Du 25 octobre au 19 novembre 2017, le Carré Sainte-Anne présente AL « Mécanisme d’Aurores pour Horloge Crépusculaire ». Cette exposition de AL (Sticking) est le dernier commissariat de Numa Hambursin dans ce lieu dont il a assuré la direction artistique depuis 2011.
L’invitation de l’artiste laisse entrevoir un travail assez éloigné des personnages poétique et malicieux qui ont animé les murs de la ville pendant des années…
« À l’Aube d’un Crépuscule menaçant, une Horloge recomposée au Coeur du Carré Sainte-Anne dans laquelle je vous invite, telles les aiguilles, à en parcourir son cadran obscur.
À l’heure d’un réveil collectif en cette saison des pluies larmoyantes, dans un temps rythmé et orchestré par d’infranchissables miradors.
À la lumière astrale Suprême, unique Divinité présente en ce lieu désacralisé.
Aux Saisons, Maîtresses de nos fragiles existences.
Quelques pétales de Roses ».
AL
Dans son texte de présentation Numa Hambursin annonce une exposition « politique, au sens le plus noble, forgée dans le feu d’une indignation naturelle et candide face à la litanie ininterrompue des malheurs et des injustices (…). Ni prêchi-prêcha, ni plaisir ambigu de jouer au lanceur d’alertes, seulement l’honnêteté de peindre ses tourments cristallisés par les âges de la vie, au rythme d’un cadran crépusculaire ».
C’est avec curiosité que l’on peut découvrir les « douze toiles en colère » de l’Horloge Crépusculaire que AL a imaginé et accroché sur les cimaises de la nef de Sainte-Anne.
Dans l’axe central, entre deux grandes peintures murales (Big Bang et Wordwide Stars), quatre toiles en mouvement évoquent les saisons. Au centre de ce « Mécanisme d’Aurores », un tourniquet solaire fera-t-il pleuvoir des pétales de roses ?
Après Kader Benchamma en 2014, AL Sticking est le deuxième artiste montpelliérain qui relève le défi d’investir Sainte-Anne.
Attention l’exposition est assez courte (mois d’un mois).
Vernissage le mardi 24 Octobre à 18h30.
Harmonies : Concert/Performance avec l’Orchestre National de Montpellier Occitanie et la danseuse Elodie Moï, le jeudi 26 Octobre de 20h à 21h :
Visite guidée avec le commissaire, Numa Hambursin, le jeudi 16 novembre à 18h
HARMONIES – Concert/Performance dans le cadre de l’exposition « Mécanisme d’Aurores pour Horloge Crépusculaire » au Carré Sainte Anne de Montpellier, le 26 Octobre 2017. Vivaldi – Cum Dederit Nisi Dominus Rv 608. Avec l’Orchestre National de Montpellier Occitanie Oonm LR , l’artiste lyrique Christine Craipeau, et la danseuse Elodie Moï.
Vidéo réalisée par Le Crabe.
À lire, ci-dessous, quelques repères biographiques et le texte d’intention du commissaire (extraits du document d’accompagnement de la visite)
En savoir plus :
Sur la page du Carré Sainte-Anne sur le site de la Ville de Montpellier
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AL – Repères biographiques
Né en 1984 à Saint-Lô, AL Sticking réalise ses premiers collages dans les rues de Caen, de petits personnages monochromes, à l’âge de 20 ans.
Ses formats évoluent avec son arrivée à Montpellier en 2006, ville dans laquelle il déploie son univers plastique autour de personnages émouvants et populaires, troublés par les anicroches de notre société. La poésie de ses œuvres éphémères, qui tranche avec l’âpreté fréquente dans l’art urbain, témoigne d’une longue réflexion de l’artiste autodidacte pour chaque collage. Directeur artistique de l’exposition Parcours en 2012, il multiplie les voyages vagabonds, de l’Asie aux Balkans, à la recherche de rencontres et d’expériences.
Abandonnant le collage (et Sticking) au profit de la peinture, AL se positionne avec l’exposition du Carré Sainte-Anne comme la promesse d’un art contemporain délivré des codes établis.
