Jusqu’au 18 mai 2025, le musée Soulages présente une exposition très attendue consacrée à Geneviève Asse. Son titre, « Le bleu prend tout ce qui passe », est emprunté à un livret publié par l’artiste en 2003. Il renvoie évidemment au « Bleu Asse » qui s’est imposé dans sa peinture à partir des années 1970 que Benoît Decron qualifie d’insaisissable et difficile à ranger dans un nuancier. Cette couleur est aujourd’hui associée à Geneviève Asse, comme le noir peut l’être à Soulages.
Dans un entretien avec Sylvia Baron-Supervielle, sa compagne et gardienne de l’œuvre (Un été avec Geneviève Asse, l’Échoppe, 1996), Geneviève Asse expliquait : « Cette couleur est venue spontanément à moi. Il y a toujours eu du bleu dans ma peinture, mais il a grandi à partir des années 1970. Il est venu me chercher, puis s’est graduellement répandu. D’abord, ce fut des bleus de toutes sortes, ensuite un bleu différencié qui m’appartient vraiment, je crois. Petit à petit, j’ai trouvé mon bleu. J’avais utilisé des bleus foncés et des bleus très clairs avant d’arriver à ce bleu personnel, qui mélange des gris et d’autres bleus ».
Geneviève Asse, sans titre, 1970, 218 x 160 cm et sans titre, 1970, 200 x 160 cm © catalogue raisonné Asse – Laurentin
Une exposition Geneviève Asse au musée Soulages s’impose avec une certaine évidence. Dans son avant-propos au catalogue, Alfred Pacquement rappelle : « Geneviève Asse était une contemporaine de Pierre Soulages. Les deux peintres se connaissaient, se respectaient. Tous deux avaient commencé à exposer au lendemain de la guerre en affirmant leur indépendance vis-à-vis des mouvements artistiques qui dominaient l’époque… »
Puis, il ajoute : « Là s’arrête le parallèle. Si Soulages a rejeté dès le départ toute référence à la figure, Asse a commencé par peindre des natures mortes ou des intérieurs imprégnés de la leçon de Georges Braque et du regard porté sur des compositions de Morandi, et de Chardin avant lui.
Peu à peu, sans à-coups ni ruptures spectaculaires, la peinture s’est dépouillée d’allusions directes à l’image pour s’inspirer de l’atmosphère lumineuse et chromatique du paysage breton (…). Pour autant cette peinture n’a rien de naturaliste. Elle témoigne d’une abstraction sensible, silencieuse, intense, dont le thème est la rencontre de la lumière et de l’espace ».
Le parcours imaginé par Benoît Decron et Malika Noui, commissaires de l’exposition, est « orienté vers le passage de cette réalité du quotidien aux compositions informelles, (…) du théâtre des objets du commun à la pure effusion du non-figuratif ».
Geneviève Asse – Hommage à Chardin, 22 × 35 cm, 1943 ; Boîtes bleues, 73 × 93 cm, 1948-1950 et L’Atelier, 147 × 114 cm, 1948 © catalogue raisonné Asse – Laurentin
« Le bleu prend tout ce qui passe » réunit environ 70 œuvres – peintures sur toile, dessins et estampes – de 1946 à 2009. Les prêts du Fonds de dotation Geneviève Asse sont complétés par ceux du Centre Pompidou-Musée national d’art moderne, de la Fondation Gandur, du musée de Vannes, du musée des beaux-arts de Lyon, du musée des beaux-arts de Rennes, du musée de Grenoble, du MACVAL, de galeries et de collectionneurs.
Geneviève Asse – Pluie n° 2, 16,5 × 22 cm, 1963 ; Composition – Couleurs dans l’espace, 146 × 114 cm, 1966 ; Horizontale bleue, 57 × 40 cm, 1972 ; Ouverture Lumière, 199,2 × 199,4 cm, 1973 ; Ligne rouge, 100 × 100 cm, 1998 ; Verticale bleue, 195 × 113 cm, 1975 et Stèle n° 5, 280 × 120 cm, 1995-96 © catalogue raisonné Asse – Laurentin
Les carnets de Geneviève Asse bénéficient d’une présentation spécifique et d’une consultation numérique accessible au public. Quelques natures mortes ont été restaurées à l’occasion de ce projet.
On attendait avec intérêt de découvrir l’accrochage conçu par les deux commissaires et la manière avec laquelle il montre « comment les natures mortes et les Boîtes préparent la subjective domination exclusive du bleu »… On retrouve l’émotion que produisent « les infimes accrocs du monochrome, ces nappes de bleu profond, de blanc parfois, souvent traversées d’étroites verticales » comme l’écrit très justement Alfred Pacquement… Cette subtile vibration que l’on a pu ressentir ici ou là et notamment au musée Fabre à l’hiver 2012-2013.
Le parcours débute dans les espaces situés à droite de l’entrée, introduit par un texte des deux commissaires reprenant les premiers paragraphes de leur contribution au catalogue.
Au fond de cet espace, une longue vitrine met à l’honneur les « Carnets », suivis des « Livres et gravures » réunis pour l’exposition.
Sur les cimaises, l’Hommage à Chardin (1943) et les Boîtes bleues (1948-1950) sont entourés par des toiles datant de la fin des années 1950 et du début des années 1960. Cet ensemble illustre avec justesse ce qui précéda « la subjective domination exclusive du bleu »…
La visite se poursuit dans la première partie du vaste espace à gauche de l’entrée. Deux œuvres de la fin des années 1960, Porte blanche (1968) et L’hommage à Saenredam (1968-69), marquent la disparition définitive de toute figuration. Une douzaine de peintures des années 1970 témoignent du passage progressif des grandes toiles blanches, inspirées par la lumière du Midi, vers des compositions et des tondos où le « Bleu Asse » s’affirme peu à peu…
Dans la seconde partie de cet espace, la séquence « Vers le bleu » s’intensifie avec un remarquable ensemble d’œuvres soigneusement sélectionnées, allant des années 1980 jusqu’à la première décennie des années 2000.
Sur le mur du fond, quatre toiles monumentales, atteignant près de trois mètres de hauteur, dominent l’accrochage. Trois Stèles (1995-96) accompagnent une Composition probablement réalisée en 1985. Le texte de salle souligne : « Avec beaucoup de grâce, l’artiste déchire la toile par un trait de lumière blanche ou rouge qui ouvre l’espace vers l’infini ».
À leur gauche, une citation de Geneviève Asse (2003) s’impose d’elle-même, sans nécessiter le moindre commentaire :
« La verticale sépare la mer,
le ciel tantôt l’ombre, tantôt l’air.
Je peins entre les choses. »
Cet imposant « triptyque plus un » évoque immanquablement les cinq Outrenoir monumentaux du centenaire (2019), réunis sur cette même cimaise lors de l’inoubliable exposition « Les derniers Soulages à Rodez » en 2023.
Reste la section des « Natures mortes » qui prend place dans les deux « boîtes » héritées de l’exposition « Fontana. un futuro c’è stato » de l’été dernier.
Cette parenthèse au sein de la superbe séquence « Vers le bleu » crée un décalage, une rupture, un hiatus dans un accrochage qui aurait pu être d’une parfaite cohérence… Si la présence de ces deux édicules s’imposait, pourquoi ne pas y avoir exposé plutôt les « Carnets » ainsi que les « Livres et gravures » ? Une telle disposition aurait sans doute mieux accompagné la montée en puissance de ce bleu « qui prend tout »… Un choix qui aurait moins heurté le regard que ce retour en arrière qu’implique la présentation des natures mortes. Celles-ci n’auraient-elles pas trouvé une place plus adéquate sur le mur du fond du premier espace, en début de parcours ?
Sans doute convient-il d’ignorer ces natures mortes lors d’une première découverte de la séquence « Vers le bleu », et de n’y revenir qu’en se dirigeant vers la sortie…
Malgré cette « fausse note », un passage par « Le bleu prend tout ce qui passe » au musée Soulages reste, bien entendu, incontournable !
Un catalogue de 144 pages complète l’exposition. Il réunit des contributions de Silvia Baron Supervielle, d’Hector Bianciotti, de Cécile Pocheau-Lesteven, d’Anne de Staël, de Françoise Berretrot et de Benoît Decron. Des témoignages de René de Ceccatty, d’Antoine Laurentin et de Marie-Françoise Le Saux complètent un entretien entre Geneviève Asse et Malika Noui de 1993. La Alfred Pacquement, président du musée Soulages, en signe la préface.
