FanClub au MIAM, Sète

AfficheJusqu’au 16 mars 2014, Pascal Saumade et Barnabé Mons nous offrent,  une fois encore, une exposition surprenante, étonnante, légèrement décalée, pleine de trouvailles dans laquelle se mêlent les œuvres d’artistes modestes, bruts ou contemporains et celles d’illustres inconnus. Il y flotte un tendre parfum de nostalgie, d’humour, mais aussi de révolte et de dérision qui donne à cette présentation un charme indéfinissable.

Le propos de FanClub n’est pas d’offrir une quelconque analyse sur les attitudes ou les comportements qui ont émergé dans les années soixante, mais plus simplement de montrer la complexité et la diversité de pratiques individuelles et sociales qui font ont fait partie, même si on l’oublie souvent, de ce qu’il convenait de nommer contre-culture.

Dans ces temps où l’industrie des produits dérivés était encore balbutiante, les musiques rock et pop étaient porteuses de quêtes identitaires, d’expérimentations diverses, de la recherche de nouveaux modes de vie, de nouveaux modèles.

FanClub s’attache à montrer l’inventivité et la débrouillardise des fans qui ne se contentaient pas de collectionner disques, photos, autographes, badges, affiches… mais bricolaient, transformaient ou créaient fringues, pochettes de disques, posters, instruments de musique, fanzines, articles de presse ou magazines… L’exposition révèle aussi comment dès la fin des années soixante, des plasticiens ont accompagné et participé à ce mouvement.

Comme pour les expositions précédentes, l’équipe du MIAM a confié la scénographie à Isabelle Allégret et Mathilde Grospeaud.

Le parcours commence dans le hall du Miam par un hommage au Heart Break Hotel, mythique club de rock sétois dans les années 80, haut lieu de la musique dans la région à une époque où  Montpellier était encore assoupie, bien avant la naissance du Rockstore et autres Mimi la Sardine… Cette évocation est suivie par la reconstitution d’une ambiance d’avant concert avec affiches et guitares collées au mur…

FanClub au MIAM - Sète
FanClub au MIAM – Sète

Au rez-de-chaussée, sous la mezzanine, l’installation d’une scène ménage trois espaces.

À gauche, en entrant, à côté des hommages anonymes aux Beatles, à Elvis, Lightning Hopkins, ou Bo Diddley, on remarque les œuvres de plusieurs artistes américains proches du Folk Art ou de l’Outsider Art.  Si, Si , selon Pascal Saumade, « le Folk Art fédère, sans jugement de valeur, toutes les formes dites irrégulières de l’Art Contemporain », l’Outsider Art est plus proche de notre Art Brut. De Lamar Sorrento, chanteur et guitariste de Memphis, peintre autodidacte, fan de Django et auteurs de plusieurs pochettes de disques dont un pour Sun Records, l’exposition présente deux portraits peints dont un de Django. Elayne Goodman, autre artiste du Deep South, propose des portraits d’Elvis, son idole. Certains de ses collages d’objets de récupérations, aux couleurs vives, ont connu leur heure de gloire à NYC et ont été reproduits dans le célèbre magazine Rolling Stone.

RDC 01 Peints sur des morceaux de carton ou de contre plaqué de récupération, parfois au recto et au verso, les tableaux de Chuckie Williams ont gagné leur patine par une exposition aux intempéries. Les membres de la famille Jackson (Michael,  Jermaine  ou Janet ) ont été parmi ses sujets de prédilection. Du sculpteur américain autodidacte Doc Atomic, FanClub présente deux têtes de Punk Rocker, assemblage de composants électroniques et de divers matériaux de récupération. Doc Atomic est connu aussi pour ses poupées, ses tortues, ses fleurs, ses torses et Art cars.

