sidéral se rencontrent dans l’œil et dans l’esprit du regardeur.
L’exposition « Télescope – Lancer le regard » affirme ainsi l’ambition de déplacer le regard et d’interroger notre rapport à « l’espace ». Pour Bleu Satellite – Coreaú, il est question de mettre en tension notre « confinement sur terre » et notre appartenance au « Tout-monde », en écho aux réflexions de Bruno Latour, d’Édouard Glissant ou encore de Philippe Descola.
Télescope fait suite à Bleu Satellite (2021-2023), un projet créé dans le sillage du salon BAD+, foire d’art et de design contemporain à Bordeaux. Pour l’édition 2023, Bleu Satellite proposait « une expérience du corps et du regard, un regard mobile et décalé le temps de l’exposition : une attention au vide et aux relations qu’il engage » et « l’exploration d’un rapport à l’espace en mutation suivant les principes de gravité et de résonance »…
Pour cette version pilote exposée à Marseille, Télescope – Lancer le regard rassemble des œuvres récentes d’Alexandre Clanis, Estelle Deschamp, Pierre Labat, Emmanuelle Leblanc et invite Arnaud Vasseux pour « explorer de manière singulière la métaphore du télescope ».
Dans cette édition 2024 d’Art-o-rama qui s’assagit encore un peu plus, au risque d’une « normalisation » qui pourrait finir par friser l’ennui, Télescope – Lancer le regard offre une salutaire invitation à voir plus loin avec la réjouissante perspective de « déborder du visible ».
À lire, ci-dessous, une présentation de Bleu Satellite – Coreaú et des artistes exposés.
En savoir plus :
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Liens vers les sites des artistes dans les présentation ci-dessous
Bleu Satellite – Coreaú
Coreaú est un laboratoire d’art contemporain invitant à l’initiative et à l’expérience collective. Implantée à Bordeaux, l’association se conçoit néanmoins comme nomade et à géométrie variable. Occupant le plus souvent des espaces interstitiels pour mettre en œuvre des expositions et des évènements polymorphes, Coreaú permet d’identifier l’artiste sans détour. Souhaitant développer et soutenir une approche spontanée de la diffusion de l’art contemporain, elle envisage un déploiement de ressources et d’inspirations en ramification, à l’image d’un écosystème conscient de son entièreté. Ouvrir de nouveaux sentiers, inventer des terrains d’explorations pour élargir le métier d’artiste, tel est son souhait; « œuvrer » n’est plus suffisant, rencontrer, se confronter est devenu essentiel.
C’est de cette envie qu’est né Bleu Satellite ; né en off d’une foire d’art contemporain, Bleu Satellite représente l’événement initial et fédérateur de la plateforme. Forte de son succès introductif, enrichie de nouvelles figures artistiques et de partenariats tels que Komplo (BE) ou la fondation Agnes B, la deuxième édition prolonge le mouvement initié, agrandit son rayonnement et assoit son modus operandi. L’évènement à mobilisé de nombreux artistes et acteurs culturels du territoire aquitain mais aussi national et étranger: Didier Arnaudet, Anne-Camille Allueva, Camille Beauplan, Jérémie Boyard, Alexandre Clanis, Dalila Dalléas Bouzar, Estelle Deschamp, Félicie d’Estienne Dorves, Nicolas Fenouillat, Jacques Floret, Yohann Gozard, Barbara Kairos, Komplot, Tzu-Chun ku, Theo J. Mayer, Duda Moraes, Pierre Labat, Thomas Lanfranchi, Lucie Lanzini, Emmanuelle Leblanc, Octandre, Erwan Venn & Marie Rømer Westh.
Alexandre Clanis
L’investigation qu’Alexandre Clanis opère de l’espace rappelle sa formation d’architecte, ses peintures se composent par soustractions de matière ou appels d’air et présentent une forme de nudité face au monde. La relation entretenue par l’artiste à l’espace et à son investigation rappelle sa formation d’architecte. Dans l’atelier, Alexandre Clanis dresse les peintures réalisées au sol. De l’horizontalité à la verticalité, corps et regards sont confrontés à la toile. L’artiste tend à « se tenir dans une forme de nudité face au monde ».
Suivant une volonté assumée d’abandon, il s’avance dans les formes, les maillages, les blancs. Les peintures s’opèrent par soustractions de matière ou appels d’air et révèlent une chimie affective composée d’une succession de flous et de brumes. Traversant les surfaces et s’insérant entre les motifs, Alexandre Clanis interroge l’inconscient, la toile devient une onde, une peau vibrante d’énergie et de mémoire. Extrait du texte d’Elise Girardot, 2020.
https://alexandreclanis.com
https://www.instagram.com/alexandre_clanis/
Estelle Deschamp
Diplômée de l’EESI Angoulême puis de la Hear à Strasbourg, Estelle Deschamp (née en 1984 à Annecy) vit et travaille à Bordeaux. Sortie des Beaux-Arts, elle a rejoint le collectif La Mobylette qui a mené jusqu’en 2018 des événements collaboratifs dans des lieux souvent atypiques (camping, kebab, parking, minigolf…). Elle fait aujourd’hui partie de l’atelier collectif Raymonde Rousselle, qui est aussi un espace dédié aux concerts et aux expositions.