On trouvera ci-dessous, quelques regards photographiques sur l’exposition. Ils sont accompagnés des textes de salle. On reproduit également une présentation de Geneviève Asse par Benoît Decron, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée Soulages et commissaire de l’exposition.
En savoir plus :
Sur le site du musée Soulages
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Consulter le catalogue raisonné de l’œuvre peint de Geneviève Asse en cours de réalisation par Antoine Laurentin, à la demande de Silvia Baron Supervielle, l’ayant-droit de l’artiste.
Geneviève Asse sur le site de la galerie Laurentin
Geneviève Asse – « Le bleu prend tout ce qui passe » : Parcours de l’exposition
L’air possède une couleur
Bleu : il prend tout ce qui passe
Un couple de phrases concises dans le livret de Geneviève Asse, Notes par deux, 2003.
Nous saisissons ces vues de l’esprit du peintre, comme de longs tirets sur le papier immaculé du livret, comme des incisions ; des lignes essentielles comme le bastingage du navire, lignes de vie fines et robustes, surmontant les flots, bravant l’espace. Ces deux phrases tiennent lieu de programme.
L’historien d’art Germain Viatte, qui aimait l’œuvre de Geneviève Asse insistait sur ce bleu « qui prend tout ». C’était considérer ce pigment en constant développement, comme une marée montante balayant le préexistant sur sa lancée, un mouvement qui étalonne pourtant ses passages qui avance pour mieux se retirer et troubler le nuancier. Un bleu atmosphérique – Atlantique disait-on, ciel et mer solidaires, en partage cependant – une couleur entêtante devenue maîtresse des lieux, le chiffre du peintre, le fameux Bleu Asse. Un bleu éreinté par le passage de brosses rognées, un bleu obstiné et intuitif, qui accueille la lumière. Cette exposition se propose d’en raconter la genèse et la conquête. Les œuvres y sont présentées en séries.
Geneviève Asse (1923-2021) est une figure de la peinture d’après-guerre, peintre, graveuse, dessinatrice et vitrailliste. Entre la Bretagne et Paris : elle se fait connaître au début des années 50, par ses natures mortes épurées, se dégageant progressivement du réel, peignant dans un style informel de grands espaces gris, nacrés et blancs. Elle expose alors au Salon de Mai et au Salon des Réalités Nouvelles soutenant l’abstraction géométrique.
Le musée Soulages accueille Geneviève Asse qui affirmait en 1989 : « Quelquefois les toiles sont bleues, mais elles se transforment. La vie des couleurs est curieuse. J’ai peint autrefois avec des blancs, qui devenaient des blancs d’ivoire, des gris, des rouges. De même quand je regarde les toiles de Soulages : elles ne sont pas noires. On dit toujours les noirs, moi je vois des couleurs dans ces noirs. »
Benoît Decron et Malika Noui
Carnets
Si la gravure est une démarche parallèle à son travail de peintre, les carnets de Geneviève Asse représentent la partie la plus secrète de sa création. Enfant, au milieu des livres de la bibliothèque familiale, elle jouait déjà à rehausser les estampes de Gustave Doré. Le lien intime avec le livre se reflète dans les pages de carnets couverts de notes, de dessins, de collages et de motifs peints.
« En vérité, mon rapport avec les livres commença avec les carnets. J’ai des carnets de 1943 ». Simple, peint sur la couverture et tranche, relié, sans titre le plus souvent, le carnet est un espace continu d’expérimentation technique et rythmique où chaque page entraîne l’autre créant à elle seule une œuvre unique. Un récit formel. Les leporellos sont des livres se dépliant en accordéon.
Dans l’atelier de sa maison à l’Île aux Moines où elle séjourne fréquemment, Geneviève Asse n’hésite pas à introduire dans les monochromes azurés, des motifs figuratifs comme des feuilles, des fleurs, des oiseaux, ou des voiles de bateaux.
« Ces carnets sont pour moi un entracte. Le carnet m’accompagne partout où je vais. Je m’arrête devant toutes sortes de choses : les roses que j’ai peintes autrefois, les hortensias, les dahlias, le lierre, la vigne vierge, la feuille des pivoines, le chèvrefeuille. Je fais des études » Geneviève Asse à Silvia Baron Supervielle en 1996.
Livres et gravures
J’aime peindre jusqu’à la pointe de l’oeil et dessiner de la même façon, c’est-à-dire jusqu’à l’extrême, jusqu’au plus aigu.
