Jusqu’au 28 septembre 2025, Laure Prouvost enchante les espaces du fort Saint-Jean au Mucem avec « Au fort, les âmes sont ». Avec cette proposition sensible, captivante et généreuse, elle revisite le mythe méditerranéen d’Icare et interroge les liens entre paysages, êtres vivants, humains et objets.
Au fil des années, les usages du fort Saint-Jean se sont peu à peu recentrés sur la visite de ses bâtiments historiques, la découverte de ses panoramas spectaculaires et la déambulation dans le Jardin des Migrations. Les activités culturelles se sont réduites et depuis plusieurs saisons, elles se limitent aux expositions dans le bâtiment Georges Henri Rivière et aux manifestations estivales sur la place d’armes. C’est dans ce contexte qu’au printemps 2023, l’équipe du Mucem a souhaité initier une forme de « reconquête culturelle » en confiant à Laure Prouvost une carte blanche pour investir des lieux habituellement ou délaissés du fort Saint-Jean.
Lors de la visite de presse, Laure Prouvost est revenue sur cette invitation et sur la manière avec laquelle elle a choisi y répondre.
« L’invitation qui m’a été faite était à la fois forte, surprenante, touchante, émouvante et exigeante… Ce n’est pas tous les jours que l’on me propose de venir travailler dans un fort.
Ce fort est à la fois puissant et vulnérable. Il impose sa force, et en même temps, il est fragile. Sa pierre est douce, imprégnée d’histoires. Elle brille, elle est complexe. Dans l’une des tours, autrefois une prison, on distingue encore les marques laissées par ceux qui comptaient leurs jours… Cet endroit porte en lui tant de récits. Comment aborder ce lieu, non pas en opposition, mais dans une logique de collaboration avec ses espaces ?
Face à ce lieu, il ne s’agissait pas d’imposer une œuvre, mais de réfléchir à la manière dont nous pouvions créer ensemble, en harmonie, dans un dialogue respectueux. Travailler avec les pierres, avec l’histoire, avec le vent, avec tout ce qui compose cet espace.
L’invitation à travailler ici m’a immédiatement ramenée à une œuvre que j’ai vue au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles : cette magnifique peinture de Pieter Brueghel l’Ancien où Icare tombe dans l’eau (La Chute d’Icare, vers 1558), et dont on n’aperçoit plus que les jambes disparaissant sous la surface. Je me suis alors demandé : quelle est la suite ?
Et la suite, ce sont ces paysages de la Méditerranée, c’est l’Italie… Ce moment où les Flamands – et moi, qui viens du Nord de la France – idéalisent ce merveilleux Sud. Mais comment s’approprie-t-on un lieu qui n’est pas le nôtre ? Comment l’imagine-t-on, le réinvente-t-on ? Cette relation entre la Flandre et le Sud était essentielle pour moi, car mon travail ici repose justement sur l’invitation à entrer en dialogue avec ce qui m’entoure…»
Icare, Us, Elle
Laure Prouvost conçoit puis esquisse le projet d’une sculpture-girouette : une réincarnation féminine du mythe antique d’Icare. Elle imagine l’installer au sommet de la tour du Roi René, qui domine l’entrée du Vieux-Port.
Laure Prouvost – Icare, Us, Elle, 2024. Sculpture en cuivre étamé et en verre. Production Mucem. Collaborations : Studio Laure Prouvost (Bruxelles), Dinanderie Clabots (Dinant) : Production de la girouette , Berengo Studio 1989 (Murano) : Production de la sphère en verre
Réalisée en cuivre étamé par la dinanderie Clabots à Dinant, en Belgique, avec la collaboration du studio Berengo de Murano pour la sphère en verre, sa silhouette s’impose comme un repère visible de loin, au-delà des murs du fort Saint-Jean.
Laure Prouvost – Au fort, les âmes sont, 31 Mars 2025, Mucem fort Saint-Jean © Julie Cohen, Mucem
Lors de la visite de presse, Laure Prouvost en proposait la description suivante.
« Pour moi, Icare, Us, Elle est encore en vol. Elle n’a pas encore chuté dans l’eau. Elle agite ses bras, comme dans une séquence de Muybridge, une image en mouvement, un film qui se fragmente en tombant. Elle a cinq bras, cinq palmes. Déjà, elle est à moitié hybride, entre poisson et humaine. Ses petites mains sont grignotées par un poisson curieux. Avec son sixième bras, elle tient un œil solaire, comme si, en chutant, elle avait attrapé un morceau du soleil. Lorsqu’il brille, il éclate de lumière, brûlant comme un véritable soleil. Elle est incandescente, éclatante, elle reflète l’énergie solaire.
À travers cette proposition, il s’agit d’écouter les éléments, de se laisser guider par eux, de ne pas lutter contre, mais d’apprendre à coexister. Être avec l’eau, avec la mer, avec le vent. Ne pas chercher à les dominer, mais comprendre comment s’harmoniser avec eux ».
Hélia Paukner, commissaire de l’exposition, rappelle que « les passages d’une langue à une autre, glissements de sens et jeux de mots animent son travail ». Elle précise également : « Le titre de l’œuvre joue également sur la langue : Icare, Us, Elle combine le français et l’anglais, suggérant un “nous” collectif ». Elle poursuit en soulignant « Cette dimension collective est omniprésente, tant dans la création des œuvres que dans leur production, notamment à travers la collaboration étroite avec les équipes du Mucem et celles de la production. Cette exposition hors norme est le fruit d’un engagement fort et de liens profonds ».
En tant que girouette, cette sculpture nous invite aussi à suivre une direction, à nous laisser guider. Elle constitue le point de départ d’un conte, sans itinéraire imposé, qui se déploie en quatre installations au sein du fort Saint-Jean.
Sous les Flots les Âmes Sont
Dans la salle d’exposition ouvrant sur la place du Dépôt, on suit la chute d’Icare, Us, Elle. Une installation visuelle et sonore fascinante révèle sa métamorphose en anémone magicienne, évoluant dans les profondeurs marines des îles du Frioul et des Calanques. Là, les humains s’hybrident avec la faune et à la flore, et les objets du quotidien tourbillonnent dans une chorégraphie empreinte de poésie.
Pour cette œuvre, Laure Prouvost a collaboré pour la première fois avec une équipe spécialisée dans la production cinématographique sous-marine, capturant avec grâce la beauté des fonds marins et le mouvement fluide d’apnéistes costumés, donnant ainsi vie à la vidéo Sous les flots les âmes sont.
Mire le mirage
Laure Prouvost – Mire le Mirage, 2024-2025. Objets collectés par l’artiste, sculptures en verre, son et lumière commandés par DMX. Production Mucem – Cirva. Collaborations : Berengo Studio 1989 (Murano) : Création des objets en verre (vitrine), Anaïs Heureaux, assistée d’Aurélie Guin et Charlotte Winter : Production du rideau, Laure Prouvost et Michael Harrison : Création sonore
Sam Belinfante : Programmation DMX, La sculpture-lustre en verre est une co-production Mucem/Cirva-Studio Laure Prouvost : Cirva (Marseille) : Soufflage du lustre en verre. Au fort, les âmes sont – Laure Prouvost au Mucem
Dans la chapelle, on retrouve les objets manipulés par l’anémone magicienne, désormais rassemblés dans Mire le mirage, troisième installation du parcours. La magie y tient une place centrale, invitant à retrouver l’émerveillement, à écouter les récits que murmurent les objets du quotidien et leurs fantômes de verre.
Into All That is Here
Dans la montée des canons, au cœur des murailles du fort Saint-Jean, la casemate accueille la dernière installation. Hélia Paukner raconte : « Lors de notre première visite, nous avons été saisies par une forte odeur végétale, due au stockage de plantes et d’outils par les jardiniers du fort. Laure s’est emparée de cette sensation, fidèle à son approche expérimentale. Son travail in situ s’inspire des brèches des murailles, des parfums flottants, des jeux de lumière qui la captivent, pour créer une œuvre qui dialogue avec l’espace ».
Cette ultime installation intègre une vidéo réalisée en 2015, où un grand-père est emporté par une obsession de creuser toujours plus profondément. Dans cette quête effrénée, il traverse l’obscurité pour atteindre un univers de « luxure », un monde tiède, dense et visqueux, où ses fantasmes prennent forme. La vidéo donne l’impression aux regardeur·euses qu’ils/elles pénètrent une fleur gluante et moite jusqu’à ce que l’image brûle et disparaît.
Le puits de lumière laisse entrevoir à contre-jour des petits poissons de verre, sans doute l’endroit dans le fort où les âmes sont…
Dans sa présentation à la presse, la commissaire de l’exposition expliquait que la présence de Laure Prouvost au Mucem s’était imposée comme une évidence.
« À travers ses œuvres, elle rend l’utopie tangible, presque palpable. Son travail, d’une grande sensibilité esthétique et sensorielle, touche tous les publics grâce aux sons, aux lumières et à la beauté des images.
Cette évidence et cette utopie prennent tout leur sens, car Laure Prouvost, en tant qu’artiste contemporaine, est profondément consciente des enjeux de notre époque. Sans dogmatisme, elle propose une vision porteuse d’espoir, un autre rapport au monde. Ce rapport, c’est celui incarné par Icare, Us, Elle… »
À partir de sa sculpture-girouette, Laure Prouvost nous invite à réfléchir à ce qui advient après la chute… Elle nous montre qu’une fois tombée dans l’eau, elle se transforme, elle devient poussière, salissure. « Mais, dit-elle, de cette poussière, quelque chose émerge. Que devient-on alors ? Peut-on devenir tout ? Une méduse, une anémone, une nouvelle forme de vie… »
Il faut impérativement aller à la rencontre de Laure Prouvost au Mucem. « Au fort, les âmes sont » mérite sans doute plusieurs visites. Chaque regard vers Icare, Us, Elle montre un autre chemin, un éclat différent, une lumière changeante, une question inédite… À chaque immersion dans Sous les Flots les Âmes Sont, d’autres visions poétiques apparaissent, de nouvelles énigmes s’imposent… Sous le « chandelier » palpitant réalisé au Cirva, les objets, dans la chapelle, chuchotent à chaque fois un autre récit, une autre mémoire… Et dans la casemate, sous les poissons de verre, dans l’odeur persistante des herbes, à chaque passage, d’autres images s’accrochent aux hameçons : visions troublantes, désirs enfouis, songes surgis de l’ombre.
Avec cette carte blanche confiée à Laure Prouvost, le Mucem signe l’une de ses propositions les plus abouties dans sa volonté de faire dialoguer la création contemporaine avec ses collections. Loin de certaines confrontations hasardeuses et parfois insupportables que l’on a pu voir, Au fort, les âmes sont intègre, avec justesse et sensibilité, des objets choisis avec soin dans les créations imaginées par l’artiste. Ce projet s’inscrit pleinement dans les engagements du Mucem autour des grandes questions sociales et culturelles qui traversent, hier comme aujourd’hui, les sociétés d’Europe et de Méditerranée.
Cette année Laure Prouvost présente trois expositions d’envergure à Marseille.
En parallèle à celle présentée au Mucem, Laure Prouvost a investit la chapelle du Centre de la Vieille Charité avec « Mère We Sea », une magnifique et très émouvante installation visuelle et sonore. Le [mac] projettera à partir du 17 mai, le film They Parlaient Idéale, pierre angulaire de son installation Deep See Blue Surrounding You, conçue en 2019 pour le pavillon français de la Biennale de Venise.
Commissariat d’Hélia Paukner, conservatrice du patrimoine et responsable du pôle Art contemporain au Mucem.
Publication à paraître cet été.
Avec la collaboration et des prêts du Studio Laure Prouvost, Bruxelles.
Production Mucem et Cirva.
Collaborations de la dinanderie Clabots (Dinant), du Berengo Studio 1989 (Murano), de Bluearth Studio (La Ciotat), Sandra Berrebi (Costumes), Michael Harrison et Elliot Cole (Production sonore), Anaïs Heureaux (Ecran-rideau et rideau), Sam Belinfante (Programmation DMX), Stéphane Lemaire (Mise en lumière), Mouvements & Paysage (Collecte des végétaux), Atelier Contrevent (mobilier).
Ci-dessous, quelques regards photographiques sur les installations accompagnés des textes de présentation et des poèmes d’Hélia Paukner qui les introduisent.
En savoir plus :
Sur le site du Mucem
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Laure Prouvost sur le site de la Galerie Nathalie Obadia
Sur le site de Laure Prouvost
Parcours de l’exposition au fort Saint-Jean
Haut de la tour du Roi René
Du bout des cils, à tire d’ailes, une créature s’envole.
Plus haut, toujours plus haut.
Tout autour d’elle, les nuages voltigent.
Plus haut encore, le soleil scintille, irrésistible.
Encore un battement et elle l’attrape. Ce serait si beau de jouer avec !
Mais, aïe ! elle se brûle les doigts, les cils, les ailes, et choit.
L’horizon chavire, et la Bonne mère… la tête à l’envers !
Tout siffle et sursaute.
Heureusement, sous elle, la mer ouvre une main d’écume.
Déjà, ses membres anémones, algues ses cheveux.
Sirène Icare-Us-Elle se transforme et fait signe.
Girouette aux mille tours, où allons-nous ? Où irons-nous ?
Hélia Paukner
Laure Prouvost – Icare, Us, Elle, 2024
Sculpture en cuivre étamé et en verre. Production Mucem
Collaborations :
Studio Laure Prouvost (Bruxelles)
Dinanderie Clabots (Dinant) : Production de la girouette
Berengo Studio 1989 (Murano) : Production de la sphère en verre
Au cœur du fort médiéval, transformé en forteresse par Clerville puis Vauban à la fin du XVIIe siècle, Laure Prouvost prend malicieusement le contre-pied de cette architecture défensive. Son Icare-Us-Elle revisite au féminin le mythe antique d’Icare, tombé dans la mer pour avoir voulu trop s’approcher du soleil. Elle propose une réponse éco-féministe aux effets dévastateurs de la course au progrès. La sculpture-girouette invite à jouer avec les éléments, à plonger dans les vagues, à renouer avec la nature plutôt que de s’en prémunir.
Salle d’exposition, place du Dépôt
Envolée trop près des cieux, Icare-Us-Elle est tombée : une gerbe d’étincelles et d’écume, et puis plus rien.
Plus rien ?
Au sein de la mer, la tiédeur de l’eau l’enlace et la délie.
Déjà, ses membres anémones, algues ses cheveux.
Au gré des vagues, elle découvre
une lenteur nouvelle,
le parler bulle des bestioles,
la méduse indolente voguant sans vague à l’âme,
l’homme-poisson, sourcier des fonds marins.
Elle devient magicienne : et si, entre ses doigts, le bric-à-brac dont usent les humains devenait poésie ?
Hélia Paukner
Laure Prouvost – Sous les Flots les Âmes Sont, 2024-2025
Installation visuelle et sonore. Production Mucem,
Collaborations :
Studio Laure Prouvost, Bruxelles
Bluearth Studio (La Ciotat) : Production exécutive du film
Sandra Berrebi : Costumes
Michael Harrison : Création sonore
Elliot Cole : Production sonore
Anaïs Heureaux : Réalisation de l’écran-rideau
Atelier Contrevent : Production du banc en métal
Sous les Flots les Âmes Sont est une installation créée par Laure Prouvost autour d’une vidéo tournée sous l’eau, dans les environs de Marseille. Le monde de Laure Prouvost est liquide : tout peut s’y transformer comme par magie. Les jeux de mots modifient le langage, les humains s’hybrident avec la faune et la flore, les objets du quotidien valsent dans une prestidigitation poétique. L’artiste invite aussi à plonger dans un espace sculpté par le son, à se laisser flotter en prenant place sur les bancs qu’elle a spécialement conçus pour l’installation.
Chapelle Saint-Jean
Objets trouvés, glanés, gardés, chéris, bibelots recueillis…
Entendez-vous leurs chuchotements ?
Dans la marelle aux mirages, leurs présences-étincelles tissent bien des histoires.
Que raconte le pot cyclope qui clope, tout juste sorti de la chambre de la mariée ?
Que disent la pipe d’écume à tête humaine, la clef, le klaxon, la pendule ?
Entrez ! À l’intérieur, un grand soleil de verre vous invite à rêver !
Hélia Paukner
Laure Prouvost – Mire le Mirage, 2024-2025
Objets collectés par l’artiste, sculptures en verre, son et lumière commandés par DMX. Production Mucem – Cirva
Collaborations :
Berengo Studio 1989 (Murano) : Création des objets en verre (vitrine)
Anaïs Heureaux, assistée d’Aurélie Guin et Charlotte Winter : Production du rideau
Laure Prouvost et Michael Harrison : Création sonore
Sam Belinfante : Programmation DMX
La sculpture-lustre en verre est une co-production Mucem/Cirva-Studio Laure Prouvost :
Cirva (Marseille) : Soufflage du lustre en verre
Pierre Susini : Soclage
Stéphane Lemaire : Mise en lumière
Invitée à visiter les collections du Mucem, Laure Prouvost a été émerveillée par les nombreuses histoires dont les objets du quotidien témoignent silencieusement. Comme la chapelle Saint-Jean, largement modifiée et partiellement détruite entre le XIVe et le XXe siècle, chaque objet est porteur de mémoire. Laure Prouvost a rassemblé dans cette installation des objets variés et leur réplique en verre. Par un travail de son et de lumière, elle fait disparaître et reparaître les objets, suggère leurs transformations ainsi que les récits dont ils sont les discrets relais.
Comme un astre en pleine métamorphose, une sculpture en verre animée de jeux de lumière couronne l’installation. Le verre, fragile et durable, solide et liquide, transparent ou déformant, est un de ses matériaux favoris.
Certains objets de l’installation sont aussi visibles dans la suite de l’exposition, à travers la vidéo Sous les Flots les Âmes Sont.
Salle de la casemate
Infatigable Grand-père
creuse la nuit, creuse la terre
en quête, toujours,
d’une source vive, de désirs enfouis,
hameçonné par sa soif de lumière.
Mais soudain
ici maintenant
s’ouvre
un monde fleur qui zinzibule
parfums, couleurs, douceur
et volupté d’en être.
Hélia Paukner
Laure Prouvost – Into All That Is Here, 2024-2025
Vidéo, végétaux, résine, mobile en verre
Vidéo, 2015 / installation, 2024-2025
Collaborations :
Studio Laure Prouvost : Mobile
Mouvements & Paysage : Collecte des végétaux
Laure Prouvost évoque ainsi la création de l’installation :
« En me baladant dans le fort, j’ai vu les jardiniers entreposer dans la casemate des herbes qu’ils venaient de couper. Un parfum incroyable s’en dégageait, ces essences m’ont arrachée à l’obscurité de la petite salle voûtée, et m’ont transportée dans d’autres lieux… Cela m’a rappelé un film autour duquel j’ai recréé une installation : Into All That Is Here évoque mon grand-père qui était artiste conceptuel et qui a disparu en creusant des tunnels entre le nord de l’Angleterre et l’Afrique… »
L’artiste s’inspire de récits mythologiques, mais aussi familiaux — où mémoire et fiction s’entremêlent quelquefois. La vidéo Into All That Is Here évoque la quête effrénée d’un grand-père possédé par le désir de creuser toujours plus loin. Après un long périple souterrain, l’infatigable grand-père découvre enfin le bonheur espéré : déluge de lumière, de sensualité, de vie. L’éveil des sens au contact de la nature est un thème cher à l’artiste. Mais au-delà, l’installation évoque les voyages imaginaires, les voyages de l’âme, les passages d’un monde à l’autre. Le puits de lumière autour duquel elle est pensée prend ainsi une dimension spirituelle et panthéiste. Les petits poissons de verre qu’on y distingue à contre-jour sont autant de psychopompes, de « hameçons » destinés à accrocher l’esprit pour le faire vagabonder.
L’irruption inattendue de la lumière et de l’élément marin dans cette installation souterraine sont autant d’invitations à l’évasion.