Jusqu’au 10 janvier 2021, le Pavillon populaire à Montpellier présente « The New York School Show, les photographes de l’École de New York 1936-1965 ».
Pour cette superbe exposition inédite en Europe, Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire invite Howard Greenberg, collectionneur et galeriste new-yorkais, une des figures incontournables de la scène photographique internationale. Les deux hommes partagent avec une grande complicité le commissariat de cette exposition.
Dans son texte d’intention « The New York School Show », Gilles Mora affirme l’ambition de montrer comment « Les années comprises entre 1935 et 1965 furent, dans la ville de New York, le théâtre d’une activité photographique bouillonnante venue poser les règles d’une nouvelle “photographie de rue”, détonante, libérée des contraintes affectées traditionnellement au genre, et significativement différente de son contrepoint européen ».
Après avoir rappelé le rôle de l’historienne américaine de la photographie Jane Livingston qui a regroupé au début des années 1990 un certain nombre de photographes sous le terme de « New York School Photographs », le co-commisaire précise : « L’exposition que consacre le Pavillon Populaire de Montpellier à l’École photographique de New York, essaie d’y voir plus loin, et d’élargir la réflexion engagée par Jane Livingston, en présentant pour la première fois en Europe une exposition consacrée à ce mouvement, en y ajoutant de nouveaux protagonistes, et en précisant davantage les enjeux de cette révolution visuelle ».
L’exposition « The New York School Show, les photographes de l’École de New York 1936-1965 » présente 160 tirages originaux dans un parcours remarquablement bien construit qui s’organise en deux grandes séquences chronologiques. Dans les circonstances singulières du moment, il faut souligner l’exceptionnel travail de production réalisé par Natacha Filiol avec l’étroite collaboration de l’équipe de la Howard Greenberg Gallery à New York.
La scénographie et le graphisme conçus par Florence Girard permettent une lecture limpide du propos. Le dispositif en place pour l’exposition précédente a été habilement aménagé pour offrir un espace distinct à chacun des 22 opérateurs sélectionnés. Les deux nuances de gris qui recouvrent les cimaises différencient clairement la première génération de photographes (1935 à 1948) de la seconde (de la fin des années 40 à 1965).
L’accrochage simple et cohérent est servi par une mise en lumière comme toujours irréprochable au Pavillon Populaire (Christophe Guibert et Valentin Bene).
Les textes de salle qui introduisent les sections de « The New York School Show » sont inspirés de l’excellent essai « New York la bouillonnante » que Gilles Mora signe pour le catalogue. Les repères biographiques qui accompagnent les tirages de chaque photographe sont extraits du même ouvrage. Ils sont également reproduits dans le livret de l’exposition disponible à l’accueil et téléchargeable à partir d’un QR Code.
Le catalogue publié par les Éditions Hazan reproduit avec soin la totalité des tirages exposés. Ils sont précédés par « La New York School habite mon âme », une élégante introduction de Howard Greenberg et par l’essai de Gilles Mora évoqué ci-dessus.
Un film d’environ 20 minutes accompagne l’exposition. Il sera intégré au site internet du Pavillon Populaire qui devrait bientôt être en ligne.
Sans aucun doute, « The New York School Show » sera accueillie avec enthousiasme par les amateurs passionnés et par les historiens de la photographie américaine. La qualité exceptionnelle des tirages exposés, leur accrochage d’une évidente lisibilité et les documents qui les accompagnent captivera également le grand public.
« The New York School Show, les photographes de l’École de New York 1936-1965 » est une exposition incontournable, indispensable et qui fera probablement date.
Photographes exposés pour The New York School Show : Homer Page, Ruth Orkin, Ted Croner, Don Donaghy, Morris Engel, Dave Heath, Sy Kattelson, Arthur Leipzig, Diane Arbus, Bruce Davidson, Louis Faurer, Robert Frank, William Gedney, Sid Grossman, William Klein, Saul Leiter, Leon Levinstein, Helen Levitt, Lisette Model, Ben Shahn, David Vestal, Dan Weiner.
À lire, ci-dessous, les textes d’intention des deux commissaires, Gilles Mora et Howard Greenberg et quelques repères biographiques sur les 22 photographes de l’exposition. Ces documents sont extraits du dossier de presse.
En savoir plus :
Sur la page du Pavillon Populaire sur le site de la Ville de Montpellier
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The New York School Show : Texte d’intention de Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire
Les années comprises entre 1935 et 1965 furent, dans la ville de New York, le théâtre d’une activité photographique bouillonnante venue poser les règles d’une nouvelle « photographie de rue », détonante, libérée des contraintes affectées traditionnellement au genre, et significativement différente de son contrepoint européen.
On peut affirmer que cette photographie forme le substrat d’une modernité photographique américaine nouvelle, différente de la première génération moderniste illustrée à partir de 1917 par Alfred Stieglitz, Paul Strand, Edward Weston ou Charles Sheeler. Loin de son inspiration mystique, souvent affiliée au pictorialisme européen (le cubisme en particulier, le symbolisme d’un Kandinsky…), ou de sa radicalité puriste (telle que l’illustre le groupe californien « F.64 »), les acteurs de la scène photographique newyorkaise sont, à partir des années 1930, et sous l’influence grandissante de Walker Evans, bien plus tentés par une approche documentaire du fait urbain, tout en garantissant une vision du monde personnelle et libérée des contraintes du grand format.
