Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

François Bellabas, Olivier Cablat, Marina Gadonneix et Nicolas Giraud


Jusqu’au 28 janvier 2023, le Centre Photographique Marseille propose « Learning from Los Angeles », une exposition coproduite avec l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles à l’occasion des 40 ans de cette dernière.

Elle rassemble des travaux de François Bellabas, Olivier Cablat, Marina Gadonneix et Nicolas Giraud réalisés autour de Los Angeles sur des problématiques et à des époques différentes. Tous les quatre sont d’ancien·ne·s diplômé·e·s de l’ENSP : Marina Gadonneix en 2002, Olivier Cablat en 2004, Nicolas Giraud en 2005 et François Bellabas en 2015. Leur travail, largement reconnu, est régulièrement exposé dans les galeries, les institutions et les festivals. Il a souvent fait l’objet de publications et plusieurs de leurs œuvres sont entrées dans les collections publiques.

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022

« Learning from Los Angeles » les réunit autour d’une ambitieuse interrogation qu’Éric Gudimard formule ainsi :

« Comment Los Angeles se donne à voir comme modèle générique de la société contemporaine ? Et comment les formes de la ville et ce qui s’y construit servent de prototypes à l’organisation du monde post-industriel ? »

Sans surprise, les quatre photographes n’apportent modestement que leurs regards singuliers sur cette ville « mythique » et tentaculaire et sur les questions qu’elle leur a posées…

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022

Si les liens entre la métropole californienne et les photos de François Bellabas et Olivier Cablat sont évidents, par contre ceux-ci semblent un peu moins perceptibles avec cellles de Marina Gadonneix et Nicolas Giraud même si ce dernier est représenté par une galerie de la ville.

L’accrochage enchaine des séquences qui entremêlent les œuvres des quatre photographes sans que l’on puisse réellement y remarquer des rapprochements ou des oppositions qui fassent sens.

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022

Il semble que celui-ci ait été dicté par la taille des tirages et les contraintes imposées par les espaces d’exposition. L’ensemble est néanmoins très agréablement construit et éclairé avec soin.

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022

Les cartels sont absents. Il faut donc se reporter au document disponible à l’entrée qui associe les titres des œuvres à un plan de l’exposition. Le texte d’introduction d’Éric Gudimard que l’on trouve à l’entrée de la galerie y est également reproduit. Quelques lignes sur les œuvres exposées auraient été bienvenues. En leur absence, le recours à la personne chargée de la médiation est indispensable, sauf à très bien connaitre le travail des quatre artistes.

François Bellabas

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022

Le parcours commence par un grand tirage de François Bellabas qui est, comme toutes les épreuves exposées dans « Learning from Los Angeles », extrait de MOTORSTUDIES, un important projet de recherche, en cours depuis 2016.

Sur son site, François Bellabas décrit ce travail comme une interrogation sur « la mutation du modèle industriel américain en utilisant la machine comme ancrage, autant questionnée dans sa représentation qu’utilisée comme outil de mesure. La ville et les territoires intermédiaires sont vécus et expérimentés comme un organisme incertain. Chaque déplacement sert de médiation entre le lieu, l’opérateur et l’outil. Ces espaces sont photographiés ou filmés afin d’élaborer et d’augmenter une base de données ».

Cette première image, si on l’observe avec attention, montre des incohérences architecturales, l’emploi de curieuses matières et de surprenants défauts qui semblent aberrants chez un photographe professionnel. Certains s’apparentent aux glitchs (bugs) dans les rendus de texture pour certaines images de synthèse…

François Bellabas – MOTORSTUDIES_DATABASE_Drive-by-shooting_005-Iteration-001, 2022 © François Bellabas

Intitulée MOTORSTUDIES_DATABASE_Drive-by-shooting_005-Iteration-001, cette image a été produite en 2022 à partir d’une photographie de la base de données que l’on trouve un peu plus loin dans l’exposition (MOTORSTUDIES_DATABASE_Drive-by-shooting_005, 2016).

