Jusqu’au 11 janvier 2026, Luma Arles présente « Sensing the Future: Experiments in Art and Technology (E.A.T.) » à la Galerie des Archives Vivantes, au niveau -2 de la tour dessinée par Frank Gehry. Organisée en partenariat avec le Getty Research Institute, l’exposition retrace l’histoire d’une collaboration unique entre artistes et ingénieur·es au milieu du XXe siècle. Elle met en lumière les débuts de Experiments in Art and Technology (E.A.T.) et deux de ses projets les plus importants : 9 Evenings: Theatre and Engineering (1966) et le Pavillon Pepsi-Cola de l’Exposition universelle de 1970 à Osaka, au Japon, qui ont intégré de manière novatrice le théâtre, la danse, la technologie et l’art interactif et multimédia.
« Sensing the Future » figurait parmi les plus de soixante expositions et programmes proposés dans le sud de la Californie à l’occasion de l’édition 2024 de PST ART, présentée par le Getty.
À Arles, le projet est enrichi par l’ensemble « Projects Outside Art » et quelques œuvres supplémentaires.
L’initiative Experiments in Art and Technology rappellera certainement des souvenirs à celles et ceux qui portaient attention aux expérimentations en arts plastiques, danse, théâtre et musique qui ont marqué les années 1960 et le tournant des années 1970 aux États-Unis, héritières du Black Mountain College et des expressions minimalistes qui se croisaient notamment à la Judson Memorial Church.
Pour les autres, « Sensing the Future » offre une occasion unique de découvrir comment des collaborations entre artistes et ingénieur·es ont donné lieu à des innovations révolutionnaires dans le domaine de la performance multisensorielle, qui continuent de faire écho aujourd’hui.
En 1966, Billy Klüver et Fred Waldhauer, ingénieurs chez Bell Labs à Murray Hill (New Jersey), s’associent aux artistes Robert Rauschenberg et Robert Whitman pour fonder Experiments in Art and Technology (E.A.T.), une organisation à but non lucratif.
Le premier événement, 9 Evenings: Theatre & Engineering, intègre art, théâtre, danse et musique, et fait appel à des technologies révolutionnaires dans une série de représentations en octobre 1966 au 69th Regiment Armory à Manhattan. Leur second grand projet, le Pavillon Pepsi-Cola à l’Expo’70 d’Osaka, propose un environnement multisensoriel inédit pour la première exposition universelle en Asie. Lors de ces événements, et dans les centaines de collaborations que l’E.A.T. a facilitées entre-temps, des artistes comme John Cage, Lucinda Childs, Deborah Hay, Steve Paxton, Yvonne Rainer et David Tudor ont pu explorer de nouvelles façons d’entrecroiser art et science.
« Sensing the Future » raconte l’histoire de ces collaborations entre artistes et ingénieur·es et met en évidence la manière dont elles ont donné naissance à de nouvelles installations et à des œuvres d’art basées sur la technologie. Films, photographies, diagrammes et dossiers d’artistes issus des archives de l’E.A.T. au Getty Research Institute offrent une perspective renouvelée sur l’art multimédia des années 1960 et 1970, en soulignant comment l’E.A.T. a fait évoluer la place de l’artiste au-delà du cadre traditionnel.
L’exposition évoque notamment les créations de Robert Breer, John Cage, Lucinda Childs, Ivan Dryer, Jean Dupuy, Öyvind Fahlström, Hans Haacke, Alex Hay, Deborah Hay, Marta Minujín, Peter Moore, Forrest Myers, Fujiko Nakaya, Steve Paxton, Yvonne Rainer, Robert Rauschenberg, Lillian Schwartz, Harry Shunk & János Kender, Wen-Ying Tsai, David Tudor, Andy Warhol, Robert Whitman…
« Sensing the Future » est une exposition incontournable sur les expérimentations artistiques et technologiques ainsi que sur les événements clés de cette période, dans les domaines de l’art, de la musique, de la danse et de la performance, mais aussi à leurs intersections.
Andy Warhol – Silver Clouds, 1966-2025 ; Lillian Schwartz – Proxima Centauri, 1968 et Marta Minujín – Minuphone, 1967 – « Sensing the Future » – Luma Arles
Le parcours suit le long couloir de la Galerie des Archives Vivantes, où sont présentés d’abord les Silver Clouds (1966/2025), issus d’une collaboration entre Billy Klüver et Andy Warhol, puis Proxima Centauri (1968), une sculpture cinétique interactive conçue par Lillian Schwartz, pionnière de l’art assisté par ordinateur, avec Per Biorn ingénieur des Bell Labs et membre de l’E.A.T.
Au fond du couloir, on découvre le Minuphone de Marta Minujín, réalisé avec Per Biorn. En 1967, il transformait le téléphone public en une expérience ludique et immersive où un simple appel devenait un happening ou, selon les mots de l’artiste, un « voyage psychédélique »…
Sur la gauche, les deux grandes salles retracent les 9 Evenings : Theatre & Engineering et le Pavillon Pepsi-Cola de l’Expo’70.
À droite, une enfilade de petites salles rassemble de nombreux documents qui relatent l’histoire de l’E.A.T., l’élaboration des 9 Evenings, ainsi que les expositions « The Machine As Seen at the End of the Mechanical Age » au MoMA et « Some More Beginnings » au Brooklyn Museum en 1968. Ces archives dialoguent avec des œuvres de Robert Rauschenberg (Dry Cell, 1963), Robert Whitman (Shopping Bag, 1966/2013), Ken Knowlton (Computer Nude (Studies in Perception I), 1967), Jean Dupuy (Cone Pyramid (Heart Beats Dust), 1968/1969/2024), Hans Haacke (Photoelectric Viewer-Controlled Coordinate System, 1968) et Wen-Ying Tsai (Cybernetic Sculpture System No. 3, 1972).
Le parcours s’achève par une évocation de l’exposition « Projects Outside Art » (1970), du projet « Telex: Q & A » (1971) dans le cadre de « Utopier & Visioner » au Moderna Museet de Stockholm, ainsi que d’autres initiatives internationales : Island Eye Island Ear, Anand Project, American Artists in India, des programmes éducatifs au Salvador et au Guatemala, ou encore un prototype de jardin sur un toit.
