Retour sur la première de culot13 à Marseille…


Le 13 janvier 2022, pour la première de culot13, Victoire Barbot invitait Coline Cassagnou, Anne-Soline de Vaulx et Charlotte Perrin à prendre possession d’une vitrine cachée au 13 rue de Rome à Marseille dès 17 h…

Après une première annoncée en 2020, culot13 ouvrait enfin sa porte. Pour ce projet, Victoire Barbot affirme sa volonté d’ouvrir un nouveau lieu d’exposition, de rencontre et de discussion, ouvert au public, dans une vitrine invisible et oubliée au cœur de Marseille. Au 13 de la rue de Rome, derrière une porte opaque, entre deux commerces d’articles de sport, sur la gauche d’un couloir, un espace de 2,5 m attend d’accueillir 13 expositions qui se dérouleront tous les 13 de chaque mois de l’année 2022…

Dans sa présentation, Victoire Barbot précise :

« Ce lieu de vi(ll)e, passage invisible, passage recouvert, traversée dénonciatrice, reste clos, coincé entre deux commerces de proximité, un lieu égaré, un lieu d’égarés. Il souhaite devenir un point de rencontre où, tous les mois, se joignent les acteurs du monde culturel, les habitants, les flâneurs, les commerçants, les conteurs, les pensionnaires et les figurants et acteurs de Noailles.

La proposition est la suivante : le 13 de chaque mois, le SAS de culot13 accueille une manifestation que ce soit à l’occasion d’une exposition, d’une discussion, d’une lecture, d’un concert, d’un jeu, d’un repas…

Le projet fonctionne par invitation de culot13 à des artistes, commissaires musiciens, philosophes, politiques, restaurateurs, commerçants… qui pourraient à leurs tours proposer la monstration d’un artiste ou collectifs basés à Marseille, de tous médiums confondus ».

L’expérience attendue par Victoire Barbot paraît fonctionner comme elle l’imaginait. Le format d’un événement sur une seule journée, pendant trois heures et une jauge limitée à trois personnes en même temps dans l’espace d’exposition oblige les visiteurs à l’engagement d’un « rendez-vous ».

culot13 – Marseille le 13 janvier 2022 – Photo @Jerome_ingd

Il leur faut ensuite accepter de patienter dans la rue, une situation qui semble réussir à provoquer des rencontres espérées par Victoire Barbot. Les contraintes de culot13 imposent que les discussions se déroulent à l’extérieur du lieu d’exposition et elles soumettent le regardeur à une confrontation directe avec les œuvres choisies.

Pour cette première, « entre le soleil et la route 66 », Victoire Barbot a choisi de confronter le travail de Coline Cassagnou, Charlotte Perrin et Anne-Soline de Vaulx.

Dans le sas de culot13, on découvre en fond de vitrine un assemblage de six panneaux imprimés à Marseille sur lesquelles Charlotte Perrin reproduit en noir et blanc et à leur taille réelle des feuilles de placage de pin dans le sens du fil. Fixées par des clous sans tête, elles construisent par des raccords ouverts et symétriques des motifs de frisages qui évoquent plus les placages « au raccord ou en portefeuille » que ceux « en aile de papillon » chers aux ébénistes parisiens dans la première moitié du XVIIIe siècle. On pourrait aussi y voir une suggestion de tests de Rorschach dont il faut peut-être chercher la paréidolie dans les autres œuvres exposées…

On retrouve dans Imitation bois (imprimerie/Marseille) une forme proche de celles qui avaient été publiées dans « Plaisir Solide », un très bel ouvrage qui faisait suite aux résidences d’Hélène Bellenger et de Charlotte Perrin au 3 bis f, puis à leur exposition commune dans ce centre d’art situé dans l’hôpital psychiatrique Montperrin à Aix-en-Provence. On avait alors remarqué combien les dispositifs de Charlotte Perrin pouvaient interroger les fonctions du bâtiment et jouer avec les limites de l’espace d’exposition, en proposant au visiteur un jeu subtil et ludique avec celui-ci.

On retrouve ici sa capacité à questionner le lieu en y prenant place, mais aussi à offrir un « écrin » à ses partenaires, à partir de « formes élémentaires, mobilisant tour à tour le fragment, la répétition, la recomposition ».

Accrochés par des aimants au revers de la vitrine, trois dessins de Anne-Soline de Vaulx honorent la couleur. Par le geste fort de l’artiste, ils contrastent avec une certaine violence sur le frisage délicat où Charlotte Perrin a pris soin de « retirer » la couleur pour revenir au noir et blanc.

Sans titres, ils appartiennent à une série intitulée « des dessins avec V ». Les feuilles de ce corpus ont été réalisées lors d’une rencontre entre cette artiste autodidacte et Victoire Barbot à l’occasion d’une résidence dans une structure qui accueille des personnes porteuses de handicaps, à l’automne 2021.

Dès lors, les dessins de Anne-Soline de Vaulx se sont imposés avec évidence pour la première de culot13. Ces trois dessins exécutés de manière naïve et spontanée dégagent une puissance singulière…

Victoire Barbot et Coline Cassagnou se sont rencontrées à l’occasion d’une formation en design textile. La pratique du dessin de cette dernière, sans lien à celle du design textile, intéresse vivement Victoire Barbot qui souhaite la mettre en lumière pour l’ouverture de culot13.

Pour Coline Cassagnou, les trois œuvres exposées questionnent le souvenir et l’oubli avec une volonté de valoriser celui-ci.

Elle porte une affection particulière à la carte postale. Elle évoque son père qui achetait souvent la reproduction d’une œuvre sur ce support à la sortie des expositions…

Avec ce matériau, elle met en place une pratique de l’effacement par gommage de l’image représentée. L’idée est, dit-elle, « d’effacer la représentation pour faire appel à notre mémoire, quitte à ce que notre souvenir ne soit pas le bon… »

En dialogue avec les dessins de Anne-Soline de Vaulx, elle présente deux cartes postales où la représentation des œuvres a été entièrement effacée avant que les pelures de gomme récupérées ne soient refondues… Pour Victoire Barbot, les œuvres d’Anne-Soline de Vaulx et celles de Coline Cassagnou sont aussi liées par « le geste qu’elles y mettent, la même intensité, l’une pour remplir de couleur, l’autre par remplissage de blanc ! »

Sur la droite de la vitrine, on peut ainsi découvrir le « souvenir » du tableau Le restaurant de la Machine à Bougival (1905) de Maurice Vlaminck. Sur la gauche, c’est l’envers d’une carte postale gommée (Kabari Gipsy (2003) de Titouan Lamazou) qui est exposée.

Avec pertinence, Coline Cassagnou précise : « La gomme est un outil très intéressant, car il est lié à l’oubli (on dit gommer des souvenirs) et à la disparition… Par ailleurs, il permet de questionner la représentation d’un tableau sur carte postale sous une autre forme, sous une autre matière »…

Dans une sorte d’entre deux, sur un pilier qui est entre vitrage et fond de vitrine, Coline Cassagnou a accroché un calendrier où seules les fleurs d’un pastel de Jean François Millet (Le bouquet de marguerites, vers 1871) ont été gommées avec soin, sans que les pelures ne soient ensuite réutilisées. Le caractère fantomatique du résultat invite les regardeurs, et plus particulièrement les duchampiens, a (re)faire le tableau…

culot13 est soutenu par les Mécènes du Sud Aix-Marseille

En savoir plus :
Sur l’événement Facebook créé par culot13
culot13 sur Instagram
Victoire Barbot
sur le site des Ateliers de la Ville de Marseille

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