Valérie du Chéné et Régis Pinault au Mrac Occitanie à Sérignan

Sur le plateau de tournage. Objets à suppléments d’âme et tir à l’arlequin


Jusqu’au 26 juin 2022, Valérie du Chéné et Régis Pinault investissent le cabinet d’arts graphiques du Mrac Occitanie avec « Sur le plateau de tournage. Objets à suppléments d’âme et tir à l’arlequin ». Ce projet singulier est en grande partie construit à partir du film Un ciel couleur laser rose fuchsia, écrit et réalisé ensemble de 2017 à 2019 à Cerbère.

Véritable cabinet des glaces où de mauvais effets de miroir se disputent avec de multiples reflets capricieux, on sait combien cet espace est un lieu compliqué et piégeux… Il fallait donc pas mal de courage et d’audace aux deux artistes pour répondre à l’invitation de Clément Nouet, directeur du Mrac Occitanie et commissaire de l’exposition.

Avec talent et habileté, ils réussissent à déjouer les embûches et les traquenards de cet espace.

Au centre, ils ont fait le choix pertinent de présenter une vaste peinture murale (Darder ses rayons, 2022). Les 14 faisceaux lumineux de la composition jaillissent depuis l’angle de la cimaise en L.

Avec légèreté et discrétion, ils viennent se refléter et éclairer la vitrine qui leur fait face. Selon sa position, le visiteur peut percevoir des lignes colorées qui émergent du fond pour construire des liens entre les divers objets à supplément d’âme qui sont exposés…

Dans les deux vitrines, mais aussi dans l’espace du regardeur, un Rayon bleu glacial (2017) paraît s’être échappé du wall painting… à moins, qu’il ne s’y soit multiplié ?

On retrouve dans ce mural, l’expérience de Valérie du Chéné et sa pratique « de la couleur et de la forme autour de la rencontre et de la confrontation avec l’espace », après une formation « construite au carrefour de l’art et de l’urbanisme »… Certains se souviennent peut-être de son intervention au Crac à Séte, en 2014 avec les imposantes Aspiration I et II.

En plusieurs circonstances, elle a su jouer avec le point d’incidence, « rencontre d’un rayon lumineux et d’une surface dont la manifestation la plus connue est l’arc-en-ciel »…

Pour Darder ses rayons, il reste à découvrir où se cachent les prismes qui auraient pu disperser la lumière blanche en 14 couleurs dans l’angle des deux cimaises centrales…

En entrant dans le cabinet d’arts graphiques à droite, une première vitrine rassemble une partie des objets à supplément d’âme autour de l’affiche du film Un ciel couleur laser rose fuchsia. Pour les deux artistes, « ces objets parlent de l’avant, du pendant et de l’après du film »…

Sur la gauche de l’affiche, on découvre un Rayon bleu glacial, une Pierre verte, un Soleil bleu en carton peint fixé sur une tige en roseau et un ensemble de huit Poupées russes en bois dont le corps noir est décoré de pastilles colorées. Ces volumes sont accompagnés de quatre petites gouaches intitulées Laser, brun, vert, orange et bleu et d’une cinquième un peu plus grande (Les Cactus).

Sur la droite, après un Poteau surmonté d’une boule (de bilboquet ?), cinq Foulards suspendus précèdent un autre groupe de Matriochkas dont le corps noir est couvert de quelques touches de peinture blanche à l’exception de la plus grande. Trois gouaches (Rvb rouge, vert et bleu) pourraient faire pendant aux quatre Lasers

La seconde vitrine, expose d’autres objets issus du processus de fabrication du film. Comme les précédents, ils ont pour Valérie du Chéné et Régis Pinault « une présence autonome ».

Après avoir souligné que ces objets « affirment un récit à l’intérieur du récit », les deux artistes précisent :

« Activés comme “accessoires”, accompagnateurs de personnages et de situations, ils supportent une narration chargée de ce supplément d’âme qui nous parlent des choses. Ces objets ont donc une double parole, ils oscillent entre forme narrative à regarder et compagnons d’actions et de dialogues pour le film. »

Autour d’un troisième groupe de Matriochkas plus bigarrées, on retrouve une Pierre jaune, une Coiffe verte accompagnées d’un bilboquet et deux Rayons bleu glacial, le premier dans la vitrine, le second au dehors. Plusieurs gouaches complètent l’ensemble (Triangle horizontal, Rond horizontal à échelle, six Gouaches titre et sept Reflets)…

L’installation de ces objets à supplément d’âme met a priori les visiteurs dans une situation d’incertitude qui ne manquera pas de soulever quelques sourcils dubitatifs parmi eux.
Les plus rêveurs, poètes ou fantaisistes commenceront sans doute à tisser quelques fils narratifs pour en connecter certains…

Mais, c’est une fois que l’on pénètre dans la troisième partie de l’exposition que l’idée de Plateau de tournage fait sens…

Sur un mur, la projection du teaser de Un ciel couleur laser rose fuchsia présente de manière énigmatique plusieurs des objets exposés en un long plan séquence…

Pour en savoir plus, il faudra revenir au Mrac Occitanie le 15 mai 2022 à 15 heures pour voir le film en compagnie des artistes…