« J’ai joué le jeu d’instinct, sans avoir rien appris. J’ai acheté des plaques de zinc et de cuivre, et j’ai commencé à graver. C’était pour moi une espèce de continuité du dessin, avec des instruments plus aigus, comme la pointe sèche et le burin. La gravure me permettait de dessiner d’une façon beaucoup plus aiguë, plus tranchante (ce qui a toujours été mon souci) de faire des choses dans l’espace. » G. A., 1977.
Geneviève Asse n’a jamais cessé de graver de 1947 à 2003. Elle n’a eu de cesse de donner de précieux tirages à la Bibliothèque nationale de France qui possède un fonds abondant.
Comme le rappelle Rainer Michael Mason en 1998 : « La réception de Geneviève Asse a sans doute été favorisée par des approches littéraires – car c’est « poétiquement (que) l’homme habite sur cette terre » – voire un discours métaphysique, pour ne pas parler des expositions. » Elle illustre donc les recueils de poètes et écrivains Francis Ponge, Pierre Lecuire, Claude Esteban, Samuel Beckett, Silvia Baron Supervielle, Charles Juliet, André Frénaud, Imre Pan, André du Bouchet, Mila Gagarine, Yves Bonnefoy, Jorge Luis Borges, Anne de Staël.
Vers le bleu
Après avoir passé son enfance dans le golfe du Morbihan, marquée à jamais par les couleurs du ciel et de la mer, une complicité naît entre Geneviève Asse et le bleu.
De l’univers clos et monacal de ses premières natures mortes aux couleurs sourdes qui s’accordent entre elles, Geneviève Asse explore constamment l’espace et la lumière vers un infini toujours ouvert. Geneviève Asse réalise vers 1940 ses premières natures mortes. Sa peinture décrit son modeste quotidien : couteau, carafe, table, bouteille, torchon, miche de pain posée, pomme, artichaut, boite, fleurs étagère, fenêtre… La sobriété purifie l’espace pour faire éclater la lumière. Les tons sombres suggèrent une profondeur par la présence de plans obliques.
Au tournant des années 1960, l’artiste laisse échapper progressivement l’objet de sa peinture pour laisser place à une exploration abstraite de l’espace. Les objets s’effacent en plans de couleurs aux tons chauds ou froids.
Le blanc s’étend pour ne retenir que les vibrations de la lumière. C’est la période des grandes peintures blanches inspirées par la lumière du Midi dont certaines font d’ailleurs référence à Turner.
Le bleu entre subrepticement dans sa peinture en passages légers, mouillés ou dilués. Geneviève Asse inscrit alors le paysage breton de son enfance (mer, falaises, pluie) dans ses toiles.
Le bleu s’enrichit de tous les bleus et se répand peu à peu dans toutes ses nuances. Il est gris ardoise, bleu outremer, bleu cobalt ou bleu pur.
Avec une ténacité biblique, Geneviève Asse cherche à atteindre le coeur de cette couleur bleue jusqu’à trouver son bleu personnel, ce bleu unique, « bleu assien » ou « bleu Asse ». Une couleur à l’huile qu’elle prépare dans des bols jusqu’à trouver la bonne texture. A partir des années 1980, le bleu envahit la toile de différentes manières.
Ce bleu guide l’artiste dans le flux et le reflux du geste qui entraîne la peinture dans un jeu de formes. La couleur passe d’une surface à une autre, d’un plan à un autre. Des bandes parallèles ou superposées ménagent des symétries ou délimitent des formats que l’artiste varie selon ses inspirations, qu’ils soient petits ou monumentaux, carrés ou rectangulaires, horizontaux ou verticaux.
Par un subtil maniement de brosses rognées sans reprise ni embus, Geneviève Asse ne va pas jusqu’au monochrome, laissant trembler toutes les nuances du bleu. Avec beaucoup de grâce, l’artiste déchire la toile par un trait de lumière blanche ou rouge qui ouvre l’espace vers l’infini.
