John Armleder – Yakety Yak au Mrac à Sérignan


Jusqu’au 24 septembre 2023, John Armleder présente « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan, une magistrale exposition qui s’affirmera sans doute comme une des propositions majeures de la période estivale dans la région Occitanie et dans le Midi.

Dans une période marquée par un retour parfois pesant à une peinture figurative où l’habileté du métier le dispute occasionnellement à quelques balourdises, « Yakety Yak » apparaît comme un événement singulier et rafraichissant.

John Armleder - Yakety Yak, 2022 - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – Yakety Yak, 2022 – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

L’humour, la dérision et le hasard font se succéder sans souci de hiérarchie, assiettes blanches, tubes au néon, tableaux abstraits, planches de surf, mobilier et objets de design, boules à facettes, sapins de Noël. « Le tout se côtoie selon un principe d’équivalence généralisée » qui n’hésite pas à multiplier clins d’œil, appropriations et citations…

John Armleder - Sans titre (Furniture Sculpture), 1988-2023 - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – Sans titre (Furniture Sculpture), 1988-2023 – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

« Je n’ai jamais voulu affirmer un genre. C’est un peu mon côté Picabia. Je fais un peu de « tout » tout le temps » confie John Armleder à Julien Fronsacq.

John Armleder - Universal Disco Balls, 2006 - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

Avec une élégance et un léger sourire teinté de malice, John Armleder déclare être « post-tout ». Sans renier un héritage duchampien affirmé, ses proximités avec Fluxus et John Cage dont les deux versions de 4’33’’ restent un modèle idéal, il cultive une évidente disponibilité à laisser les choses au hasard, à « combiner le “lâcher prise” avec “une forme d’expressivité sans subjectivité” »…

John Armleder - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

Dans son texte pour Pleased to meet you, Jill Gasparina résume ainsi la démarche de John Armleder :

« Plus que l’imagination, c’est l’acceptation du hasard, de l’imprévu, de la maladresse qui caractérise la position d’artiste d’Armleder. “Je n’y suis pour rien”, se plaît-il à répéter. Cette intentionnalité paradoxale, cette validation a priori de toutes les analyses, de toutes les formes, de tous les styles, de la “géométrie élégante” à l’abstraction matiériste en passant par le look industriel ou pop propre aux objets ready-made qu’il intègre dans certaines installations, peuvent se prêter à de nombreuses interprétations (notamment politique : c’est l’anarchie dans les formes) ».

John Armleder - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

Évoquer l’accrochage, une articulation entre les œuvres et une construction du parcours relève du non-sens chez John Armleder qui joue de façon déconcertante de tous les protocoles d’exposition et laisse aux visiteurs le soin de faire ce qu’ils/elles veulent de ce que l’artiste à mis en jeu.

John Armleder - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

Dans son texte de présentation, Clément Nouet, directeur du Mrac et commissaire de l’exposition, souligne :

« Le titre “Yakety Yak” renvoie à l’idée souvent exprimée par John Armleder selon laquelle les œuvres d’art n’ont pas besoin des artistes dans la mesure où l’art résulte d’un ensemble de circonstances historiques, économiques et sociales. Ce sont ces circonstances qui “créent”, sous couvert, en somme, des artistes. Face à la méfiance et à l’anxiété du moment, John Armleder propose avec humour (toujours !) un grand “bla bla bla” au Musée régional d’art contemporain Occitanie à Sérignan, nous invitant à partager nos émotions communes et des échanges de regard ».

Clement Nouet et John Armleder - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
Clement Nouet et John Armleder – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

On ne saurait écrire mieux que ces quelques mots avec lesquels le commissaire termine son texte :

« On l’aura compris, l’exposition “Yakety Yak” est inclassable et généreuse comme l’artiste, élégante comme le dandy qu’il est, piquante comme cet “Apache” genevois et riche d’émotions comme ce somnambule pince-sans-rire. Ici plus besoin de parler pour ne rien dire, seulement se laisser porter par le regard et la musique du youkoulélé que l’artiste affectionne tant ».

John Armleder - Sans titre (FS), 2001 - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – Sans titre (FS), 2001 – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

On citera également ces quelques lignes extraites de la quatrième de couverture de la publication produite par le Marc : « S’il prend très au sérieux son manque de sérieux, c’est pour mieux inviter à le suivre dans son œuvre optimiste et joueuse, irrésistible et impertinente. “Pleased to meet you, hope you guess my name : John Armleder” ».

Faut-il ajouter qu’un passage par le Mrac s’imposer comme une évidence incontournable ?

Commissariat avisé et engagé de Clément Nouet.

« Yakety Yak » est accompagné par une publication aux éditions Semiose, quinzième numéro de la collection Pleased to meet you produite par le Musée régional d’art contemporain Occitanie. Une conversation avec John Armleder et Julien Fronsacq, conservateur en chef au MAMCO de Genève, est suivie par un essai (Facéties) de Jill Gasparina, critique d’art, commissaire d’exposition indépendante et enseignante à la HEAD – Genève. Ces textes précèdent un portfolio avec les principales œuvres de l’exposition, reproduites dans des dispositifs antérieurs et des images d’archives inédites et de la création des œuvres produites pour « Yakety Yak » dans l’atelier de John Armleder à Genève.

Comme toujours, l’équipe de médiation du Mrac met à la disposition des visiteurs plusieurs documents remarquables et notamment une fiche de salle très complète disponible à l’accueil et téléchargeable sur le site du musée.

À lire, ci-dessous, le texte de présentation de « Yakety Yak » et quelques repères biographiques extraits du dossier de presse. Cette chronique sera ultérieurement enrichie par quelques regards sur l’exposition.

En savoir plus :
Sur le site du Mrac
Suivre l’actualité du Mrac sur Facebook et Instagram
John Armleder sur les sites des galeries David Kordansky Gallery (Los Angeles et New York), Almine Rech (Paris, Londres, New York, Shanghai), Andrea Caratsch (Saint Moritz) et Catherine Issert (Saint Paul de Vence).

John Armleder - All Night Party III (FS), 2003-2023 et Universal Disco Balls, 2006 - « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan
John Armleder – All Night Party III (FS), 2003-2023 et Universal Disco Balls, 2006 – « Yakety Yak » au Mrac à Sérignan

John Armleder – « Yakety Yak »

Peintre, performer, curateur, collectionneur, éditeur, galeriste, John Armleder (1948, Genève) est une figure majeure de l’art contemporain. Son œuvre est littéralement polymorphe : elle n’est pas identifiable à un médium, une procédure, un style ou un univers esthétique. Son travail se déploie sous de multiples apparences, se répète ou se métamorphose, sans jamais se développer autrement qu’au gré des circonstances.

Le titre de cette exposition « Yakety Yak renvoie à l’idée souvent exprimée par John Armleder selon laquelle les œuvres d’art n’ont pas besoin des artistes dans la mesure où l’art résulte d’un ensemble de circonstances historiques, économiques et sociales. Ce sont ces circonstances qui « créent », sous couvert, en somme, des artistes. Face à la méfiance et à l’anxiété du moment, John Armleder propose avec humour (toujours !) un grand « bla bla bla » au Musée régional d’art contemporain Occitanie à Sérignan, nous invitant à partager nos émotions communes et des échanges de regard.

Les débuts en art de John Armleder (John Michael Armleder, dit) s’effectuent sous le signe du collectif. En 1969, il constitue à Genève, aux côtés de Patrick Lucchini et Claude Rychner, le groupe Ecart, qui développe ses activités dans un local tenant lieu à la fois de galerie, de librairie et de maison d’édition. John Armleder y accueille notamment le visiteur avec une tasse de thé, l’invitant à une discussion sur l’esthétique. Durant les années 70, la pratique performative de l’artiste est ainsi marquée par l’esprit néo-dada de Fluxus, qui cherchait à annuler les frontières entre l’art et la vie.

Au début des années 80, John Armleder s’inscrit dans le mouvement de la post-modernité et revendique un engagement politique et social. Il utilise l’objet comme ready-made qu’il juxtapose avec les toiles abstraites. Cette série intitulée Furnitures Sculptures et dont une nouvelle pièce sera présentée dans l’exposition, sont des œuvres hybrides associant peinture et mobilier (bancs Jean Prouvé, sofas Ublad Klug et Ueli Berger, lit Superstudio…) et témoignant d’une totale rupture avec le grand récit moderniste de l’autonomie de l’œuvre d’art.

John Armleder manipule, sans souci de hiérarchie, tableaux abstraits, planches de surf, assiettes blanches, sapins de Noël, tubes néons ou boules à facettes, le tout se côtoyant selon un principe d’équivalence généralisée. L’objet utilitaire est élevé au rang de sculpture, moins dans une logique de transgression que de mise à mal de la valeur artistique. Depuis 15 ans, John Armleder ressaisit l’exposition comme médium à part entière et joue sur la saturation de l’espace, l’effondrement des genres et un glissement entre l’art et le décoratif.

Tour à tour associé au mouvement Néo Géo, à l’appropriationnisme ou à la Commodity Sculpture, le travail de John Armleder échappe cependant à toute tentative de classification en convoquant un vocabulaire plastique hétérogène, qui semble souligner l’inévitable réification de l’art, la fatalité de procéder à son propre pastiche. Dans le grand brassage stylistique qui caractérise son œuvre, la peinture abstraite tient une place essentielle. Il se réapproprie le vocabulaire classique de l’abstraction, ses bandes, cercles ou coulures. Pour l’exposition, l’artiste genevois a produit trois nouvelles peintures dont une Puddle Painting (peintures en flaques) de 10 m de long et une nouvelle coulée de 6 m de long. Réalisées par déversement de matériaux hétérogènes à même la toile (peinture acrylique, vernis, liquides pour surfaces extérieures, mais également poudres, confettis, paillettes et petits objets décoratifs), ces peintures sont élaborées selon un mode doublement aléatoire : leur dépôt sur la surface à peindre n’est pas contrôlé par un geste de maîtrise artistique et leur mélange provoque un changement chimique de leurs propriétés originelles, tant sur le plan chromatique que physique. Cette technique picturale, permet à l’artiste de programmer une perte de contrôle, de déclencher des accidents et des éruptions inattendues, bref de combiner le « lâcher prise » cher à John Cage avec « une forme d’expressivité sans subjectivité ».

On l’aura compris, l’exposition Yakety Yak consacrée à John Armleder au Mrac à Sérignan est inclassable et généreuse comme l’artiste, élégante comme le dandy qu’il est, piquante comme cet « Apache » genevois et riche d’émotions comme ce somnambule pince-sans-rire. Ici plus besoin de parler pour ne rien dire, seulement se laisser porter par le regard et la musique du youkoulélé que l’artiste affectionne tant.

John Armleder – Repères biographiques

John Armleder est né en 1948 à Genève (Suisse), où il vit et travaille.

John Armleder est une figure singulière de l’art d’après-guerre et l’un des artistes suisses les plus représentatifs de sa génération. Sa carrière synthétise plusieurs développements esthétiques importants. Humour et provocation conceptuelle animent ses premiers travaux avec le Groupe Ecart en Suisse, ses projets en association avec le mouvement Fluxus et son intérêt pour le travail de John Cage en particulier. Depuis, il a participé à l’aventure contemporaine de la peinture, de la sculpture, de l’installation, du design et de la performance. John Armleder opère sur plusieurs fronts à la fois, puise dans l’héritage de mouvements apparemment divergents tels que Dada et l’expressionnisme abstrait. Il aborde chaque exposition comme une oeuvre sans compromis et souvent imprévisible.

John Armleder a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles à travers le monde. Au cours de la dernière décennie, il a présenté des expositions monographiques au Rockbund Art Museum, Shanghai (2021) ; KANAL – Centre Pompidou, Bruxelles (2021) ; Aspen Art Museum, Colorado (2019) ; Schirn Kunsthalle Frankfurt, Allemagne (2019) ; MUSEION, Bolzano, Italie (2018) ; Museo Madre, Naples, Italie (2018) ; Istituto Svizzero, Rome (2017) ; Le Consortium, Dijon, France (2014) ; Musée National Fernand Léger, Biot, France (2014) ; Dairy Art Centre, Londres (2013) ; Swiss Institute, New York (2012) ; et Peggy Guggenheim Collection, Venise, Italie (2011)…

Il a également participé à de nombreuses expositions collectives : « Ice and Fire : A Benefit in Three Parts », The Kitchen, New York (2020) ; The Artist is Present, Yuz Museum, Shanghai (2018) ; « The Trick Brain », Aïshti Foundation, Beyrouth…

Son travail est présent dans de nombreuses collections à travers le monde : Centre Pompidou, Paris ; Getty Research Institute, Los Angeles ; Kunstmuseum Basel, Suisse ; Museum of Modern Art, New York ; Louisiana Museum of Modern Art, Humlebæk, Danemark…

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer