Jusqu’au 24 juin 2017, la Galerie Gourvennec Ogor présente la troisième exposition monographique de Timothée Talard, « Glance into the world just as though time were gone : and everything crooked will become straight to you ».
Une citation « énigmatique » de Nietzsche pour deux séries récentes et un néon, exposés avec soin dans les espaces de la rue Duverger à Marseille.
Les douze tableaux accrochés aux cimaises du rez-de-chaussée témoignent de nouvelles recherches de l’artiste. Sur des formats divers, Timothée Talard expérimente la combinaison de peinture vinylique, de résine, de chrome, de vernis et de pigments sur toile.
Les résultats obtenus sont assez stupéfiants. Les effets de surface et de matières, l’amalgame de couleurs et les jeux de la lumière sont étonnants.
À première vue, on ne semble pas être face à des toiles, mais devant des surfaces métalliques dont on pourrait distinguer ça ou là les traces de martelage. Au-delà de cette ambivalence du support, la sensation majeure est celle d’être « avalé » par la peinture, d’en être partie prenante !
En effet, le « reflet » du regardeur dans l’œuvre interagit avec puissance dans la perception que l’on en a… Sans conteste, on peut ici paraphraser Duchamp, car dans cette série de Talard, c’est bien le spectateur qui fait le tableau.
Sa position, la réflexion des diverses pièces de son vêtement, son mouvement se combinent avec la lumière naturelle et changeante qui pénètre dans la galerie. Tous ces paramètres modifient couleurs, effets de matière, éclat et luminosité de chaque toile. Pour chaque spectateur, les peintures seront perçues comme différentes. Chaque passage dans la galerie produira des effets singuliers…
Une nouvelle fois, l’artiste nous offre l’expérience d’une rencontre visuelle et physique, d’une réelle interaction avec ses œuvres. C’est assez difficile à décrire, mais la confrontation avec ces toiles donne le sentiment hallucinant d’être acteur de ce que l’on regarde, de pénétrer dans l’œuvre… « Rabbit Hole » à la Lewis Caroll, le vertige offert par ces tableaux est l’occasion pour le regardeur de construire sa propre histoire, son propre voyage…
On se souvient de la fascination procurée par la série « Monochromes » présentée, en 2014, dans « Chance is a word void of sense nothing can exist without a cause ».
Dans leur continuité et probablement dans celle plus ancienne des « Arcs-en-ciel dans la nuit », les peintures exposées aujourd’hui chez Gourvennec Ogor montrent, par l’expérience unique qu’elles offrent au visiteur, la maîtrise toujours plus affirmée de Timothée Talard.
Après une citation en anglais de Montaigne, en 2011, puis de Voltaire, en 2014, l’artiste choisit comme titre de cette monographie une phrase énigmatique extraite de fragments inédits du « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche.
« Glance into the world just as though time were gone : and everything crooked will become straight to you » / « Regardez dans le monde comme si le temps avait disparu, et tout ce qui est tordu vous deviendra droit »…
Au-delà des éventuelles digressions philosophiques que cette citation provoquera, il est sans doute plus simple de considérer cette exposition comme une réponse à cette question que formule le galeriste dans son texte d’introduction : « Dans les yeux de l’artiste, n’est-ce pas une part de soi que chacun peut entrevoir ? »
L’accrochage s’achève avec un étrange néon « Forget it » dont le « it » semble amorcer une chute… Que faut-il comprendre de cette interjection ? Que doit-on oublier ?
Faut-il voir ces deux derniers mots du titre de la première exposition de Timothée Talard chez Gourvennec Ogor (« Nothing fixes a thing so intensely in the memory as the wish to forget it ») comme l’annonce d’un cycle qui s’achève ?
Ne pas oublier de passer par la Project Room, au premier étage de la galerie. Timothée Talard y présente huit aquarelles qui répondent formellement aux toiles exposées au rez-de-chaussée. L’utilisation de plusieurs couleurs diluées prolonge peut-être la technique « aléatoire » de la série des « Tentatives de Monochrome » qu’il avait présentée en 2014…
Avec cette troisième exposition monographique consacrée à Timothée Talard, Didier Gourvenec Ogor montre, une fois de plus, son engagement auprès des artistes qu’il représente.
Soulignons également la qualité des accrochages et l’accueil aimable de ce galeriste « généreux ».
En 2014, les éditions Gourvennec Ogor ont publié une monographie consacrée à l’artiste. Toujours disponible, l’ouvrage rassemble des textes de Didier Gourvennec Ogor, Lise Guéhenneux, Bernard Muntaner et un entretien avec Vincent Delaury qui éclairent l’itinéraire et la démarche artistique de Timothée Talard. Il faut également mentionner l’excellente qualité des nombreuses reproductions qui illustrent la publication.
Inauguré lors de l’avant PAC, « Glance into the world just as though time were gone : and everything crooked will become straight to you » est, à n’en pas douter, un des éventements majeurs du 9ème Printemps de l’Art Contemporain à Marseille.
Une exposition inévitable !
En savoir plus :
Sur le site de la galerie Gourvennec Ogor
Sur la page Facebook de la galerie Gourvennec Ogor
Sur le site de Timothée Talard