Pascale Hugonet – Épigraphies à la Galerie Bartoli – Marseille


Jusqu’au 27 juin 2020, la Galerie Bartoli accueille Pascale Hugonet avec « Épigraphies », une exposition personnelle qui rassemble une riche et captivante sélection d’œuvres récentes issues de ses séries « Épigraphie » et « Stratigraphie ».

On garde le souvenir de son Journal sur torchons dont Annie Gabrielli avait montré quelques pièces à Montpellier, à l’automne 2017. Au début de cette année, on retrouvait son travail dans « Les sources du geste / Beijing-Nîmes #2 » une exposition de groupe que proposait de Nîmes Métropole en partenariat avec le CACN (Centre d’Art Contemporain de Nîmes).

Pascale Hugonet dans son atelier - Photo (c)Pascale Hugonet
Pascale Hugonet dans son atelier – Photo (c)Pascale Hugonet

Dans son travail, qu’il soit sur papier, torchon ou comme ici sur cire, la question du temps comme celle de l’écriture sont essentielles. Dans une présentation d’octobre 2019 qu’elle signe sur son site internet, Pascale Hugonet souligne :

« À l’origine de mon travail, une double question.
D’abord, le temps. Non pas le temps qui se mesure, mais celui plus poétique, plus existentiel, qui se perçoit ; Ce temps là ne peut se penser sans la question de la disparition.
Et puis l’écriture ; celle qui pourrait être un “au-delà du langage”, une volonté de signifier autrement, contre la norme du lisible. Une écriture totalement anti spectaculaire, qui privilégie l’intention à la possible lecture.
L’écriture illisible pour évoquer l’indicible, le non-dit, l’inter-dit.
J’ai dès lors engagé un travail sur le signe, la trace, l’écriture spéculaire ».

Les œuvres exposées chez Patrick Bartoli sont réalisées à partir de plusieurs couches de cire blanchie mélangée à divers pigments qui recouvrent des textes devenus quasi invisibles. Lors d’échanges qui font suite à une rencontre à la galerie, Pascale Hugonet nous a confié ce qui distingue ces deux séries :

« Si Épigraphie fait référence à l’archéologie, Stratigraphie est construite sur l’idée de la géologie. Dans la première série, j’incise une œuvre plane et porteuse du texte, cette incision étant à la fois pour moi le vocabulaire de la gravure et celui d’une recherche en creux.
Dans la deuxième série, j’ajoute de la matière sur mon texte (des sédiments ?) et dans un deuxième temps j’enlève la couche supérieure (au fer à repasser et à la lame de rasoir) pour retrouver des strates inférieures. L’écrasement dû à l’utilisation du fer, redessine une nouvelle graphie.
Dans les deux cas, il pourrait s’agir d’une recherche d’un récit ancien ou d’une langue universelle.
Je pense qu’il s’agit du même travail, avec des gestes différents… »

On lira avec intérêt le texte déjà cité pour comprendre comment « par tâtonnement et ajustements successifs, le protocole se précise ensuite dans l’expérimentation ; formes, couleurs, assemblages… »

La matière employée ici renvoie inévitablement à la peinture à l’encaustique ou peinture à la cire, utilisée depuis l’Antiquité et notamment pour les fascinants portraits du Fayoum. Mais comment ne pas penser aussi au mystère de La Bataille d’Anghiari, fresque inachevée et perdue que Léonard de Vinci aurait tenté de réaliser à l’encaustique et probablement cachée sous le décor de Vasari? Cette association troublante n’est-elle pas renforcée par la référence explicite que Pascale Hugonet fait à l’écriture spéculaire que pratiquait Léonard pour les notes de ces manuscrits ? Peut-être n’est-ce que simple spéculation d’un visiteur…

Pascale Hugonet revendique plutôt « la radicalité du propos de certains artistes du XXe, leurs répétitions du geste comme engagement physique du temps en mouvement ont aiguillé ma propre démarche ».
Au cours de nos échanges, elle affirme être « très admirative par la radicalité du geste d’Opalka et surtout par la pertinence de son propos sur le temps. Le travail de Dadamaino m’inspire beaucoup, celui de Jan Schoonhoven aussi… Je suis aussi très admirative du travail d’Agnès Martin ; et si nos œuvres ne présentent aucun caractère de familiarité visuelle, j’aime à me reconnaître dans ses silences ».
Puis, elle conclut en précisant : « Plus que des références liées au lettrisme, je me sens proche d’artistes qui travaillent sur le temps et la disparition… »

L’accrochage présenté par la Galerie Bartoli est construit avec beaucoup d’élégance et utilise avec adresse les caractères singuliers de l’espace. Un éclairage soigné valorise parfaitement les œuvres. L’ensemble offre des conditions idéales pour la contemplation des « Épigraphies » de Pascale Hugonet.

Pascale Hugonet – vue de l'exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille
Pascale Hugonet – vue de l’exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille

Les formats les plus grands conduisent avec intelligence le regardeur d’une œuvre à l’autre jusqu’à Épigraphie 11(2019), un superbe diptyque qui s’impose sur le mur brut de béton au fond de la galerie.

