Jusqu’au 22 juin 2019, la galerie HO présente « Ce qui est peut ne pas être », première exposition personnelle de Jean-Baptiste Caron à Marseille et dans la région.
On se souvient de la découverte de son travail avec une très précieuse et énigmatique installation que Michèle Moutashar avait sélectionné pour son merveilleux « Nuage » en 2013. « Le petit attracteur » se présentait comme une structure sur pieds en béton au-dessus de laquelle semblait léviter un amas de poussière grâce à un procédé d’illusion d’optique. Ce « nuage flottant » était en fait un agrégat de fibres de tissu récupéré dans le nombril de l’artiste…
Beaucoup du travail de Jean-Baptiste Caron était déjà inscrit dans cette pièce. À grands traits, on pourrait dire qu’il aime jouer avec le réel et avec ce que croit voir le regardeur…
Le titre choisi pour cette exposition le dit d’une autre manière : « Ce qui est peut ne pas être »
Pour cette exposition à la galerie HO, il a choisi de montrer six œuvres caractéristiques de son travail avec l’intention de mettre « en place un univers aux multiples rebondissements, en jouant autant avec nos représentations qu’avec notre imaginaire ».
Les quelques lignes de présentation du projet soulignent : « Débarrassée du rationnel, cette proposition nous transporte vers un au-delà qui pourra être aussi bien virtuel que réel, en élargissant également le territoire de l’exposition ».
L’accrochage s’organise autour de l’œuvre la plus discrète, mais aussi la plus volumineuse. En effet, « X m3 d’air, 2018 » occupe un espace important au sol.
Au-delà de la galerie, elle s’installe dans une partie de la cour. Sa hauteur est celle que le regardeur voudra bien lui donner… une fois qu’il se sera rendu compte qu’il est rentré dedans et qu’il la piétine !
Si la fiche de salle suggère que ces quatre pierres définissent un cube d’air, rien n’interdit d’imaginer qu’il s’agit d’un parallélépipède…
Sur la gauche, deux pièces en marbre encadrent un mystérieux miroir.
« Les secondes devenant des millénaires, 2016 » représente l’empreinte du souffle de l’artiste… D’abord « imprimé » dans du plâtre, il a ensuite été creusé dans un bloc de marbre de Carrare par une fraiseuse numérique…
La matérialisation du souffle, de l’air ou du vent est on l’aura compris une question récurrente chez Jean-Baptiste Caron. On se souvient de ses deux tentatives (n° 3 et 4) de la série « Dans la mesure du saisissable, 2015 » montrée par la galerie AL/MA à Montpellier. Il s’efforçait alors de faire l’empreinte de courants d’air dans de la cire…
« Une part d’éternité, 2019 » est un simple miroir circulaire dans lequel rien n’interdit de s’admirer ou de rectifier sa coiffure ou son nœud de cravate. Régulièrement, celui-ci se couvre de buée et fait apparaître pendant quelques instants une étrange formule :
5,4 x 10-44 s
Les physiciens y reconnaîtront immédiatement la durée de Planck. Les béotiens s’empareront de leur portable pour interroger Wikipédia. Les plus malins chercheront la fiche de salle. Mais tous pourront méditer sur ce temps de Planck qui « est la plus petite mesure temporelle ayant une signification physique dans le cadre des théories actuellement admises »…
« Fragment, 2019 » nous montre l’inscription « IBID » tracée à l’aide de poussières sur un morceau de marbre brisé.
Les lecteurs de mémoires, thèses et articles scientifiques auront naturellement reconnu l’abréviation de la locution latine « Ibidem ». Wikipédia nous rappelle qu’elle est « utilisée dans les références d’un document stable, pour éviter la répétition lorsque la même source a été citée dans la référence précédente ».
L’œuvre étant accrochée juste après celle qui nous montrait par intermittence la durée de Planck, il semble logique de chercher ce qu’il y a de commun entre les deux pièces…
La fiche de salle nous met sur la piste en précisant : « Cette œuvre nous invite également à redéfinir notre propre notion du temps, le regard et la valeur qui lui sont accordés ».
