Yto Barrada et LaToya Ruby Frazier à Carré d’Art

Pour cette rentrée 2015, Carré d’Art propose la confrontation de deux femmes, LaToya Ruby Frazier et Yto Barrada. On connaît la place de la photographie dans les collections et dans la programmation du musée d’art contemporain de Nîmes.

On garde le souvenir d’expositions récentes qui avaient été particulièrement remarquables : Suzanne Lafont, Walid Raad ou encore Stan Douglas pour ne citer que les dernières en date.

Une fois encore, Carré d’Art nous offre deux expositions particulièrement interessantes. Chronique à suivre sur chacune de ces propositions remarquables…

À lire ci-dessous, deux textes de présentation, extraits du dossier de presse.

En savoir plus :
Sur le site de Carré d’Art : Yto Barrada, Faux guide et Latoya Ruby Frazier, Performing Social Landscapes
Sur la page Facebook de Carré d’Art

Yto Barrada, Faux guide

Yto Barrada est née en 1971 à Paris et vit actuellement à New York et Tanger. Ses premiers projets à la fin des années 90 étaient liés à la ville de Tanger au Maroc. Tanger est situé à 13 km de l’Europe par le détroit de Gibraltar, frontière entre l’Afrique et l’Europe. Elle y révélait les processus de globalisation et les espoirs d’individus dans une émigration possible vers l’Europe. Elle s’est aussi intéressée aux changements qui affectent le paysage urbain. Dans la série Iris Tingitana (iris marocaine), elle a développé une recherche sur cette plante qui se développe à la frontière des zones urbaines, dans des espaces intermédiaires entre ville et nature définitivement condamnés à une disparition prochaine par le développement de l’industrie.

Untitled (painted educational boards found in Natural History Museum, never opened, Azilal, Morocco), détail, 2013-2015, tirage chromogène, 70 x 70 cm. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London
Untitled (painted educational boards found in Natural History Museum, never opened, Azilal, Morocco), détail, 2013-2015, tirage chromogène, 70 x 70 cm. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London

Le projet présenté à Nîmes poursuit son exploration de l’identité marocaine et la question des origines mais aussi les dispositifs de collecte et de monstration de musées d’histoire naturelle, d’ethnographie ou d’archéologie. Elle y pense le statut des archives et de l’industrie qui se développe autour des fouilles archéologiques.

Une série de photographies présente un ensemble de jouets d’enfants d’Afrique du nord conservés au Musée du Quai Branly à Paris. Ces objets ont été collectés par Thérèse Rivière, ethnographe française qui a réuni dessins, jouets mais aussi des sons. Elle était une élève de Marcel Mauss (1872-1950) qui avait élaboré une méthodologie pour collecter.

Geological Time Scale (assembled group of primarily monochrome Beni Mguild, Marmoucha, and Ait Sgougou pile rugs from Western Central, Middle Atlas, Morocco), ca. 1950, tapis, dimensions variables. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London
Geological Time Scale (assembled group of primarily monochrome Beni Mguild, Marmoucha, and Ait Sgougou pile rugs from Western Central, Middle Atlas, Morocco), ca. 1950, tapis, dimensions variables. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London

Une série de tapis monochromes évoque le Maréchal Lyautey, administrateur de la France au Maroc qui était déterminé à éviter les erreurs faites en Algérie. Il est une des personnes qui a réinventé le Maroc sous l’effigie de la tradition et de l’authenticité en mettant en place un projet national de « Préservation du patrimoine » et planifier la réorganisation du travail artisanal. Il avait créée Le Service des Arts Indigènes dirigé par Prosper Ricard qui devait créer des musées pour stimuler le renouveau de la création artisanale.

[youtube=https://youtu.be/UQSCRFkHVXM]

Un autre ensemble d’œuvres fait directement référence aux fouilles archéologiques qui se déploient dans le Sahara, la découverte de fossiles mais aussi le marché florissant des faux. Le film Faux Départ est un voyage à travers des paysages de montagnes de l’Atlas et la description du travail des faussaires. Pour satisfaire la demande des collectionneurs et des musées, les marchands réalisent des « restaurations créatives » pour recréer des objets entiers.

Plumber Assemblage, 2015, technique mixte, 150 x 230 x 125 cm. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London
Plumber Assemblage, 2015, technique mixte, 150 x 230 x 125 cm. © Yto Barrada 2015. Courtesy Pace London

L’idée d’assemblage se retrouve d’une toute autre façon dans les assemblages d’éléments de plomberie que les plombiers présentent sur la Place du Grand Socco à Tanger afin de montrer leurs compétences sous la forme de tripodes improvisés réutilisant tuyaux, robinets ou pommes de douche.

C’est à la fois une réflexion sur les temps géologiques, l’histoire de notre planète mais aussi le passé de la France. L’ensemble de ces objets et images nous racontent des histoires individuelles mais aussi la façon dont nous pouvons raconter la grande histoire par la collecte d’objets, la fabrication d’artefacts et leur présentation dans des dispositifs muséaux qui évoluent dans le temps, d’aborder les limites entre la réalité et la fiction.

Yto Barrada a exposé au Witte de With (Rotterdam), Haus der Kunst (Munich), SFMOMA (San Francisco), Tate Modern (Londres), MoMA (New York), et les Biennales de Venise de 2007 et 2011. En 2011, elle a été nommée Deutsche Bank Artist of the Year et a reçu l’Abraaj Prize en 2015.
Yto Barrada est fondatrice de la Cinémathèque de Tanger.

Latoya Ruby Frazier, Performing Social Landscapes

Communiqué de presse :
Les photographies de LaToya Ruby Frazier (née en 1982) ont pour sujet sa ville natale, Braddock en Pennsylvanie ou plus exactement les habitants de la ville. C’est la banlieue ouvrière de Pittsburgh où était présente une importante aciérie. Depuis plusieurs années elle poursuit un travail sur ses proches en les prenant comme des témoins de la crise économique.

Corporate Exploitation and Economic Inequality, 2011. © LaToya Ruby Frazier
Corporate Exploitation and Economic Inequality, 2011. © LaToya Ruby Frazier

Son travail s’inscrit dans une longue tradition de photographes engagés comme Dorothea Lange, Walker Evans et Gordon Parks. Elle s’intéresse à trois générations de femmes.

On retrouve très souvent dans ses photos sa grand-mère, sa mère et des autoportraits. Dépassant le cadre de la photographie documentaire, LaToya Ruby Frazier réalise des compositions complexes qui utilisent plusieurs cadrages et mises en abyme en ayant recours au geste performatif.

Pier 54, A Human Right to Passage, 2014, tirage noir & blanc, 30 x 45 cm. Photo by Liz Ligon. Copyright 2014 LaToya Ruby Frazier, Liz Ligon, and Friends of the High Line. Commissioned and produced by Friends of the High Line. Courtesy Galerie Michel Rein, Paris. © LaToya Ruby Frazier
Pier 54, A Human Right to Passage, 2014, tirage noir & blanc, 30 x 45 cm. Photo by Liz Ligon. Copyright 2014. LaToya Ruby Frazier, Liz Ligon, and Friends of the High Line. Commissioned and produced by Friends of the High Line. Courtesy Galerie Michel Rein, Paris. © LaToya Ruby Frazier

Dans le cadre du projet Pier 54 sur la Highline à New York, elle a réalisé une performance où elle brandit des drapeaux sur lesquels sont imprimées des photographies historiques liées à ce quai. Elle va rejouer cette série sur des drapeaux en toile de jeans (Nîmes étant la ville natale du Denim) en faisant référence à sa série Campaign for Braddock Hospital de 2011 où elle répondait à une campagne des jeans Levis réalisée à Braddock.

Elle a exposé principalement aux Etats-Unis (MOMA, New Museum de New York, la Biennale du Whitney Museum ou le Musée d’Art Contemporain de Chicago). C’est la première exposition monographique dans une institution muséale française.

Exposition présentée ensuite au CAPC de Bordeaux au printemps 2016 et au Beyrouth Art Center à l’automne 2016 (sous réserve)

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