Cette dernière salle revient également sur l’étonnant Moon Museum (1969) imaginé par Forrest Myers avec Fred Waldhauer et Robert Merkle, qui envoya sur la Lune une puce en céramique avec des dessins de Andy Warhol, Robert Rauschenberg, David Novros, John Chamberlain, Claes Oldenburg et Forrest Myers.
On peut regretter que certaines collaborations de l’E.A.T. avec des artistes dans les années 1980-1990 ne soient pas abordées ici. On pense notamment à Opal Loop, qui réunissait Trisha Brown et Fujiko Nakaya avec l’aide de Billy Klüver, ou encore à Astral Convertible de Trisha Brown et Robert Rauschenberg, qui associait Klüver et l’ingénieur Per Biorn. Il est également dommage que l’importante collaboration entre Billy Klüver et Jean Tinguely pour Homage to New York au MoMA en mars 1960 ne soit pas évoquée, alors même que l’on célèbre le centenaire de sa naissance et que le rôle majeur de Pontus Hultén, qui dirigeait à l’époque le Moderna Museet de Stockholm, soit un peu oublié…
L’organisation spatiale de la Galerie des Archives Vivantes n’autorise pas un déroulé strictement chronologique. Les visiteur·euses devront donc parfois revenir sur leurs pas pour saisir pleinement la succession des événements…
Le propos est particulièrement dense et la lecture complète des documents exposés et des cartels qui les accompagnent exige beaucoup de temps et d’attention. Dans le long compte rendu de visite ci-dessous, on reproduit l’essentiel de ces textes augmentés de quelques informations issues du site Experiments in Art and Technology (E.A.T.). Celles et ceux qui n’ont pas encore découvert « Sensing the Future » et qui projettent de passer par Galerie des Archives Vivantes, préféreront sans doute éviter cette lecture avant leur visite…
Au Getty Research Institute, le commissariat était assuré par Nancy Perloff, curatrice, Megan Mastroianni et Andrew Park, assistant·es de recherche. « Sensing the Future » était accompagné par un catalogue édité par Getty Publications, sous la direction de Nancy Perloff et Michelle Kuo. Un livret traduit en français l’introduction de Nancy Perloff et l’article de Michelle Kuo consacré au Pavillon Pepsi-Co.
À Luma Arles, l’exposition est organisée par Simon Castets, directeur des projets stratégiques, Vassilis Oikonomopoulos, directeur artistique, Fabian Gröning, chargé de projet et Martin Guinard, curateur.
En savoir plus :
Sur le site de Luma Arles
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« Sensing the Future » sur le site du Getty
Nombreuses informations disponibles sur le site Experiments in Art and Technology (E.A.T.)
Sensing the Future: Experiments in Art and Technology (E.A.T.) : Parcours de l’exposition
Réalisés dans le cadre d’une collaboration entre Billy Klüver, ingénieur et membre fondateur d’E.A.T., et Andy Warhol, les
Silver Clouds
sont fabriqués à partir d’un matériau appelé Scotchpak™, imperméable à l’hélium et pouvant être scellé à chaud. Les ballons sont gonflés avec un mélange breveté d’air et d’hélium pur, leur permettant de flotter librement entre le sol et le plafond. Ces sculptures en apesanteur planent dans l’espace d’exposition et dérivent sans cesse, réagissant aux courants d’air, aux variations de température et aux interactions du public. Présentés pour la première fois en 1966 à la Leo Castelli Gallery de New York, les ballons en forme d’oreiller ont ensuite été intégrés à RainForest, une chorégraphie de Merce Cunningham. Initialement conçus comme un adieu à la peinture, les Silver Clouds de Warhol, qu’il décrivait comme « une peinture qui flotte », occupent une place singulière dans son œuvre. (Texte du cartel)
Les débuts
Avant la création d’Experiments in Art and Technology en novembre 1966, les membres fondateurs du groupe s’étaient déjà attelés à la création d’œuvres d’art s’appuyant sur la technologie, notamment avec Dry Cell de Robert Rauschenberg et Shopping Bag de Robert Whitman. En 1967, E.A.T. s’associe au Museum of Modern Art de New York pour organiser un concours destiné à récompenser des œuvres explorant la technologie. Le musée présente les neuf lauréat·es dans l’exposition « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age », et E.A.T. organise dans sa suite une exposition satellite, « Some More Beginnings » (1968), qui réunit près de 140 des œuvres envoyées par différent·es candida·tes. (Texte de salle)
Nommée d’après le type de batterie qui l’alimente, cette sculpture cinétique réagit à la voix humaine. Lorsqu’une personne parle dans un petit microphone, un capteur active un moteur, mettant en rotation une pièce de métal en forme d’hélice derrière le plexiglas. À l’instar de
Combines de Robert Rauschenberg, Dry Cell incorpore des objets trouvés et des visuels sérigraphiés, notamment l’image d’un hélicoptère militaire et un fragment de tabouret de camping pliant. Cette œuvre constitue un exemple précurseur d’art participatif. (Texte du cartel)
Robert Whitman, membre fondateur d’E.A.T., était un artiste résolument interdisciplinaire dont l’œuvre fusionne cinéma, sculpture, technologie et théâtre. Son travail combine fréquemment des images et des vidéos diffusées sous forme de séquences énigmatiques. Au début des années 1960, Whitman conçoit une série de Cinema Pieces qui intègrent l’image en mouvement à la sculpture. Dans Shopping Bag, un sac de courses contient un écran sur lequel sont projetées des images d’articles de supermarché, parfois extraits par la main d’une personne hors champ. Entrecoupées de séquences montrant de la nourriture tantôt fraîche, tantôt avariée jusqu’à ce que le contenu du sac s’embrase, les images finissent par laisser place à un écran noir. (Texte du cartel)
Bell Labs – Collaborations entre ingénieur·es et artistes
Chargés de développer des technologies garantissant des communications claires et fiables, les départements d’ingénierie d’American Telephone & Telegraph et de Western Electric ont fusionné en 1925 pour donner naissance aux Bell Telephone Laboratories, plus connus sous le nom de Bell Labs (aujourd’hui Nokia Bell Labs). Installés à Murray Hill, dans le New Jersey, et parfois surnommés « The Idea Factory », les Bell Labs ont été l’épicentre mondial de la recherche en télécommunications durant la première moitié du XXe siècle. En 1947, les équipes des Bell Labs ont notamment inventé le transistor, un composant électronique servant à amplifier ou à contrôler des signaux électriques. Elles ont ensuite développé le réseau numérique à haut débit qui connecte le monde d’aujourd’hui.
À son apogée, dans les années 1960, les Bell Labs comptaient 15 000 personnes. C’est à cette période que Billy Klüver rapproche l’avant-garde new-yorkaise de la communauté scientifique, en organisant des visites des Bell Labs pour des artistes et en mobilisant des ingénieur·es afin de collaborer à la création de sculptures multimédias et de performances, utilisant des technologies innovantes telles que les cellules photoélectriques, les transistors, les télécommandes, les fibres optiques et les caméras infrarouges. (Texte de salle)
Experiments in Art and Technology – Objectifs d’E.A.T., 1967
Entretenir un climat constructif pour la reconnaissance des nouvelles technologies et des arts en instaurant une collaboration éclairée entre des communautés qui évoluent isolées les unes des autres. Abolir la séparation entre l’individu et le changement technologique tout en enrichissant la technologie pour offrir diversité, plaisir et nouvelles possibilités d’exploration et d’engagement dans la vie contemporaine. Encourager l’initiative industrielle à adopter une réflexion audacieuse, plutôt que des compromis a posteriori, afin de parvenir à un accord mutuel pour veiller à ne pas saboter cette révolution culturelle. (Texte de salle)
9 Evenings
En 1965, l’ingénieur électricien suédois Billy Klüver et l’artiste américain Robert Rauschenberg réunissent dix artistes d’avant-garde et trente ingénieur·es des Bell Labs pour participer à un projet collaboratif et multidisciplinaire associant les nouvelles technologies au théâtre, à la danse et à la musique. Cet événement, intitulé « 9 Evenings: Theatre & Engineering », se tient au 69th Regiment Armory à New York, du 13 au 22 octobre 1966, et attire plus de 10 000 personnes. Les performances de John Cage, Lucinda Childs, Öyvind Fahlström, Alex Hay, Deborah Hay, Steve Paxton, Yvonne Rainer, Robert Rauschenberg, David Tudor et Robert Whitman intègrent des dispositifs technologiques tels que des cellules photoélectriques, des sonars Doppler, des télécommandes, des caméras infrarouges et des transistors. De plus, les équipes ingénieures de 9 Evenings conçoivent le Theatre Electronic Environmental Module, un système de contrôle flexible, sans f il et en réseau, ainsi que le Proportional Control System (PCS), qui utilise des cellules photoélectriques pour moduler les niveaux de lumière et de son. L’événement conduit à la création d’Experiments in Art and Technology le mois suivant. (Texte de salle)
Les performances (Salle 3)
L’exposition « Sensing the Future » relate cet événement essentiel qui conduira à la fondation de l’E.A.T. dans une grande salle sombre où sont projetés des captations des performances qui se sont déroulées en octobre 1966. On reproduit les textes qui les accompagnent ainsi que les vidéos disponibles sur la chaîne Youtube du Getty Research Institute.
Steve Paxton & Dick Wolff – Physical Things, 1966
Durée de l’extrait vidéo : 3 min 10 s
Pour 9 Evenings, Steve Paxton conçoit une imposante sculpture pneumatique composée de polyéthylène et de ventilateurs. Il convie le public à traverser la structure à son rythme, découvrant divers environnements et performances au fil du parcours. Après l’ascension d’une tour gonflable de 30 mètres, le public pénètre dans un espace clos où sont suspendus de grands cercles en fil de fer. Grâce à des transistors modifiés, il était possible d’écouter toute une compilation de sons variés, allant de bruits d’animaux à des commentaires sportifs. La position de l’auditoire sous les anneaux déterminait la section audible de la partition, laissant le choix de s’attarder sur une séquence particulière ou de se déplacer vers d’autres sonorités.
https://www.experimentsinartandtechnology.org/steve-paxton-physical-things
Alex Hay & Herb Schneider – Grass Field, 1966
4 min 38 s
Alex Hay décrit Grass Field comme « une œuvre articulée autour de trois éléments… 1. Les potentiels sonores internes du corps ; 2. la couleur externe du corps ; 3. une activité de travail singulière ». Pour le premier élément, il parvient à rendre audibles des mouvements physiologiques autrement inaudibles en portant des électrodes. Celles-ci détectent ses ondes cérébrales, les mouvements de ses yeux et de ses poumons, transmettant les courants générés à des amplificateurs modifiés placés dans son sac à dos. Il met ensuite en valeur les couleurs des corps des interprètes en utilisant des accessoires et des costumes harmonisés avec leur carnation. Enfin, pour l’« activité de travail singulière », Hay installe soixante-quatre carrés de tissu numérotés, mesurant chacun 1,80 mètre de côté, sur la scène. Puis il s’assoit, immobile, au milieu de ces carrés, tandis que Steve Paxton et Robert Rauschenberg les ramassent à l’aide de longues perches. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/alex-hay-grass-field
Deborah Hay & Larry Heilos – solo
5 min 14 s
En 1963, Deborah Hay découvre Funakakushi de Toshi Ichiyanagi dans sa forme originale : une installation en plein air à Shikoku, au Japon, composée de onze haut-parleurs sculptés dans la pierre. Cette œuvre électronique lui inspire l’idée de chorégraphier une performance sur cette composition. Dans sa création intitulée solo, seize interprètes en costumes blancs étincelants évoluent dans un espace ouvert, exécutant une chorégraphie simple, parfois debout, ou en position allongée, sur des plateformes mobiles.
Ces podiums dissimulent des chariots télécommandés actionnés par huit autres interprètes assis·es à l’arrière de l’espace de performance, en tenue de soirée, rappelant la sobriété d’un ensemble musical. La scène est illuminée par des lumières vives, alternant avec des phases d’obscurité contrôlées grâce à un interrupteur situé près de l’entrée. David Tudor joue la partition en utilisant le mouvement d’une petite lampe de poche sur la surface du Proportional Control System, diffusant des sons distincts à travers les onze haut-parleurs disséminés dans l’Armory. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/deborah-hay-solo
Robert Rauschenberg & Jim McGee – Open Score, 1966
4 min 52 s
Open Score débute par un match de tennis opposant la joueuse professionnelle Mimi Kanarek et le peintre Frank Stella. Grâce à l’ingénieur William Kaminski, leurs raquettes sont connectées à des émetteurs, transformant chaque frappe de balle en un son puissant tout en éteignant progressivement les lumières au plafond. Le jeu continue jusqu’à ce que le lieu (l’Armory), soit plongée dans une obscurité totale. Une fois ce moment atteint, une troupe de 300 volontaires envahit le terrain, exécutant une série de mouvements vaguement chorégraphiés, tandis que des caméras infrarouges projettent leur image sur des écrans géants.
Rauschenberg décrit cette action comme « le paradoxe de ne pas pouvoir voir un événement qui se déroule sous nos yeux, sauf à travers sa reproduction ». Une réflexion qui trouve un écho particulier dans notre époque dominée par les réseaux sociaux, le streaming et les smartphones. Pour la deuxième performance, Rauschenberg ajoute une troisième phase dans laquelle il transporte la danseuse Simone Forti dans un sac en toile de jute, parcourant l’Armory tandis qu’elle chante une ballade italienne. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/robert-rauschenberg-open-score
David Tudor & Fred Waldhauer – Bandoneon ! (A combine…), 1966
4 min 21 s
David Tudor s’initie au bandonéon, un instrument similaire à l’accordéon, après avoir assisté à Pandorasbox, bandoneonpiece (1960) de Mauricio Kagel. Le titre de cette performance, Bandoneon ! (A combine…), revêt plusieurs significations. Le point d’exclamation évoque une factorielle, une opération mathématique calculant le nombre de façons dont un ensemble d’éléments peut être arrangé, tandis que l’expression « a combine » fait référence au terme utilisé par Robert Rauschenberg pour désigner une œuvre mêlant peinture et sculpture. Pour cette composition, Tudor imagine d’innombrables combinaisons d’éléments sonores, lumineux et sculpturaux, tous orchestrés par les touches du bandonéon.
L’équipement électronique, notamment le Proportional Control System de Waldhauer et le Vochrome de Robert Kieronski, joue un rôle clé dans le traitement et la modification des sons activés par l’instrument, en les transmettant à des haut-parleurs mobiles disposés sur le sol de l’Armory. En parallèle, ces sonorités sont dirigées vers le système de déflexion d’images développé par Lowell Cross, générant des projections visuelles sur de grands écrans. Avec cette performance, Tudor transforme l’espace caverneux de l’Armory en un gigantesque instrument à effet Larsen. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/david-tudor-bandoneon
Yvonne Rainer & Per Biorn – Carriage Discreteness, 1966
Carriage Discreteness est une performance chorégraphiée dans laquelle deux séquences d’action sans rapport se déroulent simultanément. La première, intitulée « Performer Continuity », réunit des interprètes dont les actions sont dictées par Yvonne Rainer. Suivant ses instructions, communiquées par talkie-walkie, le groupe déplace sur la surface de la scène divers éléments, notamment des panneaux de contreplaqué, des plaques de métal et des blocs de mousse, confectionnés par l’artiste Carl Andre. Rainer supervise la performance depuis sa « table de manœuvre à distance », située au-dessus du sol de l’Armory. La seconde séquence, « Event Continuity », consiste en une série de projections de diapositives, d’extraits de films, d’enregistrements de conversations et d’autres éléments technologiques programmés à l’avance pour fonctionner automatiquement grâce au dispositif Theatre Electronic Environmental Modular. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/yvonne-rainer-carriage-discreteness
John Cage & Cecil Coker – Variations VII, 1966
4 min 35 s
Pour concevoir Variations VII, John Cage utilise uniquement des sons produits en temps réel, au moment de la performance. Il installe des microphones à divers endroits de New York, comme le studio de danse de Merce Cunningham, la cuisine d’un restaurant, le service de collecte des déchets et même le bassin de tortues du compositeur Terry Riley. Des lignes téléphoniques transmettent ces fragments sonores de la vie urbaine dans l’Armory, par l’intermédiaire de téléphones disposés à côté d’autres objets sonores comme un mixeur, un ventilateur ou encore des électrodes placées sur la tête du performeur David Behrman, enregistrant des bruits physiologiques.
Une série de cellules photoélectriques installées sous les appareils et les téléphones diffusent des faisceaux lumineux créant des ombres spectaculaires sur un écran situé derrière les artistes. Au-delà de leur fonction visuelle, les cellules photoélectriques participent pleinement à la sonorité de la composition ; en se déplaçant, les interprètes interrompent ces faisceaux, et déclenchent des interrupteurs qui activent ou désactivent certaines sources sonores. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/john-cage-variations-vii
Lucinda Childs & Peter Hirsch – Vehicle, 1966
3 min 43 s
Lucinda Childs conçoit Vehicle comme une performance qui traduit le mouvement en son. Peter Hirsch matérialise ses ambitions en concevant la « machine sonar Doppler », un dispositif qui émet des faisceaux sonores ultrasoniques dont la fréquence varie en fonction de la vitesse des objets qui s’approchent ou qui s’éloignent. Pour ces objets, Childs s’équipe de trois seaux – qu’elle nomme « danseurs » – et traverse ces faisceaux composant un paysage de sons tourbillonnants.
Elle commande également un dispositif technique appelé « Ground Effects Machine ». Conçue par Per Biorn, cette cabine en plexiglas haute de 2 mètres est maintenue au-dessus du sol par deux moteurs d’aspirateur Hoover et guidée manuellement à travers l’espace de l’Armory par William Davis. Debout à l’intérieur, Alex Hay transporte les seaux vers Childs, puis se promène dans la zone de la performance. Des lumières intégrées à l’intérieur des seaux et sur le sol autour de l’échafaudage central projettent des ombres sur un écran situé derrière Childs. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/lucinda-childs-vehicle
Robert Whitman & Robby Robinson – Two Holes of Water – 3, 1966
4 min 43 s
Pour sa performance, Robert Whitman transforme l’Armory en un cinéma « drive-in », où les voitures font office de cabines de projection. Il combine diverses sources, telles que des enregistrements documentaires, des programmes télévisés retransmis en direct et des séquences filmées en temps réel pendant la performance à l’aide d’un système en circuit fermé. Un dessin de Whitman illustre l’utilisation de miroirs parallèles pour capturer simultanément deux points de vue sur un seul film, ce qui produit une image troublante du sujet montré à la fois de face et de dos. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/robert-whitman-two-holes-of-water-3
Öyvind Fahlström & Harold Hodges – Kisses Sweeter Than Wine, 1966
4 min 47 s
Kisses Sweeter Than Wine est une performance en neuf parties composée de divers tableaux reliés entre eux sans continuité narrative. À l’aide de vidéos, de bandes sonores ainsi que de projecteurs de films et de diapositives, Öyvind Fahlström établit un parallèle entre les capacités de certaines personnes à réaliser simultanément plusieurs calculs mathématiques et la puissance de traitement prodigieuse des ordinateurs.
