Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai

Jusqu’au 2 décembre 2005, Les Instants Vidéo s’installent pour leur 31e édition à la Friche de la Belle de Mai avec « Humains de tous les pays, caressez-vous ! », une exposition en deux volets avec « Le corps à perte de vue » à la Salle des Machines et « Il n’y a de péril absolu que pour qui s’abandonne » au 3e étage de la Tour.

D’autres propositions sont présentées dans plusieurs lieux à Marseille. Ainsi la Vitrine d’Art-Cade accueille La Laitière (Milkmaid) de Richard-Giacobetti et La Machine Pneumatique montre Mes apocalypses de Dominique Comtat et Cartoline Video de Marc Mercier et Matteo Fadda.

En dehors de ces expositions, la programmation du Festival Les Instants Vidéo multiplie les éventements. Le week-end d’ouverture les 9, 10 et 11 novembre dernier a été notamment marqué par un Opéra de quatre sous en trois jours et trois actes avec palabres, sons, images et corps en rouge et noir, conçu par Marc Mercier et Samuel Bester pour « célébrer Mai 68 et les 2000 ans du poète Ovide ».

Dans leur texte de présentation, Les Instants Vidéo annonçaient les ambitions suivantes à propos de l’exposition « Humains de tous les pays, caressez-vous ! » sous-titrée « Sous les pavés (des œuvres vidéo) la rage d’aimer la vie ! »

Et si nous perdions l’habitude de penser une exposition artistique comme un passe-temps culturel ou un espace où prenant pour prétexte de s’intéresser à l’art, on y vient surtout pour se faire voir et faire son marché de relations intéressées. Imaginons qu’un nouveau Mai 68 soit passé par là et qu’une tornade poétique nous ait métamorphosés. Nous ne sommes plus des consommateurs. Et là, quelle surprise : les installations vidéo deviennent des barricades érigées contre les assauts de la bêtise humaine, sectaire, identitaire. Soudain, nous devenons des errants prenant le risque d’être bousculés, émus, questionnés.

Des contraintes matérielles ne nous ont malheureusement pas permis de visiter « Le corps à perte de vue » à la Salle des Machines. Ce billet ne rend compte que de « Il n’y a de péril absolu que pour qui s’abandonne » au 3e étage de la Tour.

Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous ! - Friche de la Belle de Mai
Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai

Malgré cette vision partielle, on peut sans conteste affirmer que les Instants Vidéo se sont clairement donnés les moyens de leurs ambitions.

Les 18 installations sélectionnées ainsi que leur mise en espace particulièrement réussie invitent explicitement le visiteur à « prendre position ». En effet, les enjeux énoncés sont sans équivoque :

Dans quel état sont les corps des êtres humains en ces temps où une partie de l’humanité tolère que ses semblables venus d’ailleurs soient rejetés, parqués, abandonnés aux flots, indésirés… ?

« Où que tu regardes dans les rues
ou les avenues de l’Occident,
ils cheminent : cette processions sacrée
nous regarde et nous traverse.
Maintenant silence.
Que tout s’arrête.
Ils passent. »

Niki Giannari, Maria Kourkouta (Des spectres hantent l’Europe).

Nous ne pouvons plus regarder les corps qui gravitent autour de nous comme si de rien était. Cette exposition est une invitation à trouver une posture, à nous déplacer pour trouver un point de vue qui ne nous aveugle pas. Et prendre position.

Dès le palier du 3e plateau, Interceptor du finlandais Risto-Pekka Blom introduit le propos en évoquant les éventements de Tiananmen, en 1989.

Interceptor (4’32 – 2018) - Risto-Pekka Blom (Finlande)
Interceptor (4’32 – 2018) – Risto-Pekka Blom (Finlande)

Sur la gauche, le parcours débute avec Ode to decrepitude (2017), une installation sur deux écrans juxtaposés de Clemence BTD Barret. Dans un montage syncopé, un homme et une femme âgés scandent les mots qui les (dis)qualifient aux yeux des sociétés dites développées.

Clemence BTD Barret - Ode to decrepitude (2017) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Clemence BTD Barret – Ode to decrepitude (2017) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

Le fond du plateau est occupé par Art of the Rehearsal (2017) une étonnante et captivante installation immersive de Sarah Choo Jing où s’entremêlent construction et déconstruction, domaine du voir ou de l’être vu, entre le théâtre et la vraie vie. Certainement une des propositions les plus spectaculaires de l’exposition…

Sarah Choo Jing - Art of the Rehearsal (2017) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Sarah Choo Jing – Art of the Rehearsal (2017) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

Deux autres pièces de Sarah Choo Jing sont également présentées en face à face dans le parcours de l’exposition : la dérangeante et terrifiante solitude exprimée par le diptyque Wear you all Night (2017) et l’étrange projection de Consecutive Breath (2016).

Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous ! - Friche de la Belle de Mai - vue de l'exposition 03
Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai – vue de l’exposition 03

Dans un deuxième espace aménagé au fond du plateau, on découvre Collective action (2013), une troublante projection de l’iranien Raoof Dashti qui côtoie la très émouvante boucle vidéo de la tunisienne Héla Ammar avec le simple et évident Why do you ask ? (2017).

Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous ! - Friche de la Belle de Mai - vue de l'exposition 01
Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai – vue de l’exposition 01

Après un inquiétant Host Sapiens (2018) de Mox Mäkelä, une cimaise placée en oblique construit une sorte de carrefour.

Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous ! - Friche de la Belle de Mai - vue de l'exposition
Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai – vue de l’exposition

Elle accueille une projection du très beau Partenza (2016) de la croate Renata Poljak. Inspirée de la vie de son arrière-grand-mère dont le mari était parti au Chili chercher du travail, ce film fait inévitablement référence aux récentes tragédies des migrants sur les côtes italiennes.

Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous ! - Friche de la Belle de Mai - vue de l'exposition
Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous ! – Friche de la Belle de Mai – vue de l’exposition

En face, comme un terrible écho, Sensory Gating Undone (2018) du syrien Majd Alloush montre sur un moniteur un homme enfermé dans un sac plastique, ballotté par les flots…

Cette séquence conduit le visiteur vers un espace dans lequel dialoguent les œuvres de deux artistes chinois Yefeng Wang et QIn Tan.

Du premier, l’exposition présente [‘penthaus] (2017) qui développe un triptyque composé d’un écran et de deux projections. Yefeng Wang évoque l’histoire absurde d’un poète ivre. On reste interloqué devant cet univers domestique où l’on rencontre un cochon sans arrière train et une paire de jeans reproduits en 3D… Quels liens relient maison, cochon et pantalon ?

QIn Tan - Post Apocalypse Dream (2017) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
QIn Tan – Post Apocalypse Dream (2017) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

Post Apocalypse Dream (2017) de QIn Tan est un collage numérique qui crée un univers post-apocalyptique tout aussi étrange et énigmatique dans un lent plan panoramique de gauche à droite…

Dans une petite salle où elle manipule la lumière et le son, Farhana Islam Tani propose avec Cut my Tongue and Lips (2018) une fascinante et pétrifiante installation dans laquelle la vidéo est projetée sur des morceaux de miroirs brisés… Elle y « raconte métaphoriquement le contrôle, ou tout au moins les restrictions, de la liberté des femmes au Bangladesh »…

Au fond et à droite de l’espace d’exposition, deux voiles noirs sont suspendus dans un étroit couloir. Ce dispositif sert de cadre à la projection de Women must be beautiful, Women must be hidden, une performance de Vatankhah Parya qui met, enlève et remet un voile sur un rythme qui s’accélère de plus en plus et qui s’accompagne d’enregistrements de manifestations politiques féministes en Iran…

Vatankhah Parya - Women must be beautiful, Women must be hidden (2017) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Vatankhah Parya – Women must be beautiful, Women must be hidden (2017) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