Pascale Hugonet - Epigraphie, 2019 - 2 x (101 x 80cm) - Cire et pigments sur CP monté sur châssis
Pascale Hugonet – Epigraphie 11, 2019 – 2 x (101 x 80cm) – Cire et pigments sur CP monté sur châssis

Un astucieux dispositif de cimaises coulissantes multiplie les capacités d’accrochage. Il est ici utilisé pour présenter habilement une sélection de petits formats. L’angle créé pour dissimuler cet aménagement est judicieusement exploité pour présenter six formats carrés qui déclinent un harmonieux passage du noir au blanc…

Pascale Hugonet – vue de l'exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille - Photo (c)Pascale Hugonet
Pascale Hugonet – vue de l’exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille – Photo (c)Pascale Hugonet

Sur la droite, deux petites sculptures en bronze à la cire perdue de l’artiste russe Olya Muravina conduisent le regard d’un panneau vertical pourpre (Stratigraphie 24, 2020) qui fait face à la rue Sainte à un ensemble.

Celui débute par une œuvre de même format (Stratigraphie 22, 2020) et qui se poursuit avec deux pièces réalisées pendant la période de confinement dont l’or et le vert s’enrichissent mutuellement (Stratigraphie 26, 2020 et Stratigraphie 27, 2020)…

Pascale Hugonet – vue de l'exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille
Pascale Hugonet – vue de l’exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille

À gauche, le bleu de Stratigraphie 25, 2020 fait écho à celui d’Épigraphie 11, 2019.

Pascale Hugonet – vue de l'exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille
Pascale Hugonet – vue de l’exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille

Il conduit le regard au-delà de l’escalier vers un ensemble où la cire blanche de formats moyens proches du carré contraste avec le gris sombre d’un magnifique panneau vertical (Stratigraphie 23, 2020)

Pascale Hugonet – vue de l'exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille
Pascale Hugonet – vue de l’exposition « Épigraphies » à la Galerie Bartoli – Marseille

Les œuvres de ces deux séries sont d’incroyables machines à méditer, à rêver, à divaguer au hasard de géographies et de sédimentations géologiques mystérieuses, poétiques et oniriques…

Elles rappellent les rochers étranges et hypnotiques que collectionnaient les lettrés chinois et que l’on nomme parfois « pierre de méditation », « os de la terre » ou encore « racines de nuages »…

Face aux cires incisées ou écrasées de Pascale Hugonet, chacun trouvera, bien entendu, ce qu’il y aura apporté dans la galerie de Patrick Bartoli où, on l’aura compris, un passage s’impose avant le 27 juin prochain !

Pascale Hugonet devait exposer cette année à Montpellier en compagnie de Patrice Barthes à la N5 Galerie. Cette exposition sera reprogrammé en 2021…

Quelques mots pour terminer sur la galerie où une première visite à l’occasion d’une carte blanche offerte à Didier Gourvennec Ogor n’avait malheureusement pas pu faire l’objet d’une chronique par manque de temps. Cet espace d’art contemporain a été créé en 2010 sur la base d’un local brut de béton. Il se développe sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée est en général réservé aux expositions personnelles. Le premier étage avec un « coin salon » est un espace de présentation des créations des artistes permanents de la galerie.

Galerie Bartoli – Exposition « Associations d’idées » – Carte blanche à Didier Gourvennec-Ogor en 2019
Claire Dantzer – Série Utopia / Thomas Moore, 2017

En savoir plus :
Sur le site de Pascale Hugonet
Suivre l’actualité de Pascale Hugonet sur Instagram
L’actualité de la Galerie Bartoli sur Facebook et Instagram

Pascale Hugonet – Repères biographiques :

Pascale Hugonet dans son atelier - Photo (c)Pascale Hugonet
Pascale Hugonet dans son atelier – Photo (c)Pascale Hugonet

Pascale Hugonet, née en 1963 à Paris, elle vit et travaille à Marseille (France).
Après des études de sculpture auprès d’un artisan d’art, elle opère un virage et se consacre au dessin et à la peinture.

Expositions personnelles :

2020 : Epigraphies / Galerie Patrick Bartoli / Marseille
2016 : Supervues / Hôtel Burrhus, Vaison la Romaine
2014 : Galerie du Tableau, Marseille
2013 : Skandhaus, Marseille
2013 : Motifs et Traces / Galerie Andiamo, Marseille

Expositions duo :

2018 : Azul / Galerie La porte étroite, Toulon, avec Didier Petit
2017 : Saisir le silence / Galerie Annie Gabrielli, Montpellier, avec Alexandre Gilbert

Expositions collectives :

2020 : Salon du dessin contemporain, Narbonne
2020 : Les sources du geste#2 Nîmes Métropole et le CACN de Nîmes / Le Colisée, Nîmes
2019 : Les sources du geste Nîmes Métropole et le CACN de Nîmes / Fondation Li Keran / Pékin (China)
2019 : Solid’Art, Friche de la Belle de Mai, Marseille
2019 : Parcelles2, Galerie Martagon, Malaucène
2018 : Parcelles, Galerie Martagon, Malaucène
2018 : A vendre, Chateau de Servière, Marseille
2017 : De la nature des liens, Cabane Georgina, Marseille
2016 : 13 à l’aise, La Théorie des espaces courbes, Voiron
2016 : Perfect Paper, L’Appartement, Marseille
2016 : La Métis du renard et du poulpe, Cabane Georgina, Marseille
2016 : La peau, Art Manda, Barjols
2016 : Rencontre 47, La Vigie, Lieu d’Art Contemporain, Nîmes
2015 : Petits et moyens formats, Galerie Martagon, Malaucène
2015 : Formats raisin, MAC Artéum, Châteauneuf le Rouge
2014 : Formats raisin, Espace Vallés, St Martin d’Hères
2013 : Formats raisin, Galerie Martagon, Malaucène
2013 : A vendre, Chateau de Servière, Marseille
2013 : L’Appartement, Marseille
2012 : A la plancha, Saffir Galerie nomade, Marseille
2012 : Hétérogène, Marseille

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer