On trouvera ci-dessous de brèves impressions sur quelques expositions du PAC 202214Printemps de l’Art Contemporain à Marseille. La plupart feront prochainement de comptes rendus publiés en fonction des dates de finissage :

Depuis 2009, ce festival unique et inclassable multiplie les événements et les expositions dans une programmation toujours aussi foisonnante à Marseille et sur le territoire de la Provence.

Ne pouvant pas être présent pendant le week-end d’ouverture, ce retour sur le PAC 2022 est un peu plus réduit que les années précédentes.

Nicolas Daubanes – La grâce présidentielle à la Galerie Territoires Partagés

C’est sans doute une des expositions les plus fortes et poignantes du PAC 2022. Avec une évidence frappante, Nicolas Daubanes joue parfaitement des contraintes du lieu tout en longueur pour construire une installation/sculpture sur mesure qui place physiquement le visiteur, de manière presque angoissante, dans l’univers carcéral. Après avoir récupérer dans une ressourcerie montpelliéraine un stock de portes de la prison des Baumettes, il abandonne l’idée première d’en pulvériser certaines, de les réduire en poussière, pour créer une sorte de désert en rejouant d’une certaine manière la performance Autorisations : porte de l’ancienne prison de Chalon-sur-Saône de 2020 qu’il avait montré dans l’exposition « Personne ne t’entend crier » suit à une résidence Pollen à Monflanquin.

Nicolas DaubanesLa grâce présidentielle à la Galerie Territoires Partagés – PAC 2022

Pour « La grâce présidentielle », il a construit un couloir étroit et oppressant en utilisant ces portes de cellules, côté prisonnier. L’effet est saisissant… Dans un entretien avec Stéphane Guglielmet, Nicolas Daubannes souligne :

« La chose qui est sûre aussi, c’est que cette pièce, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, ce qui m’intéresse c’est qu’un certain nombre de personnes soit à moins de cinquante centimètres des portes de manière obligatoire, pour leur mettre dans la tête ce que c’est qu’une porte de prison. Qu’il y avait des gens enfermés ici il y a moins de six mois et elles sont dans cet état-là. Être enfermé aux Baumettes c’est ça. Donc qu’on aime ou qu’on n’aime pas ma proposition, à la limite on s’en fout, mais ça a une valeur documentaire forte. Et ce ne sont pas non plus les journées du patrimoine des Baumettes lors desquelles on fait le ménage, on ouvre la prison et on fait visiter aux gens le couloir qu’on veut. Là c’est vraiment un couloir dégueulasse, avec une porte qui sent la pisse, une porte qui est brûlée, une porte qui est tapée avec un tabouret …Cette pièce documente ce qu’est l’incarcération. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, le geste artistique reste un condensé de ce que c’est que d’être enfermé, tout simplement ».

Nicolas DaubanesLa grâce présidentielle à la Galerie Territoires Partagés – PAC 2022

A ne pas manquer !!! Jusqu’au 9 juillet 2022 à la Galerie Territoires Partagés au 81 rue de la Loubière dans le 5e arrondissement.

Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Spectaculaire et captivante, cette exposition est coproduite par le Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques) et La Criée, en partenariat avec le GMEM-CNCM.« Feux sacrés » marquera sans aucun doute cette édition 2022 du Printemps de l’Art Contemporain par l’intérêt de son propos et par sa remarquable scénographie. Son parcours s’articule en trois séquences.

Dans le hall du théâtre, Christian Sebille avec la complicité de Francisco Ruiz de Infante présente le troisième opus de Paysage de propagations.

Un ensemble de pièces en verre produites au Cirva est installé dans un « pré carré mécanique et organique » qui évoque le champ de fouille d’une improbable archéologie du futur. Avant de descendre dans la fosse aux allures de petit amphithéâtre, le visiteur peut agir sur une pédale pour déclencher l’exécution d’une composition musicale. Elle est interprétée par un orchestre de ballons, vasques, cymbales, soucoupes ou tiges en verre animés par des dispositifs mécaniques et numériques génératifs…

Christian SebillePaysage de propagations 3Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille – PAC 2022

Dans l’escalier et la mezzanine qui conduisent à la salle du petit théâtre, Morteza Herati, photographe afghan réfugié à Marseille et accueilli par le Cirva en août 2021, présente une série de huit impressions jet d’encre sur dos bleu. Il y confronte son regard sur les expériences de recherches menées et le souvenir de sa découverte du travail du verre à Herat en Afghanistan.