L’œuvre s’intéresse aux dimensions culturelles et politiques de son époque et manipule des « life materials » [matériaux de la vie], un terme utilisé par l’artiste pour désigner des événements, des personnes et des phénomènes culturels directement issus de la vie contemporaine. (Texte du cartel)
https://www.experimentsinartandtechnology.org/%C3%B6yvind-fahlstr%C3%B6m-kisses-sweeter-tha
Les archives (Salle 4)
Face à la projection des performances des 9 Evenings, la quatrième salle du parcours rassemble d’importantes archives qui documentent leurs préparations, leurs exécutions et quelques dispositifs techniques qui ont été élaborés pour cet événement.
Robert Rauschenberg – Affiche pour 9 Evenings : Theatre & Engineering, 1966 ; Peter Moore – Billy Klüver et Fred Waldhauer ; Guy Gillette – Démonstration du Proportional Control System (PCS) avec Fred Waldhauer, David Tudor, Deborah Hay et Billy Klüver, 1966 ; Robert McElroy – Extérieur de l’Armory ; Frances Breer – Artistes Robert Rauschenberg et Lucinda Childs avec les ingénieurs L. J. Robinson, Per Biorn et Billy Klüver pendant les tests de la performance Theme ;
Experiments in Art and Technology – Deborah Hay Et Robert Rauschenberg pendant Les répétitions de Nine Evenings: Theatre & Engineering, 1966 – Sensing the Future – Luma Arles
Le Proportional Control System (PCS) et le patchboard [panneau de raccordement] faisaient partie intégrante du système Theatre Electronic Environmental Modular, développé par les équipes des Bell Labs pour faciliter le contrôle à distance des lumières, du son, de la vidéo et d’autres éléments des performances de 9 Evenings. Fred Waldhauer, membre fondateur d’E.A.T., a conçu et piloté le PCS, qui consistait en des cellules photoélectriques intégrées dans une boîte recouverte d’un morceau de plastique blanc quadrillé. En pointant un crayon optique sur différentes sections de la grille, Waldhauer pouvait ajuster l’intensité des lumières, l’amplitude des sons ou la vitesse des moteurs. Le patchboard, conçu par Herb Schneider, fonctionnait comme une console de contrôle permettant de manipuler facilement les différentes connexions de chaque performance. Par ailleurs, grâce à l’invention des Bell Labs, le public de 9 Evenings pouvait écouter les sons diffusés dans l’Armory via des équipements portables, tels que ces radios modifiées. (Texte du cartel)
Peter Moore – Physical Things de Steve Paxton, 1966 ; Charles Harbutt – Physical Things de Steve Paxton, 1966 – Sensing the Future – Luma Arles
William Kaminski, ingénieur aux Bell Labs spécialisé dans la recherche sur la transmission radio sans fil, a conçu les émetteurs FM intégrés aux raquettes de tennis utilisées dans Open Score de Robert Rauschenberg. Son schéma électrique détaille le fonctionnement du système électronique logé dans le manche des raquettes. Des microphones de contact fixés sur celles-ci captent les vibrations de chaque frappe de balle et les transmettent aux émetteurs placés dans les manches. Ces derniers envoient ensuite le son à une radio FM située à l’arrière du terrain, qui le relaie à la console de contrôle pour diffusion via les haut-parleurs de l’Armory. Le son est également acheminé vers un dispositif conçu par Jim McGee, qui éteint un plafonnier à chaque frappe de balle. Par ailleurs, plusieurs récepteurs FM disposés sur le court de tennis captent et amplifient le signal des émetteurs, produisant ainsi un son particulièrement puissant. (Texte du cartel)
The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age, MoMa, 1968 et Some More Beginnings, Brooklyn Museum, 1969
Les œuvres et les archives liées à ces deux expositions importantes sont dispersées dans plusieurs salles de Galerie des Archives Vivantes (Salle 1, 2, 6 et milieu du couloir). On propose ici des les rassembler et en introduction de reproduire des extraits d’un texte issu du site de l’E.A.T. Rien n’indique les relations entre l’installation de Hans Haacke qui est présentée dans la cinquième salle du parcours et les divers projets de l’E.A.T. au delà du fait qu’il était membre de l’association. On choisit donc de la rapprocher des œuvres liées au deux expositions du MoMa et du Brooklyn museum.
Pontus Hultén, qui organisait « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age » au Museum of Modern Art, une étude historique des œuvres d’art liées à la machine et au monde mécanique, a contacté Billy Klüver et lui a demandé si E.A.T. pouvait collaborer à une section de l’exposition consacrée à l’utilisation des nouvelles technologies dans l’art, dans le prolongement de l’étude historique. Billy Klüver estima que la participation d’E.A.T. serait un bon moyen de stimuler l’intérêt de la communauté technique pour la collaboration avec les artistes. En novembre 1967, l’E.A.T. a annoncé un concours pour la meilleure contribution d’un ingénieur à une œuvre d’art réalisée en collaboration avec un artiste.
Les projets gagnants ont été annoncés et présentés au musée lors d’une conférence de presse du MoMA/E.A.T. le 1er novembre 1968. Le premier prix a été décerné à Harris Hyman et Ralph Martel, qui ont travaillé avec l’artiste Jean Dupuy sur Heart Beats Dust. Les deux deuxièmes prix ont été décernés à Niels O. Young qui a travaillé avec Lucy Jackson Young sur Fakir in 3/4 Time et à Frank T. Turner qui a travaillé avec Wen-Ying Tsai sur Cybernetic Sculpture.
Au cours de l’été 1968, au fur et à mesure de la réception des informations sur chacun des 140 projets, E.A.T. décide d’organiser une exposition présentant l’ensemble des œuvres soumises au concours, parallèlement à The Machine. Le Brooklyn Museum offre un espace pour l’exposition au troisième étage et « Some More Beginnings : Experiments in Art and Technology », la première grande exposition d’art et de technologie, y a été inaugurée le 25 novembre 1968. (Texte issu du site de l’E.A.T.)
Tom Gormley – Poster d’exposition de Some More Beginnings , Brooklyn Museum, New York, 1969 ;
Harry Shunk, János Kender – Some More Beginnings , Brooklyn Museum, New York, 1968 – Sensing the Future – Luma Arles
En novembre 1967, E.A.T. et le Museum of Modern Art de New York lancent un concours visant à créer des œuvres d’art collaboratives entre artistes et ingénieur·es, incorporant les technologies émergentes. Le premier prix est décerné à
Heart Beats Dust (1968), une sculpture interactive dans laquelle le rythme des battements de cœur des spectateur·rices déclenche les bondissements d’un pigment coloré étalé sur une fine membrane de caoutchouc tendue au-dessus d’un haut-parleur. Lorsqu’une personne place le stéthoscope sur sa poitrine, les battements sont amplifiés par le haut-parleur, provoquant la vibration de la membrane et l’envolée du pigment dans l’air. Un projecteur installé au sommet de la boîte illumine la scène, en accentuant l’effet dramatique. (Texte du cartel)
Un ruban lévite dans les airs, semblant rigide sous l’effet de la force centrifuge, avant de revenir à l’appareil qui l’a propulsé. Ce mouvement rappelle l’illusion connue sous le nom de « tour de la corde indienne », un spectacle populaire au XIXe siècle au cours duquel une corde s’élève mystérieusement à la verticale et devient suffisamment rigide pour permettre à la personne assistant le magicien de l’escalader. (Texte du cartel)
Le Cybernetic Sculpture System No. 3 de Wen-Ying Tsai est constitué de tiges métalliques en vibration, illuminées par des lumières stroboscopiques qui révèlent leur mouvement harmonique et ondulant. Le public peut interagir avec ces sculptures grâce à un système de contrôle de rétroaction acoustique : la voix, les applaudissements ou le piétinement accélèrent la fréquence des flashs stroboscopiques et produisent un effet visuel qui module le mouvement apparent des tiges de façon dynamique et subtile.
En 1967, lorsque E.A.T. lance un concours récompensant la meilleure contribution d’ingénierie à une œuvre d’art collaborative, les Cybernetic Sculptures de Tsai remportent le deuxième prix et sont présentées au Museum of Modern Art de New York dans l’exposition « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age ». Ingénieur de formation, Tsai combinait mécanique, électronique et optique pour créer des sculptures et environnements cinétiques et interactifs. À la croisée de l’art et de la science, ses œuvres intègrent des éléments lumineux, colorés et aqueux, contrôlés par ordinateur, formant des systèmes dynamiques qui évoquent la nature et interagissent harmonieusement avec le public. (Texte du cartel)
L’installation de Hans Haacke se déploie dans une salle obscure équipée de projecteurs infrarouges et de capteurs photoélectriques placés à hauteur de la taille, et d’ampoules situées au niveau de la tête. Les composants sont disposés à intervalles réguliers de la largeur moyenne d’un corps humain, formant une grille. Lorsque les visiteur·euses se déplacent dans l’espace, leur présence physique interrompt les faisceaux infrarouges et provoque l’illumination des ampoules. Chaque mouvement et chaque geste fait évoluer les lumières : une ampoule s’éteint tandis que la suivante s’allume. Les visiteur·euses deviennent des participant·es actif·ves de l’installation, par leurs actions qui sont reflétées et amplifiées par les lumières changeantes et les ombres projetées sur les murs.
Reconnu pour son rôle pionnier dans la « critique institutionnelle », un mouvement artistique interrogeant les rapports de pouvoir dans les institutions culturelles, Haacke travaille depuis le début des années 1960 avec différents médiums. Son œuvre aux multiples facettes examine les interactions entre la politique, l’esthétique et le concept de dépendance d’une manière poétique et métaphorique. (Texte du cartel)
Présentée pour la première fois en 1968 lors de l’exposition « The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age » au Museum of Modern Art, Proxima Centauri est une sculpture cinétique interactive réalisée par Lillian Schwartz, pionnière de l’art assisté par ordinateur. Conçue en collaboration avec l’ingénieur et membre d’E.A.T. Per Biorn, des images abstraites et des couleurs changeantes sont projetées sur un dôme en plastique translucide. Lorsqu’une personne marche sur un tapis sensible à la pression, le dôme s’enfonce dans sa base noire. L’intérieur du dôme renferme un projecteur, des diapositives de peintures non figuratives de Schwartz, des lumières colorées, une cuve à ondes un moteur de machine à coudre Singer.
Les motifs dynamiques de Proxima Centauri préfigurent les formes évolutives et l’imagerie psychédélique générée par algorithmes qu’elle développera plus tard dans ses films et œuvres multimédias novatrices, lors de sa résidence en tant qu’artiste invitée, aux Bell Labs de 1969 à 2002. (Texte du cartel)
Le pavillon Pepsi-Cola
En 1970, la société Pepsi-Cola commande à E.A.T. la conception d’un pavillon pour l’Expo ’70 à Osaka, au Japon. Les artistes Robert Whitman, Robert Breer, David Tudor et Forrest Myers apportent leurs premières contributions avant de mobiliser une vingtaine d’artistes et une cinquantaine d’ingénieur·es et scientifiques.
À l’extérieur du pavillon, une sculpture de nuages de vapeur d’eau réalisée par l’artiste Fujiko Nakaya enveloppe le dôme blanc à facettes. Sur la place, sept des Floats de Breer, des sculptures en forme de dôme de 1,8 mètre de haut, glissent lentement tout en émettant divers sons.
Le parcours commence par un tunnel conduisant le public vers un escalier jusqu’à une salle en forme de coquillage, éclairée par des motifs mouvants en faisceaux laser. À l’autre extrémité de la salle, un deuxième escalier mène au Mirror Dome, un miroir sphérique de plus de 27 mètres de diamètre et 210 degrés, fabriqué en aluminium Mylar. À l’intérieur de ce dôme-miroir, les images reflétées du public flottent à l’envers au-dessus des têtes. (Texte de salle)
La septième salle du parcours est entièrement consacrée à une évocation du pavillon Pepsi-Cola à l’Expo ’70 d’Osaka.

Elle réunit de nombreux documents photographiques et quelques schémas, présentés dans une longue vitrine et sur les murs. On y découvre des témoignages de la construction du pavillon, ainsi que des vues de l’extérieur et de l’intérieur. La plupart de ces clichés sont signés Harry Shunk et János Kender, et parfois Fujiko Nakaya.
Deux grands tirages dos bleu, accompagnés de vidéos, tentent de recréer l’immersion que proposait l’intérieur du pavillon.
À l’entrée, une photographie couleur d’une performance par Harry Shunk et János Kender sert de support à la diffusion du film d’Eric Saarinen, The Great Big Mirror Dome Project (1969).
En face, un imposant tirage d’une photographie en noir et blanc de Fujiko Nakaya (Interior of the Mirror Dome at the Pepsi-Cola Pavilion, 1970) est accompagné d’un moniteur vidéo.
Sur la gauche, une reproduction d’un composant de la console de modulation du son, conçue pour le pavillon par Gordon Mumma, est à la disposition du public.
Gordon Mumma – Composant de la console de modulation du son, 1970/2024. Reproduction d’exposition d’électronique analogique. Avec l’aimable autorisation de Composers Inside Electronics – Sensing the Future – Luma Arles
La console de modulation du son, conçue pour le pavillon Pepsi-Cola par le compositeur américain Gordon Mumma, disposait de huit canaux audio distincts. Des compositeurs tels que David Tudor ont non seulement joué avec la console, mais également développé des programmes en utilisant manuellement les fonctionnalités propres à chacun de ces canaux. L’élément exposé ici est une reproduction d’un des huit canaux originaux, qui constituaient un système de sonorisation beaucoup plus conséquent intégré au pavillon. (Texte du cartel)
Projects Outside Art…
La dernière salle du parcours évoque divers projets de l’E.A.T. qui n’étaient pas tous liés au monde de l’art. L’ensemble, assez disparate, est en partie pénalisé par l’usure du regards des visiteur·euses.
Seule la lecture de nombreux textes de salle permet d’en saisir toute la richesse.
Ces divers projets sont complétés par l’évocation du Moon Museum (1969) de Forrest Myers et par les Laserimage (1972) d’Elsa Garmire et Ivan Dryer pour le planétarium du Griffith Observatory à Los Angeles.
À la fin des années 1960, E.A.T. explore de plus en plus d’opportunités au-delà du monde de l’art. En 1969, l’organisation lance un appel à projets pluridisciplinaires axés sur des problématiques sociales. L’exposition « Projects Outside Art » (1970) en est le fruit, abordant divers sujets tels que le logement, l’éducation, la protection de l’environnement, le travail et la communication.
Dans l’un de ces projets, City Agriculture, Peter Poole, membre de l’équipe d’E.A.T., collabore avec le laboratoire de recherche environnementale de la University of Arizona pour concevoir l’aménagement de jardins sur les toits de la ville de New York. Tandis que Children and Communication présente des environnements intérieurs imaginés par Robert Whitman, dans lesquels des enfants de différents quartiers de la ville communiquent via téléphones et télex.
Avec Telex: Q & A (1971), E.A.T. invite les publics de New York, Stockholm, Ahmedabad et Tokyo à partager leurs prédictions sur l’état du monde dans dix ans en utilisant des télex. À l’instar des initiatives précédentes d’E.A.T., ce projet a permis d’établir un réseau de communication et d’envisager l’avenir avec imagination et innovation.
Dans le même temps, avec plus d’ambition encore, E.A.T. joue un rôle central dans des projets de partenariat dans plusieurs pays du Sud global – notamment en Inde, au Salvador et au Guatemala – afin d’explorer l’utilisation des télécommunications comme moyen de diffusion de programmes éducatifs et culturels dans les communautés rurales. Bien que ces initiatives n’aient jamais été pleinement concrétisées, les concepts proposés ont ensuite inspiré des projets visant à élargir l’accès à l’éducation grâce aux nouvelles technologies. (Texte de salle)
Telex Q & A
Poster d’exposition de Utopier & Visioner, Moderna Museet, Stockholm, 1971 et Telex Q & A à New York- Sensing the Future – Luma Arles
Dans le cadre de l’exposition « Utopier & Visioner » (1971) organisée par le Moderna Museet de Stockholm, en Suède, E.A.T. a mis en place un réseau international de télécommunication reliant Stockholm, New York, Ahmedabad et Tokyo au moyen de téléscripteurs. La station d’Ahmedabad était installée au National Institute of Design, tandis que celle de Tokyo, intitulée Utopia Q & A, avait été conçue par Fujiko Nakaya. Dans chacune de ces villes, les personnes participantes étaient invitées à échanger des questions et des réponses autour de leur vision du monde dans dix ans, en s’interrogeant sur des enjeux sociaux, politiques et écologiques. (Texte de salle)
Island Eye Island Ear
En 1970, David Tudor conçoit Island Eye Island Ear, un projet de concert collectif pensé pour une île dotée de caractéristiques géologiques particulières. Il prévoit de créer une composition sonore immersive que le public traverserait, guidé par des antennes paraboliques alimentées par des sons isolés enregistrés à divers endroits de l’île. Tudor élabore sa cartographie des rayons sonores d’après une carte de l’artiste Fujiko Nakaya, qui prévoyait d’accompagner la performance de ses sculptures de nuages. D’autres artistes participent : Jacqueline Matisse réalise des cerfs-volants à longue queue, et la chorégraphe Margaretha Åsberg prépare des danses intégrant des miroirs. Cette équipe, rejointe par Billy Klüver, effectue des tests approfondis sur l’île suédoise de Knavelskär. Bien que le projet n’ait jamais vu le jour, il continue de nourrir l’imaginaire artistique encore aujourd’hui, comme on a pu notamment le voir en 2024 dans une performance que l’on doit au compositeur tokyoïte You Nakai. (Texte de salle)
Anand Project, 1969–1971
En 1969, Billy Klüver a collaboré avec Vikram Sarabhai, fondateur de la Nehru Foundation for Development – une organisation dédiée au développement rural et à la sensibilisation à l’environnement – pour élaborer un programme éducatif destiné aux communautés rurales indiennes. Aux côtés de Robert Whitman et d’experts en télécommunications, ils ont enregistré des séquences pédagogiques afin de fournir des informations aux femmes élevant des bufflesses. Bien que cette initiative ait été initialement conçue pour être diffusée par satellite dans des régions reculées, elle n’a jamais été entièrement mise en œuvre. Ce projet a servi de précurseur conceptuel à l’expérience de télévision pédagogique par satellite (SITE) de la NASA, lancée quelques années plus tard. (Texte de salle)