De chaque côté du passage entre la librairie et la galerie, Jean-Baptiste Caron a choisi d’installer deux œuvres technologiques à base de raspberry-pi qui engagent le visiteur.
Pour ne pas gâcher la surprise, on ne dira rien sur « Le bruit des mondes, 2018 ».
On se contentera d’indiquer qu’il s’agit d’un disque vinyle, posé sur une platine et accompagné de sa pochette. Après avoir mis le casque sur ses oreilles, il faut « Appuyer sur START pour démarrer l’écoute et sur STOP pour arrêter »…
Ceux qui ne pourront pas passer par la galerie HO avant la fin juin peuvent aller lire la fiche de salle que l’on reproduit ci-dessous…
« Daydream, 2018 » est un écran vidéo vertical où l’on voit une bougie allumée qui se consume.
Le réel se mêlera au virtuel pour celles et ceux qui s’approcheront brusquement de la chandelle ou qui auront l’imagination et l’audace de souffler sur la flamme…
À ne pas manquer…
La fiche de salle est reproduite ci-dessous.
En savoir plus :
Sur le site de la galerie HO
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Sur le site de Jean-Baptiste Caron
Jean-Baptiste Caron sur le site de la galerie 22,48m2, à Paris
Le bruit des mondes, 2018
Tourne-disque, vinyle, casque, micro, raspberry-pi, carte SD, carte son, 42 x 35 x 9 cm
courtesy 22,48 m².
Entendre sa propre voix, des pas, le battement d’une porte, un trousseau de clefs qui tombe, un téléphone qui sonne. Mettre un casque. Jouer un disque. À nouveau, entendre sa propre voix, des pas, le battement d’une porte, un trousseau de clefs qui tombe, un téléphone qui sonne. Le temps présent, quelques secondes plus tard et pourtant disponible à l’avance.
Appuyer sur START pour démarrer l’écoute et sur STOP pour arrêter.
Les secondes devenant des millénaires, 2016
Marbre de Carrare, 24 x 24 x 4 cm, courtesy 22,48 m².
Cette œuvre témoigne d’une archéologie de l’impalpable, en matérialisant l’empreinte d’un souffle d’air dans la matière.
Elle devient le souvenir d’une rencontre entre le minéral et l’insaisissable et s’inscrit comme la trace d’un invisible mouvement figé ici à tout jamais.
Fragment, 2019
Marbre, poussières, 38 x 35 cm, courtesy 22,48 m².
Ce vestige de marbre et de poussière nous questionne sur nos représentations et les illusions qu’elles engendrent.
Cette oeuvre nous invite également à redéfinir notre propre notion du temps, le regard et la valeur qui lui sont accordés.
Une part d’éternité, 2019
Miroir, traitement anti-buée, métal, modules peletier, dissipateur thermique, électronique de contrôle, Ø 28 cm, courtesy 22,48 m².
Le présent serait-il quantifiable ? « Une part d’éternité » tente de donner une réponse en faisant apparaitre et disparaitre à l’infini, une formule correspondant au plus petit intervalle de temps non divisible concevable. Cet « atome » théorique du temps, formulé par Planck, correspondrait donc à la durée du temps présent.
X m3 d’air, 2018
Quatre pierres, dimensions variables, courtesy 22,48 m².
Circonscrire l’insaisissable. Une quantité d’air balisée par la présence de quatre pierres. Les lignes invisibles entre chacune d’entre elles dessinent les quatre arêtes de la base d’un cube invisible. Chacun est invité à le reconstituer virtuellement par le biais de son imaginaire. Ici la disposition a été choisie pour instaurer un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur, mais elle reste modulable, à l’échelle d’un jardin ou d’une ville par exemple.
Daydream, 2018
Vidéo, tv LED, routeur wifi, raspberry-pi, moteur, hélice, capteur revp, caméra V2, NodeMCU, 50 x 31 cm, courtesy 22,48 m².
Quand le virtuel se mêle du réel. La vidéo donne à voir une bougie allumée se consumant. Disposée ailleurs, cette vidéo interactive réagit au souffle ou au déplacement d’air comme si elle était physiquement présente dans la salle d’exposition.