Morteza HeratiCirvaFeux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille – PAC 2022

La salle du petit théâtre accueille l’installation Feux Sacrés ! imaginée par Macha Makeïeff et Stanislas Colodier. Dans la pénombre, la directrice de La Criée et le directeur du Cirva mettent en scène une sélection de pièces « volontairement inachevées, choisies comme des fragments de recherche, des essais, des échecs, des récits ouverts à l’imaginaire ».

Ce projet concrétise l’ambition que Stanislas Colodier nous avait confiée peu après son arrivée au Cirva. Celle d’aller au-delà de la présentation d’œuvres abouties et d’exposer aussi « du “non formalisé”, du récit en cours de construction, dans un état encore relativement chaotique » et de ne plus montrer seulement « une relation académique à la création ». Feux Sacrés ! traduit parfaitement cette intention esquissée l’an dernier dans « Souffles » au Château Borély.

Les fragments de recherches choisis sont habilement associés à des outils et objets empruntés dans l’atelier. L’ensemble est superbement complété par une une bande son composée par Duuu radio et des vidéos de Camille D.Tonnerre.

Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille – PAC 2022

Dans sa note d’intention, le directeur du Cirva exprimait ainsi son ambition partagée avec Macha Makeïeff :

« Notre curiosité réciproque, nourrie par quelques intuitions, multiplie nos désirs. Créer un lieu nouveau : quelque part entre l’exposition et la mise en scène. Donner à voir : à mi-chemin entre l’observation et l’absorption. Donner vie à des objets : affirmer que tout acte de création n’est pas une forme inerte. Comment penser, faire et montrer en même temps ?
La scène et le verre, ces pièges à regard, contiennent des mondes dans lesquels son et lumière se diffractent et s’amplifient. A-t-on jamais rêvé de se retrouver de l’autre côté du verre ? Non pas en dehors, mais en dedans. Le théâtre est un espace clos ouvert sur l’imaginaire propre à animer la matière
 ».

Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille – PAC 2022

Faut-il ajouter qu’un passage s’impose par La Criée ? Attention, « Feux sacrés » se termine le 13 juin !

Ahram Lee et Flore Saunois au Château de Servières

Dans le cadre du PAC 2022, Martine Robin invite Ahram Lee avec « Lécher la peau de la pastèque —수박 겉 핥기 » et Flore Saunois qui présente « Entre la table et le vide », deux propositions majeures de cette 14édition du Festival.

Ahram Lee – « Lécher la peau de la pastèque »

Dans le premier espace, débarrassé de toutes ses cimaises, Ahram Lee propose une époustouflante exposition d’œuvres produites pour « Lécher la peau de la pastèque ». Sur plus de 20 mètres de long, les éléments d’un rideau de magasin en métal démantelé créent sur la droite un fascinant paysage de vagues qui évoquent à la fois l’environnement maritime de Marseille et les massifs calcaires qui l’enserrent.

Au sol, des chutes de bois de diverses tailles sont posées sur le chant. Toutes ont été récupérées dans divers ateliers d’artistes, de designers ou d’architectes qui sont membres du collectif des 8 Pillards. Elles dessinent une cartographie en trois dimensions où les îlots qu’elles construisent peuvent évoquer les quartiers de la ville.

Ahram LeeLécher la peau de la pastèque au Château de Servières – PAC 2022

En s’agenouillant auprès de ces sculptures, on découvre que des morceaux de phases y sont gravés au laser. Pas toujours très lisibles, ces mots transcrivent les souvenirs racontés par Patrick, un voisin de Ahram Lee avec lequel elle a longuement arpenté les divers lieux de Marseille.

Au fond de l’espace, le faisceau d’un laser de chantier oscille en fonction des vibrations transmises par un caisson de basse. Celles-ci reproduisent une interprétation sonore d’enregistrements récupérés par l’artiste au Marégraphe de Marseille.

Ce vaste paysage absolument captivant est accompagné par deux autres installations.

Récit de vie rassemble quelques réponses à une lettre envoyée par Ahram Lee où elle joue « sur une administration fictive, en référence à une réalité invraisemblable, réactivera virus papyrus, l’histoire d’un virus blanchisseur de papier ; une partie de mur s’ouvre pour devenir les archives des dossiers suspendus contaminés ».

Ahram LeeLécher la peau de la pastèque au Château de Servières – PAC 2022

À l’entrée de l’exposition, un ensemble de bristols au format carte postale reproduisent des fragments de conversation d’Ahram Lee avec des amis, des artistes, des voisins, des personnes rencontrées dans la rue… Ces morceaux de vie où se mêlent humour, tendresse et poésie sont assez emblématiques des œuvres rassemblées au Château de Servières.

Dans le texte qu’elle signe pour l’exposition, après avoir citer un passage repris par Michel Foucault dans Autres inquisitions de Borges « qui (dit) cite (r) le docteur Franz Kuhn, qui cite (rait) lui-même une certaine encyclopédie chinoise intitulée Le marché céleste des connaissances bénévoles », Ahram Lee écrit :

« Lécher la peau de la pastèque est ainsi une tentative de porter les voix basses et vulnérables. Porter les voix, m’est une ambition véritablement vertigieuse mais qui me séduit constamment. Dans cette proposition d’exposition, je pose des questions pour y répondre par une autre. Lécher la peau de la pastèque, le proverbe coréen qui conseille de prendre gardes aux approches superficielles, pourrait être également un risque à prendre lorsqu’on tend un pas vers les autres, vers ailleurs. Ou, par ce mouvement tangent, plutôt distancé que conquérant, nous pourrions frayer une voie pour la rencontre sans l’ouvrir. En tant qu’artiste exploitant les patrimoines matériels et/ou immatériels des autres, je prétends me porter et me comporter comme une traductrice. Ma place sera toujours, un demi pas en arrière du texte.
Et avec elle ce questionnement persistant, comment faire de la place pour ceux et celles qui ne sont pas encore là ?
C’est aussi pour interroger ma propre place
 ».

Flore Saunois – « Entre la table et le vide »

Dans le deuxième espace du Château de Servières, Flore Saunois qui occupe un des Ateliers de la Ville de Marseille au premier étage présente « Entre la table et le vide ». Son installation propose des conversations délicates, parfois murmurées, entre plusieurs pièces avec la volonté, écrit-elle, de « pointer non sur ce qui se donne à voir, mais sur comment cela se donne à voir. Aller-retours entre une chose et sa représentation avec pour sujet non l’image, mais ce qui en constitue les conditions d’apparition ».  

A l’entrée, tombant du plafond, on retrouve le grand rideau que l’on avait croisé à art-cade en 2020, puis à Art-O-Rama en 2022. L’armure satin de son tissage et sa teinte rose abricot attrapent la lumière en produisant d’insaisissables nuances. Deux morceaux de verre posés au sol viennent écraser les plis de la tenture. Ils reflètent imparfaitement l’image du regardeur. Intitulée Fenêtre (2022), cette installation fait-elle référence à la fenêtre de Léon Battista Alberti ? Quant au rideau, est-il ici un écho à celui peint par Parrhasios dans son duel avec Zeuxis ? Flore Saunois semble vouloir immédiatement interroger la représentation du réel…

On perçoit aussitôt qu’il ne s’agit pas d’un trompe-l’œil. Derrière on découvre une pièce de cinq centimes d’euros posée en équilibre sur la tranche. Un éclairage millimétrique met en opposition l’ombre portée et le reflet lumineux renvoyés par la monnaie de cuivre. Une utilisation subtile du lieu pourrait laisser croire que cette pièce s’est immobilisée après avoir dévalé la pente du dispositif qui protège la descente d’escalier…

Flore SaunoisComme un marcheur sur une droite infinie, 2022 – Entre la table et le vide au Château de Servières – PAC 2022

Le cartel précise que le titre ( Comme un marcheur sur une droite infinie, 2022) est emprunté à La probabilité, le hasard et la certitude, chapitre XII Les marches aléatoires, coll. Que sais-je? Il en cite cette phrase : « On peut se considérer comme un marcheur sur une droite infinie, partant à l’instant t=0 de l’origine, et faisant un pas en avant chaque fois que la pièce tombe sur face, et un pas en arrière, chaque fois que la pièce tombe sur pile ».