Sous la houlette de la très active et politique Photo League, dans une Amérique engluée dans la Dépression économique qui vient rebattre les cartes des enjeux artistiques, et avec les nouveaux supports d’expression offerts au photojournalisme naissant (magazines tels que LIFE ou Fortune), une première génération de photographes de rue américains s’essaie, jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, à une approche très directe du fait urbain. Après 1945, New York devient presqu’exclusivement un champ d’explorations multiples pour de nouveaux acteurs tels Robert Frank, Louis Faurer ou Saul Leiter, décidés à « casser » les codes de la « bonne » photographie, ou encore à manifester un expressionnisme susceptible d’être au plus près d’un langage qu’ils veulent personnel ou engagé. Surtout, cette nouvelle génération s’ouvre aux courants artistiques de son époque, se rapproche des graphistes (Alexey Brodovitch), peintres ou écrivains (expressionnisme abstrait, poétique de Robert Lowell), ambitionne la publication dans le cadre d’expositions au sein des circuits muséaux américains pour lesquels la photographie est déjà un art à part entière, ou dans la perspective d’un livre. Et surtout, c’est le traitement photographique du sujet urbain, plutôt que le sujet en lui-même, qui différencie la photographie de rue américaine d’après-guerre de celle en usage en Europe, en particulier de la photographie dite « humaniste ». D’où cette impression de liberté, d’expérimentation visuelle, d’énergie pulsative qui, à travers la ville de New York vue par ces photographes, épargne au spectateur les effets d’une poésie parfois mièvre et surannée, et conduit à la notion si contemporaine d’art urbain, de « street art ».
Au début des années 1990, l’historienne américaine de la photographie Jane Livingston a tenté de rassembler, sous le terme de « New York School Photographs » un certain nombre des acteurs de cette révolution photographique ayant agité les rues de New York, et que des traits communs pouvaient rassembler : liberté expressive et formelle sans précédent, engagement social et parfois politique assumé, volonté de se lier aux formes picturales et poétiques nouvelles, connaissance approfondie de l’histoire de leur medium, et surtout, ambition d’un langage d’auteur, dont les fondements sont à trouver, pour cette génération, dans les oeuvres inaugurales de Walker Evans ou d’Henri Cartier-Bresson.
L’exposition que consacre le Pavillon Populaire de Montpellier à l’École photographique de New York, essaie d’y voir plus loin, et d’élargir la réflexion engagée par Jane Livingston, en présentant pour la première fois en Europe une exposition consacrée à ce mouvement, en y ajoutant de nouveaux protagonistes, et en précisant davantage les enjeux de cette révolution visuelle. C’est un ensemble de 22 photographes qui sont exposés avec près de 160 tirages originaux (couleurs et noir et blanc) de leurs oeuvres les plus représentatives, de Lisette Model, en passant par Diane Arbus, Robert Frank, Saul Leiter, William Klein ou Bruce Davidson, sans oublier les Ben Shahn ou autres Ted Croner. Avec, au centre de leurs images, leur fascination pour la vitalité débordante générée par « la Grosse Pomme », cette ville à la géographie mythique et qui, selon la légende, « ne dort jamais ».
Gilles Mora,
Directeur artistique du Pavillon Populaire
The New York School Show : Texte d’intention de Howard Greenberg, commissaire d’exposition et directeur de la galerie Howard Greenberg à New York.
« La New York School habite mon âme ».
J’ai grandi dans les rues de Brooklyn, dans l’abondance des années cinquante, et j’étais adolescent lorsque Kennedy a été assassiné. Ce qui comptait, ce n’était pas de quelle partie de New York on venait, que ce soit du Bronx, de Brooklyn ou de Manhattan. Ce qui comptait, c’était votre expérience, vécue à travers le prisme de vos origines, de votre quartier… Et tous les points communs que nous partagions si facilement à l’époque. C’était une époque plus simple et compréhensive que ce qui nous attendait dans les années soixante. Devenir photographe en 1970 m’a donné l’opportunité de revisiter ma jeunesse à bien des égards. Et je suis donc devenu photographe de rue, du moins dans la forme.
Il n’y avait pas de New York School, mais des photographes, Frank, Klein, Faurer, Levinstein, Grossman et Davidson pour ne nommer qu’eux, dont les images m’ont montré ce qu’on pouvait faire avec un appareil photo, de la pellicule et une chambre noire. Et, alors que je découvrais le formalisme impeccable des modernistes, chez Weston ou Adams par exemple, et les expérimentations avant-gardistes des Européens, Moholy et Man Ray notamment, j’intériorisais également le mordant, le musc, l’humanisme profond de ces jeunes immigrants qui surent s’adapter pour survivre, vivre et prospérer dans les rues de New York. C’était mon monde qu’ils habitaient. Je comprenais leurs préoccupations et leurs choix. Je comprenais le pourquoi de leurs images. Et puis j’ai compris comment une photographie pouvait donner du sens bien audelà de son sujet, un sens à la fois émotionnel et visuel.
Ce qui nous amène à la série d’expositions conçues et préparées par Jane Livingston à la Corcoran School of Art de Washington. Je me souviens avoir pensé « Haha ! Quelqu’un comprend. » Voilà une personne qui se rend compte qu’il y a eu un lieu, une période et une communauté, qu’on ne pouvait qu’appeler la New York School. Et enfin une publication, une bible, en quelque sorte. L’ouvrage de Jane, qui explique les diverses influences à l’origine de ce type de photographie véridique, expressive et personnelle, fondamentalement humaine, et pratiquée par un groupe de photographes non alignés, aux préoccupations et aux origines étrangement similaires. Jane m’a contacté et m’a présenté Saul Leiter, m’a mené à Ted Croner, a partagé ma foi en Sid Grossman et m’a raconté mille anecdotes sur Donaghy, Faurer et les autres. Mes yeux découvraient soudain, comme pour la première fois, ce qui était en effet un mouvement. Rien de tout ça n’avait été conçu ou prévu comme tel. Comme tout mouvement, il est né de l’enchevêtrement complexe de différents facteurs : la Photo League, les cours d’Alexey Brodovitch, l’influence de Walker Evans et Ben Shahn, l’ouverture d’esprit d’Edward Steichen, prêt à afficher de jeunes photographes sur les murs du MoMA, les magazines et la liberté de créer dans un environnement sans guerre ou oppression.
L’impetus de la New York School découle aussi des progrès technologiques de Kodak et d’autres fabricants de pellicules et papiers photographiques. En photographie, l’esthétique et l’art ont toujours été le résultat du mariage de la technologie et de la créativité. Après la Seconde Guerre mondiale, les films Tri-X et ASA 400 arrivèrent sur le marché. Et concrètement, cela voulait dire qu’on pouvait prendre une photo dans la rue, de nuit ou dans une salle de cinéma sombre, même à la lumière d’une seule ampoule.
Il faudrait probablement pousser le développement et utiliser une vitesse d’obturation d’un quinzième de seconde. Ce qui signifiait également qu’il faudrait accepter et composer avec des images avec un certain grain et un manque de netteté. Ceux que nous rattachons à la New York School ont adopté ces nouvelles possibilités et les défauts qui les accompagnaient. Ils utilisaient simplement leurs outils afin de trouver de nouvelles façons de produire des images. Regardez ces photos. Vous y trouverez un langage particulièrement bien adapté à leurs explorations de la condition humaine. Vous pouvez voir comme ils ont repoussé les limites de la photographie pour mieux comprendre, mais aussi pour poser de nouvelles questions, chercher qui nous sommes et de quoi nous sommes faits.
Et je me suis donc rendu compte que ce que nous appelons la New York School, c’est quelque chose qui me fait me sentir chez moi. Cela fait partie de mon ADN, de mon âme. Et au fil des années, j’ai également réalisé que ce nouveau langage photographique, créé par ces photographes du milieu du siècle, est universel. C’est un langage que nous comprenons tous, lorsque nous trouvons et acceptons le sens de leur oeuvre. Pourquoi et comment… ? Je crois que c’est l’élément humain. Les photographies et le style de leur réalisation expriment parfaitement une empathie et une compassion universelle pour ce qui se trouve devant l’objectif. Et cela sans verser dans le sentimentalisme ou le dogmatisme. Ils prenaient des risques, d’une façon très personnelle. Ils nous provoquent tout en nous accueillant. Ils posent des questions et offrent des réponses. Ils nous font ressentir leurs images et les personnes qui les habitent. Ils nous invitent à vivre le lieu, avec leur confrontation, leur réflexion, leurs exagérations et le poids de l’humanité. Ce sont de grandes âmes… »
Howard Greenberg
Commissaire d’exposition
Directeur de la Galerie Howard Greenberg à New York
Biographie des 22 photographes de l’exposition The New York School Show
Homer Page (1918-1985)
Né à Oakland, en Californie, Homer Page commence à s’intéresser à la photographie pendant son adolescence. Il s’inscrit à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), puis à Berkeley où il étudie l’art. En 1939, il rencontre Christina Gardner, une passionnée de photographie qu’il épouse un an plus tard. Elle lui présente Dorothea Lange, une amie de sa famille, pour qui elle a travaillé comme assistante pendant plusieurs années.
À partir de 1944, Page travaille à plein temps comme photographe professionnel et, en 1947, il enseigne la photographie dans ce qui deviendra par la suite le San Francisco Art Institute, dont le département de photographie est dirigé par Ansel Adams et son assistant, Minor White. Grâce à Lange, Page rencontre Edward Steichen, qui vient de prendre la direction du département de photographie du Museum of Modern Art à New York. Il est alors inclus dans diverses expositions que Steichen y organise. En 1948, Page, qui habite alors à New York, reçoit une bourse Guggenheim. Dans son dossier de candidature, il explique que son objectif est de « photographier les qualités des relations entre les citadins et les forces culturelles qui les entourent ». Il se propose également de créer un livre basé sur ce projet. Pour diverses raisons, Page n’a jamais pu publier de livre des photos réalisées pendant l’année de sa bourse. Il rencontre cependant un certain succès comme photojournaliste, travaillant notamment pour Magnum pendant une courte période, avant de s’installer dans le Connecticut plus tard dans sa vie.
Ruth Orkin (1921-1985)
Ruth Orkin était une photojournaliste et cinéaste primée. Elle grandit à Hollywood à l’apogée des années vingt et trente. Elle reçoit son premier appareil photo à dix ans. Elle commence par photographier ses amis et ses professeurs à l’école. À 17 ans, elle traverse les États-Unis à vélo, un voyage impressionnant, de Los Angeles à New York, pour voir l’Exposition universelle, et photographie son parcours.
Orkin emménage à New York en 1943. Pendant les années quarante, elle travaille pour tous les magazines les plus importants. Elle réalise des portraits de nombre des plus grands musiciens de l’époque, tels que Leonard Bernstein, Isaac Stern, Aaron Copland.
En 1951, le magazine LIFE l’envoie en Israël avec l’Orchestre philharmonique d’Israël. Orkin se rend ensuite en Italie où elle prend sa photo la plus célèbre, « American Girl in Italy » (1951). À son retour à New York, elle épouse le photographe et cinéaste Morris Engel. Ensemble, ils réalisent deux longs métrages, dont le classique Little Fugitive (Le petit fugitif), nominé pour un Oscar en 1953. Depuis leur appartement new-yorkais, qui surplombe Central Park, Orkin photographie des marathons, des défilés, des concerts, des manifestations et la beauté du balai des saisons. Ces photographies font l’objet de deux livres qui rencontrent un large succès, A World Through My Window et More Pictures From My Window (non traduits).
Ted Croner (1922-2005)
Ted Croner est né à Baltimore, dans le Maryland, et grandit à Charlotte, en Caroline du Nord. Il s’engage pendant la Seconde Guerre mondiale et fait de la photographie aérienne pour l’armée de l’air américaine dans le Pacifique Sud. En 1946, il emménage à New York. Peu après, il s’inscrit au cours de photographie d’Alexey Brodovitch donné à la New School for Social Research. Croner prend Taxi – Night (1947-48), qui est probablement sa photographie la plus célèbre, alors qu’il étudie dans le mythique « laboratoire de design » de Brodovitch.