RDC 02

La projection de la série photographique The Disciples de James Mollison est sans aucun doute une des propositions les plus fortes de l’exposition.  Mollison écrit à propos de ce travail : « Pendant trois ans, j’ai photographié les fans à l’extérieur de différents concerts. J’ai été fasciné par les différentes tribus qui les fréquentaient, et comment ces personnes  imitaient leurs idoles pour construire leur propre identité. Peu à peu j’ai commencé à comprendre que les concerts étaient des événements où les gens venaient avec leurs «familles» de substitution pour revivre leur jeunesse ou pour essayer de participer à un moment qui s’est passé avant leur naissance ». Au-delà des aspects parfois dérisoires dans la démarche de ces disciples, la série dégage un certain respect, une forme d’humanité et d’empathie pour ces fans.

Sur le présentoir qui clôt ce premier espace, on retrouve parmi les dessins punaisés, songs books et magazines. Au côté du mémorable Up-Tight, The Velvet Underground Story de Victor Bockris et Gerard Malanga et du cultissime Rock Dreams. Bye bye, bye baby, bye bye  de Nick Cohn et Guy Peellaert, trône un exemplaire de The Disciples de James Mollison

RDC 06

Sous la mezzanine, au centre, devant la scène s’agite une étonnante collection de blouson de cuir ou de jeans, suspendus par les chaînes… Sur le podium et dans la lumière des projecteurs, Pasta Power du sétois  Stephan Biascamano, super héros à la guitare rectangulaire, semble attendre le reste du groupe, devant son ampli à lampes… La batterie de Bruno Peinado est envahie par des plantes tropicales… On s’attend à voir les tiges de ces végétaux s’agiter pour frapper tambours et cymbales… Posées sur des supports, des guitares décorées de sérigraphies de Robert Combas (Flying Van Gogh et Homage to Eddie Cokran ),  ou des Pin up d’Aslan…  En fond de scène, il faut prêter attention aux guitares de l’inclassable et excentrique Joël Hubaut… Elles appartiennent à son improbable série d’objets « fun-fungus ramifiux ».

Le devant de la scène est occupé par une guitare laissée par Cyril Hatt après sa performance, le soir du vernissage, surprenante reconstitution illusionniste de volumes photographiques…  et par Mississippi Mouth, cet étrange instrument de musique sous-marin à cheminée, clochette en bois, métal, verre, plastique et bambous qui renferme quelques surprises imaginées en 2006 par Stephan Biascamano

À droite de la scène, le troisième espace expose  essentiellement des œuvres européennes. Patrice Caillet propose son étonnante collection de pochettes de disques chinées dans les brocantes et vides greniers. Certaines ont entièrement été refaites par leurs propriétaires, d’autres ont été modifiées, détournées… Les résultats de cette quête, représentation décalée de l’histoire des musiques modernes par les fans, ont été publiées dans l’ouvrage Discographisme Récréatif / Handmade record sleeves.

Sur les cimaises, un ensemble de photographies extraites des archives  de Pierre Terrasson,  photographe de la scène rock nationale et internationale dans les années 80, évoquent l’attitude des  fans lors des concerts. Une toile de la série Bad Painting du barcelonais Agusti Garcia Monfort côtoie les dessins aux crayons de couleurs de l’accordéoniste belge et artiste Brut, Oscar Haus.

Le centre de cet espace est occupé par Prosthesis, une guitare molle, sculpture de  Christian Marclay, plasticien, compositeur et musicien et figure incontournable de la scène musicale expérimentale, influencé à la fois par Fluxus et le mouvement Punk. En arrière-plan, deux toiles de Robert Combas dont un Back to Mono auquel a été ajouté une guitare Flying Van Gogh. De l’autre côté de cette cimaise, un espace de projection présente Guitar Drag. Dans cette vidéo, Christian Marclay montre une guitare électrique attachée à l’arrière de sa camionnette, traînée sur une route de campagne, jusqu’à sa destruction totale. Cette œuvre évoque à la fois les mythes de la musique country, la violence de la musique rock mais aussi un lynchage dans les années 90, où la victime était à la place de la guitare…

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=NEIc7YdSFpU] L’immense mur du MIAM est à chaque exposition un vrai défi. Pour FanClub, les scénographes ont choisi d’ rythmer l’accrochage en trois séquences séparées par deux wall-drawing. Le premier, signé par le sétois Lucas Mancione représente Phil Spector derrière une console de mixage. Cet hommage dessiné du célèbre compositeur et arrangeur des années soixante est constellé de bandes magnétiques et de photos. Le deuxième wall-drawing est une reproduction de deux feuilles de classeur sur lesquelles le jeune Combas trompait son ennui en dessinant des musiciens de rock… Rappelons que Robert Combas et Lucas Mancione jouent régulièrement ensemble dans le groupe les Sans Pattes

La première séquence de ce grand mur est  consacrée à quelques tirages de la série Listen de la photographe américaine Rhona Bitner : salles de concerts et studios d’enregistrements désertés. La deuxième séquence expose une sélection de photo de Yan Morvan sur les Hell’s Angels  et les rockers de Paris,certaines appartenant à sa série Gang. On retient en particulier l’épreuve intitulée Des rockeurs, Montreuil, 1975 pour leurs poses affectées dans une décapotable au fin fond d’un casse de la banlieue.

Au fond du chai, hommage à Vince Taylor, avec une collection de vinyles gravés de dessins et des portraits du rocker. L’ensemble est accompagnés par une série de « Déco-guitars » pailletées, au profil de l’Archange noir du rock. De presque 5 mètres de haut, ces sculptures de Michel Battle sont suspendues au plafond du MIAM.

La collection de Michel Battle nous permet de savoir qu’au dos de sa guitare, son ami Ben a trouvé la jungle. À côté, en carton, bois et papier gaufré, un étrange portait de Polnareff, construit à partir d’empreintes de plaques d’égout par Rachid K. dédicacé à son ami Pierre Terrasson

Au premier étage, un espace est occupé par des œuvres d’art Brut de la « S ». L’association La « S » Grand Atelier, installé dans les Ardennes Belges, propose une série d’ateliers de création (arts plastiques et arts de la scène) pour des artistes mentalement déficients. La sélection présentée pour FanClub est composée d’œuvres de Dominique Théate, Richard Bawin, Marie Bodson ou Gabriel Evrard.

La collection de Canon Ball, catcheur et fan de Kiss, est un des moments les plus surprenants de l’exposition ! On reste étourdi devant l’abondance et la diversité des objets rassemblés…  Dessins, figurines, mugs, tee-shirts, affiches voisinent avec un flipper, la extraordinaire moto Kawasakiss, la veste à badges, et la pipe à l’effigie du démon de Kiss…

Entre ces deux collections, les quatre montages de Guy  Peellaert ne doivent pas être manqués…  Deux planches sont extraites de Rock Dreams (Chuck Berry et Phil Spector). Le Stawberry Flieds est un incontournable et la planche de BD à propos de Paul Anka, du surpoids et des filles est un must ! Il faut se rappeler que Peellaert a réalisé ces montages bien avant le numérique et Photoshop. Le Phil Spector est un joli clin d’œil… Ce portrait prêté par Robert Combas  voisine avec le wall-drawing, hommage à Spector, de Lucas Mancione, complice musical de Combas.

Le parcours se poursuit ave des broderies sur coton de Megan Whitmarsh, les disques vinyles découpés de Carlos Aires, un crâne en K7 audio brûlées de Brian Dettmer ou encore deux projets fictifs de pochettes de disques pour les  Éditions, « Le Dernier Cri » sous le titre de psykémétal par Julien «Jurictus» Raboteau.

La reconstitution d’une chambre d’ados des années 70 dissimule un cabinet discret où sont exposés quelques exemplaires de la collection de sexes en érection de rock stars, moulés par Cynthia Plaster Caster. Le groupe Kiss a fait une chanson sur ses moulages « plaster caster ». Elle a généreusement accompagné ce prêt par le moulage récent de sa poitrine !

L’exposition se termine devant un vénérable et capricieux Scopitone, ancêtre du clip, inventé par le sétois Roger Barscut et des œuvres de Bruno Peinado, Miguel Rodriguez Pont, Pow Martinez

En savoir plus :
Sur le site du MIAM
Sur la page Facebook du MIAM
Les liens vers les sites des artistes cités sont intégrés au texte de cette chronique.

Articles récents

Partagez
Tweetez
Épingle