Pour terminer cette chronique, il était impossible de ne pas évoquer 00:02:00:00 (2018) de Hugo Montero qui pose un regard sur huit gardiens et gardiennes du Musée d’Art Contemporain de Ljubljana… Une manière d’interroger le visiteur sur ces acteurs de l’exposition et de « prendre position » immédiatement…

Hugo Montero - 00;02;00;00 (2018) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Hugo Montero – 00;02;00;00 (2018) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

Ajoutons que le parcours est particulièrement bien construit. Il sait alterner judicieusement vidéoprojections et diffusion sur moniteur. Les espaces sont architecturés avec adresse pour valoriser au mieux chaque proposition et offrir au spectateur d’excellentes conditions pour les apprécier. Les perspectives créées rythment habilement la déambulation sans jamais la contraindre. Les rapprochements sont toujours très pertinents.
Bref, une vraie réussite dont on conseille vivement la découverte !

À lire, ci-dessous, une brève présentation des œuvres extraite de la fiche de salle. Très souvent, ils sont reproduits à partir des textes sur les sites des artistes, de galeries ou d’institutions.

En savoir plus :
Sur le site des Instants Vidéo
Suivre l’actualité des Instants Vidéo sur Facebook et Twitter
Télécharger le catalogue du 31e Festival à partir du site des Instants Vidéo
Liens vers les sites des artistes, des institutions et des galeries dans les présentations ci-dessous.

Les Instants Vidéo : « Il n’y a de péril absolu que pour qui s’abandonne » – Les œuvres exposées

Interceptor (4’32 – 2018) - Risto-Pekka Blom (Finlande)
Interceptor (4’32 – 2018) – Risto-Pekka Blom (Finlande)

En 1989, un anonyme seul interceptait une file de voitures blindées appartenant à des troupes de soldats, au Tiananmen Square à Beijiing en Chine. La veille, une manifestation issue du mouvement étudiant avait été violemment réprimée par l’armée. Dans les démocraties, l’usage de la force et de la brutalité a été progressivement remplacée par une violence de type institutionnelle ; où le pouvoir est entre les mains d’une élite économique poursuivant uniquement ses propres intérêts. La raison d’être et le but du système politique gouvernemental est donc de maintenir au pouvoir ces mêmes puissantes organisations. Avec Intercerptor, l’artiste transpose de manière poétique et universelle cet événement symbolique.

http://www.av-arkki.fi/en/works/interceptor/

Comme écrivait Simone de Beauvoir « Vivre c’est vieillir. Rien de plus ». Cependant, la tyrannie du jeunisme et sa religion « le culte de l’apparence » règne dans les sociétés dites développées. La vieillesse y est devenue un ennemi dangereux. Un grand merci à Johnny Doyle et Ina Solum, et à Hope et Matthew.

http://www.clemencebarret.com/ode-to-decrepitude-1/

Art of the Rehearsal (2017) / Sarah Choo Jing (Singapour)
Art of the Rehearsal (2017) / Sarah Choo Jing (Singapour)

Là où le théâtre s’arrête commence Art of the Rehearsal ;en français « l’Art de la répétition ». Cette installation immersive géante n’est pas une prestation conventionnelle ; ici l’acte de répéter est plutôt apparenté à une expérience éphémère, capable de transformer n’importe quel espace social en un lieu de théâtre et vice-versa. Au cours de l’exercice de répétition, le théâtre n’est plus en corrélation avec le domaine du voir ou de l’être vu, ni une simple performance spatiale qui exclut la réalité. Il devient plutôt pour le spectateur un espace soumis à une constante immersion, entremêlant construction et déconstruction. Répéter se trouve alors à mi-chemin entre les espaces scéniques et hors-scène, entre le théâtre et la vraie vie. Cette installation vidéo quasi-panoramique nous donne à voir différents danseurs traditionnels aux origines variées s’entraînant dans différentes ruelles des quartiers communautaires de la ville. L’artiste tente de mettre en lumière la détermination sans faille des performers au cours de leurs entraînements répétés et récurrents.

http://www.sarahchoojing.com/pf/aor.html

Wear you all Night (4’37 – 2017) / Sarah Choo Jing (Singapour)
Wear you all Night (4’37 – 2017) / Sarah Choo Jing (Singapour)

Wear you all Night est un diptyque vidéo, qui dépeint la coexistence dans un même espace de deux personnes différentes, séparées par le cadre de l’image. La scène tournée, dans une chambre d’hôtel, relate un moment du quotidien d’une durée de 4 minutes, où les personnages entre autres se préparent dans la salle de bain. Le potentiel narratif est ici suggéré par les actions simultanées des personnages masculin et féminin, ainsi que par le choix de la composition des plans. Cette double installation vidéo reflète la subjectivité de la caméra dans cette mise en parallèle narrative. La scène présentée est à la fois réarrangée et hyper réaliste, évocatrice d’un certain rapport entre le temps et l’espace ; en effet ces deux personnes ont beau évoluer dans le même lieu, ils ne se croisent pas, et ne se retrouvent jamais réunis dans le même cadre. Ceci met en avant leur double solitude.

http://sarahchoojing.com/pf/wyan.html

Consecutive Breath (12’-2016) / Sarah Choo Jing (Singapour)
Consecutive Breath (12’-2016) / Sarah Choo Jing (Singapour)

Montage de séquences documentaires tournées dans toutes les stations de métro de Hong Kong.

https://loop-barcelona.com/videocloop/video/consecutive-breaths/

Collective action (7’52 – 2013) / Raoof Dashti (Iran)
Collective action (7’52 – 2013) / Raoof Dashti (Iran)

On a tous en mémoire des images de victimes et de martyrs étendus sur le sol, les yeux clos, aux corps figés et immobiles. Mais parfois, des gens meurent en étant encore conscients, les yeux grands ouverts. Et bien que le sol soit maculé du rouge de leur sang, personne ne les appelle « martyrs » : parce qu’ils clignent encore des yeux.

Why do you ask ? revient sur la quête d’un futur viable en mettant en scène la réalité et l’utopie, le présent et sa trace. La vidéo présente une série de phrases qui se succèdent au rythme du roulement des vagues. 
Envisagés comme des fragments de réponses à une question jamais posée, ces mots tissent entre eux la réalité et les illusions de milliers migrants prêts à sacrifier leur vie pour un ailleurs interdit. Ici leurs mots se substituent à l’image/sujet pour révéler l’étendue du trauma et du politique. (version anglais et arabe, avec traduction en français).

http://www.helaammar.com/

Mox Mäkelä - Host Sapiens (2018) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Mox Mäkelä – Host Sapiens (2018) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

L’extinction de masse est là. Nos assiettes seront bientôt plus grosses que notre planète. Nous allons devoir assumer les conséquences de nos choix et de nos actes.

http://www.av-arkki.fi/en/works/host-sapiens_en/

Partenza est l’expression de l’insécurité globale inhérente à notre société contemporaine, et évoque la fragilité de l’existence humaine. Métaphoriquement, cette œuvre fait allusion aux départs, à l’attente et à la séparation, engendrés par les différentes migrations. Au début du 20ème siècle, il était habituel, bien que traumatisant, pour les hommes de quitter leurs îles Croates natales, à cause des famines et de la pauvreté. L’une de ces tragédies provient de l’histoire familiale de l’auteure. Pour ce film, l’artiste s’est inspirée de la vie de son arrière-grand-mère, qui vivait sur l’île de Brač, dont le mari était alors parti au Chili chercher du travail pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Comme bien d’autres femmes de l’île, son arrière-grand-mère attendit le retour de son mari toute sa vie, bien que, comme beaucoup d’autres hommes, il ne rentra jamais. Le mot « partenza » (départ en italien), est utilisé dans beaucoup de dialectes des îles croates, et il fait référence également aux dernières tragédies des migrants sur la côte italienne. L’artiste met en relation ces événements pour nous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps nous étions tous loger à la même enseigne.