Son travail personnel se développe autour de la pratique de la sculpture et de l’installation. Ses recherches prennent corps dans l’univers architectural au sens large, allant du bâtiment au mobilier en passant par l’ornement, ainsi que dans les savoir-faire associés.
En se réapproriant les matériaux de chantier, elle révèle leur potentiel esthétique souvent oubliés sous le poids de leur usage et fabrique de nouveaux assemblage d’où affleurent ornement ou sédiments.
Récemment on a pu voir son travail au sein d’expositions comme au CEEAC à Strasbourg en 2022, Memento en 2021 à Auch, le BOTA à Bruxelles en 2023, Arc en rêve à Bordeaux en 2021.
https://www.estelledeschamp.com/index.php
https://www.instagram.com/estelledeschamp.z/
Pierre Labat
Les terres du silence
« Dans l’art oratoire, nous évitons les éclats de voix, nous cultivons l’ellipse, et surtout nous attachons une importance extrême aux pauses ». Junichirō Tanizaki
L’exposition Mute de Pierre Labat à la galerie Interface de Dijon peut surprendre à la fois les habitués du travail de l’artiste, comme les visiteurs réguliers de la structure. La proposition tranche avec les précédentes propositions de Pierre Labat, et fournit par la même occasion une expérience inédite du lieu. Lorsque le visiteur pénètre dans l’appartement-galerie, il est surpris de trouver des objets flottants dans l’espace : une tasse, une branche d’arbre et un journal sont posés en équilibre précaire sur une tige de métal elle-même subtilement retenue par un fil suspendu au plafond. Le jeu des perspectives emmène le spectateur dans la seconde pièce où l’attendent deux autres tiges, cette fois vide, et deux autres, l’une portant une empreinte de main, l’autre une fine serviette de toilette. Au fond du couloir menant au sous-sol, une dernière pièce: une pierre posée sur un disque de métal, lui aussi suspendu. Sept petits objets dans trois pièces, et beaucoup de vide autour. Il est inhabituel que Pierre Labat propose des pièces si petites, et pourtant la galerie n’a jamais parue aussi remplie, tant l’espace est saturé d’une intangible présence. Nicolas-Xavier Ferrand. Extrait du texte du catalogue de l’exposition Mute, à Interface, Dijon.
http://www.pierrelabat.net
https://www.instagram.com/pierrelabatstudio/
Emmanuelle Leblanc
Emmanuelle Leblanc est peintre. Née en 1977, à Pithiviers, elle vit et travaille en Entre-deux-Mers. Issu du photo-réalisme, son travail évolue vers une forme minimaliste qui tend à prolonger les traditions du Color Field Experience et met délibérément en doute les catégories. Pensée en relation avec les phénomènes de perception, d’espace et d’échelle, sa peinture progresse vers une disparition de l’image qui ne surgit plus que de manière ponctuelle ou indicielle.
Sous-tendu par l’ambition périlleuse de produire de la lumière avec de la matière, son travail est esquissé au moyen de l’outil photographique et numérique et vient s’inscrire au cœur d’une matière picturale marquée par les techniques anciennes. L’artiste est exposée en France et à l’étranger (Belgique, Inde, Italie, Allemagne, Hollande) depuis une quinzaine d’années. Ses œuvres font partie de plusieurs collections privées en Europe. Ces dernières ont été présentées en galerie, en foire, ainsi que dans divers projets curatoriaux (Pleonasm, Les gloriettes) qu’elle a notamment initié. L’artiste fait partie du réseau Documents d’Artistes Nouvelle Aquitaine. Son travail est représentée par galerie Archiraar (Bruxelles) depuis 2015 et la galerie ETC (Paris) depuis 2023.
https://www.emmanuelle-leblanc.com
https://www.instagram.com/leblanc.emmanuelle/
Arnaud Vasseux
Arnaud Vasseux est né en 1969, à Lyon. Il vit et travaille à Marseille. Diplômé de I’ENSBA de Paris, il enseigne le volume et la sculpture à l’Ecole des Beaux-Arts de Nimes depuis 2006.
Dans sa pratique, il donne une place déterminante à l’approche et à la manipulation des matériaux dans l’élaboration du sens. Préférant les matériaux qui traversent plusieurs états comme le plâtre, la résine, la cire ou le verre, il en interroge la nature et fait advenir des formes qui combinent fragilité, instabilité et résistance.
Son travail met en jeu les notions d’espace, de temps et de lieu par l’exploration des possibilités issues des techniques du moulage et de l’empreinte.
Il a exposé dans de nombreux lieux : Galerie AL/MA, Montpellier, le Frac Occitanie Montpellier (2017), le Musée Lattara 2017 (Lattes), la galerie Particulière, Bruxelles, White project, Paris, le Centre Richebois de Marseille, La Tôlerie à Clermont-Ferrand, la Galerie 65 au Havre, Le BILD à
Dignes-Les-Bains, la Villa Arson à Nice, etc.
https://www.documentsdartistes.org/artistes/vasseux/repro.html
https://www.instagram.com/arnaud_vasseux/