Généreux, prolixe, prolifique, rigolard, malin, exubérant, honnête, urbain, enthousiaste, talentueux…
JonOne occupe le Carré Sainte-Anne, jusqu’au 1er novembre !
Sans aucun doute un des événements majeurs de l’été 2015 à Montpellier…
À l’origine, cette exposition de JonOne n’était pas programmée pour cet été à Sainte-Anne. Elle remplace un projet, en partenariat avec les Amis du Musée Fabre, qui invitait l’artiste portugaise Joana Vasconcelos. C’est donc avec beaucoup de générosité que l’artiste américain a relevé le défi d’une confrontation à l’espace très particulier de Sainte-Anne, pour sa première proposition dans un lieu institutionnel.
Il propose un ensemble de toiles, issues de son atelier, parfois réalisées pour l’exposition. On retrouve l’univers particulier de JonOne, la puissance de son geste et la force de ces couleurs, son engagement physique avec la matière et son support. Assumant entièrement les références aux artistes de l’expressionnisme abstrait (il cite volontiers Willem de Kooning et Joan Mitchell), JonOne affirme sa volonté d’être reconnu comme peintre et sculpteur. Sans renier ses origines, il refuse que son travail ne soit considéré que comme du Graff ou du Street Art. Sans complexe et sans forfanterie, il affirme son souhait d’une reconnaissance institutionnelle et se déclare prêt à répondre à d’éventuelles commandes publiques.
Ainsi, on comprend les raisons qui l’on conduit à privilégier pour cette exposition un ensemble de peintures sur toile récentes et quelques sculptures. L’œuvre réalisée in situ, sur les murs et le sol de la chapelle, à gauche du buffet d’orgues relève plutôt de la performance et de la réponse à une commande.
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900197″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
Il est intéressant de remarquer comment l’approche de l’espace du Carré Sainte Anne est ici très différente du travail que nous avait proposé Abdelkader Benchamma, l’hiver dernier… L’artiste issu du Street Art, ignore les murs et choisit de montrer son travail sur toiles, celui qui a fait l’École des Beaux-Arts (Montpellier puis Paris) avait préféré s’exprimer au plus près des murs de Sainte-Anne…
Deux sculptures récentes, prêtées par la Galerie Rabouan Moussion, complètent les grands formats accrochés aux cimaises.
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900180″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
Au centre de la nef, JonOne a suspendu « Above and Below »,une imposante sculpture qui donne sont titre à l’exposition. Cet assemblage de plaques de plexigas colorées reprend en partie le vocabulaire graphique de JonOne. Si la lumière des vitraux vient parfois jouer avec les taches de couleurs de ses toiles, cette sculpture, exécutée pour le lieu, est en fait la seule pièce qui dialogue réellement avec l’espace de l’ancienne. Par ses formes et sa matière, elle répond de façon contemporaine aux vitraux de Sainte-Anne.
Ci-dessous, quelques œuvres de l’exposition commentées par JonOne…
Cette importante proposition de l’artiste américain dans un lieu institutionnel apparaît comme un moment important dans sa carrière. Quelques mois la publication de The Chronicles, l’imposante monographie éditée l’automne dernier par David Pluskwa et la très belle exposition qui accompagnait sa sortie, « Above and Below » semble s’inscrire dans cette recherche d’une reconnaissance institutionnelle…
Vidéo réalisée par Hugo Capela-Laborde lors de la performance de Jonone au Carré Saint-Anne à Montpellier.
Cet été, JonOne est également présent à Bordeaux,à l’Institut Culturel Bernard Magrez et ses œuvres sont exposées à la Galerie Magda Danysz à Shanghai.
Catalogue, aux éditions Liénart, disponible courant Juillet.
Dans son texte d’intention (reproduit ci-dessous), Numa Hambursin, commissaire de l’exposition, exprime un certain « mea culpa » dans sa perception passée du travail d’artistes issu du Street Art. Lors de la visite de presse, il affirmait son souhait et celui de la municipalité de faire entrer dans les collections du futur musée d’art contemporain des œuvres de ces artistes… On attend avec intérêt et curiosité les suites qui seront données à ces intentions.
La scène du Street Art montpelliéraine sera très certainement attentive à ces futurs développements. Souhaitons que ses acteurs ne soient pas ignorés… Plusieurs de ses artistes méritent, sans doute, cette future reconnaissance institutionnelle. Les galeries et les collectionneurs, qui les accompagnent depuis plusieurs années, peuvent contribuer à documenter et à construire l’histoire de cette scène artistique locale et régionale.
En savoir plus :
Sur le site de la Ville de Montpellier
Sur la page Facebook du Carré Sainte-Anne
Sur le site de JonOne
Sur la page Facebook de JonOne
JonOne, à propos de «Up and Down»
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900191″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
JonOne, à propos de «Dissolution»
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900187″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
JonOne, à propos de «Stay Ready»
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900174″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
JonOne, à propos de «Road Games» et «Sound & Color»
[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/tracks/211900167″ params= »auto_play=false&hide_related=false&show_comments=true&show_user=true&show_reposts=false&visual=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]
Texte d’intention du Commissaire d’exposition
JonOne est un personnage de roman. Né de parents dominicains ayant fui le régime de Trujillo, John Andrew Perello est né en 1963 dans le quartier de Harlem, à New-York. « La force de la rue emportait tout. La rue m’excitait. » Adolescent, il est marqué par l’image fulgurante du métro tagué roulant à pleine vitesse, une traînée étincelante de lumière et de couleurs vives, un appel à la fuite et à la liberté, l’intuition, déjà, d’une beauté inattendue du monde qui peut surgir en tout lieu et en chaque instant. Le jeune graffeur, qui couvre la ville sans limites de son nom, se distingue vite des autres artistes urbains new-yorkais. La figure, comme moyen d’expression, de révolte ou d’ironie, est balayée par l’exploration des possibilités de la couleur, son mouvement, sa générosité sensuelle, sa fraîcheur, l’éblouissement qu’elle peut provoquer entre hallucination et plaisir charnel. Quelques décennies plus tard, ces obsessions premières n’ont pas quitté le travail de JonOne et définissent encore sa singularité. Et puis, en 1987, le choix de la France qui devrait nous emplir de fierté. Les expositions dans les galeries qui s’enchainent, dans notre pays, dans le monde entier. Succès auprès du public, le plus jeune notamment, celui qui peine à pousser la porte de nos musées, succès auprès des médias, la Fondation Abbé Pierre, le Thalys, la bouteille de Perrier, bientôt un timbre, une toile intitulée «Liberté, Egalité, Fraternité» qui entre à l’Assemblée Nationale dans le Salon des Mariannes, la Légion d’Honneur, bref l’american dream en version française.
Mais pourquoi diable JonOne, malgré son incontestable popularité, n’est-il pas plus présent dans les institutions publiques de notre pays ? L’incompréhension, pour ne pas dire la surdité, du milieu de l’art contemporain pour tout ce qui touche de près ou de loin au street art, concept fourre-tout et repoussoir qui réunit le meilleur comme le pire faute d’être étudié et défini, est malheureusement plus qu’un conservatisme. Elle prend racine dans ce qu’il convient bien de définir comme une défiance vis-à-vis des goûts du grand public et d’artistes qui ne partagent pas les codes de l’art contemporain établi. Je confesse sans détours avoir pris part à ce dédain. Incontestablement, je me suis trompé. L’incroyable engouement de jeunes gens qui n’ont pas trente ans nous oblige à revoir notre logiciel. Et puis il y a JonOne. Considérons un instant son travail en oubliant le terme urbain. Regardons les toiles qu’il a réalisées spécifiquement pour Sainte-Anne sous l’angle de son admiration pour Miró et Matisse, à travers une filiation avec les grands maîtres américains de l’expressionnisme abstrait, de Kooning et surtout Pollock. Discutons de son appétit pour les couleurs les plus vives, de la manière dont il a cherché à occuper l’espace de Sainte-Anne de haut en bas, « Above and below ». En toute objectivité, est-il plus juste de parler d’un street artiste ou bien d’un artiste issu du street ? Par son parcours, sa personnalité enjouée et son talent, JonOne est considéré par les nouvelles générations d’artistes urbains comme un pionnier, comme l’un des seuls susceptibles de forcer le verrou du monde de l’art contemporain. Le positionnement atypique du Carré Sainte-Anne dans le paysage institutionnel français, entre exigence et souci de tous les publics, nous fixe pour objectif naturel de favoriser cette lame de fond et ce basculement idéologique.
Numa Hambursin
Directeur artistique du Carré Sainte–Anne
Commissaire d’exposition