« Ensembles » au Centre Photographique Marseille


Jusqu’au 10 avril 2021, le Centre Photographique Marseille présente « Ensembles » avec des œuvres de Suzanne Hetzel, Yveline Loiseur, Didier Nadeau et Arnaud Théval.

Cette remarquable proposition clôture un cycle de trois ans de résidence des artistes dans cinq cités de Marseille et d’Arles (Campagne-Lévêque (Marseille 15e), Les Néréïdes et le Bosquet (Marseille 11e), Val-Plan et La Rose (Marseille 13e), Les Arpèges (Aubagne), Pierre-Semars et Marius Maurin (Arles).

« Ensembles » au Centre Photographique Marseille - Vue de l'exposition
« Ensembles » au Centre Photographique Marseille – Vue de l’exposition

Dans le cadre des « Ateliers de l’image », un ensemble d’interventions développées depuis 2011 avec le bailleur social 13 Habitat, ce projet de création partagée entre artistes et locataires a été initié en 2017. Sa durée exceptionnellement longue (2017-2020) a permis de construire des relations de confiance entre les artistes, les lieux investis et les habitants qui y vivent. On trouvera dans le texte de Jean Schneider reproduit ci-dessous, les principales ambitions de ce travail qui a accompagné le centenaire de 13 Habitat en 2020.

«Ensembles » a été précédée par deux premières restitutions : en 2018 avec « Palmier, Miroir, Perruche/l’art du partage » aux Docks Village puis en 2019 avec « Palmier, Miroir, Perruche/2 » au Centre Photographique de Marseille.

« Ensembles » au Centre Photographique Marseille - Vue de l'exposition
« Ensembles » au Centre Photographique Marseille – Vue de l’exposition

Avec un parcours très bien construit et un accrochage remarquable, «Ensembles » mérite sans aucun doute un passage par le 74 de la rue de la Joliette dans le deuxième arrondissement de Marseille…
Visites sur rendez-vous : https://form.jotform.com/CentrePhotoMarseille/ensembles

On a particulièrement apprécié le choix très majoritaire de tirages contrecollés sur dibond qui élimine tout reflet et effet de miroir souvent désastreux dans les expositions photographiques. On remercie Yveline Loiseur d’exposer ses quelques épreuves sur papier Hahnemühle sans cadre ni verre de protection !

Didier NadeauLa Rose, 2021

Didier Nadeau - La Rose, 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Didier Nadeau – La Rose, 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

La visite commence par un ensemble de 15 photographies de Didier Nadeau, réalisées de la fin octobre 2019 à début mars 2020 dans les résidences du Clos et de Val plan à La Rose. L’accrochage en trois séquences (une ligne de quatre images, puis un bloc de neuf photographies et enfin deux clichés superposés) compose les fragments d’une partition inachevée qui débute avec le lit d’un cours d’eau bétonné et se termine par les méandres du métro aérien…

Entre les deux, des lignes qui s’enchevêtrent, des couleurs douces, des espaces vides et quelques figures qui se fondent dans le paysage… Ces pièces fugitives laissent le regardeur dans une étrange sensation de suspension…

En face, après le texte d’introduction de Jean Schneider, on découvre, épinglées au mur, les quatre publications qui accompagnent le projet : « Planter un palmier pour sa fille » de Suzanne Hetzel, « Images en partage » de Didier Nadeau, « Conversation pieces » de Yveline Loiseur, et « L’enfant, la mort et l’animal » d’Arnaud Théval. Elles sont consultables dans l’espace de lecture et disponibles à l’accueil.

« Ensembles » au Centre Photographique Marseille - Vue de l'exposition
« Ensembles » au Centre Photographique Marseille – Vue de l’exposition

Suzanne HetzelEnsemble, habiter / 1 & 2, 2021

Au centre du CPM, Suzanne Hetzel présente deux installations particulièrement captivantes qui vont au-delà de ses rencontres avec les habitants de deux anciennes cités SNCF d’Arles (Pierre Semard et Marius Maurin).

Suzanne Hetzel - Ensemble, habiter (1 et 2), 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Suzanne Hetzel – Ensemble, habiter (1 et 2), 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Dans Ensemble, habiter/1, magistrale composition qui occupe le fond de l’espace, Suzanne Hetzel propose de « relier des histoires individuelles à une histoire de luttes, de solidarité, d’écoute, et aussi à l’histoire de l’art ».

Tout commence avec une évocation de l’enterrement de Pierre Semard, cheminot communiste et syndicaliste livré aux nazis par Vichy et fusillé le 7 mars 1942 et se termine avec la vue d’un appartement vacant au rez-de-chaussée du bâtiment 2 de la cité Marius Maurin.

Suzanne Hetzel - Ensemble, habiter (1), 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Suzanne Hetzel – Ensemble, habiter /1, 2021. 13 photographies sur dibond, encadrées bois. Dimension de la composition 4,65 x 1,90 mètres – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Dans cet ensemble qui évoque un pêle-mêle, l’artiste convoque évidemment certains souvenirs. Mais elle laisse aussi au regardeur le soin de construire ses propres associations à partir, entre autres, d’un gant de travail, d’un jouet magique, d’une affiche militante, des mains de Pierrette Legendre petite fille de Pierre Semard, de quelques vues d’appartements, d’une radiographie de la colonne cassée de la chienne Linda ou du portrait de Anne-Marie Gasc, le regard tourné vers un ailleurs…
Le tout est dominé (écrasé ?) par l’horizon de la mort, donnée par l’homme mystérieux aux lunettes noires dans La Jetée de Chris Marker..

Suzanne Hetzel - Ensemble, habiter (1), 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Suzanne Hetzel – Ensemble, habiter /1, 2021 – Mémoire du train / Edmond Blanc, 2019 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Au centre de la composition, on remarque le discret reflet de l’avant-bras de Suzanne Hetzel dans l’écran d’un téléviseur…

Sur la droite, de l’autre côté du mur où Suzanne Hetzel avait installé en 2019 ses Fenêtres sur verre et le présentoir des cartes postales réalisées par les locataires, trois photographies encadrées sont posées sur cinq cales en bois… Ont-elles été oubliées à l’accrochage ? Attendent-elles un prochain déménagement ?

Suzanne Hetzel - Ensemble, habiter (2), 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Suzanne Hetzel – Ensemble, habiter / 2, 2021. 3 photographies, dimensions variables. Dimension de la composition 1,70 x 120 cm. – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Dans cette installation, on retrouve la dernière image de la composition Ensemble, habiter/1… S’y appuient deux vues d’éléments naturels photographiés avant et après la résidence à Arles : des troncs d’arbres autour d’une roche (Plage de Palombaggia, Corse, 2021) et un agave (Agave, La Ciotat, 2013).

Yveline LoiseurConversation Pieces #3, 2021 ; Sans titre, 2018-2020 et Proun n°1 à 4, 2021

Yveline Loiseur - Conversation Pieces #3, 2021 et Sans titre, 2018-2020 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Yveline Loiseur – Conversation Pieces #3, 2021 et Proun n°1 et 2, 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

La longue galerie courbe au fond de l’espace d’exposition est occupé par Conversation Pieces #3, 2021, une superbe série de Yveline Loiseur construite sur le modèle de la conversation piece, un genre qui se développa surtout au XVIIIe siècle en Angleterre. Ici, des enfants et des adolescents des Néreides sont photographiés dans des compositions qu’ils ont choisies avec Yveline Loiseur. Seuls ou en groupe, ils « campent des personnages de rêveurs ou d’artistes ». Le miroir, le reflet, le filtre ou l’ombre y sont souvent présents…

Yveline LoiseurConversation Pieces #3, 2021 – Sans titre, 2018-2020 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Yveline Loiseur - Conversation Pieces #3, 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Yveline Loiseur – Conversation Pieces #3, 2021 – Sans titre, 2018-2020 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Entre ces portraits, quatre petites sculptures sont installées sur les murs. À partir d’images réalisées par les habitants, elles associent photographies, bois, peinture et miroirs. Elles sont intitulées proun, en souvenir d’El Lissitzky qui au début des années 1920 appelait ainsi la plus par de ces œuvres (prouns = projets pour l’affirmation du nouveau). Ces constructions sont réellement fascinantes. Elles multiplient les points de vue singuliers, suggèrent d’improbables et captivantes perspectives…

Pour Yveline Loiseur, ces quatre prouns « invitent à une nouvelle expérience de l’espace et recomposent, dans des jeux de volume et de reflet, de plans et de diagonales, un possible modèle architectural ou poétique, qui n’est pas donné comme une évidence, mais comme un voyage du regard »

« Ensembles » au Centre Photographique Marseille - Vue de l'exposition
« Ensembles » au Centre Photographique Marseille – Vue de l’exposition

Après une chronologie sur l’histoire du logement social et une brève et anecdotique séquence d’archives, l’exposition se termine avec la projection du film d’Arnaud Théval L’animal me garde, 2021.

Arnaud Théval et Pauline Boyer - L'animal me garde, 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Arnaud Théval et Pauline Boyer – L’animal me garde, 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Dans cette œuvre troublante et poétique, le réalisateur interroge nos relations ambiguës aux figures animales à partir des récits d’habitants des quartiers nord à Marseille. Ce film prolonge d’une certaine manière « Le chant des réserves » qui avait été exposé au CMP, en 2019.

A lire, ci-dessous, le texte de présentation de Jean Schneider et les cartels en salle d’exposition

En savoir plus :
Sur le site du Centre Photographique Marseille
Suivre l’actualité du CMP sur Facebook et Instagram
Sur le site de 13 Habitat
Sur le Tumblr du projet
Sur les sites de Suzanne Hetzel, Yveline Loiseur et Arnaud Théval
Suzanne Hetzel sur documentdartistes.org et Yveline Loiseur sur dda-ra.org

Ensembles : Une présentation par Jean Schneider

Ensembles conclut un cycle de trois ans de résidence de chacun des artistes dans cinq cités ou résidences HLM de Marseille et d’Arles.
Les œuvres présentées font chacune installation, elles s’inventent à l’issue de ces années de travail individuel et collectif, de rencontres et d’échanges tant avec les habitants qu’entre les artistes. Trois années de maturation ponctuées d’expositions intermédiaires pour que chacun pose une proposition qui tienne à juste distance les représentations attendues de ces lieux et de leurs habitants.
Ici, le visiteur peut recevoir la tension entre bâti et nature que l’implantation de ces grands ensembles a instaurée ; l’architecture et ses formes devenues stéréotypes entre lesquelles la vie sociale se déploie ; l’actualité de la mémoire des combats pour que le logement de tous soit une réalité toujours inachevée ; ou l’instauration d’un rapport trouble à l’altérité qui se sublime dans l’animal de compagnie.
Ce projet de création partagée, confié au Centre Photographique Marseille par le bailleur social 13 Habitat a permis à chaque artiste de développer, sur un temps exceptionnellement long, un travail artistique élaboré à travers des rencontres et des initiatives proposées aux locataires. En lançant et soutenant ce projet, en laissant chaque artiste le développer à sa façon, 13 Habitat s’inscrit dans la continuité de la mission des « bailleurs sociaux » qui va au-delà de la fourniture d’un seul toit aux familles, notamment les plus défavorisées.
Pour les nombreux participants au projet, accepter de rencontrer un artiste sur la durée leur aura offert l’occasion de se nourrir à la source d’une réflexion sur ce que l’image raconte de nous aux autres lorsqu’elle est produite pour devenir publique. Chaque artiste, par la proposition qu’il a mise en place, s’est engagé dans l’échange pour développer une œuvre qui déplace les clichés et ouvre vers le monde.
Mêlant proposition et écoute, disponibilité et invitation à faire, chacun cherche à susciter le désir des habitants de participer et partager leurs expériences singulières. Ne nous y trompons pas : l’image ou le récit ne sont jamais ici dévoilement, indiscrétion ou jeu de dupes. La création partagée est une maïeutique : l’artiste, parce qu’il s’affirme et se présente comme auteur, explique et déploie son univers. Ainsi s’éveille et se nourrit le désir chez ses interlocuteurs : celui d’être entendu, celui d’être en confiance, celui de s’approprier une proposition artistique. Ces subjectivités qui deviennent forme se posent ailleurs, et sans justification, des représentations convenues, mauvaises ou bonnes, des « cités ».
Ensembles est accompagnée d’une publication par résidence, qui sera distribuée à chaque participant. Chacun des artistes aura développé son cahier singulier, un objet qui se tient entre la remémoration des paroles reçues, les images recueillies – montrées dans les deux expositions précédentes – et le fil d’un récit.
Jean Schneider

Didier NadeauLa Rose, 2021

Didier Nadeau - La Rose, 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Didier Nadeau – La Rose, 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Ensemble de 12 photographies couleur, tirages numériques contrecollés sur dibond, formats variables.

