Pour sa 37e édition, le festival Les Instants Vidéo 2024 emprunte son titre à une citation de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht. Lors du final du deuxième acte, à la prison d’Old Bailey. Mackie, Madame Peachum et le chœur entonnent :
« Car de quoi vit l’humain ? Lui qui sans cesse
Dépouille, harcèle, attaque, étouffe et bouffe son prochain.
Oui, ce qui tient l’humain, c’est qu’il s’empresse
D’oublier qu’il est encore un humain. »
Près d’un siècle après sa création, cette œuvre de 1928 résonne toujours avec acuité face à un monde de plus en plus chaotique, en proie aux crises : montée des extrêmes droites en Europe, dictatures affirmées, élection de Trump, guerres à Gaza, au Liban, en Ukraine et ailleurs…
Une invitation à résister à l’anesthésie des images
Dans son éditorial, le festival met en garde contre les « flux d’images qui fabriquent l’ignorance et l’oubli, nourrissant nos peurs ». La sélection 2024 propose des œuvres qui ont l’ambition de « nous accompagner, parfois avec légèreté, souvent avec poésie, toujours avec la distance nécessaire pour nous permettre d’activer une réflexion, une pensée contre la tétanie et le lamento »…
Entre art et exil
Lors des projections, performances et rencontres organisées du 17 au 20 octobre, Les Instants Vidéo 2024 ont accueilli la 8e Biennale palestinienne /si: n/, contrainte à l’exil. Elle devrait ensuite voyager vers plusieurs Musées de solidarité, notamment en Éthiopie, Allemagne, Italie, et Canada.
Une scénographie au service des œuvres
Installée au troisième étage de la Tour àla Friche, l’exposition « Car de quoi vit l’humain ? », visible jusqu’au 19 janvier 2025, réunit 20 œuvres. Fidèle à son habitude, le festival fait preuve d’une scénographie maîtrisée. Les cimaises en place depuis Art-O-Rama sont habilement exploitées pour valoriser chaque création tout en maintenant un équilibre entre les propositions. La diversité des formats – de tablettes à des triptyques monumentaux – rythme subtilement le parcours et capte l’attention des spectateur·rices.
Aucun texte de présentation n’introduit le parcours de l’exposition, mais simplement ces quelques lignes qui sont sobrement projetées à l’entrée…
Œuvres marquantes de cette 37e édition
Plusieurs installations se détachent par leur singularité :
Sur le palier du troisième étage, Mohammad Zandsalimi nous embarque dans une poétique évocation de l’histoire de l’humanité à travers le vol énigmatique de papillons bleus… Il offre un contre-chant poétique à l’inventaire exhaustif et stroboscopique des déchets produits par Florian Schönerstedt en 2016 (Les cartes du champ de bataille, 2023).
À l’entrée du plateau, Rachel Echenberg nous invite avec Comment tenir le vide (2021) à contempler une captivante et poétique « tentative de s’accrocher à des éléments cassables et intangibles : le verre, le vent, le sable ou les relations intimes ».
Sur la gauche, Stefana Savic propose une étrange marche dans l’eau en direction d’une île proche, mais peut être inaccessible (My Island, 2022).
Après l’œil bleu dans un tondo noir de Jean-Louis Accettone (Autre chose du soleil, 2023), le fascinant Moon Moth Bed (2023) de Virginia Luna Montgomery est sans doute une des œuvres les plus oniriques et incontournables de l’exposition.
Parmi les propositions saisissantes figurent également Après la Durance (2024), un triptyque vidéo de 30 minutes de François Lejault. Il retrace le périple d’un marcheur solitaire depuis le confluent de la Durance avec le Rhône, jusqu’à sa source à Montgenèvre…
L’imposant poème qui accompagne la projection exige attention… L’œuvre mérite pratiquement une visite à elle seule si l’on veut apprécier toute la richesse…
Au fond de l’espace d’exposition, Broken Eyes (2023) de Gabriela Golder s’impose comme l’une des œuvres phares des Instants Vidéo 2024. Cette vidéo de trente minutes, d’une intensité glaçante, ne laisse personne indemne.
Elle s’inscrit dans le projet multimédia « Arrancar Los Ojos » (Arracher les yeux en espagnol), né des manifestations de masse au Chili en 2019, où plus de 400 victimes de violences policières ont été grièvement blessées aux yeux. Broken Eyes explore la brutalité étatique en exposant la pratique systématique des forces anti-émeutes, qui, dans des contextes variés – de l’Amérique du Sud à Hong Kong, en passant par le Cachemire, la Palestine et la France – ciblent délibérément la tête des manifestants.
Plus loin, Geopsyche (2024) de Saara Ekström, mais aussi 二〇二〇 (2023) de Max Hattler interrogent le regard et la place des spectateur·ices face aux paysages mythiques, géologiques… et urbains…
Buzzclub Sexyland (2023) de Gerald Van Der Kaap et Aukje Dekker propose de troublants « portraits » de jeunes clubbers… Que reste-t-il lorsque les clubs n’existent plus et quand les réseaux sociaux les ont transformés en performeurs à toute heure du jour et de la nuit…
La chorégraphie en 3D des curieux aliens dorés et argentés de Faiyaz Jafri dans Blush(2023), dansant dans l’obscurité avant de croiser des « bambis » chromés qui se délitent peu à peu, manque peine à convaincre…
Face à elle, le puissant et troublant The Edge (2023) de Recep Akar s’impose avec une intensité incontestable.
Une question sans fin
Le parcours s’achève sur cette œuvre qui interroge profondément le spectateur. The Edge évoque une humanité vacillante au bord d’un précipice… Les quelques lignes de son synopsis sont d’une lucidité prémonitoire… « Certains d’entre nous en sont conscients, d’autres non, mais nous vacillons tous au bord de la même falaise, en essayant de garder l’équilibre. Un vent nous emportera-t-il, une main nous saisira-t-elle et nous tirera-t-elle par-dessus le bord, l’espoir peut-il nous soutenir en ces temps incertains et turbulents ? »
Sa résonance avec Comment tenir le vide de Rachel Echenberg conduit à quitter l’exposition avec cette question toujours en suspens et lancinante : « Car de quoi vit l’humain ? »
Avec les œuvres de : Florian Schönerstedt (France), Mohammad Zandsalimi (Iran), Rachel Echenberg (Canada), Jean-Louis Accettone (France), Stefana Savic (Serbie), Virginia Luna Montgomery (Etats-Unis), Pierre Yves Clouin (France), François Lejault (France), Max Hattler (Hong Kong), Saara Ekström (Finlande), Kailum Graves (Australie), Gabriela Golder (Argentine), Mariano Ramis (Argentine), Mia Felić (Estonie), Clara Lemercier Gemptel (France), Veronique Sapin (France), Gerald Van Der Kaap & Aukje Dekker (Pays-Bas), (Etats-Unis), Recep Akar (Turquie), Julie Grosche (France)
À lire, ci-dessous, une brève présentation des installations vidéo et des artistes extraite de la fiche de salle.
En savoir plus :
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Les liens vers les sites des artistes sont dans la présentation ci-dessous
Les Instants Vidéo 2024 : Brèves présentation des œuvres et des artistes exposés au 3e étage de la Tour Panorama
Florian Schönerstedt – Les cartes du champ de bataille, 2023
En 2016, j’ai collecté et archivé tous les déchets générés par mon appartement. J’en ai éliminé les objets souillés et les résidus organiques. Ce film en est la restitution exhaustive, d’un à cinq items par image au rythme de 12 images par seconde.
Florian Schönerstedt est artiste et réalisateur. Début 2000, il réalise son premier film pendant ses études universitaires. Depuis, il a réalisé 4 courts métrages, projetés dans de nombreux festivals. En 2014, son film Souffle court remporte le Prix court-circuit d’Arte. En 2015, il s’installe en atelier pour développer sa pratique de l’image en mouvement. Pour avril 2023, il prépare deux expositions personnelles à l’Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux et à la galerie Eva Vautier de Nice.
https://www.documentsdartistes.org/artistes/schonerstedt/repro.html
https://www.instagram.com/schonerstedtflorian/
Mohammad Zandsalimi – Untitled, 2024
Cette vidéo traite de l’histoire de l’humanité. La vie n’est pas compliquée. La vie, c’est le vol des papillons. La vie, c’est le bonheur.
Mohammad Zandsalimi : « Je suis un artiste FX passionné par la création d’effets visuels époustouflants avec Houdini. J’ai travaillé sur des projets allant du long métrage à la vidéo et j’ai développé des compétences en simulation, rendu, compositing et scripting ».
Rachel Echenberg – Comment tenir le vide, 2021
Le thème central de la perte dans ce travail vidéo performatif est représenté par la tentative de s’accrocher à des éléments cassables et intangibles : le verre, le vent, le sable ou les relations intimes. Bien que les actions vidéo impliquent une certaine endurance, elles parlent surtout de connexions poétiques de soins, de dépendance et de transformation.
Cette vidéo a été réalisée en collaboration avec Sébastien Worsnip, lors de la résidence Seuls et Ensembles, créer du lien, du 6 au 26 juin 2021, sous la direction de Martin Dufrasne, AdMare, Îles de la Madelaine, QC.
https://rachelechenberg.net/fr/comment-tenir-le-vide-video-2023/
https://www.instagram.com/rachyech/
Stefana Savic – My Island, 2022
Un personnage féminin (l’auteur elle-même) marche dans l’eau en direction d’une île voisine. Bien que proche, l’île, métaphore de l’espace personnel et de la liberté, devient de plus en plus lointaine, et son parcours, entrecoupé de procédures de montage, devient de plus en plus long. Sous la pression des obstacles et des limites, le champ de l’imagination de sa personnalité s’ouvre et tout devient possible.
Stefana Savic (1979, Kraljevo, Serbie) est une artiste visuelle basée sur la photographie, la vidéo et le texte. Elle a obtenu son B.A. en photographie à l’Académie des Arts BK de Belgrade (2008) et M.A. en théorie des arts et des médias à l’Université des Arts de Belgrade, études interdisciplinaires (2010). Stefana est membre de l’Association des beaux-artistes de Serbie (ULUS) (2021)
https://stefanasavic.com/
https://www.instagram.com/stefana__savic/
Jean-Louis Accettone – Autre chose du soleil, 2023
Sur un support, un moniteur vidéo est encadré par un disque noir, comme un tondo. Une séquence se déroule : un œil bleu en mouvement. Indéterminé, féminin ou masculin. Il nous fixe, puis regarde progressivement vers le haut. Puis le regard descend lentement vers nous, nous fixe à nouveau, puis reprend son mouvement ascendant vers un espace physique ou spirituel inconnu. Ce cycle régulier du regard dure environ 30 secondes à chaque fois. L’ensemble dure environ 5 minutes filmées en continu. La séquence de 5 minutes est reliée à elle-même sans transition visible, selon un cycle d’une heure, en boucle, avec une très légère transition visible toutes les heures.
Pierre Yves Clouin – Rain again, 2023
C’est ici que ça se passe. J’ai filmé le reflet de la ville et du ciel sur le sol détrempé en marchant. Tout ce qui (un vélo, un tronc d’arbre, un banc, etc.) ne se reflétait pas sur le sol à chaque prise de vue a été enlevé, ce qui provoque cet assemblage d’écrans hétérogènes.
Virginia Luna Montgomery – Moon Moth Bed, 2023
Moon Moth Bed est un film d’art surréaliste, symbolique et éco-féministe sur la destruction, la renaissance et la conscience collaborative. Inspiré par les écrits écoféministes et la philosophie panpsychique de Donna Haraway, ce film en prise de vue réelle étudie l’idée que toute matière est consciente et interconnectée. Moon Moth Bed met en scène de véritables papillons de nuit qui éclosent de leur cocon au milieu d’un monde de rêve vidéo éthéré composé de cloches, d’une lune miniature et d’un petit lit à l’échelle d’un papillon de nuit. Le film est entouré d’un paysage sonore atmosphérique composé d’orages grondants, de sons texturés et de cloches de temple scintillantes. Dans la séquence visuelle culminante de Moon Moth Bed, un dispositif deus-ex-machina entre dans le film pour conjurer le chaos. En réponse, le monde onirique de la vidéo s’anime avec des flux sensuels de miel pour rétablir la paix. La vidéo se termine par des images en forme de cercle qui symbolisent la renaissance et évoquent l’espoir.
Virginia L. Montgomery (VLM) est une artiste multimédia travaillant à travers la vidéo, la performance, la conception sonore et la sculpture. Elle est connue pour ses œuvres surréalistes uniques, de synthèse, qui unissent des éléments du mysticisme, de la science et de sa propre expérience vécue en tant qu’individu neuro divergent. Ses œuvres sont surréalistes, sensorielles et symboliques. Le sujet passe des pierres aux papillons de nuit et aux machines, alors que VLM déploie un vocabulaire visuel idiosyncrasique de gestes répétitifs et de symboles récursifs comme des cercles, des trous et des sphères. Ses efforts artistiques se caractérisent par l’expérimentation matérielle, la sensibilité somatique et sa pratique inhabituelle en studio consistant à élever à la main les papillons de nuit et les papillons apparaissant dans ses vidéos. Les divers mouvements artistiques de VLM interrogent la relation complexe entre les structures physiques et psychiques à travers des gestes d’action, d’intimité et d’empathie. VLM mène également une carrière parallèle ; elle travaille comme scribe d’idéation visuelle, facilitatrice graphique, une profession unique pour laquelle elle parcourt le monde pour schématiser le développement d’idées lors de réunions de groupe comme les conférences TED, les événements DEI et les conférences sur l’innovation. Dans son travail d’artiste artistique, VLM tourne vers l’intérieur cet ensemble de compétences professionnelles, qu’elle décrit comme le « tracé de cartes mentales », pour restituer les contours de son propre subconscient et la symbolique de la narration. Collectivement, les symboles, les formes, les sujets et les gestes de VLM rompent les surfaces matérielles, ouvrant des portails vers l’espoir d’une conscience atomique.
François Lejault – Après la durance, 2024
Ce projet raconte le périple d’un marcheur solitaire menant de la confluence du Rhône et de la Durance à la source à Montgenèvre. Survivant d’un événement dont on ne saura rien si ce n’est par le signe le plus évident: la disparition totale de toute présence humaine. Un monde qui refait surface en sublimant de la plus forte intensité possible les contours d’un nouvel état du vivant. Poème élégiaque chantant la fin d’un monde mais projetant les signes de celui qui renaît.
https://www.lejault.com/Pages/apres_la_durance_teaser-lejault.htm
Gabriela Golder – Broken Eyes, 2023
Broken Eyes est né du choc suite aux événements tragiques qui ont eu lieu au Chili et en Colombie à partir d’octobre 2019. Une crise sociale et politique qui a fait plus de 700 blessés aux yeux à cause des balles tirées par la police lors des manifestations. La police vise directement la tête. Ce n’est pas seulement au Chili. Ce n’est pas seulement en Colombie. C’est la France, le Liban, Hong Kong, le Cachemir, la Palestine, entre autres. Broken Eyes s’interroge sur le moment qui précède la mutilation et sur ce qui reste après la tragédie. Il s’interroge sur la violence, sur l’action d’arracher les yeux, sur l’absence de regard, sur l’invisibilité, sur la cécité. Broken Eyes est construit à partir de différentes sources : images d’archives, témoignages de victimes de mutilations, performances, textes recueillis à partir de slogans chantés lors de manifestations populaires dans différentes régions du monde, textes militaires et scientifiques. Tout est éteint. Mais les yeux résistent, ils récupèrent les espaces, les corps, les yeux reviennent, ils sont reconstitués. Est-il possible de restaurer le regard ? Est-il possible que les yeux reprennent leur place ?
https://www.gabrielagolder.com/works1.htm
https://www.gabrielagolder.com/Broken%20eyes.htm
Mariano Ramis – Ignore and know, 2023
J’ai essayé de retracer une brève histoire de la fascination, en énumérant les points nodaux dans l’évolution de l’étrange et du surprenant, mais dans la littérature de la science fantastique, les jalons, bien qu’ils soient décrits avec précision, ne permettent pas d’organiser une trame de causalité. Chaque chose semble émerger d’un lieu différent, mardi 24 juin 1969, 14 heures, cerro Uritorco, Córdoba, Argentine ; 28 janvier 1975, 14 heures 12, Hinwil, canton de Zurich, Suisse. Je ne peux pas savoir si les soucoupes volantes précédentes sont antérieures ou postérieures dans leur modèle à celles qui ont été vues plus tard, si ce lieu lointain d’où elles viennent ressemble si peu au nôtre que, dans son obscurité infinie, il est impossible de reconnaître un quelconque ordre. Entre les mots et les choses, un gradient d’incertitude floue, composé de millions d’entités qui voudraient appartenir à ce monde connu, elles existent toutes, mais sont retenues à l’entrée par une angoisse ancestrale.
Kailum Graves – Spukhafte Fernwirkung, 2017-2019
Spukhafte Fernwirkung a consisté à collecter manuellement chaque photo téléchargée sur le site www.road.is-a, qui utilise un vaste réseau de webcams pour montrer l’état des routes et de la conduite en Islande, chaque jour pendant un an. Le fait de parcourir l’Islande avec mes bottes de neige me manquait, c’est pourquoi m’intéresser au paysage à distance pendant deux ans a été pour moi un moyen de rester en contact avec le pays. En outre, alors que le numérique est dominé par les métaphores de l’espace, avec des termes tels que cyberespace ou réalité virtuelle, je me suis intéressée au temps, parce que le temps est (numériquement parlant) ignoré ou considéré comme une frustration – le temps qu’il fallait autrefois à un modem pour se connecter à l’internet, ou le temps qu’il faut pour télécharger quelque chose. J’ai également été attirée par la faible résolution des images (640 x 480 pixels chacune), qui leur confère une qualité à la fois glitchy et picturale. Néanmoins, bien que numérique par nature, je considère l’œuvre comme un processus hybride entre une peinture de plein air (de longue durée) et un traitement informatique (après la capture). Les webcams sont perpétuellement à l’extérieur, capturant constamment le(s) paysage(s) – avant que je ne capture à mon tour leur capture du terrain numérique. Fondamentalement, je ne crois pas que le statut numérique d’une œuvre d’art doit altérer son expérience perceptuelle ou son appréciation. En outre, je voulais explorer un aspect de l’Islande différent de celui des dizaines de milliers de photographes et de vidéastes qui se rendent chaque année aux mêmes endroits pour dépeindre l’Islande comme un paysage d’un autre monde, sauvage, accidenté et intouché. Je m’intéresse davantage à la disparition des frontières claires entre la culture, la technologie et l’environnement. La route 1 (le périphérique), qui fait le tour de l’île et relie la plupart des habitants du pays, ainsi que les attractions touristiques les plus populaires, était donc pour moi un sujet plus intéressant.
Saara Ekström – Geopsyche, 2024
Geopsyche est un voyage dans à travers les événements géologiques remarquablement lents qui échappent à notre compréhension. En cherchant des liens entre la géologie, l’évolution et le subconscient, le film nous escorte vers des paysages mythiques et une conscience accumulée dans les chroniques de la terre, où l’existence des humains n’est qu’une ère et une couche dans les sédiments à venir.
https://www.saaraekstrom.com/
https://vimeo.com/894244377
https://www.instagram.com/ekstromsaara/
Max Hattler TWENTYTИƎWT / 二〇二〇, 2023
Entièrement tournées depuis l’appartement de l’artiste, situé au 36e étage d’un immeuble de grande hauteur, les images survolent de grandes parties du paysage urbain de Hong Kong. En utilisant une distance extrême de deux mètres entre deux caméras synchronisées capturant les scènes, la distance interoculaire du destinataire est élargie, faisant du spectateur un géant et de la ville un petit objet en carton et de maisons de poupées.
Max Hattler est un animateur expérimental et artiste audiovisuel intéressé par l’espace entre abstraction et représentation, où la narration est libérée des contraintes du récit traditionnel. Son travail contemple les microcosmes, les moments et les atmosphères : les gros plans comme réflexions sur une vue d’ensemble et l’esthétique comme réflexion sur la politique. Si ses films sont dépourvus de dialogue, ils explorent les relations entre le son, la musique et l’image en mouvement. Après avoir étudié au Goldsmiths et au Royal College of Art de Londres, et pendant un semestre à l’Escuela de Cine de Madrid, il a obtenu un doctorat en beaux-arts à l’Université d’East London. Max Hattler est professeur associé titulaire à la School of Creative Media de la City University de Hong Kong. Son travail a été montré dans le monde entier et a reçu des prix au Festival d’animation d’Annecy, au Prix Ars Electronica, au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, au Festival Punto y Raya, aux Lions de Cannes et au Festival international d’animation de Londres, entre autres.
https://www.maxhattler.com/2020/
https://www.instagram.com/max_hattler/
Gerald Van Der Kaap & Aukje Dekker – Buzzclub Sexyland, 2023
Dans les années 1990, les artistes Gerald Van Der Kaap et Rineke Dijkstra ont créé une série de « screentests » dans lesquels ils retiraient les jeunes clubbers de leur contexte, la piste de danse, et les filmaient dans un cadre neutre dans un studio temporaire, posant, dansant, fumant ou s’embrassant, créant ainsi un portrait perspicace de la vie des jeunes à cette époque. Pour Buzzclub Sexyland, Aukje Dekker, une artiste dont les œuvres soulèvent des questions sur la paternité et la co-création radicale, a demandé à Van Der Kaap de collaborer à un projet qui pose la question suivante : que se passerait-il si nous recréions l’expérience en 2022 ? Vingt-cinq ans plus tard, les clubs dans lesquels Van der Kaap et Dijkstra ont filmé – MysteryWorld à Zaandam, RoXY et Vrieshuis Amerika à Amsterdam, et The BuzzClub à Liverpool – n’existent plus et les réseaux sociaux nous ont transformé en performeurs à toute heure du jour et de la nuit.
https://www.aukjedekker.nl/?id=133
https://www.aukjedekker.nl/?id=133#137
https://www.instagram.com/aukjedekker/
Julie Grosche – A Possible Field of Experience, 2019
À possible Field of Experience est une comédie musicale éco-féministe qui se déroule dans la région viticole de Bourgogne. Inspirée par le mouvement éco-féministe des années 1970 qui établit des liens entre la domination subie par les femmes et la nature, Julie Grosche dresse le portrait d’hommes, de femmes, d’un raisin et d’une thyroïde en train de réorganiser le pouvoir. Progressivement, les personnages dominés acquièrent plus de pouvoir pour niveler le terrain et rééquilibrer le pouvoir à travers des chants exaltés qui se terminent par une célébration de la vie, de l’amour et de la nature. Le film est une observation de l’ordinaire et de l’héritage immatériel du paysage viticole et du terrain social. Il parle d’une multitude d’expériences dans ce monde vibrant d’énergies et d’activités. Il est le reflet d’un village riche de voix et de registres juxtaposés ; folklore, culture populaire, voix savante omnisciente, santé publique, patrimoine et héritage, féminisme, éco-féminisme. Un champ d’expérience possible est un discours polyphonique sans rupture entre la haute et la basse culture, ainsi qu’une culture visuelle polyphonique. Le point de vue est celui de l’image en général et d’une culture visuelle élargie.
Faiyaz Jafri – Blush, 2023
Né aux Pays-Bas et d’origine pakistanaise, Fayaz Jafri est artiste visuel, compositeur et cinéaste. Son travail est un reflet hyperbolisé des tropes des médias populaires. Il reprend les clichés de la société et pousse leur esthétique dans l’hyper-irréel, en utilisant l’intertextualité pour explorer les archétypes modernes, aboutissant à un langage visuel remixé introspectif et amplifié. Faiyaz est commissaire associée au Digerati Emergent Media Festival à Denver et enseigne la matérialité numérique et l’animation à la Parsons School of Design, au Pratt Institute et au Queens College de New York.
https://faiyazjafri.com/blush/
https://www.instagram.com/faiyazjafri/
Recep Akar – The Edge, 2023
Certain.e.s d’entre nous en sont conscient.e.s, d’autres non, mais nous vacillons toustes au bord de la même falaise, en essayant de garder l’équilibre. Un vent nous emportera-t-il, une main nous saisira-t-elle et nous tirera-t-elle par-dessus le bord, l’espoir peut-il nous soutenir en ces temps incertains et turbulents ? The Edge est une œuvre sur l’équilibre fragile de la vie et les questions existentielles.
https://www.instagram.com/lowdiskspace/
https://www.wildsound.ca/videos/the-edge-review
Clara Lemercier Gemptel – Soma, 2024
Dans le vacarme permanent des machines, des témoignages de travailleurs et de travailleuses se font entendre. Ils décrivent chacun à leur manière les divers mécanismes, organisations du travail, violences, qui les ont amenés à développer une multitude de symptômes physiques et physiques. En incarnant tour à tour ces récits individuels, d’étranges silhouettes blanches tentent de redonner un corps à ces voix anonymes.
Véronique Sapin – Viens allons vivre et penser entre les lignes, 2023
Des lignes noires et blanches verticales traversent l’image telles un code barre. Peu à peu de petits mouvements attirent l’œil. Deux formes franchissent la limite noire pour entrer dans la ligne blanche et la traverser. Leur ombre s’atténuant graduellement, on distingue deux personnes marchant côte à côte. La vidéo est une invitation poétique à franchir les lignes, c’est à dire prendre un chemin de traverse pour résister à l’uniformisation de la pensée, réfléchir à ce qui nous est transmis comme vérité et développer notre esprit critique.