AL « Mécanisme d’Aurores pour Horloge Crépusculaire »
Il aimerait tout dire et tout dénoncer comme l’écrivain dans son premier roman. Douze toiles en colère, les murs latéraux de Sainte-Anne recouverts d’une seconde peau, une mue noire, écorchée à vif par les calamités de notre monde. AL (Sticking) a noté quatre-vingts fléaux sur une feuille tristement déchirée, quatre-vingts plaies purulentes qui irriguent ses peintures de leur sang répandu et de leur fl uide nauséabond : la misère, les nationalismes, le pouvoir, la guerre, le narcissisme, les réseaux sociaux omniprésents, la pollution ou encore la sixième extinction de masse. Un artiste talentueux et sincère parvient toujours à surprendre. J’imaginais une exposition légère, en humour et poésie, à l’image des collages aériens qui ont marqué les rues de la ville. Elle sera politique, au sens le plus noble, forgée dans le feu d’une indignation naturelle et candide face à la litanie ininterrompue des malheurs et des injustices, le brasier d’un Hugo, d’un Chateaubriand, d’un Voltaire. What the fuck is going on ? Ni prêchi-prêcha, ni plaisir ambigu de jouer au lanceur d’alertes, seulement l’honnêteté de peindre ses tourments cristallisés par les âges de la vie, au rythme d’un cadran crépusculaire.
Comme l’optimisme béat, le pessimisme radical est une affection qui altère le regard et empêche d’aimer le soleil de l’aube et la beauté qu’il confère à une terre meurtrie. Dans la nef de l’ancienne église, quatre toiles en mouvement qui sont elles-mêmes les mouvements de la danse, la danseuse lumineuse et chérie pour les quatre saisons. Elles traduisent l’ordre immuable de la nature, l’échappée hors du cercle humain et coupable, féminines bien sûr, quand les drames se dessinent au masculin. Au centre du mécanisme un tourniquet apparemment immobile, soleil qui est pour l’artiste une parabole du divin. Nos actions ont-elles une quelconque emprise, sur l’essentiel comme sur nos peines ? En manoeuvrant ce jouet pour l’enfance, des pétales de roses pleuvent sur le sol informe et le drapent d’un tapis d’espoir, doux, rassurant, qui sent bon, mais fragile et piétiné. C’est au seul public que l’artiste confie le devenir de son exposition. Il peut la laisser sans vie, il peut même la fouler au pied, il peut prendre possession de l’horloge et du temps. De la sombre périphérie au coeur intangible, chacun choisit de parcourir comme il l’entend ce manège émotionnel. Sans tambours ni trompettes, sans incantation ni leçon de morale, AL est un homme libre qui parie sur la liberté, la sienne évidemment, celle des autres avant tout.
La Documenta 14 de Kassel nous plongeait cette année jusqu’au malaise dans les désarrois et la culpabilité d’un Occident en état de choc. Le propos, si légitime qu’il fût, souff rait de la pauvreté formelle des oeuvres présentées, que les quelques pépites disséminées au hasard des lieux ne parvenaient pas à faire oublier. La cent-unième installation consacrée aux réfugiés et migrants m’arracha un soupir de lassitude et de dépit, avec le sentiment sordide que mon empathie était instrumentalisée. En quelques mots, une lyre parvint à me rendre la raison : “C’est l’absence de poésie et de profondeur des oeuvres que tu devrais blâmer, non le sujet et sa répétition ad nauseam. Si les artistes ne se chargent pas de témoigner, qui le fera avec justesse ? Les médias ? Les idéologues ? Le thème des réfugiés est obsessionnel parce que la mer près de laquelle tu vis est devenue un cimetière”. Elle disait vrai. L’art permet parfois de mettre notre époque en perspective, d’extraire les confl its de leur immédiateté pour les inscrire dans les strates des légendes ou des siècles. L’art peut encore être une fi n en soi et tourner en vase clos autour de sa propre histoire. Mais il ne doit pas toujours être étranger au monde qu’il a sous les yeux, notre monde. Quand JR dénonce frontalement les murs qui s’érigent entre les États-Unis et le Mexique, que nous importe de fi nasser sur les qualités plastiques de la photographie du petit Kikito : son oeuvre est un coup de poing. Face à l’éclat de la création et à la ronde des souff rances peints et mis en scène par AL, nous parlerons de street art et d’art contemporain une prochaine fois. Être libre, ce n’est pas seulement jouir de sa petite liberté dans son coin, c’est aussi se battre aux côtés de ceux qui, partout, sont dans les fers.
Numa Hambursin
Directeur artistique et commissaire de l’exposition