American Artists in India, 1970-1971
Après l’Exposition universelle de 1970 à Osaka, Billy Klüver et Gautam Sarabhai, fondateur du National Institute of Design (Ahmedabad, Inde), ont lancé le projet d’échange culturel American Artists in India et ont invité des artistes à se rendre en Inde, où ils ont eu l’opportunité d’enseigner, de développer leurs propres projets ou de collaborer avec des artistes indiens. Parmi les participants figuraient les chorégraphes Trisha Brown, Steve Paxton et Yvonne Rainer ; les compositeurs Lowell Cross, Terry Riley et La Monte Young ; ainsi que les artistes visuels Jared Bark, Jeffrey Lew, Kate Rediker et Marion Zazeela. (Texte de salle)
Harry Shunk, János Kender – Children and Communication, 1971 – Sensing the Future – Luma Arles
Programmation éducative au Salvador et au Guatemala, 1972
En 1972, le ministère de l’Éducation du Salvador a chargé E.A.T. de réaliser deux études explorant les possibilités de la programmation éducative. La première étude visait à évaluer les conditions nécessaires au développement d’émissions culturelles télévisées d’origine locale pour une chaîne publique. La seconde portait sur l’évaluation de l’utilisation d’équipements mobiles alternatifs pour produire du contenu éducatif en dehors du cadre scolaire. La même année, le ministère de l’Éducation du Guatemala a mandaté E.A.T. pour étudier la faisabilité de l’utilisation des médias de communication de masse afin de fournir une éducation et une instruction aux populations des zones rurales du pays. L’objectif de ces initiatives était de tirer parti des récents progrès en matière de technologie et d’équipement télévisuels pour permettre à un plus grand nombre de personnes de produire du contenu éducatif, et d’accroître l’accès à ce type de programmation dans les communautés rurales. (Texte de salle)
Services techniques
En novembre 1966, les membres fondateurs d’E.A.T. organisent une réunion pour évaluer l’intérêt que les artistes portent aux nouvelles technologies. 300 personnes issues des mondes de l’art et de la science y participent, et de nombreux artistes expriment le souhait d’accéder aux équipements utilisés lors de 9 Evenings. Pour répondre à cette demande, E.A.T. met en place une division nommée « Services techniques » afin de gérer les demandes d’assistance des artistes, d’examiner les propositions d’œuvres intégrant la technologie et de solliciter le soutien financier d’entreprises. E.A.T. développe également un système sophistiqué de mise en relation, grâce à des cartes perforées, entre les artistes et les ingénieur·es aux compétences techniques adaptées à leurs besoins. En septembre 1969, E.A.T. comptait 2 500 artistes et près de 2 000 ingénieur·es, et avait facilité 600 collaborations interdisciplinaires à travers le monde. (Texte de salle)
Forrest Myers – Moon Museum, 1969. Film de nitrure de tantale sur wafer céramique – Sensing the Future – Luma Arles
En voyant à la télévision Apollo 11 atterrir sur la Lune en 1969, Forrest Myers comprend qu’il est désormais possible d’envoyer des œuvres au-delà de la Terre. Il décide alors d’inviter cinq artistes à soumettre des dessins destinés à être expédiés sur la Lune. En collaboration avec les spécialistes en informatique du MIT et en ingénierie des Bell Labs, Fred Waldhauer et Robert Merkle, Myers réalise de minuscules impressions de ces dessins sur une puce en céramique. Un ingénieur de la NASA fixe cette puce sur le module lunaire Apollo 12 Intrepid, qui se pose sur la Lune le 19 novembre 1969. La petite collection y repose encore aujourd’hui. L’exemplaire présenté ici est l’un des quarante qui ont été fabriqués en 1969.
Dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir du coin supérieur gauche, dessins réalisés par: Andy Warhol, Robert Rauschenberg, David Novros, John Chamberlain, Claes Oldenburg, Forrest Myers Collection de Beau Ott. (Texte du cartel)
Ivan Dryer & Elsa Garmire – Laserimage, 1972. Film, couleur et son 10mn – Sensing the Future – Luma Arles
Laserimage est une vidéo réalisée pour documenter un spectacle laser conçu par Elsa Garmire et Ivan Dryer pour le planétarium du Griffith Observatory à Los Angeles. Ce projet donne naissance à Laserium, des spectacles de lumière laser destinés à être présentés dans des planétariums. Elsa Garmire développe ses propres techniques de diffraction des faisceaux laser, rendant possible la création des motifs visuels de Laserimage. Membre d’E.A.T., elle joue un rôle clé en tant qu’ingénieure dans la conception du pavillon Pepsi-Cola pour l’Expo ’70 d’Osaka, au Japon. (Texte du cartel)
Le Minuphone de Marta Minujín
Le Minuphone de Marta Minujín réinvente le téléphone public en une expérience ludique et immersive : un simple appel devient un happening ou, selon les mots de l’artiste, un « voyage psychédélique ». L’œuvre ici présentée est la version originale et n’est plus en état de fonctionnement. Conçue en collaboration avec Per Biorn, ingénieur des Bell Labs, cette cabine, en apparence ordinaire, réservait une série d’événements inattendus aux utilisateurs.
Passer un appel provoquait une séquence d’expériences sensorielles aléatoires : jeux de lumières, brises légères, colonnes d’eau colorée s’élevant soudainement, voix déformées et projection en circuit fermé de l’image de la personne qui appelait sur un moniteur de télévision encastré dans le sol. En métamorphosant des objets familiers en environnements surprenants et parfois déstabilisants, Minuphone matérialise la volonté de l’artiste d’intégrer le public comme partie active de l’œuvre. (Texte du cartel)
Le parcours s’achève sur la présentation de la version originale du Minuphone de Marta Minujín, qui n’est hélas plus en état de fonctionner. La lecture du cartel laisse les visiteur·euses quelque peu sur leur faim. Il est regrettable qu’une reconstitution de l’œuvre n’ait pu être réalisée…