Natures mortes
Au début des années 1940 Geneviève Asse peint ses premières natures mortes à l’École des arts décoratifs, avec les cours de l’École du Louvre, elle copie d’après nature. Elle regarde les œuvres de Le Lorrain, Champaigne, Rembrandt, Cézanne et Chardin : chez lui, elle découvre la géométrie du cristal, la différenciation des objets, leur placement…
« À mes yeux, le cubisme rejoignait Chardin par la composition, la sobriété des couleurs et ce monde d’objets, de transparence, les verres, les fruits, les portes légèrement entrouvertes m’enchanta, il est d’ailleurs resté présent en moi jusqu’à aujourd’hui ».
Dans Compostion à la fenêtre (vers 1950), la profondeur est exprimée par la fenêtre, sur le bouton duquel est pendu un torchon au liseré rouge, une ligne écarlate déjà. Dessous, un placard abrite une théière, des verres, une bouteille … Une austère et poignante mise en scène.
« À l’intérieur, on y voyait une table recouverte de poussière, des journaux, tout était gris ; et il y avait des objets. J’ai été stupéfaite de voir que ces objets bouteilles, vases, avaient été peints : en blanc, en rose, en bleu ; ils étaient posés sur la table avec quelques fruits (…) J’eus le sentiment d’entrer dans la cellule d’un moine franciscain. La contemplation nous lie, et bien sûr la lumière, le silence. ». Une visite à Bologne en 1961 dans l’atelier de Giorgio Morandi.
À propos de Geneviève Asse par Benoît Decron
Née le 24 janvier 1923 à Vannes, Geneviève Anne Marie Bodin prend le pseudonyme de Geneviève Asse pour son itinéraire d’artiste peintre et de graveuse. Toujours elle chérira la Bretagne, partageant ses activités de peintre dans ses ateliers de l’Ile aux Moines et de l’Ile Saint-Louis (à Paris).
De 1940 à 1942, Parisienne, elle se forme auprès du Groupe l’Échelle, avant de se donner corps et âme dans la Résistance auprès de son frère jumeau. Elle s’engage comme ambulancière et participe à la libération du camp de Theresienstadt.
Sa première exposition collective, « Étape » remonte à 1946 à la galerie Visconti ; elle obtient sa première exposition personnelle en 1954 à la galerie Michel Warren toujours à Paris. Geneviève Asse exposera ensuite régulièrement au Salon des Réalités Nouvelles dont le contenu penche clairement dans l’abstraction géométrique (la fortune critique oppose alors bruyamment les abstraits chauds, autour de l’héritage de Kandinsky, et les abstraits froids autour de celui de Mondrian, autour du Salon des Réalités Nouvelles). On ne compte plus les expositions temporaires de Geneviève Asse, la dernière remontant à 2020. Elle compte parmi les artistes majeurs de l’après-guerre, figure de peintre éprise de liberté, au-delà des chapelles abstraites. Elle a donné un ensemble significatif d’œuvres au Centre Pompidou et au musée de la Cohue à Vannes. L’artiste a beaucoup œuvré pour les livres de poètes avec la réalisation d’estampes : Michel Butor, Francis Ponge, Charles Juliet, Silvia Baron Supervielle…Certains de ces auteurs étaient des proches de Soulages qui l’encouragea, la suivit dès les origines. Geneviève Asse meurt le 11 août 2021 à Paris, à l’Institution nationale des Invalides. Ses obsèques bénéficient des honneurs militaires.
Geneviève Asse commence à peindre des œuvres très sobres, des natures mortes ascétiques, comme des sortes de Bodegones, des compositions comme Giorgio Morandi ou Luis Fernàndez les peignirent, sobres et découpées. Progressivement, elle domine une abstraction pure, avec des associations d’aplats rectangulaires plus ou moins vifs, allongés. Depuis les années 1970, Geneviève Asse peint en bleu. Sa palette va du bleu clair au bleu profond, c’est sa marque poétique et sa technique. Ce bleu n’est pas monochrome au sens strict, mais exprime la passion, l’empathie avec la mer et le ciel, avec l’infini. Le bleu sans cesse gagnera du terrain : « Le bleu prend tout ce qui passe » affirmera-t-elle. La lumière, fractionnée, diffusée, naissante… est la grande affaire de Geneviève Asse. C’est une lumière immanente, une sorte de paysage grand ouvert, horizontal. Le souvenir des toiles intitulées Fenêtres le rend vertical. Asse a fait des vitraux à Lamballe ; elle a conçu des pièces de porcelaine pour la Manufacture de Sèvres. Cela la rapproche de Soulages aimant varier les techniques et les expériences.