Samuel Spone et Archives & curiosités #3 à la Galerie chantiersBoiteNoire


Jusqu’au 23 décembre prochain, on peut (re)voir les grands formats de Samuel Spone rassemblés sous le titre « ARP 2500 » et découvrir quelques « trésors » conservés par Cristian Laune et qu’il expose dans la petite salle carrée et voûtée d’ogives de la Galerie chantiersBoiteNoire.

Samuel Spone – « ARP 2500 »

Samuel Spone présente sept grands formats verticaux récents et deux dessins où l’on retrouve l’univers singulier du diptyque Opéra (2021) qu’il avait exposé en compagnie Sam Krack et Gaétan Vaguelsy, à la fin de l’année dernière.

Samuel Spone - ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire
Samuel Spone – ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire

Dans cet ensemble de tableaux, Samuel Spone continue à explorer la technique très particulière mise en œuvre depuis quelques années. Des mélanges d’eau de javel, d’encres, de peinture construisent des décors spectaculaires et énigmatiques où aucune présence humaine n’est perceptible. Les deux toiles accrochées sur la gauche sont très proches dans leur facture et leur composition d’Opéra.

Pour les cinq autres, les coulures sont quelquefois remplacées par fines lignes verticales de pigments bleus ou ocres appliquées à l’aide d’un cordeau à tracer utilisé par les maçons.

Samuel Spone - ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire
Samuel Spone – ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire

Des marques de spay fluorescent, employé pour identifier les canalisations souterraines, « taguent » d’autres œuvres avec de courtes ponctuations dont certaines pourraient évoquer de mystérieux cocons…

Samuel Spone - ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire
Samuel Spone – ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire

Dans la toile placée au fond de l’espace d’exposition, un tableau dans le tableau semble se révéler.

On ne sait trop que penser de ces « surcharges » qui troublent un peu le regard. On peut certes comprendre leur existence à la lecture du texte qui accompagne ce projet. Toutefois, l’œil bute parfois sur ces « artefacts » et il est plus difficile de se perdre dans des perspectives improbables, les éclairs synaptiques et les ombres spectrales qui en surgissent ou qui s’y dissimulent.

Samuel Spone - ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire
Samuel Spone – ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire

Le titre choisi, « ARP 2500 », fait écho à un synthétiseur modulaire et analogique, produit dans les années 70. L’évocation de cet instrument fait naturellement penser aux compositions de Brian Eno et à quelques collaborations avec Robert Fripp, Peter Gabriel ou Laurie Anderson. Certains ne manqueront pas de se souvenir de morceaux de Tangerine Dream, de Faust ou aux premiers albums de Pink Floyd tels que le psychédélique The Piper at the Gates of Dawn avec Syd Barrett et le sombre A Saucerful of Secrets, même si ces deux albums n’utilisaient pas de synthétiseurs… Comment oublier la mythique BO de Blade Runner de Vangelis ?

Dans le texte d’introduction, de façon assez surprenante, on remarque le nom d’Eliane Radigue, compositrice française formée par Pierre Schaeffer. Assistante de Pierre Henry, elle s’en éloigne après plusieurs séjours aux États-Unis et la rencontre de La Monte Young, de Charlemagne Palestine, de Steve Reich ou encore de Philip Glass. À New York, elle découvre le synthétiseur modulaire ARP 2500 qui devient son instrument…

Samuel Spone - ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire
Samuel Spone – ARP 2500 à la Galerie chantiersBoiteNoire

On peut donc imaginer que les toiles exposées à la Galerie chantiersBoiteNoire ont été réalisées en écoutant la musique d’Eliane Radigue !

La citation en exergue de J. G. Ballard démontre aussi l’importance de certaines œuvres de science-fiction parmi les influences de Samuel Spone. S’y ajoutent naturellement les souvenirs d’ambiances surréelles de chantiers industriels et ceux de nuits à peindre « aux abords de l’A9 en chantier »…

Pour celles et ceux qui ont déjà vu « ARP 2500 », une seconde visite s’impose pour découvrir « Archives & curiosités #3 », mais aussi pour une magnifique petite œuvre de Samuel Spone, réalisée sur un velours rose fané, qui a remplacé le dessin accroché face à la porte de la galerie…

« Archives & curiosités #3 »

Dans la salle carrée et voûtée d’ogives qui ouvre sur la cour de l’Hôtel Baudon de Mauny, Christan Laune expose quelques « trésors » extraits de ses réserves, mais aussi des témoignages et des archives sur l’activité de la galerie depuis son ouverture en 1980.

« Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire
« Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire

Sur le mur du fond, un élégant accrochage « en nuage » regroupe plusieurs œuvres.

On y remarque un très beau bois sculpté de Philippe Cognée (1986), trois des nombreux autoportraits de Jacques Fournel, deux petites œuvres sur tissus de Noël Dolla et une grande feuille de François Bouillon et une curieuse pièce de Didier Mencoboni.

Philippe Cognée, bois sculpté et encaustique, 1986 - « Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire
Philippe Cognée, bois sculpté et encaustique, 1986 – « Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire

Une gravure de Robert Combas (Kamisole de force, 1978) fait un clin d’oeil à une sérigraphie du même artiste, isolée sur la gauche (Bite, couaille, cafétaria, camailleux, 1978).

Au pied de la volée de marches qui relie les deux espaces, le galeriste a réuni quelques artistes « marseillais » avec un superbe portrait/collage de Richard Baquié (L’absence n’a pas de sens, 1988) qui fait face à trois photographies malicieuses de Joachim Mogarra (La fée éléctricité, Terminal Fujica Mitsubishi, Stella houba houba, 1983).

Richard Baquié - L’absence n’a pas de sens, 1988 - « Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire
Richard Baquié – L’absence n’a pas de sens, 1988 – « Archives & curiosités #3 » à la Galerie chantiersBoiteNoire

Elles sont précédées par deux œuvres sur papier de Georges Autard : un de ses Tableau noir et Le piano de Beuys (1985).

Deux vitrines rassemblent des archives (photographies, catalogues, cartons d’invitation, etc.) qui évoquent les relations entre ces artistes et la galerie.

Passer un moment avec Christian Laune est toujours un plaisir. Il faut saluer son soutien continu aux jeunes artistes du territoire. Son travail et son expérience depuis plus de quarante ans à Montpellier et dans la région sont rares et essentiels…

Il serait utile qu’une recherche universitaire soit un jour engagé sur l’histoire de l’art contemporain à Montpellier et la région depuis la fin des années 1970. Nombreux sont ceux qui l’ignorent ou l’ont oublié. Certains pourraient penser que rien n’existait avant la création du MO.CO…

A lire, ci-dessous, la présentation de « ARP 2500 » par Samuel Spone.

En savoir plus :
Sur le site de la Galerie chantiersBoiteNoire
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Samuel Spone – « ARP 2500 » : Présentation

« Je crois à mes obsessions personnelles, à la beauté de l’accident de voiture, à la paix de la forêt engloutie, à l’émoi des plages estivales désertes, à l’élégance des cimetières de voitures, au mystère des parkings à étage, à la poésie des hôtels abandonnés. »
J.G. Ballard

Dans le contexte quelque peu dystopique dans lequel nous évoluons, les visions anticipatrices des œuvres de science-fiction des années 80 sont de plus en plus palpables.
Certaines de ces œuvres, littéraires ou cinématographiques, génèrent une tension particulière que Samuel Spone a pu rencontrer lors de ses balades nocturnes.
Comme, il y a quelques années, allant peindre de nuit aux abords de l’A9 en chantier, il se retrouva sur l’autoroute presque déserte, à proximité de machines titanesques tout droit sorties de Blade Runner.
Il y a aussi les terrains vagues. Dans ces lieux, l’ambiance est surréelle, on peut lire le passage du temps sur la matière : amas d’objets fusionnés, odeurs de pourri, moisissure, rouille, peinture brûlée par le soleil. Pour Samuel Spone cette atmosphère particulière entraîne le spectateur dans une ambiance nocturne – industrielle faisant écho à la science-fiction mais aussi à la musique Ambiant, à celle d’Eliane Radigue, de Wolfgang Voigt, …
L’artiste développe un imaginaire singulier en évitant les formes trop figuratives, pour concentrer sur la surface de la toile une substance énigmatique en hyperactivité qui magnétise littéralement le regard et l’imagination.
Les peintures, souvent de grand format, mettent en œuvre une alchimie singulière de nature urbaine, composée de détergents tels que la Javel. La réaction chimique qui
intervient produit à ses yeux un instant d’incandescence réel qu’il tente de fixer sur la toile.
L’ajout de substances colorées est inspiré par l’esthétique brute du chantier, comme les repères tracés au spray par les techniciens pour identifier les canalisations souterraines, sorte d’écriture mystérieuse, de tag sur bitume.
Il y a aussi les pigments bleus ou ocres utilisés par les maçons à l’aide du cordeau à tracer.
Dans les tableaux de Spone la perspective est présente, créant une illusion de profondeur. Une perspective faisant référence aux plateaux scéniques du Théâtre, aux films de Meliès, aux châteaux de Mario 64, là où l’immersion dans la peinture serait possible…
 
Ça m’est égal, de toute façon, je Voyage au bout de la nuit. 
Lemmy Caution, Alphaville,  JLG, 1965.

Samuel Spone, né en 1992, vit et travaille à Sète. Après avoir obtenu un dnsep à l’EsbaMo.Co en 2019, il est lauréat du Château Capion dans le cadre des Résidences hors les murs du Mo.Co 2020.
Expositions récentes et à venir :
Opéra, avec Gaétan Vaguelsy et Sam Krak, galerie chantiersBoîteNoire, Montpellier, 2021
Drift project, Ateliers de la ville de Marseille, Marseille, 2022
Ouverture d’atelier, Les eaux blanches, étang de Thau, Sète
ARP 2500, galerie chantiersBoîteNoire, Montpellier
La fashion fripe, Eglise des frères prêcheurs, Arles
Le Kiasma, Castelnau-le-lez, 2023

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