François Bellabas - MOTORSTUDIES_DATABASE_Drive by shooting_005, 2016 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
François Bellabas – MOTORSTUDIES_DATABASE_Drive by shooting_005, 2016 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Pour en comprendre la réalisation, il faut soit recourir aux explications de Clara Nebinger, chargée de la médiation, soit consulter le site de l’artiste.

Cette « Iteration-001 » de la photographie prise en 2016 a été élaborée « sur la base d’un dialogue machine-humain par l’intermédiaire d’algorithmes d’apprentissage automatique (GAN) ». Ces intelligences artificielles sont entrainées par François Bellabas à partir de ses images de MORTORSTUDIES_DATABASE. Ce projet, écrit-il, « explore l’espace latent et invisible de la machine »…

Les autres œuvres de François Bellabas exposées dans « Learning from Los Angeles » appartiennent à une série du même ensemble : MOTORSTUDIES_TIRERIBBON qui, par différents dispositifs, « aborde l’architectonique de la route pour interroger le fantasme et la plasticité du béton ».

François Bellabas - MOTORSTUDIES TIRERIBBON_Profil_01 et _02, 2021 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
François Bellabas – MOTORSTUDIES TIRERIBBON_Profil_01 et _02, 2021 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Les photographies de deux modules élémentaires (MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Profil_01 et 02, 2021) permettent de comprendre la construction de sculptures potentielles dont les images sont posées contre le mur un peu plus loin : (MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Sculptroad_01 et _02, 2021).

François Bellabas - MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Sculptroad_001 et _002, 2021 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
François Bellabas – MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Sculptroad_001 et _002, 2021 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Deux autres « Generated Photos » créées de toutes pièces par la technologie GAN, montrent audacieux et fantasmagoriques paysages de nœuds autoroutiers (MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Skyroad_01 et 02, 2022).

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022
François Bellabas – MOTORSTUDIES_TIRERIBBON_Skyroad_01, 2022 – Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022

L’ensemble est complété par un dispositif interactif conçu pour l’exposition. MOTORSTUDIES_EFLA (2022) propose, en utilisant une manette de jeux, de circuler dans les espaces du Centre Photographique Marseille pour une visite virtuelle d’une impressionnante exposition des sculptures de François Bellabas. Un détour par l’extérieur de la galerie ne doit pas être oublié…

François Bellabas – MOTORSTUDIES EFLA 2022 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

La découverte du projet de François Bellabas mérite à elle seule un passage dans « Learning from Los Angeles ».

Olivier Cablat

Olivier Cablat - California Crazy resurected, 2017 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Olivier Cablat – California Crazy resurected, 2017 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

C’est avec beaucoup d’émotion que l’on retrouve le travail d’Olivier Cablat sur les murs du Centre Photographique Marseille. On se souvient de son étonnante exposition DUCK, Une théorie de l’évolution lors des Rencontres d’Arles 2015 sous le commissariat de Sam Stourdzé. On se rappelle également la présentation de son projet Post Huître à l’invitation de Nicolas Bourriaud dans le cadre d’une exposition à La Panacée de Montpellier, en 2017.

Pour « Learning from Los Angeles », le CMP expose California Crazy resurected (2017), une imposante installation qui propose un regard « augmenté » d’Olivier Cablat sur l’ouvrage California Crazy : Roadside Vernacular Architecture, publié au début des années 80.

Jim Heimann et Rip GeorgesCalifornia Crazy: Roadside Vernacular Architecture, 1980- Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Présenté comme un anthropologue culturel, historien de Los Angeles et collectionneur passionné, Jim Heimann a écrit ce livre sur l’architecture délirante qui ponctue les bords de routes américaines depuis les années 20. Il y fait la description de restaurants, motels, stations-service et autres commerces ayant la forme de hot-dogs, de donuts, de chien, de cochon, de sphinx, de crapaud, de dinosaures, de chapeau, d’avions, de pianos, d’appareils photo, etc.

