Vincent Cunillère, Duos d’ateliers au Musée Paul Valéry, Sète

Vincent Cunillère, Duos d’ateliers - Affiche

Gros coup de cœur pour ces Duos d’ateliers que présente le Musée Paul Valéry jusqu’au 26 janvier 2014.
Les 44 œuvres du photographe Vincent Cunillère, exposées sur les cimaises sétoises, sont construites sur un schéma original qui fonctionne très souvent de manière remarquable.
Cunillère photographie le peintre ou le sculpteur dans son atelier… Un cliché est ensuite choisi et un tirage en grand format est réalisé. Ce dernier est alors remis à l’artiste qui intervient directement sur la photographie qui devient une œuvre réalisée à quatre mains, un duo d’atelier.

Dans un entretien avec Maïthé Vallès-Bled, Cunillère raconte que ce projet est né vers 1994, peu après sa rencontre ave Soulages. « J’allais voir beaucoup d’exposition d’art contemporain ; on n’y voyait jamais de photo de l’artiste. Et inversement, quand je visitais une exposition de Clergue sur Picasso, il n’y avait que des photos du peintre et pas une seule œuvre de lui. C’est ainsi qu’est née l’idée de réunir la photo et la peinture ».

La série commence avec  Champieux en 1995. Au début, Cunillière demande au peintre d’intervenir sur la surface de la toile sur laquelle il est en train de travailler quand il prend la photo. Le premier Duo est montré au conservateur du musée Paul Valéry, qui en commande deux et propose une liste d’artistes sétois.

L’œuvre initiale avec Marc Champieux, petit fils d’un photo-journaliste, ouvre naturellement le parcours chronologique de l’exposition. Le format des tirages argentiques fluctue un peu autour  de 125 x 170 cm.
Valentine Schlegel  choisit d’ajouter à la photo une sculpture en terre cuite de son chat, qui semble être sous le regard d’un buste de Jean Vilar…  Christophe Cosentino, associe laque, fusain et morceau de céramique à la photo pour produire un autoportrait en marin qui dit-il « n’est pas plaqué, mais a du relief » ! Le « bleu Routier » vient illuminer le bric-à-brac de l’atelier du peintre aujourd’hui disparu, dont le regard ne laisse pas indifférent…
Autres morts et donc autres témoignages historiques et émouvants dans le début de cette série pour les duos avec Adrien Seguin, Pierre François et Maurice Sarthou
Richard Di Rosa semble lui-même être surpris par l’œil qu’il rajoute sur cliché de Cunillière !

En 1997, Viallat met un terme au principe d’intervention conçu au début de la série. Le photographe décide donc alors de ne plus prévoir une place pour l’artiste dans sa prise de vue.  Il photographie ce qu’il veut et l’artiste interviendra comme il le souhaite…
Viallat pose donc ses pochoirs comme il l’entend, Hervé Di Rosa ajoute des personnages dans son atelier de Balaruc, Daniel Dezeuze pose une touche de rouge et une touche de bleu sur ses pots de peinture…

En 2001, André Cervera revient au principe initial en collant un papier kraft  sur une toile de la photographie de son atelier. Et en 2006, Vivi Navoro  peint une rose des vents sur le châssis posé à plat devant elle.

Dans le catalogue, Pascal Saumade signe un texte dans lequel il évoque la mémorable exposition « l’art modeste sous les bombes » au MIAM, en 2007 et les interventions conjointes de la fine fleur des artistes du Street Art de l’époque. Il rappelle la présence discrète de Vincent Cunullière pendant quinze jours au milieu des graffeurs, dans un MIAM transformé en atelier collectif.
L’exposition consacre naturellement une salle aux duos signés à cette occasion avec Esmaeil Bahrani, David Ellis, Reach, Zonenkinder, Sick, Dzus, Jonone, Nunca et Alëxone.

On retrouve, un peu plus tard, Jonone et Alëxone dans leurs ateliers parisiens…
Les tirages sont maintenant numériques et le format est de 110 x164 cm.

Un peu plus loin, on découvre les collaborations avec  Gilles Marie Dupuy  ou Alain Clément.
Aldo Biascamano utilise la photographie de Cunillière pour tester un nouveau papier peint aux écailles dorées. Stéphan Biascamano s’enferme dans une sorte de sous-marin aux tuyaux tentaculaires alors que Gerard Koch prolonge son atelier dans l’espace du visiteur…

Paul Amar  recouvre presque entièrement l’épreuve que  Cunillière lui a transmise avec des coquillages couverts de peinture nacrée, tandis que Bernard Belluc, hilare, profite de l’espace pour y ajouter judicieusement quelques échantillons de ses collections.

Jean Le Gac intervient avec beaucoup plus de sobriété. Quant à Jean Capdeville, c’est la seule photographie qui est restée dans intervention… Cullinière raconte « … quand je lui ai apporté la photo, il l’a trouvé belle et n’a pas voulu intervenir dessus. Il était en train d’arrêter de peindre. Il est mort quelques mois après […] l’artiste se retrouve devant une toile blanche qu’il ne peindra jamais.

La dernière salle regroupe des duos plus récents réalisés entre 2009 et 2013 avec  Alexandre Gilibert, Sabine Rethoré, Karl Gielt, Patrick Loste, Lucien Clergue, Philippe Pradalié, Jean-Michel Meurice, Guy de Rougemant et Gérard Calvet.

Le parcours s’achève par une récente pièce à quatre mains avec François Morellet . Fidèle à son humour souvent moqueur, ce dernier nous dit dans son texte du catalogue :

« J’aime bien notre “duo d’atelier” et particulièrement parce qu’il donne de moi et de ce que l’on nomme (improprement) “mon travail”, des images très variées et contradictoires. Je dois dire qu’étant tout à fait d’accord avec Marcel Duchamp qui proclamait que “ce sont les voyeurs qui font les tableaux”, je suis aussi d’accord aujourd’hui pour que ces voyeurs se fassent de moi des images bien à eux.

Vincent Cunillère – François Morellet, 2013
Vincent CunillèreFrançois Morellet, 2013, 160 x 220 cm, tirage numérique
© Adagp, Paris 2013

Ils pourront tout d’abord ne pas changer l’image habituelle de moi-même où j’apparais en artiste sérieux n’aimant que la géométrie pure et dure et les systèmes mais ils seront sans doute bousculés par l’image que donne de moi votre belle photo (avant mon intervention) où j’apparais comme un artiste bordélique, bricoleur et joyeux.
Et puis, s’ils focalisent leur attention sur mon “
enrichissement” de votre photo, c’est-à-dire ce morceau de grillage de 27 x 27 cm plaqué sur ma figure, ils pourront penser, entre autres, que c’est pour évoquer une voilette, une muselière, une auréole ou pour rappeler mes trop nombreuses œuvres avec des grillages superposés ou donner l’image d’un artiste qui fait n’importe quoi pour se faire remarquer ou tout autre image avec laquelle je suis d’accord à l’avance. »

Cette exposition est une vraie découverte, un réel plaisir qu’il faut absolument aller voir avant le 26 janvier 2014 !

Liste des artistes présents dans l’exposition :

Alëxone • Amar • Bahrani • Gietl • Belluc • A. Biascamano • S. Biascamano • Calvet • Capdeville • Cervera • Champieux • Clément • Clergue • Cosentino • De Rougemont • Dezeuze • H. Di Rosa • R. Di Rosa • Dupuy • Dzus • Ellis • François • Gilibert • Jonone • Koch • Le Gac • Loste • Meurice • Morellet • Navarro • Nunca • Pradalié • Reach • Réthoré • Routier • Rouzaud • Sarthou • Schlegel • Seguin • Sick • Viallat • Zonenkinder

Catalogue  Vincent Cunillère : Duos d’ateliers, aux Éditions Au fil du Temps.
Commisariat : Maïthé Vallès-Bled, Conservateur en Chef du Patrimoine, Directrice du Musée Paul Valéry

En savoir plus :
Sur le site du musée Paul Valéry

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