Nicolas Pincemin et Anne Saligan à la N5 Galerie – Montpellier


Jusqu’au 12 mars 2022, la N5 Galerie expose Nicolas Pincemin et Anne Saligan dans un projet intitulé « Mise en scène ».

Ludovic Allabert signe à nouveau un accrochage subtilement construit qui entremêle les tableaux de Nicolas Pincemin et les œuvres de Anne Saligan avec la volonté de proposer une « balade onirique et sensible entre représentation et imaginaire ».

Le galeriste joue intelligemment avec les contraintes et les atouts de son espace pour valoriser au mieux les pièces qu’il a sélectionnées et suggérer quelques rapprochements entre les univers des deux artistes.

On a quelquefois croisé le travail de Nicolas Pincemin à Marseille, notamment à la galerie béa-Ba. On se souvient tout particulièrement de sa participation à l’exposition « Extension de la pratique des idées », un projet passionnant imaginé en 2016 par l’artiste québécois Reno Salvail et par l’artiste marseillais Dominique Angel, montré à l’hiver 2018/2019 à la Salle des Machines de la Friche. En réponse à un protocole proposé par l’artiste et commissaire Ariane Plante de Montréal, il y présentait Canopée (2018). C’est cette imposante composition qui assemble huit châssis que l’on retrouve en ouverture de la « Mise en scène » conçue par Ludovic Allabert.

Au texte d’Ariane Plante qui évoquait la canopée comme un écosystème, un habitat et un motif sonore et lumineux, Nicolas Pincemin répondait avec un paysage troublant et mystérieux, survolé par d’étranges réflecteurs radar pour bateaux. Il y multipliait et superposait les techniques (huile, encre, fusain…).

L’œuvre était également présentée en 2020 au Centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques à Saint-Gaudens dans « La Pause », une exposition où des peintures de Nicolas Pincemin rencontraient des volumes d’Absalon.

À l’occasion de ce projet, le dossier de presse rapportait ces propos de Nicolas Pincemin qui illustrent parfaitement sa démarche artistique :

« L’artifice est ici une suite d’acrobaties visuelles faites d’écarts et d’astuces de peintre. L’illusion agit aussi bien sous l’effet d’un arbre surgissant que dans l’apparition d’un objet faussement géométrique. La toile devient une sorte de théâtre d’ombres mouvantes, ou un motif sérigraphié se servirait de lui-même pour satisfaire le trompe-l’œil à l’œuvre. Le jeu de plans en cascade m’assure avec soulagement que la toile possède bien une troisième dimension, le sfumato n’y sera pour pas grand chose cette fois-ci ! Au détour d’une rêverie hypnagogique, dans cet état propice et intermédiaire, je cède alors volontiers à la tentation d’une peinture offrant le spectacle de son propre simulacre. »

Face à cette œuvre imposante dans un camaïeu de verts et de gris, « Mise en scène » présente une toile de dimension plus modeste où dominent les tons fanés de roses et de mauves. Dans Cabane IV (2020), Nicolas Pincemin associe sérigraphie, encre et acrylique sur toile.

Au-dessus du bureau du galeriste, face à l’entrée, un tondo sur bois (Arbre beige, 2021) montre un paysage plus « classique », toujours mystérieux et désertique. Le motif de l’arbre est également présent dans une sérigraphie (Sans titre) imprimée par l’Atelier Tchikebe à Marseille.

Dans cette première partie de l’exposition, Ludovic Allabert a choisi d’accrocher de nombreux petits formats d’Anne Saligan.

Au-dessus d’une vitrine basse, on découvre une série intitulée Chutes de motifs (2018-2021) où elle combine des rebuts d’atelier et notamment les débris d’un bol en porcelaine et d’une assiette en faïence dans des compositions très réussies. On retrouve cette technique dans un ensemble de six pièces verticales rassemblées sous le titre Totems (2018).

À propos de ces Chutes de motifs, motifs de chute, commencés en 2018 à l’occasion d’une résidence à Échangeur 22, Anne Saligan écrivait :

« Les motifs sont inspirés de chutes, de débris de vaisselle récupérés et stockés : des objets décoratifs ou utilitaires parmi les plus courants de la vie quotidienne.

Dans mes recherches, chaque morceau, pièce de porcelaine ou de verre cassé s’est formalisé. Chaque forme est devenue motif par des jeux de répétition, invasion, propagation, extension, assemblage, disparition, dissolution…

Les motifs se sont ainsi multipliés sur des chutes de papiers, de bois, de tissus, de carrelage (des chutes de l’atelier, ce que l’on garde et qui reste dans l’expectative). Certaines pièces s’inspirent de l’art japonais du Kintsugi dont le but est de sublimer des objets fissurés ou cassés avec de l’or. Un art qui va bien au-delà de la réparation de la poterie.

Showzi Tsukamoto compare le Kintsugi à la paix “parce que les deux commencent avec quelque chose de cassé” et d’ajouter : “quelque chose de neuf et de beau renaît. Ton histoire est dans tes blessures, elle est la preuve que tu as vécu.” N’étant pas céramiste, c’est avec du tissu aux motifs fleuris, une chute, que j’ai opéré mes réparations ».

Combinant divers techniques sur papier ou sur bois, Anne Saligan expose également un ensemble intitulé Quelque part, un paysage. Parmi ces œuvres, un diptyque sur bois réalisé en 2020/2021 accroché sur la gauche et trois collages sur papier placés au-dessus de la volée de marche retiennent particulièrement l’attention.

Dans la salle voûtée, on retrouve le motif de la cabane que Nicolas Pincemin décline sur une toile de même dimension, en combinant les mêmes techniques (Cabane III, 2020).

Trois encres sur bois (Tondo, 2021) montrent de sombres paysages où les silhouettes noires des arbres sont envahies par des inondations hivernales.

Les couleurs de quelques plantes en pot (Intérieur, 2020) et un superbe arbre en fleur (Jardin , 2021) visible depuis l’entrée donnent un peu plus de chaleur à l’ensemble.

Dans cette même pièce, plusieurs Chutes de motifs et quelques Quelque part, un paysage de Anne Saligan sont accompagnés par une belle sélection de sa série I met flowers. Des tessons de plâtre ou de céramique et des boites servent de support au marouflage de tissus dont les motifs floraux trouvent souvent leur origine dans le nettoyage des pinceaux…

À lire, ci-dessous, le texte de présentation de « Mise en scène » et quelques repères biographiques extraits du communiqué de presse.

En savoir plus :
Sur le site de la N5 Galerie
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Nicolas Pincemin sur documentsdartistes.org
Sur le site de Anne Saligan

« Mise en scène » : Présentation par la N5 Galerie

« Toute œuvre d’art est un irréel » *
L’exposition propose une balade onirique et sensible entre représentation et imaginaire. Les artistes Nicolas Pincemin et Anne Saligan ouvrent notre regard au-delà d’une réalité immédiate, en utilisant une variation de médiums et de motifs comme espace d’expérimentations. Chacun, avec sa singularité, bouscule la notion de lecture et donc notre rapport à l’œuvre. L’image se forme dans le cerveau, sur le papier ou sur la toile, ce n’est juste qu’une question de support.
* in L’imaginaire, essai de Jean Paul Sartre

Les tableaux de Nicolas Pincemin, tant par les effets picturaux, par leur facture, leur composition et les sujets abordés, appartiennent à un courant de la peinture contemporaine qui s’appuie sur une tradition classique de la peinture moderne. Le paysage, sujet récurrent dans le travail de l’artiste, devient un objet d’étude qu’il dissèque, questionne et déconstruit. En y intégrant un glossaire de formes comme une suite d’acrobaties visuelles, la toile devient une sorte de théâtre. Plan sur plan, élément sur élément, son œuvre se construit comme une mise en dialogue de constituants hétérogènes entrant en résonance les uns avec les autres et qui malmènent alors l’image. Élaborant avec méthode une sorte de désordre sur la toile, l’artiste réorganise complètement la lecture. Ce jeu de plans en cascades, d’effets de figuration abordés, de variations de médiums déstabilise notre regard, nous sort d’un état contemplatif et nous incite à chercher, au-delà du visible immédiat, une réalité plus sous-terraine et fuyante.

Anne Saligan est une artiste pluridisciplinaire qui joue habilement de la métaphore pour bousculer l’idée première de la représentation. Dans les deux séries présentées, Quelque part, un paysage et Chutes de motifs, c’est tant le geste qui commande que les matériaux utilisés qui décident. Il est question de rassembler, de composer à partir de chutes de l’atelier. Bien plus que sa capacité à représenter une réalité, le jeu de l’artiste en questionne ici les fragments et use des moyens plastiques pour une autre figuration. Dans Chutes de motifs, l’artiste s’inspire de morceaux de verre, de pièces de porcelaine, de débris d’objets décoratifs ou utilitaires parmi les plus courants de la vie quotidienne. Ces morceaux ont des formes résiduelles plus abstraites et alors motifs par des jeux de répétition, invasion, propagation, extension, assemblage, disparition, dissolution…
À la manière de l’art japonais du Kintsugi, Anne Saligan dépasse une fois encore la question de la représentation. Acceptant les fissures de l’objet, l’artiste soigne les blessures d’une histoire passée et crée une œuvre contemporaine sous forme d’installation, comme pour opérer ses propres réparations.


À propos de Nicolas Pincemin

Vit et travaille à Marseille (Bouches du Rhône)

Formation :
2001 Licence d’arts plastiques, Université d’Aix-Marseille.
2000 Diplôme national supérieur en expression plastique (Félicitations du jury), École Supérieure des Arts Décoratifs (ESAD) de Strasbourg.
1998 Diplôme national en arts plastiques (avec mention), ESAD de Strasbourg.

Son travail est présent dans des collections publiques comme le Fonds communal de la Ville de Marseille et encore le Fonds régional d’art contemporain de la Région PACA.

Son travail a également fait l’objet de nombreuses expositions personnelles, notamment au Centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques en 2019, à la Maison du livre, du son et de l’image de Villeurbanne en 2013 ou au Château de Ratilly (Bourgogne) en 2018.

À propos de Anne Saligan

Vit et travaille à Roquemaure (Gard)

Formation :
2006 DNSEP Peinture, École supérieure d’art d’Avignon.
2000 DNAP Multimédia, École des beaux-arts de Poitiers.
1996 Maîtrise de sciences et techniques Information et communication d’entreprise, Université du Futuroscope.
Elle est également professeur d’arts plastiques en collège depuis 2015.

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