Dans la note d’introduction de California Crazy resurected qui surcharge le texte original, Olivier Cablat commence par ces mots:

« Plus qu’un guide touristique, le livre est une véritable invitation à vivre le paysage urbain avec lâcher-prise et fantaisie. En 2017, lors d’un voyage à Los Angeles, j’ai expérimenté physiquement toutes les adresses. Certaines architectures étaient encore existantes, d’autres ont changé d’emplacement et la plupart ont disparu. En tant que photographe, j’ai essayé de témoigner de tous les changements qui ont transformer ces paysages éphémères. J’ai réalisé qu’une photographie n’est pas l’accomplissement d’un processus mais une manifestation sans fin et non fermée du temps… »

Son installation oppose un exemplaire de l’ouvrage original, discrètement posé sur une tablette, et le déploiement d’un chemin de fer d’une « édition augmentée » ou toutes les pages de California Crazy : Roadside Vernacular Architecture sont reproduites.

Olivier CablatCalifornia Crazy resurected, 2017 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Les photographies des architectures partiellement ou totalement disparues sont recouvertes par un filtre gris foncé ou noir. Pour les édifices toujours en place, les photographies en couleurs d’Olivier Cablat, reproduites dans la maquette originale, sont encadrées avec soin.

Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Les visiteur·euse·s peuvent se saisir de l’exemplaire du livre de Jim Heimann et Rip Georges, puis en tourner les pages pour parcourir le chemin de fer de California Crazy resurected en suivant ces «manifestations sans fin et non fermées du temps »…

Marina Gadonneix

Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

De Marina Gadonneix, on se rappelle « Phénomènes », la superbe exposition qu’elle avait présentée pour les Rencontres d’Arles 2019 à la Mécanique Générale. Deux des photographies accrochées dans « Learning from Los Angeles » appartiennent à cette série qui documente des lieux de recherche scientifique consacrés à l’analyse et la reconstitution de phénomènes météorologiques et astrophysiques.

Marina Gadonneix - Untitled (Mars Yard) #6, 2016 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Marina Gadonneix – Untitled (Mars Yard) #6, 2016 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Untitled (Mars Yard) #6 (2016) semble très proche des épreuves exposées à Arles dont les clichés avaient été réalisés en 2015 pour les uns à l’ExoMars Rover Mission de l’European Space Agency and Airbus en Angleterre et pour l’autre au Centre national d’études spatiales de Toulouse. Ces deux sites disposent d’une réplique du sol martien fidèle aux conditions de terrain rencontrées par les véhicules Rover…
Sur l’image exposée à Marseille, on retrouve les traces laissées par le robot lors des tests auxquelles se mêlent des empreintes de pas…
Marina Gadonneix aurait-elle prolongé ce travail dans un laboratoire californien en 2016 ?

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022
Marina GadonneixUntitled (Tornado), 2016 – Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022

Un peu plus loin, l’impression dos bleu Untitled (Tornado) de 2016 est tiré à partir du même cliché que l’épreuve montrée à Arles en 2019. La photo a été prise au Wind Simulation and Testing Laboratory de l’université d’État de l’Iowa… assez loin de Los Angeles. Elle montre la reproduction en laboratoire de la dynamique de déplacement des tornades, phénomène météorologique plutôt rare en Californie, région assez éloignée de la Tornado Alley.

Marina Gadonneix - Untitled (Battle Field), 2012 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Marina Gadonneix – Untitled (Battle Field), 2012 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Plus ancien, Untitled (Battelfield) est un tirage sur dos bleu réalisé à partir d’une photographie de 2012. Elle appartient à la série Removed Landscape dans laquelle Marina Gadonneix photographiait des fonds d’incrustation, verts ou bleus des studios de télévision (peut-être californiens) où l’on tourne, entre autres, des émissions de météo…

Marina Gadonneix - Untitled (Moon), 2022 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Marina Gadonneix – Untitled (Moon), 2022 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Dans le couloir qui conduit au salon de lecture, sur une dernière photographie de Marina Gadonneix (Untitled (Moon), 2022), on découvre un clair de terre imprimé sur un papier peint qui tapisse la cage d’escalier d’un laboratoire qui pourrait être le célèbre JPL (Jet Propulsion Laboratory), centre de recherche spatiale de la NASA géré par le California Institute of Technology à Pasadena… Nous voici enfin dans l’agglomération de LA…

Nicolas Giraud

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © Nicolas Giraud, Adagp, Paris, 2022

Les photographies de Nicolas Giraud selectionnées pour « Learning from Los Angeles » sont sans doute les moins spectaculaires et probablement les plus radicales.

Trois énigmatiques photographies de sa série « Incidents » (2016-2019) sont accrochées à l’entrée de la galerie, face à l’installation d’Olivier Cablat. Les images n’occupent approximativement que deux cinquièmes du papier…

Nicolas GiraudSans titre, série Incidents, 2016-2019 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

On ne sait pas où ces images ont été prises… On reste perplexe sur les sujets représentés… Évoquent-ils de simples petits événements imprévus ou des difficultés peu importantes, mais susceptibles d’entraîner des conséquences plus graves ?

Nicolas Giraud - Tokyo (Tokyo), 2022 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Nicolas Giraud – Tokyo (Tokyo), 2022 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Plus loin, Tokyo (Tokyo), 2022 montre les éléments de la maquette d’une ville soigneusement rangés… Rien n’indique l’usage qui peut en être fait… Peut-être la simulation d’un séisme ou plus simplement le tournage de films ? La photographie a-t-elle été prise à Tokyo ? S’agit-il d’une représentation de la capitale japonaise archivée dans un hangar hollywoodien  ? Ici aussi, on reste un peu songeur… Cette photographie semble appartenir à une série. La communication du CPM a en effet diffusé une autre vue de cette maquette.

Nicolas Giraud - Sand Fire, 2016 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Nicolas Giraud – Sand Fire, 2016 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Sand fire (2016) regroupe trois exemplaires d’une même carte postale, collés sur le mur par un morceau de ruban adhésif. Le site de Nicolas Giraud apporte quelques précisions sur cette œuvre :

« Sand fire est une pièce qui doit être racontée. Il s’agit de l’expérience vécue d’un incendie géant dans le sud de la Californie. Une photographie prise à durant l’incendie a été éditée sous la forme d’une carte postale qui sert à marquer l’expérience et sa transmission sous la forme d’une histoire ».

Nicolas Giraud - Sand Fire, 2016 - Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Nicolas Giraud – Sand Fire, 2016 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

L’artiste semble coutumier de ces multiples qui peuvent être distribués jusqu’à épuisement de l’édition… Sand fire a été reproduit à 500 exemplaires.

À côté, cinq cartes postales anciennes sont assemblées dans un cadre photo multiple avec passe-partout… Intitulées YOUR CREDIT IS GOOD !, ces images appartiennent à la série « Various Disasters ». Toutes sont légendées et situées avec précision. L’une d’elles mentionne le copyright « S.F. Ruins Pub. Co » et la date de 1906. Elles représentent évidemment des immeubles en feu lors du grand incendie qui suivit le séisme de 1906 à San Francisco. Si la ville fut rapidement reconstruite, le désastre redirigea commerces, industries et population vers le sud, à Los Angeles, qui devint peu à peu la métropole la plus importante de l’ouest des États-Unis…

Nicolas GiraudYOUR CREDIT IS GOOD!, série Various Disasters, 2022 – Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Une autre photographie de cette série, intitulée Petrol, était posée sur une réglette à gauche de cet ensemble… Un·e visiteur·euse indélicat·e ou subjugé·e par le travail de Nicolas Giraud l’a emporté…

On aurait aimé un peu plus d’information sur les intentions de Nicolas Giraud. Ici aussi le recours aux explications de la médiatrice est absolument indispensable. Son site est assez peu éloquent.

Présenté comme artiste et théoricien, le Cnap (Centre national des arts plastiques) décrit ainsi sa pratique qui se « se développe autour des mécanismes de construction et de circulation de l’image » : « Il emploie les outils de la photographie et des arts visuels pour mettre en cause l’omniprésence des représentations dans des espaces devenus de purs décors. Par le moyen de la photographie, avec ses images ou celles d’autres, il envisage l’impossibilité de rendre compte d’un environnement désormais fluide »…

Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

On l’aura compris, les liens entre une bonne partie des œuvres exposées dans « Learning from Los Angeles » et la mégapole californienne sont très ténus. Par ailleurs, ces quatre artiste partagent peu de choses, en dehors d’avoir étudier à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, d’avoir séjourné à Los Angeles… et on l’espère d’entretenir des relations amicales.

On peut naturellement trouver cela un peu mince pour justifier une exposition…
Néanmoins, « Learning from Los Angeles » rassemble des photographes de grand talent.

Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille
Learning from Los Angeles au Centre Photographique Marseille

Les remarquables images de Marina Gadonneix sont sans doute celles qui paraissent les plus « hors-champs » par rapport aux intentions annoncées par Éric Gudimard. Le travail de Nicolas Giraud autour de la catastrophe et sa manière d’interroger l’exposition est probablement la proposition la plus déstabilisante.

La découverte du projet MOTORSTUDIES de François Bellabas et l’installation California Crazy resurected d’Olivier Cablat, indubitablement liés à Los Angeles, impose de toute évidence un passage par le Centre Photographique Marseille.

Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022
Vue de l’exposition Learning from Los Angeles, présentée au Centre Photographique Marseille du 05 novembre 2022 au 28 janvier 2023. © François Bellabas, 2022

Si l’on veut trouver une interrogation commune à ces quatre approches photographiques, il faut peut-être chercher du côté de la catastrophe annoncée, après le Big One, au-delà de l’anthropocène quand l’espèce humaine aura quitté la planète pour rejoindre Mars… comme semblent le suggérer les traces de pas dans une des images de Marina Gadonneix…
Est-ce un hasard si aucune présence humaine n’est décelable dans les photographies accrochées au Centre Photographique Marseille ?

Merci à Clara Nebinger pour son accueil et les échanges fructueux autour des œuvres exposées.

À lire, ci-dessous, le texte d’intention d’Éric Gudimard.

En savoir plus :
Sur le site du Centre Photographique Marseille
Suivre l’actualité du Centre Photographique Marseille sur Facebook et Instagram
Sur les sites de François Bellabas et Nicolas Giraud
Marina Gadonneix
sur le site de la Galerie Christophe Gaillard
Le dossier d’Olivier Cablat sur documentsd’artistes.org

Learning from Los Angeles : Texte d’Eric Gudimard

Quatre artistes réunis autour d’une question : comment Los Angeles se donne à voir comme modèle générique de la société contemporaine ? Et comment les formes de la ville et ce qui s’y construit servent de prototypes à l’organisation du monde post-industriel ?

Délaissant le folkore hollywoodien et le fantasme de la Californie ensoleillée, ils s’attachent à comprendre ce qui se fabrique dans les laboratoires, sur les échangeurs autoroutiers, derrière les façades et dans les canyons qui entourent la ville.

Fort de la leçon apprise à Las Vegas par Venturi et Scott Brown, Olivier Cablat explore l’architecture vernaculaire de Los Angeles. Dans l’inventaire de ces bâtiments décorés, il trace l’idée d’une mise en spectacle de l’architecture.

François Bellabas quant à lui décompose la ville et ses infrastructures en un système de circulation infini. Un modèle de ville qui fait écho à la Metropolis II de Chris Burden, espace abstrait d’un mouvement automobile perpétuel.

Marina Gadonneix explore de son côté l’histoire technique de la Californie, laboratoire scientifique de simulations d’événements a priori insaisissables, de la merveille à la catastrophe. Dans ses intérieurs énigmatiques, elle laisse entre autres deviner comment l’image est aussi un instrument pour la conquête de l’espace.

Enfin, la catastrophe – qui ne cesse d’être l’horizon du monde – affleure dans les compositions visuelles de Nicolas Giraud. Les incendies géants qui ravagent la Californie servent eux-aussi de modèles à un monde sur la brèche.

La confrontation de ces quatre regards se veut une tentative de comprendre ce que peut être la leçon de Los Angeles, face aux dérèglements urbains, climatiques, sociétaux.

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer