Jusqu’au 3 janvier 2026, Arnaud Vasseux présente chez les Mécènes du Sud à Montpellier « d’où l’on parle », une indispensable exposition qui interroge avec subtilité les tensions, les silences et les vertiges qui traversent l’institution judiciaire. L’artiste a mené, en 2023, une résidence au sein du cabinet SVA Avocats, dans le cadre du programme Art et Mondes du Travail soutenu par la DRAC Occitanie. De cette expérience, il restitue un trouble, une tension : celle d’un espace – la salle d’audience – où se joue l’articulation entre parole, silence et vérité.
Comme le rappelle Marine Lang, commissaire de l’exposition, « la salle d’audience pourrait bien être une hétérotopie, un espace où se reflètent d’autres lieux, où se jouent les récits du même, la recherche d’une vérité fragmentée ou diffractée ». C’est aussi un lieu hiérarchisé, où tout s’ordonne selon un axe président–barre–public. La parole y circule entre des places strictement assignées : celle du juge, de l’avocat, du témoin, du justiciable. Au centre, la barre des témoins trace la frontière entre celles et ceux qui jugent, celles et ceux qui parlent, et celles et ceux qui observent.
Un objet central : la barre des témoins
C’est autour de cette barre qu’Arnaud Vasseux a construit son projet. Il a réalisé une réplique fidèle de celle qui est installée dans la salle d’audience de la cour d’assises à Montpellier. Mais, explique-t-il, « je l’ai étendue pour qu’elle puisse symboliquement accueillir plusieurs témoins »…

Les Barres prolongées – sculptures en plâtre, traversées d’armatures visibles, fissurées, vacillantes – s’éloignent de la solidité institutionnelle pour devenir des objets vulnérables.
« Rien ne les fixe, dit-il. Elles tiennent sur leurs extrémités, sans ancrage au sol. Cette fragilité me semblait essentielle. Elle rend visible la précarité d’un objet que tout le monde reconnaît immédiatement ».



Arnaud Vasseux – Barres prolongées, 2025. Plâtre, filasse, acier et Sophie Dubosc – Buse (moirage), 2025. Plastiline grise – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
Dans l’exposition, deux barres se font face. Elles renvoient à chacun·e la question du témoignage : où est ma place ? Vasseux précise : « Je ne me suis jamais tenu à la barre. Je n’ai que l’expérience de l’observateur. Mais cette distance m’intéresse : les barres se font face pour nous renvoyer à la question du témoignage, de la prise de parole, du rapport à la vérité ».

Avant cette résidence, l’artiste reconnaît qu’il n’avait qu’une vision lointaine, médiatique, de la justice. Les mois passés au sein du cabinet d’avocats et les deux procès d’assises qu’il a suivis ont bouleversé cette perception.
« Ce que je voulais surtout, c’est rappeler que cet endroit – la barre – est celui où l’intime surgit.
Qu’on soit victime ou témoin, c’est là que l’intime se dépose, comme on n’imagine pas… Et parfois, des mots, des confidences surgissent, d’une extrême intensité, d’une profondeur inattendue ».
Des silences vertigineux

De ces audiences, Arnaud Vasseux raconte des « moments de silence vertigineux » où la parole s’interrompt, où l’émotion devient palpable, suspendue. « On entend alors seulement le souffle du système d’aération »…
De cette expérience est née la série des Buses, moulages des bouches d’aération du lieu d’exposition, qui traduisent ces paroles interrompues.





Arnaud Vasseux – Buse, 2025. Plâtre, résine acrylique, nylon, colorant ; Buse, 2025. Plâtre, pulpe de papier journal, nylon ; Buse, 2025. Plâtre, colorant, billes de verre expansé ; Buse, 2025. Résine acrylique, colorant, plâtre, nylon – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
« Les buses de ventilation de Mécènes du Sud m’ont intrigué. Leur forme évoque celle d’un œil, leur fonction, celle d’une bouche.
Celles que j’ai réalisées à l’atelier expriment des sensations différentes. Elles suggèrent tour à tour d’autres organes – langue, œil, sein, chevelure – ou des éléments de l’environnement : béton, boue, tissu, drap, obscurité.
L’une d’elles renvoie explicitement à une phrase de L’Amante anglaise de Marguerite Duras :“Quelquefois, ma bouche était comme le ciment du banc, je vous l’ai dit ?”
Pendant les procès d’assises que j’ai suivis, j’ai souvent été marqué par la manière dont la parole se bloque, s’altère, se transforme. Ce qui s’exprime parfois, c’est l’empêchement. Ça sort et ça rentre en même temps (c’était le cas pour l’accusé dans un des procès). Comme si une parole ne pouvait pas s’adresser au tribunal et que les sons retournaient à leur source. Ce qu’on entendait alors ressemblait à une sorte de “boue” de langage, ou un langage inventé…
Et puis, il y a ces moments où comme un lapsus, quelque chose se dit malgré soi. Il sort quelque chose d’imprévu, parfois d’obscène, parfois de glaçant…. Comme un aveu ou une confidence intime.
Autant d’états de la parole et du corps que j’ai pu observer lors des deux procès aux assises et que j’ai cherché à traduire dans la série des Buses ».


Sophie Dubosc – Buse (moirage), 2025. Plastiline grise et Buse (moirage), 2025. Plastiline blanche – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
Quant aux buses du dispositif de ventilation, elles ont été recouvertes de plastiline grise et ivoire par Sophie Dubosc. Leur surface vibrante, incertaine, prolonge ce que l’artiste nomme un « tremblement » : le passage du souffle au silence, du mot à l’empêchement de dire.
La parole empêchée
Au cœur du projet se trouve la question des violences sexistes et sexuelles et du silence qui les entoure. Ces problématiques se sont imposées à la suite d’un des procès qu’Arnaud Vasseux a suivis, mais aussi de l’actualité judiciaire récente avec les affaires Pelicot, Bétharram et bien d’autres… L’artiste ne pouvait aussi être indifférent à la découverte d’une fresque du XIXᵉ siècle, peinte par Ernest Michel au-dessus du tribunal dans la salle d’assises de Montpellier, représentant une scène de féminicide. « Personne ne la regarde, confie-t-il, et pourtant elle raconte une histoire d’une actualité tragique. Cette collision entre le passé et le présent m’a bouleversé ».
Dès le moment où il a proposé une exposition comme restitution de sa résidence, Arnaud Vasseux a souhaité associer à son projet Sophie Dubosc et Maïder Fortuné, avec la volonté de montrer leurs œuvres dans le même champ d’interrogation : celui de la parole et du silence.

Présentée sur le seuil entre les deux salles voûtées du rez-de-chaussée, La femme au menton coupé (2014) de Sophie Dubosc est un moulage du corps de l’artiste, en bronze patiné sombre.
Dans le contexte de l’exposition, cette œuvre devient un point de bascule.
Pour « d’où l’on parle », sa présentation a été repensée avec Arnaud Vasseux : ajout d’un vêtement, d’une perruque, d’un socle de plâtre.
Le menton tranché, juste sous la lèvre inférieure, désigne la partie mobile du visage : celle qui permet la parole. « Ce n’est pas une figure sans bouche, mais une figure dont la parole est entravée, empêchée de sortir ».
Sa posture – légèrement courbée, le regard baissé – « traduit une forme d’humilité, mais aussi la position dans laquelle se retrouvent souvent les femmes quand on refuse de les entendre ».

Pour Vasseux, l’œuvre évoque la silenciation des femmes, analysée notamment par Hélène Frappat dans Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes.
La plaque de plâtre qui la soutient semble comprimer la sculpture, empêchant le souffle : « Pour parler, il faut de l’air. Ici, tout manque d’air. »
L’artiste y voit une figure « rendue visible dans ses absences : absence de parole, de souffle, de prolongement du corps ».

Entre silence et menace
Si les deux salles du rez-de-chaussée ont été pensées autour d’œuvres sur la question de la parole empêchée dans un rapport à l’espace judiciaire, le parcours devient à l’étage plus dépouillé. Il se resserre autour de gestes simples qui interrogent l’expression de la violence dans le domaine privé. L’atmosphère y est à la fois plus intime, mais aussi plus oppressante.

Violet (2020-2025), mannequin d’enfant démembré de Sophie Dubosc, est une pièce redoutable et glaçante, d’une violence sourde qui aborde la question de l’inceste.



Sophie Dubosc – Violet, 2020-2025. Mannequin en polyester – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
Réalisée initialement dans le cadre d’une invitation à intervenir avec des étudiant·es de l’École des Beaux-Arts de Nîmes (ésban), cette l’œuvre introduit une autre forme de silence : celui qui entoure les violences intimes. En la présentant ici, l’artiste ouvre l’exposition à une autre forme de violence, souvent tue, qui prolonge la réflexion sur les mots impossibles.

Un coussin (Demeure, 2025), glissé derrière un garde-corps de verre, exprime l’étouffement, la suffocation. L’artiste explique : « Au départ, j’avais prévu une sculpture en plâtre. J’ai finalement choisi ce geste minimal : un coussin trouvé, usé, placé là, comme dans une chambre où la menace plane. »


Arnaud Vasseux – Demeure, 2025. Oreiller – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
Face à lui, Lacune, un tube métallique fiché dans le mur, évoque un cri muet. « C’est le cri de la victime, un cri sans voix, projeté vers nous. »

Ces trois pièces, d’une grande économie de moyens, transforment le lieu d’exposition en espace domestique traversé par une tension latente, où l’intime rejoint le judiciaire.
Entre les deux salles du rez-de-chaussée, une photographie de Maïder Fortuné montre un traversin, sans doute celui d’un sans-abri, glissé entre des barreaux à la sortie du métro Mairie de Montreuil. Inspirée du récit d’un féminicide évoqué par Arnaud Vasseux, elle condense l’idée d’étouffement et de contrainte.