En attendant, on peut en lire le synopsis dans les lignes reproduites dans le guide de visite, ou ouvrir les tiroirs du meuble de conservation du cabinet d’arts graphiques et découvrir les 226 feuilles du Scénario dessiné d’Un ciel couleur laser rose fuchsia… et commencer un jeu de va-et-vient entre les dessins, les objets et l’idée que l’on se fait du film ou de celui que l’on aimerait réaliser…

Dessin 137, période 2, 2017 - Scénario dessiné, Un ciel couleur laser rose fuchsia, 2016-2018
Dessin 137, période 2, 2017 – Scénario dessiné, Un ciel couleur laser rose fuchsia, 2016-2018

Au-delà de la cimaise centrale, on découvre les 9 gouaches sur papier de la série Cibles – Tir à l’arlequin (2012) de Valérie du Chéné. Acquises en 2020 par le Mrac Occitanie, elles conduisent naturellement les visiteurs vers les salles où est présentée la nouvelle exposition des Collections du musée…

Valérie du ChénéCibles – Tir à l’arlequin, 2012 – Mrac Occitanie

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Synopsis du film Un ciel couleur laser rose fuchsia par Valérie du Chéné et Régis Pinault

« Le film est une narration expérimentale. Celle-ci se déroule sur une temporalité fictive d’une journée, du lever du soleil jusqu’au lendemain matin. Une déambulation dans Cerbère fait appréhender cette ville, une partie de son histoire et de ses mythes. Un bal magique en épilogue, entraîne les personnages principaux sur le toit plat du grand hôtel du Belvédère du Rayon Vert. »

« C’est l’histoire d’un millefeuille, une ville frontalière avec l’Espagne dont l’écartement des rails est différent, Cerbère. De haut en bas, le fantôme est l’Hôtel Belvédère du Rayon Vert à l’époque des transbordeuses d’oranges. Une mélodie à trois notes sort mystérieusement de la rambarde métallique surplombant la mer, le chant des sirènes. La mémoire collective peut parfois se transformer en mythologie. Les saynètes enchâssées les unes dans les autres, telles des poupées russes suscitent un suspens de pierres. Il est intéressant de voir comment on se débrouille pour traverser cette forêt Amazonienne. Et patati et patata. »

À propos des artistes : (extrait du dossier de presse)

Valérie Du Chéné

Pour Valérie du Chéné, il est important en tant qu’artiste aujourd’hui, de rendre visibles des mécanismes de vie ou des éléments de volume qui n’apparaissent pas ou plus: «rendre visible un morceau de réalité». Pour certains projets, Valérie du Chéné fait intervenir le langage sous une forme protocolaire d’enquêtes auprès de personnes volontaires avant de produire peintures, dessins ou sculptures («Lieux dits» au Japon [2010], «Lieux dits au Centre d’Art Contemporain Chapelle Saint Jacques» [2011], «Incidence à Paris» [2013]). En 2014, elle collabore avec l’historienne Arlette Farge à propos des archives judiciaires du XVIIIe siècle à Paris; un livre, «La Capucine s’adonne aux premiers venus», aux éditions La Pionnière, en découle, ainsi qu’une exposition, «L’Archipel», au CRAC Occitanie, à Sète. Parallèlement, Valérie du Chéné a fait en partenariat avec le Mrac Occitanie à Sérignan un travail avec les détenus du Centre Pénitentiaire de Béziers dont la restitution est un livre «En mains propres» édité par les éditions Villa Saint-Clair (2015), ainsi qu’une exposition, «Mettre à plat le coeur au ventre», au Centre d’art le BBB à Toulouse (2016). De 2017 à 2019, elle réalise avec l’artiste Régis Pinault le film «Un ciel couleur laser rose fuchsia» à Cerbère, en partenariat avec la Région et la Drac Occitanie et avec le soutien de l’association Shandynamiques et du centre d’art contemporain La Chapelle Saint-Jacques.

Valérie du Chéné est née en 1974. Elle vit et travaille à Coustouge et à Toulouse.

Régis Pinault

Régis Pinault joue avec la polysémie des formes, des mots et du langage pour mieux déconstruire le réel et susciter l’imaginaire du spectateur pris dans un va-et-vient entre réalité et fiction, prosaïsme et poésie, analyse et contemplation. La coexistence de différents degrés de réalité ou l’association d’images du quotidien empruntées à différents langages de la représentation (art, publicité, design, photographie, cinéma) sont à l’origine du sentiment d’inquiétante étrangeté suscité par ses œuvres. «Que l’abstraction se trouve emprunter en l’occurrence les modalités du mime n’est paradoxal qu’en apparence: l’abstraction comme on le sait a aussi été construite, et héroïquement sur l’excès d’attention que des artistes ont su porter aux qualités le plus concrètes des moyens de la production artistique. Tant il est vrai que toute démarche d’abstraction (c’est aussi le cas du langage) ne propose l’expérience d’un écart par rapport au réel que pour mieux nous y ramener, mieux, c’est-à-dire plus (ou au moins différemment) lucides.» (Jean-Philippe Vienne)

Régis Pinault est né en 1968. Il vit et travaille à Bordeaux et à Angoulême.

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