C’est face au rideau qui n’est pas celui de Parrhasios que se cache le vrai mirage. Pour l’apercevoir, il faut se baisser ou s’agenouiller pour voir derrière la cimaise par une « fenêtre » découpée au ras du sol. On y découvre une installation (L’intervalle (présent continu), 2019) où de l’eau se déverse dans six vasques translucides. En passant de l’autre côté du mur, et après avoir lu le cartel, l’illusion se dissipe et le mystère se dévoile. Des filets d’eau numérique coulent depuis des vidéoprojecteurs dans des récipients en savon…

En face, au milieu d’une petite pièce, une vasque semble s’être échappée de cette installation. Modelée en verre de sucre, elle contient un tas de silice. Utilisé comme absorbeur d’humidité dans les dessiccateurs et les sachets déshydratants, ce matériau qui ressemble à du sucre en poudre devrait retarder la destruction de son contenant…

Flore SaunoisSans titre, 2022 – Entre la table et le vide au Château de Servières – PAC 2022

En troublant la perception du visiteur, cette œuvre comme la précédente tente de « réconcilier les paradoxes physiques et temporels ». Là, six vasques en savon sont remplies d’une eau immatérielle qui ne la dissoudra jamais. Ici, une coupe en sucre est remplie de sel de silice qui retarde son inéluctable désintégration par l’humidité ambiante…


Dans le prolongement de la draperie de satin, un fragile rideau de perles (Sans titre, 2021), tombant des hauteurs du Château de Servières, est délicatement posé sur le sol. Précaires et peu visibles, ses grains de plastique thermoformable montés sur des fils captent discrètement la lumière.

Flore SaunoisSans titre, 2021 – Entre la table et le vide au Château de Servières – PAC 2022

Un peu plus loin, il faut lever les yeux pour remarquer une petite sculpture accrochée en hauteur. Pour des possibles malléables 3 (2022) est composé d’une équerre en verre de sucre sur laquelle est posé un dé à six faces en pâte à modeler. L’humidité de l’air entraînera l’inévitable dégradation du support, la chute du dé, et sa probable déformation… Il reste à parier sur le chiffre que le hasard rendra alors visible.

Au fond de cette salle, un miroir posé au sol et un tube de cuivre compose Indice de diffraction (2022). Cette pièce entraîne le regardeur dans une plongée vertigineuse au sein des entrailles ou plus exactement dans les combles du Château de Servières. L’artiste nous invite-t-elle à méditer sur la réfraction des ondes et à nous interroger sur les raisons pour lesquelles une paille ou un pinceau semble se fracturer dans un verre d’eau ?

Flore SaunoisIndice de diffraction, 2022 – Entre la table et le vide au Château de Servières – PAC 2022

À l’écart, « Entre la table et le vide » conserve avec deux tas d’affiches la trace de la performance Comme à dire L’envers est une chimère du vendredi 27 mai 2022…

Un passage entre la table et le vide s’impose avant le 15 juillet prochain pour découvrir l’incontournable manière avec laquelle Flore Saunois « dessine une dialectique constituée de jeux entre absences, présences, et “vues au travers de”, un trouble entre ce qui est, et ce qui pourrait être, entre matériel et immatériel, entre l’illusion et le tangible, une incertitude quant à la nature de ce qui nous est montré, tendant à déplacer les lignes de démarcation entre réel, imaginaire et illusion ».

Yto Barrada et Adrien Vescovi dans « Un dessin fait avec les pierres » au Studio Fotokino

Dans le cadre de l’exposition « Un dessin fait avec les pierres » que propose Fotokino jusqu’au 24 juillet, on a particulièrement retenu la conversation inattendue et très réussie entre les photographies d’Yto Barrada et les tableaux de draps d’Adrien Vescovi.

Au milieu de la salle, Adrien Vescovi présente trois grandes pièces produites par le Centre d’art Le Grand Café de Saint-Nazaire pour « Soleil Blanc » à l’été 2021. Elles structurent très largement l’accrochage et la mise en espace des œuvres réunies pour « Un dessin fait avec les pierres ».

Adrien Vescovi –  Soleil Blanc, 2021 – « Un dessin fait avec les pierres » au Studio Fotokino – PAC 2022

Le blanc immaculé de ses panneaux textiles sur lesquels se superposent des formes et des contre formes circulaires passées dans les bains d’ocre et de pigments contrastent fortement avec le noir et blanc des dix photographies de Yto Barrada. En même temps, une évidente correspondance s’impose avec les formes géométriques qui s’y inscrivent.

Vescovi peint avec ses ciseaux et sa machine à coudre pour composer et recomposer des tableaux qui s’ajustent aux espaces qui les accueillent.

Dans cette série – Exercices de couture (dessin sans fil sur papier), 2022 – Yto Barrada reproduit des exercices donnés à des apprenties couturières de Tanger, conçus pour apprendre à écrire des lignes à la machine avant de passer au travail sur tissu. La fiche de salle prend le soin de souligner : « ce qui attend parfois ces jeunes apprenties, c’est davantage le marché du travail à bas coût, dominé par les grands groupes de prêt-à-porter ayant délocalisé leurs usines au Maroc »…

Curieux face-à-face entre ces productions artistiques et la perspective d’un travail contraint pour ces jeunes femmes marocaines…

Yto BarradaExercices de couture (dessin sans fil sur papier), 2022 – « Un dessin fait avec les pierres » au Studio Fotokino – PAC 2022

Au-delà du propos de l’exposition, ce rapprochement entre les lumineuses pages extraites du « Soleil Blanc » d’Adrien Vescovi et les inversions en négatif des exercices de couture par Yto Barrada (à la manière des Black Paintings de Frank Stella) est sans doute un de ces moments inattendus et magiques que réserve cette édition 2022 du 14Printemps de l’Art Contemporain à Marseille.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille

Pour sa première exposition monographique d’importance à Marseille, Thomas Mailaender « entend enduire, insoler, couper, coller, tirer, relier, projeter, plonger, recycler, détruire et, d’un même mouvement, exposer tous ces faits et gestes » dans les espaces du CPM.

« Lumière Passion » est certainement la proposition la plus surprenante, le plus « culotée » et impertinente du PAC 2022.

Derrière la façade miroitante d’une improbable boutique, Thomas Mailaender a transformé les locaux du Centre photographique Marseille en un « joyeux bazar », un laboratoire foutraque entre « l’installation performée et la performance installée ».
Deux semaines avant le vernissage, Thomas Mailaender avait invité de public à assister, voire même à participer au montage de son exposition.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PAC 2022

Jusqu’au 10 septembre, il convie le visiteur à sortir, s’il le souhaite, de son rôle de regardeur pour mettre les mains dans la cuisine de ses ateliers depuis une serre « Transcryl » jusqu’à un labo argentique en passant par un séchoir à images, une vaste chambre à cyanotype équipée de deux bancs de bronzage UV et un espace d’édition où sur une table des livres photo attendent d’être démontés, disséqués et badigeonnés de divers produits chimiques.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PAC 2022

En fin de parcours, après un salon qui devrait permettre la vente de quelques productions, la salle de projection du CPM diffuse un film « work in progess » qui s’enrichit des événements qui se déroulent dans « Lumière Passion » depuis son montage jusqu’à son finissage.

Thomas Mailaender – « Lumière Passion » au Centre photographique Marseille – PCA 2022

Cette incontournable proposition rappellera de nombreux souvenirs à celles et ceux qui se sont approprié·e·s dans les années 1970 ces techniques simples et économiques pour manipuler et créer des images à des fins activistes dans la politique, la musique et les arts plastiques. Celles et ceux qui sont né·e·s avec les outils numériques pourront découvrir dans ce réjouissant capharnaüm qu’en cas de grand shutdown tout restera possible…

« Locus Solus » à Vidéochroniques

Videochroniques propose avec « Locus Solus » une déroutante exposition collective construite à partir d’une réflexion d’Édouard Monnet autour d’un duo James Graham Ballard/Robert Smithson auquel il associe également Tacita Dean.

L’exposition proposée par Vidéochroniques s’efforcer d’explorer un « dynamisme “ballardien”, que fonde une insaisissable géographie et une temporalité hésitante, entre présent visionnaire et futur imminent »….

« Locus Solus » – Vidéochroniques – PAC 2022

Dans un commissariat partagé avec Thibaut Aymonin, « Locus Solus » réunit des œuvres d’Antoine Bondu, Rebecca Brueder, Chloé Chéronnet, Gilles Desplanques, Sibylle Duboc, Stefan Eichhorn, Valentin Martre et Sarah del Pino.

Une visite trop rapide n’autorise pas une évaluation fondée de la pertinence et de la cohérence du projet. Elle permet toutefois d’apprécier la qualité des œuvres sélectionnées et de leur mise en espace construite, parait-il, sur l’idée d’une spirale expographique…

Chronique à suivre après un second passage par Vidéochroniques…

« Épochè (maintenant) » à art-cade – galerie des grands bains douches de la Plaine

On attendait beaucoup de ce volet marseillais d’un projet imaginé par Sally Bonn qui fait suite à celui (ici) en cours au Centre d’art Les Tanneries à Amilly.

Le texte d’intention de la commissaire et la liste des artistes sélectionnés annonçaient une proposition passionnante et une exposition collective qui pourrait faire date.

On était particulièrement séduit par cette idée « de faire une épochè, de circonscrire un espace et un temps qui soit celui de la suspension du jugement, de la catastrophe, du flux temporel. D’offrir une latence où les choses ne sont pas encore “réelles” et arrivées, mais flottantes ».

Un premier passage par art-cade m’a laissé dubitatif, embarrassé, avec le curieux sentiment qu’il fallait pour le moment, conformément au concept d’épochè, suspendre tout jugement…

Une seconde visite de l’exposition a malheureusement confirmé les premières impressions.

Tout dans «Épochè (maintenant) » semble presque parfait : l’intention, le choix des artistes et des œuvres, le soin porté à l’accrochage.

On peut certes être contrarié par des boîtes à papillons haut perchées, et par de méchants effets de miroir sur certaines œuvres au point d’en rendre certaines difficiles à contempler. On pense ici à la très belle sérigraphie d’Anne-Valérie Gasc (ZLOG-01_08_19-15_29_16, 2022) dont on ne peut voir que quelques détails sur les endroits où l’ombre portée du regardeur atténue les reflets.

Anne-Valérie GascZLOG-01_08_19-15_29_16, 2022 – « Épochè (maintenant) » à art-cade – galerie des grands bains douches de la Plaine

On pourrait également citer les photographies de Virginie Yassef ou le Chapitre 1 [maquette A4] d’Aurélie Pétrel ou encore les petites peintures sur papier d’Emmanuel Van der Meulen.

Certaines séquences sont très réussies. C’est notamment le cas, en début de parcours, du rapprochement entre le tirage numérique de Cécile Beau (Hu2 #3, 2021) et de la pièce de Katja Schenker (haushoch, 2021).

Un peu plus loin, l’ombre de la sculpture suspendue de Charlotte Charbonnel (Aérolithes, 2021) vient comme par enchantement s’intercaler entre la vidéo de Marco Godinho (As Close as Possible to the Sun, 2019) et le pastel sec sur papier de Benjamin Laurent Aman (Le long des falaises, 2018), malheureusement lui aussi contrarié par des reflets…

Dans la seconde galerie, les échanges entre les estampes poncées et le pastel à l’huile de Leïla Brett (Ensemble Paysage #2, 2022), le spray sur papier d’Arnaud Vasseux (Sans titre [Spray], 2010) et les quatre vidéos d’Estefania Peñafel Loaiza (La loterie à Babylone, 2017) embarquent le regardeur dans un moment de flottement où « les œuvres soulèvent et suspendent un instant le flux temporel et la durée »…

Faut-il mettre sur le compte de l’intensité du Printemps de l’Art Contemporain et/ou d’une usure de l’attention le fait que par deux fois ces moments sont restés éphémères et que globalement « Épochè (maintenant) » laisse l’impression que la mayonnaise quand elle prend retombe rapidement ?

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer