Jusqu’au 8 novembre 2024, Isabelle Carta accueille Ludivine Venet au 33 de la rue Saint-Jacques à Marseille. Dans le cadre de la Saison du Dessin 2024, l’exposition « Creuser les tendres » révèle une conversation intime et engagée entre l’artiste et la roche qui chaque jour lui fait face.
Avec cette série, Ludivine Venet explore le lien singulier qu’elle entretient avec son environnement quotidien, en particulier avec les falaises calcaires qui entourent son atelier marseillais à L’Estaque, dans une ancienne usine. Chaque dessin, minutieusement gravé dans du papier minéral, devient le témoin d’un échange avec la matière.
Comme le souligne Barbara Carnevale, « l’ascèse de sa pratique […] emprunte tant aux façons d’un graveur d’estampes qu’à la retenue d’un sculpteur ». En effet, Ludivine Venet grave le papier avec une précision presque méditative, où chaque geste est une tentative de capturer l’essence de la roche. Les textures qui en résultent semblent évoquer l’intangible, transformant les souvenirs enfouis de l’artiste en volumes palpables. Sur le papier, les reliefs sculptés deviennent des paysages miniatures, des empreintes de moments suspendus dans le temps.
Ce travail incarne une réflexion plus vaste sur la transformation des matières naturelles et leur passage dans le temps. Ludivine Venet, en se servant du papier minéral comme support, parvient à « matérialiser une conversation intime avec la roche », dans laquelle elle capture et grave non seulement les formes, mais aussi l’essence de « paysages traversés ou fantasmés ». Son processus, que l’on pourrait qualifier d’archéologique, vise à dévoiler des strates de sens et de souvenir à travers des gestes répétitifs, presque rituels.
L’un des aspects les plus frappants de « Creuser les tendres » est cette capacité de l’artiste à rendre visible l’invisible. Les regardeur·euses sont invité·es à découvrir des fragments de paysages, à toucher du doigt une mémoire collective, mais aussi profondément personnelle. Comme elle l’exprime elle-même, « l’inerte et l’enfoui deviennent mouvements et témoignent de nos états. La mémoire se dessine. Le dessin devient matière ».
« Creuser les tendres » est une expérience sensorielle et introspective, une invitation à regarder au-delà des apparences qui mérite sans aucun doute un passage par le 33 de la rue Saint-Jacques…
À lire, ci-dessous, les textes de Ludivine Venet et de Barbara Carnevale qui accompagnent l’exposition et quelques repères biographiques extraits de son portfolio.
En savoir plus :
Sur le site du Fonds Carta
Suivre l’actualité du 33 sur Instagram
Sur le site de Ludivine Venet et sur Instagram
« Je vis et travaille au creux d’une ancienne carrière au nord de Marseille.
Par une technique de dessin gravé, élaborée depuis quelques années, je creuse dans le papier minéral comme on taille dans un bloc. Chaque coup porté à sa surface, le grave et lui donne forme. L’empreinte des matières et les souvenirs de paysages qui me traversent, s’y sculptent et prennent corps.
“Creuser les tendres” matérialise une conversation avec la roche, qui chaque jour me fait face.
Sur la feuille plane reliefs et textures évoquent l’intangible. L’inerte et l’enfoui deviennent mouvements et témoignent de nos états. La mémoire se dessine. Le dessin devient matière. » Ludivine Venet
« La série “Creuser les tendres” matérialise une conversation intime avec la roche, qui chaque jour fait face à l’artiste. Ludivine Venet vit et travaille à Marseille, au creux d’un massif de collines de calcaire blanc. Son atelier, en front de taille, fait face aux flancs verticaux de la roche abattue.
Sur un papier de pierre, elle dessine à la pointe sèche, grave, creuse et crée des sillons. L’ascèse de sa pratique – en frontière de plusieurs techniques – emprunte tant aux façons d’un graveur d’estampes qu’à la retenue d’un sculpteur qui s’approche d’un bloc brut en taille directe. En alignant et en ajustant ses gestes et ses mouvements, chaque coup porté à la surface du papier kaolin imprime immuablement le support et lui donne forme et reliefs. L’empreinte des matières et les souvenirs de paysages qui semblent avoir traversé l’artiste, s’y sculptent et prennent corps dans une sensation devenue volume. Sur la feuille plane, reliefs et textures évoquent l’intangible. Ainsi retranscrits, l’inerte, l’enfoui et l’indicible transforment ses états en lignes. Sa mémoire se dessine. Le dessin devient matière. »
Barbara Carnevale
Ludivine Venet – Repères biographiques
Née en 1987, vit et travaille à L’Estaque (Marseille).
Après des études à l’École Supérieure d’Art et de Design de Marseille, Ludivine s’installe à L’Estaque (Marseille-Nord) dans une ancienne usine, s’investit avec l’association En Devenir et cofonde La Déviation, lieu de recherche artistique pluridisciplinaire.
Le territoire qui l’entoure va avoir une influence particulière sur sa manière de travailler, la matière minérale va s’immiscer progressivement dans ses recherches et ses dessins…
Bien que le papier soit son support de prédilection, Ludivine varie les médiums, entre 2015 et 2021 plusieurs collaborations lui ouvre de nouveaux champs d’explorations entre autres : performance et dispositif filmique, performances sonores, duo de batterie et verre gravé, production de monotypes à 4 mains, scénographies pour le théâtre…
Elle curate plusieurs expositions collectives de La Déviation invitant des artistes à partager leur rapport au minéral (Stase, 2016), ou encore au territoire environnant (Non Site On Site, 2019), pour le Printemps de l’Art Contemporain ou encore pour la « Saison du dessin » (Creuser l’indicible, 2023 / La magnitude de l’insensé, 2024).
En 2017, alors en résidence à Forbach, elle travaille sur différents types de papier et va approfondir ses recherches de dessins-empreintes. Cette même année, elle découvre papier minéral.
Aujourd’hui en 2024, Ludivine a développé une technique qui lui est propre pour dessiner sur ce papier, elle le grave ou encre cette surface fine laissant place à des reliefs et mouvements convoquant la mémoire qu’elle a des matières minérales de paysages traversés ou fantasmés.