Le cadre judiciaire comme dernier lieu du vrai ?
Si l’exposition aborde des sujets douloureux, elle ne se veut pas pessimiste.
« Si mes barres sont fragiles, elles portent malgré tout une forme d’espoir. »
L’artiste refuse toute lecture catastrophiste : la justice n’est pas en ruine, mais en tension, menacée par le manque de moyens, par la fatigue de ses acteurs, par la perte de confiance.
« Comme la santé ou l’éducation, elle nécessite une vigilance permanente. Si on cesse de la défendre, c’est la démocratie elle-même qui vacille. »
Cette idée irrigue l’ensemble du projet : la justice comme lieu du commun, à la fois espace de réparation et miroir de nos fragilités collectives. Les Barres prolongées, fragiles et sans socle, sont aussi des lignes de partage : elles nous placent face à la possibilité de témoigner, à la responsabilité de prendre la parole.




Livret. Prolongement de l’exposition « d’où l’on parle », restitution de la résidence en entreprise
d’Arnaud Vasseux au sein du cabinet SVA Avocats. Noémie Erb et Guillaume Tourscher, designer.euses graphique.
Dans le livret de l’exposition, Arnaud Vasseux évoque, entre autres, Anatomie d’une chute de Justine Triet, soulignant que le cadre judiciaire demeure peut-être l’un des derniers espaces où une forme de vérité – partielle, mais construite – peut encore se dire.
« Nous vivons dans une société où la parole circule de plus en plus difficilement, même dans les espaces privés. On ne s’écoute plus, on réécrit l’histoire. Le cadre judiciaire reste un des rares lieux où l’on tente encore d’établir une vérité. »
L’exposition ne cherche pas à représenter la justice, mais à éprouver ses espaces, ses silences, ses gestes. De la salle d’audience à la salle d’exposition, Arnaud Vasseux propose des œuvres faites d’objets fragiles, de gestes retenus, de souffles suspendus. Les visiteur·euses, placé·es à hauteur de témoin, sont invité·es à occuper un espace où se joue encore la possibilité d’un dialogue.

Avec « d’où l’on parle », l’artiste ne fait pas œuvre de dénonciation, mais de vigilance – une attention inquiète et lucide à ce que la justice, l’art et la société ont encore à se dire.
À lire, ci-dessous, une transcription d’une conversation avec Arnaud Vasseux.
En savoir plus :
Sur le site de Mécènes du Sud
Suivre l’actualité de Mécènes du Sud sur Facebook et Instagram
Consulter le dossier d’Arnaud Vasseux sur le site documentsdartistes.org
Sur les sites de Sophie Dubosc et de Maïder Fortuné
Conversation avec Arnaud Vasseux à propos de « d’où l’on parle » chez les Mécènes du Sud à Montpellier
Avant de commencer cette résidence, lorsque j’ai répondu à l’invitation de Nicolas Jonquet et Marine Lang, je dois dire que je n’avais pas une opinion particulièrement sur la justice. Je n’y avais jamais été confronté personnellement, et personne dans mon entourage proche n’avait eu d’expérience directe avec ce milieu.
Mon regard était donc façonné par ce que j’avais pu lire dans la presse ou entendre dans les médias.
Tu es donc entré dans cette résidence avec une forme de curiosité, presque d’inconnu ?
Oui, exactement. J’y suis allé avec beaucoup de questions, sans a priori, et j’ai essayé d’adopter une posture d’observateur, de témoin même, en mettant de côté mes jugements. Mon intention était de comprendre ce qu’est réellement le métier d’avocat. J’ai commencé par assister à des expertises, puis à quelques audiences au civil, avant qu’on ne me propose assez rapidement de suivre des procès au pénal.
Tu cherchais une vision d’ensemble du fonctionnement judiciaire ?
Oui. Nicolas Jonquet souhaitait que j’aie une expérience aussi complète que possible du système judiciaire. Elle restait forcément partielle — le temps que je pouvais consacrer à la résidence était limité par mes charges d’enseignement. Mais l’idée était de m’immerger dans différents aspects de la justice, pour en saisir la complexité.
Pour les deux procès au pénal que j’ai suivis, il m’a été demandé d’assister à l’intégralité des audiences, du matin jusqu’à la délibération. J’ai eu de la chance : ce sont des procès relativement courts, sur quatre jours, rien à voir avec des affaires exceptionnelles et atypiques comme l’affaire Pélicot.
Les deux procès concernaient, l’un, une tentative d’homicide, et l’autre, un homicide que j’ai qualifié de féminicide. Avant cela, j’avais surtout assisté à des procès civils : le cabinet SVA Avocats, qui m’accueillait, est spécialisé dans le droit médical et le droit de la construction.
Tu as donc d’abord observé la justice « ordinaire » ?
Oui, tout à fait. J’ai commencé par des affaires assez banales : des litiges sur des pompes, des moteurs, des enduits défectueux, ou encore des conflits de voisinage — des situations très courantes, presque triviales.
Mais à partir du moment où j’ai suivi les procès au pénal, j’ai été véritablement embarqué dans des histoires humaines fortes, et dans ce que j’appellerais le temps judiciaire : ce temps qui donne la parole aux justiciables, aux accusés, aux témoins, et qui cherche, parfois laborieusement, à comprendre les faits et les motivations.
Je dois préciser que, dans les deux affaires, la culpabilité n’était pas contestée. Les accusés reconnaissaient les faits. La seule question en jeu était la peine : sa nature, sa durée. L’enjeu, c’était surtout de comprendre les mobiles.
Ces deux procès, jugés en première instance aux assises, se sont tenus dans la salle d’audience de la cour d’appel de Montpellier, dans l’ancien palais de justice.

Cette expérience t’a donc profondément marqué ?
Oui, absolument. Ces procès ont été pour moi des expériences très fortes, à plusieurs niveaux. J’ai été présenté au procureur général, et on m’a placé au premier rang, ce qui me permettait de tout voir, tout entendre : les échanges, les silences, les réactions.
J’étais littéralement au cœur du procès, au plus près de ce qui s’y jouait.
C’est à partir de cette immersion que mon projet d’exposition a commencé à se préciser.
De la production d’une sculpture à celle d’une exposition
Au départ, il n’était pas question d’une exposition, mais de la production d’une œuvre, plus précisément d’une sculpture. L’idée initiale, convenue entre Mécènes du Sud, le cabinet SVA Avocats et moi, était de concevoir une pièce destinée à être présentée dans les locaux du cabinet à Montpellier.
Mais assez vite, il est apparu que ce serait impossible : l’espace manquait, les contraintes étaient trop fortes.
Tu avais déjà une idée précise de la forme que prendrait cette œuvre ?
Oui, j’avais imaginé une barre — une barre prolongée — dont la destination aurait été un lieu lié à la justice : une salle des pas perdus, le parvis d’un tribunal, une école de droit… J’ai fabriqué un prototype à l’échelle 1 dans mon atelier à Marseille, que j’ai ensuite montré à Marine Lang et Nicolas Jonquet.
L’idéal aurait été d’en faire une fonte en fer pour l’installer dans l’espace public. Mais ce type de production dépassait les possibilités des partenaires du projet. La sculpture est donc restée sans lieu, « orpheline », mais potentiellement ouverte à de multiples destinataires.

Comment l’idée de l’exposition est-elle née à partir de cette situation ?
Quelques mois plus tard, en janvier 2025, j’ai recontacté Marine Lang. Cette résidence m’avait profondément marqué, et j’ai proposé d’en faire une restitution sous la forme d’une exposition.
Je voulais repartir de cette sculpture, de ce qu’elle symbolisait, et en faire le point de départ d’un projet plus large, pensé pour l’espace des Mécènes du Sud à Montpellier — un lieu que je connais bien pour y avoir exposé en 2019.
Marine Lang a tout de suite été enthousiaste. Elle a proposé d’assurer le commissariat de l’exposition et d’en écrire le texte.
Cette « barre » occupe donc une place centrale dans le projet ?
Oui. Dans sa première version, elle reposait au sol sur une platine et reprenait très fidèlement la forme de la barre des témoins de la cour d’assises de Montpellier. Je ne l’ai pas moulée, mais j’en ai fait une réplique extrêmement précise.
La seule différence, c’est que je l’ai prolongée : au lieu d’accueillir une seule personne, comme dans le modèle original — une parenthèse fermée, un garde-corps pour un seul témoin —, je l’ai étendue pour qu’elle puisse symboliquement en accueillir plusieurs.
C’est un objet central dans le dispositif spatial des salles d’audience. Nous pouvons toutes et tous, un jour, nous retrouver de l’autre côté, à témoigner. Cette barre, en ce sens, nous concerne directement. C’est pourquoi elle figure sur la couverture du livret, sur l’affiche dans un montage où elle se superpose avec une photographie de la salle d’audience.
Certains éléments de cette salle t’ont également marqué ?
Oui, dès mon premier procès, j’ai été frappé par les peintures qui décorent les murs de la salle d’audience. Il y a notamment deux grandes fresques. L’une, placée au-dessus du tribunal, mesure une dizaine de mètres et représente une allégorie de la Justice.
Mais cette allégorie met en scène un féminicide : au premier plan, une femme est étendue au bas des marches, un sein découvert, une tache de sang sur la poitrine. Elle semble morte. L’homme qui l’a tuée est à genoux, à droite, blâmé par la Justice.

Ce qui m’a bouleversé, c’est la collision entre cette peinture du XIXᵉ siècle – peinte par Ernest Michel en 1878 – et l’actualité judiciaire d’aujourd’hui. Personne ne la regarde plus, et pourtant elle raconte une histoire d’une actualité tragique. Si elle n’a pas un grand intérêt artistique, elle dit quelque chose d’une banalité monstrueuse : celle des violences faites aux femmes.
C’est ce qui t’a conduit à aborder cette question dans l’exposition ?
Oui, très clairement. Je me suis concentré sur la question de la parole des femmes, des violences sexistes et sexuelles, et en particulier des viols. D’abord parce que ces sujets traversent profondément l’actualité judiciaire récente — avec les affaires Pelicot, Bétharram et bien d’autres — mais aussi à cause de la multiplication des témoignages, des récits d’inceste, d’agressions, d’abus longtemps tus.
Autour de moi, plusieurs ami·es m’ont confié des histoires d’agression ou de viol, parfois sans dépôt de plainte, sans procès. Ces récits ont évidemment nourri ma réflexion. Ils interrogent notre position, en tant qu’hommes notamment : comment écouter, comment réagir à ces confidences ? Comment se situer ?
C’est aussi ce dont parle, d’une certaine manière, le livre de Manon Garcia, Vivre avec les hommes, qui questionne la complicité et la responsabilité masculine.
Et quand on apprend, par exemple, que dans l’affaire Pelicot, l’accusé a pu recruter plus de soixante-dix personnes dans un rayon de cinquante kilomètres pour violer sa femme, on mesure l’ampleur du désastre — et la nécessité d’en parler autrement, artistiquement aussi.
Les barres prolongées
La salle d’audience est un espace hautement hiérarchisé, où chaque place traduit une fonction, un rôle, une responsabilité.
Une barrière marque la limite entre le public et le prétoire, tout comme la « barre » désigne l’endroit précis où se tient le témoin. Le tribunal, les jurés et les avocats dominent l’espace depuis une estrade.
Tout est ordonné selon un axe de symétrie rigoureux : le président, la barre, puis le couloir séparant les rangées du public. Le procureur et le greffier occupent chacun un côté, en vis-à-vis des parties. Seul l’accusé, souvent isolé dans le box, échappe à cette symétrie.
Cet agencement dessine la justice comme un théâtre où la parole s’exerce dans un dispositif symbolique autant qu’architectural.
Ta réflexion autour de la « barre prolongée » prend donc racine dans cette organisation très codifiée. Quelle place occupent ces sculptures dans ton projet ?
Mes barres, même si j’ai cherché à les reproduire avec la plus grande fidélité à partir de celle de la cour d’assises de Montpellier, ne sont pas parfaites. Elles tremblent, présentent des microfissures, laissent apparaître leurs armatures. Les barreaux sont fragiles, faits de plâtre, sans ancrage au sol. Rien ne les fixe. Cette vulnérabilité me semblait essentielle. Elle rend visible la fragilité d’un objet que tout le monde reconnaît immédiatement.

La barre du palais de justice, à Montpellier, est à l’origine un simple garde-corps. Elle a été fabriquée par un artisan qui réalise des rampes d’escaliers ou des balcons : un modèle banal, presque domestique. Ce qui la distingue, c’est sa forme en parenthèse, qui enserre le corps du témoin et en fait un objet symbolique.
Comment as-tu choisi de les disposer dans l’exposition ?
Les barres sont placées face à face — c’est particulièrement lisible dans la deuxième salle. Cette disposition invite à réfléchir à notre propre position : quelle est notre place ? De quel côté se tenir ? Comment le corps circule-t-il autour de ces objets ?
Moi, je ne me suis jamais tenu à la barre. Je n’ai que l’expérience de l’observateur, sans la charge émotionnelle de celles et ceux qui y témoignent. Mais c’est précisément cette distance qui m’intéresse : les barres se font face pour nous renvoyer la question du témoignage, de la prise de parole, du rapport à la vérité dans un espace de justice.
Tu insistes aussi sur leur ancrage, ou plutôt sur leur absence d’ancrage…
Oui. Toutes mes barres sont posées au niveau du sol, sans socle, au même niveau que celui du public.
Dans une salle d’audience, la hiérarchie se lit dans la hauteur. Les avocats, les jurés et les magistrats se tiennent sur une estrade. La barre est au niveau du public… la barre, c’est nous. C’est une place qui nous concerne toutes et tous.



Arnaud Vasseux – Barres prolongées, 2025. Plâtre, filasse, acier et Sophie Dubosc – Buse (moirage), 2025. Plastiline grise – « d’où l’on parle » – Mécènes du Sud à Montpellier
Les sculptures sont volontairement brutes, presque vulnérables. Pourquoi ce choix ?
Je les présente sans fioriture, sans ajout. Elles sont brutes de démoulage. On voit de quoi c’est fait. On voit ce qui tient et ce qui tient pas. La filasse qui dépasse évoque une présence humaine, fragile, organique.
Ce que je voulais surtout, c’est rappeler que cet endroit — la barre — est celui où l’intime surgit.
Qu’on soit victime ou témoin, c’est là que l’intime se dépose, comme on n’imagine pas… Les personnes qui témoignent s’y préparent, bien sûr, mais ne mesurent pas toujours ce qu’elles vont dire. Et parfois, des mots, des confidences surgissent, d’une extrême intensité, d’une profondeur inattendue.

C’est pour cela que j’ai ajouté cette touffe de cheveux, qu’on ne peut pas saisir : une métaphore de cette parole intime, insaisissable, qui échappe à toute maîtrise.
La participation de Sophie Dubosc
Tu as souhaité associer à ton exposition deux œuvres de Sophie Dubosc.
Dès le moment où j’ai proposé à Marine Lang une exposition comme restitution de résidence, je lui ai également parlé de Sophie Dubosc et de deux œuvres que je souhaitais montrer.
La femme au menton coupé
La première, La femme au menton coupé (2014), avait été présentée dans une exposition collective organisée par Marie Cantos à La Tôlerie, à Clermont-Ferrand, en 2016, à laquelle je participais.
Je connaissais le travail de Sophie, que j’admire, mais c’était la première fois que je la rencontrais et je ne connaissais pas cette pièce. Dans cette exposition, elle l’avait présentée nue, comme elle le souhaitait : un simple bronze, d’une grande sobriété. Le moulage sur nature, réalisé sur elle-même, était d’une précision remarquable. Le tirage en cire avait ensuite donné lieu à une fonte en bronze patiné sombre, posée sur une étagère épaisse, avec toutes les structures nécessaires pour porter un bronze en porte-à-faux.

Comment cette œuvre a-t-elle trouvé sa place dans « d’où l’on parle » ?
Pour cette exposition, je lui ai proposé de repenser ensemble la manière de la présenter. Compte tenu du contexte — celui d’une réflexion sur la parole, la justice, la place du corps et du témoignage —, elle a choisi d’ajouter un vêtement et une perruque.
Ainsi, La femme au menton coupé a pris place dans un dialogue direct avec la question de la parole empêchée, dans un rapport très clair à l’espace judiciaire. Les deux salles du bas ont d’ailleurs été pensées autour de cette problématique.

Tu y vois un écho à la silenciation des femmes ?
Oui, très directement. L’œuvre fait référence vraiment à la question de la silenciation des femmes.
Elle fait écho à de nombreux travaux et réflexions féministes, notamment à celles d’Hélène Frappat dans Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes, sur la manière dont la société patriarcale multiplie les stratégies pour neutraliser ou disqualifier la parole féminine.
La posture de cette figure — légèrement courbée, le regard baissé — traduit une forme d’humilité, mais aussi la position dans laquelle se retrouvent souvent les femmes quand on refuse de les entendre.
La coupure, située juste sous la lèvre inférieure, désigne précisément la partie du visage liée à la parole : la mâchoire mobile, celle qui permet d’articuler. Ce n’est pas une figure sans bouche, mais une figure dont la parole est entravée, empêchée de sortir.
Et le dispositif de présentation accentue cette idée d’empêchement ?
Oui. C’est elle qui a choisi l’emplacement : sur le seuil, entre les deux salles.
De mon côté, j’ai conçu la tablette fine en plâtre sur laquelle elle repose, qui la saisit et la comprime légèrement. Parce que pour parler, il faut de l’air : or ici, tout manque d’air.
Le passage du matériau de l’état liquide à l’état solide évoque lui aussi cet empêchement, cette impossibilité de respiration. C’est une présentation qui redouble la charge expressive de la sculpture.

Placée en vis à vis, elle crée un face-à-face troublant. On peut se sentir dominant en la regardant, elle est assez basse. Sous elle, la plaque de plâtre laisse un vide qui suggère un corps prolongé, invisible. Elle est rendue visible dans son absence, dans toutes ses absences : absence de parole, de souffle, de prolongement du corps. C’est tout cela que nous avons cherché à rendre perceptible dans sa présentation.
Violet
Et la seconde œuvre, Violet, le corps démembré d’un mannequin d’enfant que l’on découvre à l’étage et qui glace le sang ?
Violet est une pièce que Sophie avait réalisée à l’occasion d’une invitation, dans le cadre d’un petit dispositif d’exposition que j’avais créé, Le Papillon.
Malheureusement son intervention avec un groupe d’étudiant·e·s de l’ésban était programmée en 2021 pendant les confinement successifs. L’exposition n’a pas pu se tenir dans les conditions prévues.

Je voyais dans cette œuvre une manière d’aborder la question de l’inceste — un sujet encore très rarement évoqué en sculpture. Il existe, bien sûr, des représentations picturales de violences sexuelles, mais très peu d’œuvres sculptées qui s’y confrontent directement.
On pense à Louise Bourgeois, à ses œuvres liées à la domination ou à la souffrance psychique, mais même chez elle, la question du viol ou de l’inceste n’est pas explicitement formulée.

C’est précisément pour cela que j’ai voulu reconvoquer ces deux œuvres et les présenter en même temps que ma proposition.
La série des Buses
Pendant les deux procès que j’ai suivis, il y a eu des moments de silence vertigineux.
C’était des moments très poignant où il y a une attente forte, parfois une émotion extrêmement intense. Des gens qui n’arrivent plus à parler, qui sont submergés par l’émotion par ce qu’ils disent, par ce dont ils se rappellent. Même lorsque les faits remontent à un an ou plus, tout reste à vif. Et à ces moments-là, un silence s’installe — lourd, presque matériel.
Dans la salle d’audience, on entend alors autre chose : le bruit du système d’aération. Ce souffle devient le seul son perceptible, il se substitue aux voix, il prend toute la place.
Je me souviens très bien de cette sensation : tu te sens soudain seul dans cette salle pourtant pleine, comme si les 150 personnes présentes s’étaient effacées.
Ces silences ont beaucoup compté pour moi. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai inséré dans le livret quelques citations de Maître Henri Leclerc, qui évoque avec justesse le poids de la parole, mais aussi celui du silence — « Le silence est au cœur de ce qu’on a à dire »…

Ce rapport au silence s’est donc prolongé dans la conception des œuvres ?
Oui. Dans l’exposition, il est beaucoup question de ce silence et de la parole empêchée.
Quand j’ai reparlé du projet à Marine Lang, en janvier, j’ai tout de suite repensé aux buses d’aération de Mécènes du Sud, celles qui m’avaient dérangé lors de ma précédente exposition en 2019.
Elles sont très visibles dans les deux salles voûtées en croisée d’ogives. Leur présence, presque intrusive, m’avait frappé. Je trouvais étonnant qu’on ait laissé ces éléments techniques si apparents dans un espace d’exposition.

Alors, cette fois, je me suis emparé de cette contrainte pour en faire un motif. J’ai moulé une buse et j’ai commencé à travailler sur cette forme dans mon atelier à Marseille. J’en ai décliné une trentaine, d’abord à l’atelier, puis sur place.
Leur présence s’est peu à peu imposée comme un écho au système d’aération de la salle d’assises de la Cour d’appel de Montpellier, celui-là même que j’entendais pendant les procès. Ces buses sont devenues la matérialisation de ce souffle, de cette respiration mécanique qui prend la parole quand plus personne ne parle.

Dans les échanges avec Sophie Dubosc, avant et pendant le montage, on s’est dit qu’il était intéressant de pas laisser les buses originales dans leur état, mais d’intervenir dessus.
L’idée était de prolonger ce tremblement, ce floutage, ce dérangement, cette défiguration que l’on retrouve déjà dans autres Buses et dans les Barres.
Sophie est intervenue directement sur ces deux dispositifs, en les recouvrant d’une couche de plastiline grise et ivoire. Ce geste crée une surface instable, vibrante, qui trouble la perception. Elle parle de moirage plutôt que de floutage. Son intervention répondait à mon choix d’avoir élu la buse comme motif de l’exposition en référence au système d’aération de la salle des assises de la cour d’appel de Montpellier.
Dans les salles à l’étage
Les salles du haut sont très dures, très tendues. L’atmosphère y est différente de celle du rez-de-chaussée : plus intime, mais aussi plus oppressante.
La présence de Violet, le mannequin présenté par Sophie Dubosc, y contribue beaucoup. C’est une pièce redoutable, d’une violence sourde.

Et juste à côté, il y a Demeure (2025) – ce simple coussin glissé derrière les garde-corps en verre.
J’ai mis du temps à arriver à ce geste. Avant cela, j’avais envisagé une sculpture en plâtre, le projet d’un coussin étouffé… Il y a une certaine économie moyen dans ces objets choisis, trouvés, usagés et qui ont un vécu.
On sent que cet étage engage un autre registre, plus domestique.
Exactement. En bas, on est dans le travail de l’atelier, il y a des gestes, c’est fabriqué, c’est plus laborieux. Ici, c’est autre chose : on est plus dans une réponse ou une saisie du lieu. L’idée est de poser la question du domestique, de l’appartement, de la chambre, de la demeure privée et de cette violence qui peut tout à coup arriver même avec un objet aussi anodin qu’un coussin…
Et cette pièce métallique, Lacune, vient encore renforcer cette tension.
Oui, Lacune est une pièce plus ancienne, que j’ai déjà exposée à deux reprises.
C’est un tube en métal qui a servi autrefois à cintrer des fers à béton. Il s’est lentement déformé au fil du temps jusqu’à cette la forme qui m’a fait élire cet objet que je place d’une manière assez radicale. Je le présente fiché perpendiculairement dans le mur, d’une manière très simple, presque brutale. L’objet semble venir vers nous, projeté hors du mur, comme un cri.

Il est toujours placé au niveau de la bouche, parce qu’il désigne l’organe de la parole, mais aussi l’obscurité de ce qu’il contient — ce qui ne peut pas être dit. Il y a quelque chose d’à la fois menaçant et fragile dans ce geste. On peut y voir un cri de victime, un cri sans voix, un cri retenu.
Avec le garde-corps en verre, le coussin, Lacune et Violet, on se retrouve dans un espace où la menace est diffuse, où quelque chose pèse.
À propos de la photographie de Maïder Fortuné au rez de chaussée :
Maïder Fortuné a réalisé cette photographie juste après que je lui ai raconté le féminicide où un homme avait étouffé sa femme avec un oreiller. Très peu de temps après notre échange, elle m’a envoyé cette image, prise à la sortie du métro Mairie de Montreuil.

On y voit un traversin, sans doute celui d’un sans-abri, glissé entre des barreaux dans l’attente de la nuit. A travers ces barreaux massifs, on ressent une forme de contrainte, une pression. Si tu étouffes l’oreiller, tu étouffes la personne… un écho direct à mon récit.
Mon geste à l’étage avec le coussin — Demeure — renvoie au procès, mais aussi à cette photographie qu’elle m’a envoyé.
Où est notre place ?
L’enjeu de cette exposition n’est pas de montrer des objets esthétiques et des sculptures qu’il conviendrait d’admirer pour leurs qualités formelles ou plastiques. C’est de désigner d’abord une situation, la situation du palais de justice et de poser la question de où est notre place…
Les œuvres ne cherchent pas à séduire, mais à nous placer face à ce que nous préférerions peut-être ne pas voir.
C’est une exposition difficile, exigeante pour laquelle je tenais aussi à ce qu’il y ait de l’émotion, une charge réelle.
Si mes barres sont vibrantes, fragiles, délicates, elles portent malgré tout une forme d’espoir. En tout cas, elles ne traduisent pas une critique de la justice. J’ai plutôt voulu éviter toute lecture qui laisserait penser qu’elle serait en ruine.
Mais, comme la santé ou l’éducation, elle est aujourd’hui dans un état préoccupant. Elle demande une vigilance constante. Or, cette vigilance, on ne l’exerce pas toujours, souvent parce que, comme moi avant cette résidence, on a une opinion assez négative de la justice, sans bien la connaître.
Tu sembles dire que cette exposition cherche à rendre visible ce que l’on néglige habituellement.
Oui. L’ambition est d’attirer l’attention sur ce qu’on ne regarde pas, ou qu’on juge trop vite.
En discutant avec Nicolas Jonquet, j’ai compris à quel point les affaires judiciaires se multiplient et deviennent de plus en plus médiatiques, alors même qu’il y a de moins en moins de magistrats et de magistrates.
Leur travail est extrêmement lourd, souvent sept jours sur sept, avec des milliers de pages à lire chaque semaine.
Il faut plus de moyens, plus de personnels, et surtout ne pas renoncer à la participation citoyenne — ne pas supprimer les jurés.
Et puis, il faut aussi être attentif à l’arrivée de l’intelligence artificielle dans certaines procédures : pour le moment, c’est interdit en France, mais il faut rester vigilants.
Au fond, tu relis cette réflexion à une question plus large, celle du rapport entre justice et démocratie.
Oui, parce que si on ne défend pas notre système judiciaire, on met en péril la démocratie elle-même.
Fragiliser la justice, c’est fragiliser tout le reste — l’éducation, la santé — tout ce qui constitue la possibilité même d’une société démocratique.
Je crois qu’on vit dans une société où la parole circule de plus en plus difficilement, y compris dans les espaces privés.
Les désaccords deviennent des affrontements, les institutions, des lieux de tension. Je le constate dans mon école : chacun cherche à imposer son récit, à faire taire les autres.
On réécrit les faits, on réinvente l’histoire : c’est le règne de la post-vérité, où la parole perd son poids.
Il reste alors le cadre judiciaire comme un des rares espaces où l’on tente encore d’établir une forme de vérité — pas la vérité, mais une vérité, qui est la vérité judiciaire.