En 1948, Edward Steichen, le directeur du département de photographie du MoMA, inclut Croner dans deux expositions : « In and Out of Focus » et «Four Photographers », les trois autres photographes étant : Bill Brandt, Harry Callahan et Lisette Model. Bien d’autres expositions de ses œuvres suivent. Tout en acceptant des commandes commerciales de magazines comme Harper’s Bazaar ou Vogue, Croner continue de travailler à sa photographie personnelle, produisant des images cinématographiques dotées d’une énergie expérimentale, qui donnent à voir des cafétérias, des dîneurs solitaires, et la ville après la tombée de la nuit.
L’intérêt pour l’œuvre de Croner a été ravivé par la publication en 1992 de The New York School: Photographs, 1936-1963 de Jane Livingston, après l’exposition éponyme de 1985 à la Corcoran Gallery de la Ville de Washington.
Don Donaghy (1936-2008)
Le photographe de rue Don Donaghy est issu d’une famille installée à Philadelphie, en Pennsylvanie, depuis quatre générations. Il étudie les arts appliqués à la Philadelphia Museum School of Art mais se rend finalement compte qu’il n’est pas intéressé par une carrière dans cette industrie trop commerciale. Donaghy est attiré par les rues de sa ville, où il s’adonne à la photographie. Parmi les nombreux artistes avec lesquels il a collaboré, on peut compter Robert Frank, Weegee et Richard Avedon. Donaghy reste fidèle à lui-même et crée des œuvres qui cherchent à exprimer une vérité personnelle sur la vie et l’art.
Ses photographies ont été publiées dans The New York School: Photographs, 1936-1963 et The Last Photographic Heroes: American Photographers of the Sixties and Seventies. En plus de nombreuses expositions internationales pendant la majeure partie du 20e siècle à nos jours, les œuvres de Donaghy font également partie des collections permanentes d’établissements tels que le Smithsonian American Art Museum, le Metropolitan Museum of Art, la New York Public Library et le MoMA.
Morris Engel (1918–2005)
Engel a fait son apprentissage au sein de la Photo League, un collectif de photographes né en 1936 et qui sera jusqu’à sa fermeture en 1951 le moteur de l’art photographique new-yorkais. On comptait dans ses rangs Leo Hurwitz, Aaron Siskind, Helen Levitt. Paul Strand, Elisabeth McCausland, et Berenice Abbott y donnaient des cours. Cette dernière, grande photographe de la ville et de l’instant, a certainement eu une grande influence sur Engel.
Pendant la guerre, Engel s’engage dans la Navy qui le charge de photographier le conflit, rôle qui l’amène à participer au Débarquement de Normandie. Il devient rapidement un photographe très réputé et il est bientôt considéré comme l’un des grands photoreporters du pays. Dès 1944, il fait partie des quelques photographes ayant la chance d’être exposés au MoMA. Il se tourne vers le cinéma et réalise Le Petit fugitif en 1953, bientôt suivi de Lovers & Lollipops et Weddings & Babies. Engel compte parmi les cinéastes ayant fait émerger la notion de cinéma indépendant. Ses films sont de magnifiques balades dans New York et de Little Italy à Chinatown, de la Statue de la Liberté au Musée d’Art moderne en passant par le magasin Macy’s, on plonge par sa caméra dans la matière même de la ville, son atmosphère.
Dave Heath (1931–2016)
Dave Heath entreprend la photographie à la fin des années 1940. Il étudie brièvement l’art au Philadelphia College of Art et à l’Institute of Design de Chicago, gagnant sa vie comme assistant de photographes commerciaux. En 1959, il vit à New York où il étudie avec le célèbre photojournaliste William Eugene Smith. Par la suite, son œuvre est fortement influencée par le ton humaniste de Smith et par l’importance qu’accorde celui-ci à la narration photographique. La rue américaine, à Philadelphie, Chicago ou New York où il s’installe en 1957, lui permet de préciser sa recherche : « Mes photos ne sont pas sur la ville mais nées de la ville. Je l’ai toujours envisagée comme une scène, et les passants comme des acteurs, qui ne jouent pas une pièce ou une histoire, mais sont eux-mêmes cette histoire. […] Baudelaire parle du flâneur comme celui dont le but est de donner une âme à cette foule. »
Heath devient célèbre avec l’exposition de 1963 (et la publication éponyme de 1965) A Dialogue with Solitude, une série émouvante de photos en noir et blanc qui abordent le thème de l’isolement contemporain. Dans les années 1970, après avoir déménagé à Toronto, il commence à faire des expériences avec la technologie Polaroid et réalise une série d’œuvres narratives, sous le titre de Songs of Innocence.
En 2018, LE BAL, à Paris, produit sa première grande rétrospective en France.
Sy Kattelson (1923–2018)
Sy Kattelson est né dans le Bronx, à New York, et étudie à la Stuyvesant High School. C’est alors qu’il travaille comme livreur pour un magasin d’appareils photo sur la 43rd Street qu’il prend conscience de la possibilité de travailler comme photographe. Un couple de réfugiés allemands, propriétaires d’un studio qu’il livrait, l’encourage à se lancer dans la photographie. Plutôt que d’attendre sa conscription, il s’engage en 1942 et rejoint l’armée de l’air en tant que cartographe aérien avec le grade de caporal, développant des films pris par avion pour évaluer la réussite des bombardements. À la fin de la guerre, il est redéployé en France où il travaille comme photographe de propagande pour l’armée.
À son retour aux États-Unis, Kattelson rejoint la Photo League dont il devient salarié, et au sein de laquelle il enseigne jusqu’à sa dissolution en 1951.
De 1953 à 1955, Kattelson travaille comme photographe de mode pour Glamour. Il photographie le premier Festival de jazz de Newport en 1954. En 1958, il devient responsable d’une chambre noire et technicien chargé des tirages couleur dans un grand laboratoire de photographie commercial. En 1961, il emménage à Woodstock, dans l’état de New York, où il fonde le Tinker Street Cinema, qui fut à l’époque un des rares cinémas d’art et d’essai hors d’une grande agglomération.
Arthur Leipzig (1918-2014)
Arthur Leipzig est né dans le quartier de Brooklyn, à New York. Son parcours de photographe commence lorsqu’il s’inscrit à un cours de la Photo League en 1941. Alors que seul le tarif peu élevé de la chambre noire de l’école l’attire initialement, il décide de s’investir sérieusement dans la photographie documentaire après deux semaines d’étude avec Sid Grossman, un des fondateurs de la Photo League. Leipzig est un membre assidu de la Photo League jusqu’en 1949, et il y apprend beaucoup des œuvres de Paul Strand et William Eugene Smith. En 1942, il devient photographe pour le magazine PM. En 1946, Leipzig travaille brièvement pour l’agence International News Photos avant de se lancer avec succès en tant que photojournaliste indépendant, envoyé en mission dans le monde entier et contribuant à des périodiques tels que le Sunday New York Times, This Week, Fortune, Look, LIFE et Parade.
Sur une période de cinq décennies, Leipzig utilise des milliers de pellicules, produisant des photographies magnifiquement construites et vigoureusement engagées, qui portent un regard sincère sur la vie de la rue. Parmi les plus mémorables figurent des reportages photographiques sur les jeux d’enfants des rues, les ouvriers de la ville au sommet du pont de Brooklyn ou encore Coney Island et le 8 mai 1945.
Leipzig participe à de nombreuses expositions collectives comme « Family of Man » (1955) au MoMA, ou « Photography as a Fine Art » au Metropolitan Museum of Art (1961-62)
Diane Arbus (1923–1971)
Née à New York, la photographe américaine Diane Arbus, de son vrai nom Diane Nemerov, n’a encore que 14 ans lorsqu’elle rencontre Allan Arbus. Ils se marient quatre ans plus tard et commencent ensemble une carrière de photographes de mode. Diane tient le rôle de styliste et démarche les agences, Allan réalise les photographies.
Vers 1956, Diane Arbus acquiert une indépendance professionnelle et commence à faire des séries de portraits. Trois ans plus tard le couple se sépare.
Diane Arbus obtient par deux fois la bourse du Guggenheim, en 1963 et en 1966. Elle est exposée au MoMA en 1964, puis à nouveau en 1967 à l’occasion de l’exposition New Documents. Diane Arbus aime photographier les marginaux, monstres de foire, freaks, malades mentaux, pour lesquels elle éprouve de la fascination. Attirée par le monde du cirque et par tous ceux qui sont différents, elle dresse le portrait d’une Amérique hors norme, conduisant une réflexion sur l’identité et l’apparence, ce qui l’amène à photographier des travestis, des gens fardés et déguisés. Les individus photographiés posent en regardant l’appareil de face, manifestant ainsi leur collaboration avec l’artiste. Le regard des modèles implique directement le spectateur dans l’image. Souffrant d’une grave dépression, Diane Arbus met fin à ses jours le 26 juillet 1971, à Greenwich Village.
Bruce Davidson (1933- )
À travers plus d’un demi-siècle de carrière, Bruce Davidson s’est fait connaître pour son attachement à montrer les inégalités sociales. Il fréquente le Rochester Institute of Technology, ainsi que Yale, où il étudie avec Josef Albers. Il est ensuite enrôlé dans l’armée et stationné près de Paris, où il rencontre Henri Cartier-Bresson, l’un des fondateurs de la célèbre coopérative de photographie Magnum Photos.
Après son service militaire, Davidson travaille comme photographe indépendant pour le magazine LIFE et, en 1958, devient membre à part entière de Magnum. De 1958 à 1961, il crée des séries d’œuvres essentielles comme Circus et Brooklyn Gang. En 1962, il reçoit une bourse Guggenheim et se consacre à montrer le mouvement afro-américain des droits civiques. En 1963, le MoMA présente au public les œuvres de ses débuts, une première exposition personnelle qui sera suivie de bien d’autres.
En 1967, Davidson reçoit la première bourse pour la photographie du National Endowment for the Arts. Pendant deux ans, il pointe son objectif sur la East 100th Street de Manhattan, un quartier pauvre et laissé-pour-compte. Ces photographies, exposées au MoMA en 1970, demeurent l’une de ses séries les plus appréciées. En 1980, il explore en images le milieu du métro de New York, sa vitalité et sa misère. De 1991 à 1995, il photographie le paysage et les différentes strates de vie de Central Park. Plus récemment, il poursuit cette exploration des espaces verts à Paris et à Los Angeles, examinant attentivement cette relation entre nature et vie urbaine.
Il vit actuellement à New York et continue de faire de la photographie.
Louis Faurer (1916-2001)
Louis Faurer est le fils d’immigrants originaires de la frontière russo-polonaise et passe les premières années de sa vie dans le sud de Philadelphie. Il commence ses études à la School of Commercial Art and Lettering de Philadelphie en 1937. Il travaille également à la commande, peignant des panneaux publicitaires et réalisant le lettrage d’affiches. La même année, il achète son premier appareil photo. À l’exception d’un cours d’introduction qu’il suit à l’armée, Faurer n’a jamais suivi de cours de photographie.
À la fin des années quarante, Faurer et plusieurs de ses collègues de Philadelphie ouvrent des studios à New York. Comme beaucoup de photographes de sa génération, il cherche du travail auprès de magazines, mais contrairement à ses pairs photojournalistes, qui firent carrière dans des publications telles que le magazine LIFE, il se tourne vers la photographie de mode. En 1947, on lui propose de rejoindre l’équipe du magazine Harper’s Bazaar. Le jeune magazine embauche également Robert Frank, récemment émigré de Suisse, et les deux artistes se lient immédiatement d’une amitié qui durera cinquante ans.
Au cours des années cinquante, Faurer commence à se concentrer davantage sur ses missions professionnelles, délaissant la photographie de rue, travaillant régulièrement pour des magazines tels que Glamour, Charm, Seventeen, Vogue et Mademoiselle. Il réalise la plupart de ses photographies de mode en studio.
En 1968, Faurer s’installe à Londres, puis à Paris, fuyant le trésor public américain et les problèmes de son mariage. Il revient à la photographie de rue à Paris, mais ses photographies de cette période n’ont pas la clarté de vision présente dans son travail des années trente jusqu’au début des années cinquante. À son retour d’Europe en 1974, il essaye de se remettre à photographier les rues à New York, mais la ville a changé et lui aussi. À l’automne 1984, alors qu’il descend d’un bus, Faurer est percuté par une voiture. Ce grave accident met concrètement fin à sa carrière de photographe. Il meurt à New York en 2001.
Robert Frank (1924-2019)
Robert Frank est un photographe et réalisateur de documentaires suisse qui obtint la double nationalité américaine. Il se tourne vers la photographie en partie pour fuir le cadre trop confiné d’un milieu familial tourné vers les affaires, et est formé par quelques photographes et graphistes (Jakob Tuggener et Gothard Schuh) avant de créer à la main son premier livre de photographies, 40Fotos, en 1946. Frank immigre aux États-Unis en 1947 et se fait embaucher comme photographe de mode par Harper’s Bazaar à New York. Il part peu après voyager en Amérique du Sud et en Europe.
En 1955, il reçoit une bourse Guggenheim pour parcourir les États-Unis et photographier les différentes couches sociales du pays. Il emmène sa famille avec lui pour une partie de ses aventures sur les routes au cours des deux années suivantes, pendant lesquelles il prend quelque 28 000 photos. Il en sélectionne 83 pour Les Américains, publié pour la première fois en 1958 par Robert Delpire à Paris. Ce livre révolutionne l’art photographique et reste peut-être le livre de photographie le plus influent du XXe siècle. Frank étend plus tard sa pratique artistique au cinéma et à la vidéo et s’essaye également aux manipulations photographiques et autres photomontages.
William Gedney (1932-1989)
William Gedney grandit dans le nord de l’État de New York, puis emménage à Manhattan à dix-neuf ans pour étudier au Pratt Institute. C’est là qu’il découvre son intérêt pour la photographie. Il obtient son diplôme en 1955, travaille pour Condé Nast pendant deux ans, puis démissionne pour se consacrer à ses projets personnels. Gedney emménage à Brooklyn, dans un quartier à loyer modéré, travaille en indépendant et prend des emplois à temps partiel. En 1961, il est embauché par Time Inc., où il se concentre sur la mise en page des photographies pour la publication. Au cours des trois années suivantes, il économise suffisamment pour se rendre dans l’est du Kentucky, et voyage jusqu’à une ville minière qui produit du charbon. Pendant un peu moins de deux semaines, il vit avec les membres de la famille Cornett et les photographie.
À partir du milieu des années soixante et pendant les années soixante-dix, Gedney reçoit quatre importantes subventions du milieu artistique, dont des bourses Guggenheim et Fulbright. La première lui permet de traverser le pays, du Midwest jusqu’en Californie. Il s’installe dans le quartier Haight-Ashbury de San Francisco où il photographie les routards de passage dans la communauté. Peu de temps après, Gedney se voit offrir un poste de professeur de photographie au Pratt Institute et à la Cooper Union. Il restera dans l’équipe pédagogique de ces deux écoles pour le reste de sa carrière. Quelques mois après avoir commencé à enseigner, il reçoit sa bourse Fulbright et part pour le premier de ses voyages en Inde, qui le marque profondément. Il décède de complications liées au SIDA en 1989. Le Pavillon populaire de Montpellier a organisé sa première exposition rétrospective, Only the Lonely, en 2018.
Sid Grossman (1913-1955)
Sid Grossman est né à New York. Alors qu’il est au lycée, dans le Bronx, il se passionne pour la photographie et rejoint le club de l’établissement. En 1936, il fonde la Photo League avec le photographe Sol Libsohn afin d’utiliser et de promouvoir la photographie comme outil pour provoquer un changement social. La Photo League propose des conférences et des cours, met à disposition des chambres noires, produit des expositions et des projets photographiques et publie un bulletin mensuel intitulé Photo Notes. En tant que directeur et enseignant de la Photo League, Grossman a une énorme influence sur un grand nombre de ses étudiants, notamment Weegee, Lisette Model, Leon Levinstein, Ruth Orkin, Arthur Leipzig, Rebecca Lepkoff et bien d’autres. La Photo League cesse d’exister en 1951 lorsque certains de ses membres sont injustement accusés de participer à des activités politiques subversives par Joseph McCarthy dans le cadre de sa campagne contre les « activités antiaméricaines ».
Grossman connaît ses années les plus productives juste après la Seconde Guerre mondiale. Il photographie Coney Island pendant les étés 1947 et 1948, ainsi que le festival de San Gennaro sur Mulberry Street dans Little Italy à Manhattan en 1948.
Ses œuvres plus tardives portent sur le paysage et les habitants de Cape Cod et sont publiées à titre posthume dans le livre de 1959 intitulé Journey to the Cape.
William Klein (1928- )
William Klein est né à New York. Après avoir terminé ses études secondaires en avance, il étudie la sociologie au City College of New York. En 1946, il s’engage dans l’armée et est stationné en Allemagne. Après s’être installé à Paris en 1948, il poursuit ses études à la Sorbonne.
En 1954, Alexander Liberman, qui est alors le directeur artistique de l’édition américaine de Vogue, demande à le rencontrer. C’est ainsi que commence son incursion dans la photographie de mode, ainsi que ses célèbres reportages photographiques, centrés sur différentes villes. Photographe pour Vogue pendant un bref retour à New York, Klein laisse libre cours à son inspiration et pousse la photographie de mode dans une direction inédite. Il capture le beau et le grotesque au téléobjectif ou au grand angle. Sortant ses modèles du studio pour les amener jusque dans la rue, ses techniques révolutionnent le monde de la photo et proposent une nouvelle vision.
Universellement reconnu comme un innovateur important de l’histoire et de la conception du livre photo, Klein publie son premier livre aux Éditions du Seuil, Life is Good and Good For You in New York en 1956, et celui-ci remporte le Prix Nadar l’année suivante. Saisissant l’agitation du quotidien, la sincérité brutale des images de Klein fait sensation. Il publie trois autres livres, chacun contenant des photographies d’une ville différente, Rome en 1959, suivi en 1964 par Moscou et Tokyo.
En 1958, Klein commence à explorer les images animées et crée un premier film pop, Broadway by Light. Il produit ensuite des longs métrages et des documentaires, notamment une satire sur le monde de la mode, Qui êtes-vous, Polly Maggoo? (1966), suivi de Loin du Viêt Nam (1967), Muhammad Ali, The Greatest (1969), et The Little Richard Story (1980). Son film le plus récent, Le Messie (1999), présente un résumé épique des thèmes récurrents à travers sa carrière artistique. Klein vit et travaille actuellement à Paris.
Saul Leiter (1923-2013)
Saul Leiter est né à Pittsburgh. Son intérêt pour l’art se manifeste lors de son adolescence, et bien qu’il ait été encouragé à devenir rabbin comme son père, il quitte son école de théologie et, à l’âge de 23 ans, emménage à New York pour s’adonner à la peinture. À New York, il se lie d’amitié avec le peintre expressionniste abstrait Richard Pousette-Dart, qui expérimente avec la photographie. Son intérêt pour la photographie est nourri par son amitié avec Pousette-Dart et, peu après, avec William Eugene Smith. Les premières photographies en noir et blanc de Leiter révèlent une affinité extraordinaire avec ce support. Dans les années cinquante, il commence à travailler également en couleur, accumulant un nombre considérable d’œuvres alors que ce média est encore balbutiant. Ses délicates photographies couleur ont souvent une qualité picturale qu’on ne trouve pas chez ses contemporains. À la fin des années cinquante, le directeur artistique Henry Wolf publie les photographies de mode couleur de Leiter dans Esquire et plus tard dans Harper’s Bazaar.
La première exposition de photographie couleur de Leiter a lieu dans les années cinquante au Artist’s Club, où de nombreux peintres expressionnistes abstraits de l’époque se retrouvent. Cependant le travail non commercial de Leiter demeure pratiquement inconnu du monde de l’art pendant les quatre décennies suivantes. Il continue à travailler comme photographe de mode durant les années soixante-dix. Leiter est aujourd’hui considéré comme un pionnier de la photographie couleur, et comme un photographe d’exception de l’après-guerre.
Leon Levinstein (1910-1988)
Leon Levinstein est né en Virginie-Occidentale. Il est enrôlé dans l’armée en 1942. Peu de temps après avoir été démobilisé, en octobre 1945, il s’installe à New York pour travailler comme directeur artistique dans l’agence de publicité de son cousin. De 1947 à 1948, il étudie avec John Ebstel et Sid Grossman à la Photo League, puis de 1948 à 1951 avec le peintre Stuart Davis et Alexey Brodovitch, le directeur artistique du Harper’s Bazaar, à la New School for Social Research. Pendant les années cinquante et soixante, ses photographies sont fréquemment publiées dans de grands magazines tels que Popular Photography et U.S. Camera Annual et il remporte le concours international de photographie de Popular Photography de 1952. Edward Steichen, photographe renommé et conservateur au MoMA, reconnaît le talent de Levinstein et inclut ses photographies dans neuf expositions collectives.
Leon Levinstein travaille rarement sur commande et ne réalise aucun livre de photographie. Il gagne sa vie en tant que graphiste, et non en tant que photographe professionnel. Il reste généralement à l’écart du monde de l’art. Ce manque de reconnaissance publique ne le freine aucunement et il s’adonne à la photographie toute sa vie durant.
L’œuvre de Levinstein révèle une virtuosité graphique particulière. Il se faufile dans les foules, s’y perd et observe des choses qui échappent à tout autre que lui. Photographiant des inconnus en plan rapproché, Levinstein capture les ruelles de New York qui encadrent les visages, la chair, les poses et les mouvements de ses concitoyens : couples, enfants, mendiants, prostituées, familles, femmes du monde ou amateurs de bain de soleil. Levinstein est surtout connu pour l’honnêteté et l’objectivité de ses études de personnages en noir et blanc, réalisées à travers tout New York, de Times Square et le Lower East Side à Coney Island en passant par Harlem.
Helen Levitt (1913-2009)
Née et élevée à New York, Helen Levitt prend la plupart de ses photographies dans les rues de cette ville. Son intérêt pour la photographie se révèle en 1931. Elle apprend les techniques de développement en chambre noire alors qu’elle travaille pour un photographe de portrait, et elle décide, à l’âge de seize ans, de devenir photographe professionnelle. Elle est particulièrement inspirée par les photographies de Walker Evans et Henri Cartier-Bresson, qui deviendront tous deux ses amis. Suivant l’exemple de Cartier-Bresson, Levitt achète un appareil photo 35 millimètres et choisit le sujet qu’elle poursuivra pendant les quarante prochaines années : la rue, cet espace de communauté, s’attachant particulièrement aux activités des femmes, des enfants et des animaux. Dès 1939, on commence à voir paraître ses images dans de nombreux magazines photographiques. Beaumont et Nancy Newhall organisent sa première exposition personnelle au MoMA en 1943. Trois ans plus tard, Levitt obtient une bourse de photographie du musée. Son travail trouve des soutiens assidus en Walker Evans et James Agee, ce dernier écrivant le texte de sa première monographie, A Way of Seeing (produite dans les années quarante et publiée en 1965 pour la première fois).
En plus des images en noir et blanc pour lesquelles elle est connue, Levitt travaille régulièrement en couleur à partir des années cinquante. L’acuité de ses représentations de la vie quotidienne dans les diverses communautés du New York des années quarante et cinquante lui vaut une très large reconnaissance.
Lisette Model (1901-1983)
Lisette Model est née à Vienne, en Autriche, où elle a étudié le piano et la composition avec Arnold Schönberg avant d’emménager à Paris. Elle abandonne sa carrière musicale en 1933 et découvre la photographie par le biais de sa soeur Olga et de son amie Rogi André, la femme d’André Kertész. Elle décide peu après de devenir photographe à temps plein et, en 1937, travaille brièvement comme apprentie auprès de la photographe française Florence Henri.
L’année suivante, elle immigre à New York, où elle rencontre des personnalités importantes de la communauté photographique, comme Alexey Brodovitch et Beaumont Newhall. Harper’s Bazaar, Cue et PM Weekly publient régulièrement ses photographies. Model fait partie du groupe de photographes de l’exposition « Sixty Photographs: A Survey of Camera Aesthetics », qui inaugure le département de photographie du MoMA en 1940. Elle enseigne également la photographie et influence grandement ses élèves, notamment la célèbre Diane Arbus.
L’œuvre la plus connue de Model est une série de photographies, réalisées avec un appareil photo 35 mm, qui montrent des passants sur la Promenade des Anglais à Nice et dans les rues du Lower East Side new-yorkais. Son œuvre est remarquable pour son attention aux particularités des gens ordinaires dans des situations du quotidien, et pour sa représentation franche et sincère de la vie moderne et de son effet sur la personne humaine. En tant que l’une des photographes de rue les plus influentes des années quarante, Model a redéfini le concept de photographie documentaire en Amérique et, à travers ses cours et ses conférences, elle a grandement influencé l’orientation de la photographie d’après-guerre.
Ben Shahn (1898-1969)
Très estimé en tant que graphiste et peintre social réaliste, Ben Shahn est né en Russie, alors tsariste, dans une famille de sculpteurs sur bois et de charpentiers. En 1906, sa famille fuit aux États-Unis et s’installe à Brooklyn. Shahn étudie à l’Université de New York et à la National Academy of Design où il acquiert progressivement une certaine réputation de peintre et graphiste. Au début des années trente, il partage un studio à Greenwich avec le photographe Walker Evans, dont il apprend beaucoup sur l’aspect technique du métier de photographe. Peu de temps après, Shahn commence à partager son temps entre la photographie et ses peintures et dessins. Il se rend souvent aux manifestations et piquets de grève. Il photographie les chômeurs et les sans-abris.
Dans ses peintures et dessins de cette époque, ou plus tard, entre 1935 et 1938, dans ses photographies pour la Farm Security Administration (la FSA, pour laquelle il travaille notamment avec Walker Evans, Dorothea Lange, Arthur Rothstein, Russell Lee), Shahn est attiré par des scènes humanistes. Il cherche à capter des expressions spontanées chez ses sujets dans des compositions saisissantes et réfléchies tout en conservant une impressionnante liberté dans leur conception.
Amateur de perspectives inhabituelles, Shahn utilise souvent un viseur à angle droit attaché à son appareil photo lui permettant ainsi de regarder vers le bas pour prendre des photos de sujets sur ses côtés à leur insu. À la fin de sa vie, Shahn est reconnu internationalement pour ses peintures, mais son œuvre photographique reste largement inconnu jusqu’à l’exposition historique, « Ben Shahn as Photographer », au Fogg Art Museum de Harvard juste après sa mort en 1969.
David Vestal (1924-2013)
Né en Californie, David Vestal étudie la peinture à l’Art Institute de Chicago entre 1941 et 1945. Il s’installe ensuite à New York pour poursuivre sa carrière de peintre.
Il commence à étudier la photographie avec Sid Grossman à la Photo League en 1947. Il développe une approche qui le distingue quelque peu des autres photographes de la New York School : il prend des photos isolées, la plupart fortement composées, plutôt que de travailler par projets ou séries, et il réalise peu de commandes. La majorité de ses photographies de rues et paysages urbains sont réalisées à New York.
Il enseigne tout au long de sa vie, à la Parsons School of Design, à la School of Visual Arts et au Pratt Institute. Dès le début des années soixante, David Vestal écrit sur la photographie et participe à l’édition de revues spécialisées comme Popular Photography.
Ses œuvres font notamment partie des collections du Metropolitan Museum of Art, du Whitney Museum of American Art et de l’Art Institute of Chicago. Il est représenté par la Robert Mann Gallery de New York.
Dan Weiner (1919-1959)
Né à New York, Dan Weiner étudie la peinture à l’Art Students League en 1937 puis au Pratt Institute de 1939 à 1940. Alors qu’il est au Pratt Institute, il rejoint la Photo League. À travers celle-ci, il découvre l’histoire de la photographie documentaire et le travail de Jacob Riis et Lewis Hine. Il se familiarise également avec les photographies de Dorothea Lange, Walker Evans, Henri Cartier-Bresson et Brassaï. En 1940, il enseigne à la Photo League et ouvre un studio de publicité.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il fait partie de l’armée de l’air américaine, il découvre le 35 mm. Ses expérimentations photographiques en petit format le poussent à fermer son studio en 1949 et à se consacrer à plein temps au photojournalisme. Durant les années cinquante, avec son épouse Sandra Weiner, qui est également photographe, il réalise des reportages pour des publications telles que Collier’s et Fortune. Son récit de la lutte pour les droits civiques à Montgomery, en Alabama, compte parmi les témoignages les plus puissants de ces événements dramatiques.
En 1956, il se rend en Union soviétique, en Roumanie, en Tchécoslovaquie et en Pologne pour capturer le mode de vie des habitants. Il meurt dans un accident d’avion lors d’un reportage en 1959, sans avoir jamais pu publier ces photos comme il le souhaitait.