Dans cette résidence « exceptionnellement longue », les images présentées ici ont été récoltées de fin octobre 2019 à début mars 2020.
Une série de rendez-vous avait été programmée en mars 2020 pour vous photographier dans vos lieux. Des repérages, des prises de son et des démarches pour obtenir les autorisations pour réaliser un projet d’images en mouvement : tout cela ne verra pas le jour, ne sera jamais monté et n’apparaîtra même pas ici. Tout cela s’est achevé devant le mur du confinement. La longue liste de mes envies non réalisées et l’évocation de nos nombreuses rencontres. Le doux rêve de découvrir vos points de vue et d’ouvrir toutes les fenêtres du quartier. Tous nos échanges qui ne trouveront pas de place sur ce mur. Les tensions ou les richesses de nos rencontres ne seront peut-être pas suffisamment visibles. Les questions sur l’identité et l’appartenance à ce quartier ou à cette résidence du Clos ou de Val plan resteront sans réponse. Vous ne trouverez pas non plus d’images spectaculaires. De ces images qui collent à la cité.
De cette suspension devenue un inachèvement subsiste une promesse qui rappelle celle que contient l’adolescence. Ces images déjà autonomes laissent transparaître le secret, dévoilent des zones d’ombres, font entrevoir des désirs, elles sont chargées de vitalité et partagent l’espoir.

Suzanne HetzelEnsemble, habiter / 1 & 2, 2021.

Suzanne Hetzel - Ensemble, habiter (1 et 2), 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Suzanne Hetzel – Ensemble, habiter (1 et 2), 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Ensemble, habiter / 1 & 2 proposent chacune une composition d’images : une traversée poétique dont le point de départ est un enterrement hautement politique, et un appartement libre dans un logement collectif où l’extérieur est introduit.
Pour cette dernière saison dans les deux anciennes cités SNCF d’Arles — Pierre Semard et Marius Maurin — j’ai imaginé deux compositions photographiques qui cherchent à renouer avec l’aspect social et politique lié à l’habitat collectif. Si les rencontres, la participation, le partage et les récits étaient au cœur des deux premières saisons (réunies sous le titre Planter un palmier pour sa fille et exposées en septembre 2018 et 2019), cette dernière propose de relier des histoires individuelles à une histoire de luttes, de solidarité, d’écoute, et aussi à l’histoire de l’art.

Ensemble, habiter / 1
13 photographies sur dibond, encadrées bois. Dimension de la composition 4,65 x 1,90 mètres. Tirages : laboratoire photographique Rétine, Marseille. Encadrement : Créative Graphic, Aix-en-Provence.

L’engagement e t les revendications pour de meilleures conditions de travail et de vie des salariés semblent aujourd’hui une relique du XXe siècle. La vie du cheminot communiste et syndicaliste Pierre Semard, livré aux nazis par Vichy et fusillé le 7 mars 1942, est représentative de ce combat qui ne dissocie pas le travail de la politique.
La composition se construit à partir d’un photogramme de l’enterrement de Pierre Semard pour se déployer dans un maillage d’associations. Toutes les images sont liées au désir de solidarité, ou à celui de se projeter en intégrant au mieux nos souvenirs dans le cheminement de nos vies.
L’homme mystérieux aux lunettes noires est celui qui donne la mort à l’homme capable d’imaginer et de rêver à un autre temps dans un autre espace. Entendons l’avertissement : ne pas abandonner nos engagements, y compris ceux pour que l’image ne se réduise pas à la représentation de chose, mais soit la source de présence et d’associations poétiques.

De gauche à droite, de haut en bas :

– Obsèques de Pierre Semard (photogramme), Paris gare de Lyon, le 10 mars 1945 (après avoir été livré aux nazis et fusillé le 7 mars 1942) source : Ciné-archives, fonds audiovisuel du PCF, mouvement ouvrier et démocratique.
– Partager merci, affiche de Vincent Perrottet, avec l’aide du CNAP, 2000.
– Gant de travail /Chantiers naval La Seyne-sur-Mer, 2009.
– Garde-corps, bâtiment A, ancienne cité SNCF Pierre Semard à Arles, aujourd’hui patrimoine de 13 Habitat.
– Salle de bain, bâtiment 2, ancienne cité SNCF Marius Maurin, aujourd’hui patrimoine de 13 Habitat, Arles, 2019.
– La Jetée (photogramme), Chris Marker, Film 28 minutes, Argos Films, 1962.
– Mémoire du train / Edmond Blanc, 2019.
– La colonne cassée de Linda, chienne roumaine qui grâce à des dons de déplace aujourd’hui avec un chariot, source : association Delhia-Silence-Animal, 2017.
– Printemps 2019, photographie de Wahid Bahid, dans le cadre d’un atelier avec des élèves de la classe CE2 d’Eric Cosenza, école élémentaire Monplaisir à Arles.
– Histoire-Enfance, Pierrette Legendre Semard (vidéogramme), Pascal Convert, vidéo 11 minutes, 2011.
– Anne-Marie Gasc, habitante de la cité Marius Maurin à Arles de 1959 à 2000, photographie de 2020.
– Extérieur nuit, cité Pierre Semard, 2018.
– Salon au rez-de-chaussée, bâtiment 2, ancienne cité SNCF Marius Maurin, aujourd’hui patrimoine de 13 Habitat, Arles, 2019.

Ensemble, habiter /2
3 photographies, dimensions variables. Dimension de la composition 1,70 x 120 cm. Date de création : 2021. Tirages : laboratoire photographique Rétine, Marseille.

La base de cet ensemble d’images repose sur une des photographies de la composition Ensemble, habiter /1 : le séjour d’un appartement vacant de l’ancienne cité SNCF Marius Maurin à Arles. Viennent s’y adosser deux photographies d’éléments naturels : une imbrication de roche et d’arbre, et un agave. Aucune des trois images n’est fixée au mur, elles sont entreposées à cet endroit comme en attente d’un accrochage. Cette dépose apparente les associe en plans superposés plutôt que de les déployer au mur. Le spectateur lui-même pourrait – par la présence de son corps devant les photographies – représenter un plan supplémentaire pour la composition. L’espace vacant devient (pour la durée de cette exposition) habité par les plantes appartenant habituellement aux espaces d’extérieurs.

– Salon au rez-de-chaussée, bâtiment 2, ancienne cité SNCF Marius Maurin, aujourd’hui patrimoine de 13 Habitat, Arles, 2019.
– Plage de Palombaggia, Corse, 2021.
– Agave, La Ciotat, 2013.

Yveline LoiseurConversation Pieces #3, 2021 et Proun, 2021

Yveline Loiseur - Conversation Pieces #3, 2021 et Sans titre, 2018-2020 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Yveline Loiseur – Conversation Pieces #3, 2021 et Sans titre, 2018-2020 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Conversation Pieces #3, 2021 et Sans titre, 2018-2020
Ensemble de 20 photographies, tirage sur papier Hahnemühle contrecollé sur dibond, cadre bois, 70 x 70 cm et tirages sur papier Hahnemühle, dimensions variables

Proun n°1, 2021, Proun n°2, 2021, Proun n°3, 2021, Proun n°4, 2021, en collaboration avec Jean Schneider. Photographie, bois, peinture, miroir, dimensions variables

Placée sous le signe de l’architecture et sous les augures magiques du miroir, cette dernière saison dans le quartier des Néréides se décline en 2 pièces placées en reflet : un chœur d’enfants déployé en 20 portraits et 4 constructions installées sur les murs intitulées proun, en souvenir de l’artiste constructiviste russe El Lissitzky.

Les Prouns sont pensés à partir des images réalisées par les habitants au fil de rencontres, des ateliers et des promenades. Gardant vivante l’attention qu’ils ont portée à l’enlacement de la pierre et du ciment, au souffle du vent dans les rideaux, au tracé dansant d’un graffiti, tout ce qui décrit la vie intérieure d’un quartier, les photographies deviennent couleur, texture, motif, lumière et épousent les formes géométriques des immeubles. Les Prouns invitent à une nouvelle expérience de l’espace et recomposent, dans des jeux de volume et de reflet, de plans et de diagonales, un possible modèle architectural ou poétique, qui n’est pas donné comme une évidence, mais comme un voyage du regard.

Réactivant le modèle pictural de la conversation piece, tableau à mi-chemin entre le portrait, la scène de genre et le paysage représentant des groupes en conversation dans un espace domestique, la maison ou le jardin, les enfants et les adolescents des Néreides ont pris place devant l’appareil photographique au sein de compositions concertées dans l’esprit d’un petit théâtre de situation. Ils campent des personnages de rêveurs ou d’artistes, regardent le monde au travers de prismes colorés, en redessinent les contours et les couleurs, ou bien donnent à voir la construction d’un groupe.

Ces deux propositions, prouns et portraits, insistent sur les pratiques de la collaboration et sur l’expérience sensible. Elles rappellent qu’un être supposé fixé à une place est toujours en réalité participant à plusieurs mondes. (Jacques Rancière).

Arnaud ThévalL’animal me garde, 2021.

Arnaud Théval et Pauline Boyer - L'animal me garde, 2021 - « Ensembles » au Centre Photographique Marseille
Arnaud Théval et Pauline Boyer – L’animal me garde, 2021 – « Ensembles » au Centre Photographique Marseille

Film, 23 minutes. Texte et images : Arnaud Théval. Montage et composition sonore : Pauline Boyer

Pour cette commande, l’épineux problème est celui de ne pas reconduire les mêmes propositions standardisées sur les grands ensembles d’habitations populaires et leurs habitants. Où se situer sans être manipulé par des stéréotypes parfois attendus, ou alors générer soi-même une forme artistique prise entre deux croyances, souvent cataloguée dans un hors-champ de l’art ? Mal vu, pas vu…le malentendu est persistant. À l’instar des animaux en montagne, comment créer des chemins de traverses ou emprunter ces lignes de désirs urbaines pour répondre à la commande sans s’y perdre ?

L’idée que je me fais d’une ville se trame dans mon imaginaire irrigué par des clichés de tout poil. Il y a ces images hypnotiques, violentes ou poétiques sur les quartiers du nord de Marseille, dont certaines me renvoient à ma propre enfance au pied d’immeubles à la lisière d’une autre ville. L’image de l’oiseau en cage me revient comme une sensation d’enfermement et d’ennui au pied de ces architectures verticales. En même temps, une autre mémoire fait surface, celle d’un attrait pour l’animal tapi dans le fossé des promenades d’alors. Sur la route des quartiers nord, je retrouve les amorces de chemins oubliés.

Le film « L’animal me garde » se faufile dans les méandres de nos relations aux figures animales. Ma pensée s’est développée à partir de rencontres dont le prétexte fut leur présence (domestique, imaginaire, sauvage), puis construite par d’autres lectures et regards (philosophiques, artistiques). Les représentations de l’animal habillent nos vêtements, nos emballages alimentaires, elles décorent nos murs et se font domestiques pour notre plus grand bien. J’ai découvert que l’animal, en étant une autre figure de l’altérité, devient celui que l’on sauve et qu’enfant on voit disparaître dans une première rencontre avec la mort.

En enquêtant sur les chemins composites des imaginaires populaires, je me suis découvert dans ma propre relation à l’animal. Ma tendresse pour leur fragilité semble paradoxalement mettre à distance la mienne. Nos échelles de vie sont si différentes que mon attachement à eux paraît indéfiniment reconductible et périssable en même temps. Pourtant dans nos récits d’avant, ils occupaient en plus grand nombre et physiquement les lisières de nos vies. Un peu comme si l’animal était un gardien du temps, l’ultime témoin silencieux de nos cheminements vagabonds.

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