http://renatapoljak.com/short-film-and-black-and-white-drawings/

Si une mouche se cognait en plein vol contre la vitre, vous l’entendriez, mais vous ne vous souviendriez probablement pas de cet événement singulier. « L’effet Cocktail Party » désigne un phénomène de Psychoacoustique qui repose sur notre capacité à diriger notre attention auditive sur quelque chose en particulier, comme par exemple être capable de suivre une conversation malgré un environnement sonore bruyant, tout en restant attentif aux autres signaux sonores. Ce phénomène joue donc un rôle essentiel dans nos vies, mais que se passerait-il si l’intelligence humaine n’avait développé une telle capacité ? Notre cerveau nous empêche d’atteindre un point de non-retour vers la Folie. Et si nous avions le contrôle sur ce que notre mémoire sensorielle efface ou enregistre, serions nous justes, impartiaux dans nos jugements ? Sommes-nous des êtres rationnels ou le produit d’une routine ?
Avec cette œuvre, Sensory Gating undone, (sensations inachevées), l’artiste déconstruit le naturel, et incarne le cerveau humain à travers une vidéo-performance impressionnante : un performer emmitouflé dans un sac plastique géant s’acharne à lire et à respirer, ballotté par les flots.

Dans un ancien manuscrit chinois intitulé le “Nouveau récit des contes du monde”, un passage parle d’un poète ivre du nom de Liu Ling, qui raconte des bobards, complètement bourré et à poil dans sa maison : « L’univers est ma demeure, et ma demeure est mon caleçon ! ». D’après l’artiste ; cette histoire absurde et le délire du poète illustrent bien à eux-seuls notre relation au Monde. Dans son œuvre [’penthaus], l’artiste recrée une sorte de maison virtuelle métaphorique faisant allusion à ce conte, avec des représentations en 3D d’une paire de jean et d’objets du quotidien. Il crée un cochon sans pattes-arrières, et pose allégoriquement cette question : quel lien obscur existe-t-il dans cette fable entre la maison, l’univers, et un pantalon ? Est ce que le poète, à l’image de ce cochon sans-pattes, n’a en réalité pas d’autres choix que de vivre dans un univers qu’il ne pourra jamais porter, qui ne lui siéra jamais ?

https://www.wangyefeng.com/penthaus2017

Post Apocalypse Dream rassemble dans une sorte de collage numérique en mouvement des séquences enregistrées, des images virtuelles, des sons, dans le but de représenter un univers post-apocalyptique, où les humains n’existent plus, mais dont les traces qu’ils ont laissées subsistent. Cet univers fantasque, entremêlé de sanctuaires religieux, de paysages de nature, d’œuvres d’art du passé, d’objets et d’outils créés par les humains, forme alors un nouveau paysage digital : absurde, fictionnel, et inhabité. Cette narration visuelle s’inspire des peintures traditionnelles chinoises à l’encre et des rouleaux manuscrits anciens, révélant des détails du paysage au moyen d’un plan panoramique de gauche à droite de huit minutes.

https://www.qintan.net/post-apocalypse-dream

Farhana Islam Tani - Cut my Tongue and Lips (2018) - Les Instants Vidéo - Humains de tous les pays, caressez-vous !
Farhana Islam Tani – Cut my Tongue and Lips (2018) – Les Instants Vidéo – Humains de tous les pays, caressez-vous !

L’artiste dans son installation vidéo parle du silence imposé aux femmes, de la dépossession de leurs propres corps, et des traumatismes engendrés. Sous l’influence écrasante des stigmatisations sociales et religieuses, elle a pu elle-même souvent ressentir une certaine dissociation entre son corps et son esprit. A travers son travail artistique, elle questionne ce que c’est d’avoir une identité fragmentée en tant que femme, et d’être en prise avec des voix et des pensées aux raisonnements incohérents. Son installation est présentée comme un espace contrôlé où elle peut manipuler la lumière et le son. Elle utilise des matériaux et des gestes qui font allusion à la culture sociale et religieuse du Bangladesh. La projection sur des morceaux de miroirs brisés permet alors la défragmentation de sa vidéo originale, indice révélateur d’une identité schizophrénique. De plus, en tressant et dé-tressant ses cheveux, l’artiste raconte métaphoriquement le contrôle, ou tout au moins les restrictions, de la liberté des femmes au Bangladesh.

Dans ce travail l’artiste questionne la situation des femmes et de leurs libertés dans la société contemporaine iranienne. Au cours de cette performance, dans un acte de répétition, elle met et remet le voile. Ce geste répétitif est un mélange de souvenirs et de souffrances qui l’ont accompagnée toute sa vie depuis l’âge de 7 ans. Au cours de sa performance, elle commence avec des mouvements calmes et résignés, puis, en parallèle avec des sons de manifestations politiques féministes, et d’arrestations de femmes iraniennes qui refusaient de porter le voile, ses mouvements se font alors de plus en plus saccadés, torturés, étouffants.

http://www.parya-vatankhah.com/

Que représente deux minutes durant un jour de travail ? C’est la question que l’artiste a posé à huit gardiens et gardiennes du Musée d’Art Contemporain de Ljubljana (+MSUM). Lorsque le travail est « simplement d’être présent dans le musée », comment le temps se tisse avec l’espace, les murs blancs, la lumière feutrée ou les néons, les introspections, le public, les légers mouvements et les présences ?

Ex Nihilo est un court-métrage documentaire et expérimental sur la vie, la mort, et le désir éternel des humains de pouvoir contrôler les deux. L’œuvre raconte trois histoires dissociées en parallèle : l’histoire d’un robot humanoïde, à qui l’on peut implanter le cerveau cryogénisé d’une personne décédée, et que des scientifiques parviennent à faire marcher et conduire un véhicule ; l’histoire d’une Organisation de Cryogénisation dans l’Oregon où tous les cerveaux des humains sont cryogénisés après leur mort dans l’espoir que dans le futur, ils aient gardé leur mémoire et puissent être réutilisés, et enfin, celle de la Réserve Mondiale de Semences de Svalbard en Islande, où les graines de milliers d’espèces végétales sont conservées à de très basse températures . Ces trois histoires représentées dans trois écrans différents, s’entrelacent progressivement, créant alors de nouveaux sens et de nouvelles interprétations possibles.

http://www.timowright.com/work/exnihilo/

Black Sun est le nom du cochonnet (du jeu de boules traditionnel boccia de la côte adriatique croate) autour duquel circulent les autres boules. Ce jeu traditionnel méditerranéen, joué par toutes les générations, et notamment par les personnes âgées, fut filmé sur une île, dans un petit village. Il montre des joueurs de tous âges, qui racontent des récits, des identités et des rôles spécifiques à la vie de l’île. Sur ce terrain poussiéreux, les boules font penser à une constellation dynamique de planètes de notre système solaire. Leurs interactions et leurs similitudes (se traversant, se percutant, se touchant ou se ratant) observées en gros plan, sont une évocation de la dynamique spatiale et de la composition sonore.

https://www.macaknara.hr/pages/black_sun_01.html

White saucer: surveillant eye (8’56 – 2018) / Cheryl Pagurek (Canada)
White saucer: surveillant eye (8’56 – 2018) / Cheryl Pagurek (Canada)

Dans White saucer: surveillant eye, une soucoupe d’époque fait office de lentille par laquelle on peut visionner des extraits projetés de désastres naturels, d’événements mondiaux et des enregistrements par drone des activités journalières d’une femme. La caméra qui suit ses déplacements est positionnée de façon à maintenir, par son angle de prise de vue, l’exactitude des raccords avec les extraits issus des nouvelles et de sources policières et militaires. Le privé et le public s’entrechoquent dans ce regard porté par la perspective aérienne, omniscience coïncidant avec celle des réseaux électroniques de surveillance et de collection de données qui surveillent et capturent nos communications, nos transactions et nos emplacements journaliers.

http://cherylpagurek.com/

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