Retour sur Art-O-Rama 2018 – By The Sea au J1 à Marseille (2e partie)

Après un premier article consacré aux expositions du Show Room, des partenaires, des éditeurs et de l’artiste invitée, la suite de ce compte rendu de Art-O-Rama 2018 pose un regard sur quelques-uns des projets curatoriaux proposés par les galeries.

Art-O-Rama 20018 - Vue du salon - Photo© A.Mabilais
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Vue du salon – Photo© A.Mabilais

Une organisation remarquable…

Les expositions présentées par les 31 galeries retenues par le comité de sélection occupent toute la largeur de la seconde partie du J1, hangar historique du Port de la Joliette à Marseille.

La très grande majorité des exposants ont fait le choix opportun de tourner le dos au paysage exceptionnel qu’offre le J1. Les galeries qui ont osé se confronter aux bassins du port présentent des œuvres sans protection en verre ou de la sculpture.

ART-O-Rama 2018 - Photo ©jcLett
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Photo ©jcLett

Les espaces au fond du J1, où l’attrait du paysage est le plus fort et où les problèmes d’éclairage sont les plus compliqués à maîtriser, sont astucieusement dévolus au restaurant « l’écume » de Emmanuel Perrodin.

ART-O-Rama 2018 - Photo ©jcLett
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Photo ©jcLett

Trois grandes allées structuraient cette partie du salon. Rares sont les exposants fidèles auxtrois parois d’un White Cube, stand classique des foires d’art. La plupart des galeristes ont osé des scénographies plus audacieuses et largement ouvertes.

Art-O-Rama 20018 - Vue du salon - Photo© A.Mabilais
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Vue du salon – Photo© A.Mabilais

Une seule et unique cimaise, occupée des deux côtés, ou partagée avec un autre exposant, semble avoir conquis une majorité des projets.
Parmi les architectures les plus hardies, on remarque les propositions de Klemm’s (Berlin), In Situ Fabienne Leclerc (Paris), narrative projects (Londres), Future (Berlin/Mexico) ou encore Sophie Tappeiner (Vienne).

Avec beaucoup et de pertinence, les organisateurs de Art-O-Rama 2018 ont su construire des dialogues ou des confrontations fructueux entre les divers projets, sachant à l’occasion « isoler » ceux qui avaient besoin de l’être.

ART-O-Rama 2018 - Photo ©jcLett
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Photo ©jcLett

Il faut donc ici saluer la qualité du travail réalisé par l’équipe de Art Plus qui produit Art-O-Rama. La réussite du salon ne saurait se résumer à la sélection des galeries et des projets artistiques qu’elles portent. L’organisation spatiale, les perspectives construites et les regards qu’elles autorisent, les respirations et les confrontations que suggère le parcours sont essentielles. C’est dans la maîtrise de ces éléments que s’est aussi construite l’excellence de cette édition d’Art-O-Rama et le plaisir qu’elle offre aux galeristes, aux artistes, aux collectionneurs et au public.

Parmi les galeristes…

Dans les impressions de visite qui suivent, il ne saurait être question de regards critiques sur le travail des artistes. Ces commentaires s’intéressent avant tout à la manière dont les œuvres sont exposées, à la qualité et à la pertinence de leur accrochage, à l’originalité de la scénographie et à la cohérence de la présentation avec le discours des galeristes ou des commissaires. Les projets qui ne sont pas évoqués ci-dessous peuvent montrer des pièces remarquables sans que leur mise en espace ait attiré mon attention, peut-être simplement par distraction…

Sabot (Cluj-Napoca)

Au débouché de la partie édition, le parcours commence par la galerie Sabot qui se présente comme « Un laboratoire, un incubateur, une tentacule de recherche, un commissaire d’exposition, un producteur et un lieu de vie »…

Art-O-Rama 2018 - Sabot
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Sabot

Une cimaise installée en biais semble contraindre le visiteur. Côté « pile », sept impressions numériques, toutes intitulées « Miss Italia », signées par Stefano Calligaro. Au pied, ce qui pourrait être les restes d’un moment d’abandon par Pepo Salazar… Étrange et surprenant surtout quand on porte attention au texte qui accompagne l’ensemble…

Art-O-Rama 2018 - Sabot
Art-O-Rama 2018 – Sabot

Côté « face », on découvre selon les mots de la galerie, « peintures, sculptures, vidéos et autre bric-à-brac de neuf artistes (…) réunis pour créer un ensemble coloré, éclectique et de textures diverses évoquant la profusion visuelle et hétérogène du bazar ».
Un accrochage en frise très particulièrement réussi…

Art-O-Rama 2018 - Sabot
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Sabot

Freedman Fitzpatrick (Los Angeles/Paris)

Art-O-Rama 2018 - Freedman Fitzpatrick
Art-O-Rama 2018 – Freedman Fitzpatrick

Mise espace particulièrement dense ou le rouge domine dans un cube un peu oppressant occupé par Freedman Fitzpatrick. On y retrouve avec intérêt les sculptures de Phillip Zach exposées récemment dans le « Crash test » de La Panacée à Montpellier.

Elles côtoient des œuvres dernièrement montrées dans des institutions européennes par quatre autres artistes de la galerie : Cooper Jacoby, Matthew Lutz-Kinoy, Jill Mulleady et Stefan Tcherepnin…

Emmanuel Hervé (Paris)

Art-O-Rama 2018 - Emmanuel Hervé - Ana Mazzei
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Emmanuel Hervé – Ana Mazzei

Un très beau solo show d’Ana Mazzei chez Emmanuel Hervé avec des dessins côté « port » et des sculptures coté « salon »…

Art-O-Rama 2018 - Emmanuel Hervé - Ana Mazzei
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Emmanuel Hervé – Ana Mazzei

Antoine Levi (Paris)

Art-O-Rama 2018 - Antoine Levi - Zoe Williams,  Drench, 2012
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Antoine Levi – Zoe Williams,  Drench, 2012

On a souvent vu à Art-O-Rama, des choix radicaux d’Antoine Levi. Pour cette 12e édition, le galeriste parisien choisit de montrer une unique œuvre de Zoe Williams avec « Drench ». À propos de cette étrange et fascinante vidéo, l’artiste déclare :

«  À travers Drench, mon traitement de l’image en mouvement avait pour but d’accentuer les aspects fétichistes des matériaux et des surfaces présents dans l’œuvre. Les qualités décadentes des matériaux tels que l’ébène, la nacre, la céramique, l’or ou la soie sont à la fois intensifiées et abstraites à travers les mouvements de caméra et les macro-travaux. Je voulais utiliser cette façon de travailler comme un outil pour explorer les représentations de surfaces séduisantes et illusoires et, d’une certaine manière, pour accélérer leurs qualités hallucinatoires ».

Sans titre (2016) (Paris)

Pour sa première participation à Art-O-Rama, la galerie Sans titre (2016) remporte le prix Roger Pailhas.

Art-O-Rama 2018 - Sans titre (2016)
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Sans titre (2016)

Sans un espace traditionnel, elle « a demandé à deux jeunes artistes, Rahel Pötsch et Agata Ingarden, de recréer l’atmosphère d’un “salon”, dans ses deux acceptions à la fois d’une pièce et d’une conversation artistique dans la tradition dix-neuvièmiste. Les deux artistes entendent produire de nouvelles pièces pour l’occasion et réactiver des œuvres déjà existantes ».

S’il ne nous a guère convaincus, ce projet curatorial a su séduire les collectionneurs invités. La galerie Sans titre (2016) bénéficie avec le prix Roger Pailhas du remboursement de ses frais de participation à la foire.

ChertLüdde (Berlin)

Art-O-Rama 2018 - ChertLüdde - Gabriel Chaile
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – ChertLüdde – Gabriel Chaile

La galerie berlinoise ChertLüdde présente une exposition personnelle de Gabriel Chaile qui a produit au cours de l’été une série d’œuvres spécialement pour Art-O-Rama.

Moins percutant qu’« Utopias are for Birds », le solo show particulièrement bien construit d’Alvaro Urbano exposé l’an dernier…

Future (Berlin/Mexico)

Pour Art-O-Rama 2018, la galerie berlinoise Future Gallery expose des productions récentes de l’artiste espagnol Rubén Grilo dans une scénographie singulière et déroutante.

Était-elle à la mesure du projet artistique que la galerie présentait ainsi :

« Le stand est composé de jeans gravés au laser, clipsés sur des châssis en aluminium accrochés au mur ; ainsi que des objets réalisés à partir de morceaux teintés de moules de tablette de chocolat en plastique sur des tôles d’acier à revêtement thermolaqué. Dans son travail, l’artiste fait référence à l’art conceptuel et numérique, confrontant leur prétendue intangibilité à une nécessaire matérialisation. Grilo explore la notion d’art comme information, tentant de traduire des données malléables en formes physiques ».

Crèvecoeur (Paris / Marseille) et Norma Mangione (Turin)

Art-O-Rama 2018 - Crèvecoeur et Norma Mangione
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Crèvecoeur et Norma Mangione

Face au port, les galeries Crèvecoeur et Norma Mangione présentent une exposition rayonnante qui capte à merveille des lumières changeantes reflétées par la mer.

Les sculptures de l’artiste japonais Miho Dohi y entretiennent de délicates et ténues conversations avec les peintures aux formes simplifiées de l’italien Salvo (Salvatore Mangione), artiste associé à l’Art Povera qui semble bénéficier aujourd’hui d’un regard renouvelé.

Sophie Tappeiner (Vienne)

Art-O-Rama 2018 - Sophie Tappeiner - Sophie Thun, Installation View, 2018 photo Sophie Tappeiner
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Sophie Tappeiner – Sophie Thun, Installation View, 2018 photo Sophie Tappeiner

Avec sobriété et intelligence, Sophie Tappeiner présente une des expositions les plus abouties de cette édition d’Art-O-Rama. Construit avec rigueur, l’accrochage des photogrammes de Sophie Thun est une très belle réussite.

Il valorise parfaitement les interventions photographiques multicouches de l’artiste et « les effets de mise en abyme et de trompe-l’œil [avec lesquels] l’artiste se représente dans l’acte de se prendre en photo ».

Madragoa, Lisbonne

Art-O-Rama 2018 - Vue du salon
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Vue du salon

En face de la très belle proposition de Sophie Tappeiner, la galerie lisboète Madragoa présente un solo show très bien construit de Gonçalo Preto auquel elle a laissé la liberté de dessiner son propre stand en lien avec le projet.

narrative projects (Londres)

Art-O-Rama 2018 - narrative projects
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – narrative projects

La galerie londonienne narrative projects présente sous le titre « Wild Flowers (wildness is contextual!)  – Volume III » une exposition collective conçue par Carlos Noronha Feio.
Construit avec rigueur et précision, le projet réussit à rassembler harmonieusement onze artistes aux pratiques artistiques différentes : Juliette Blightman, Olga Chernysheva, Ilya Dolgov, Harm van den Dorpel, Marte Eknæs, Mustafa Hulusi, Xiao-yang Li, Martinha Maia, Gabriela Machado, Carlos Noronha Feio, Alice Ronchi.

Il s’agit de la troisième version du projet qui a d’abord été présenté chez narrative projects à Londres, puis à la Galerie Iragui à Moscou. Chaque fois, l’exposition a évolué afin de présenter un angle conceptuel et une liste d’artistes différents.
Cette version marseillaise est une des expositions remarquables d’Art-O-Rama 2018 !

Meessen De Clercq (Bruxelles)

Art-O-Rama 2018 - Meessen De Clercq
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Meessen De Clercq

Présente à Art-O-Rama depuis plusieurs éditions, Meessen De Clercq y propose toujours une exposition qui mérite attention. Cette année, la galerie bruxelloise a choisi de confronter le travail de deux artistes français : Benoît Maire et Aurélien Froment pour lesquels « l’acte de couper » semble important.

Accrochage sans fioriture pour un projet qui affirme l’ambition souvent partagée, mais pas toujours atteinte de permettre « à l’individu spectateur d’attribuer du sens et de faire des choix, en puisant dans ses propres références »…

Klemm’s (Berlin) et Ribot (Milan)

Un peu plus loin, Art-O-Rama 2018 proposait une confrontation particulièrement étrange avec d’un côté la rigueur géométrique des œuvres proposée par Klemm’s ( Gwenneth Boelens, Renaud Regnery) et de l’autre l’exubérance poétique et un peu baroque d’une orangerie méditerranéenne imaginaire interprétée par Lorenza Boisi exposée par la galerie milanaise Ribot

In situ Fabienne Leclerc (Paris)

Art-O-Rama 2018 - In situ Fabienne Leclerc
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – In situ Fabienne Leclerc

Face au quai de la Joliette et à la cathédrale de la Major, In Situ – fabienne leclerc présente un des projets les plus spectaculaires et fascinants du salon.

L’exposition se développe à l’extérieur d’un angle habilement interrompu par deux courtes cimaises l’une à l’équerre du mur, l’autre posée en biais. Le stand très ouvert en direction des visiteurs et de la ville propose ainsi trois espaces distincts permettant trois accrochages originaux.

Chaque espace assure une forte visibilité à chaque artiste tout en suggérant des dialogues féconds entre les diverses propositions qui rassemblent les œuvres de l’artiste israélien Amir Nave, l’artiste béninois Meschac Gaba, les artistes iraniens Rokni, Ramin Haerizadeh et Hesam Rahmanian, ainsi que le français Vivien Roubaud.

Art-O-Rama 2018 - In situ Fabienne Leclerc - Vivien Roubaud
Art-O-Rama 2018 – In situ Fabienne Leclerc – Vivien Roubaud

Ermes-Ermes (Vienne)

La galerie viennoise Ermes-Ermes présente un dialogue entre le travail de deux artistes, Gina Folly et Lorenzo Guerrini

Art-O-Rama 2018 - Ermes-Ermes
Art-O-Rama – By The Sea au J1 – Ermes-Ermes

C’est surtout la série Magic Box de l’artiste suisse Gina Folly qui attire l’attention…
Ses boîtes en carton ont tout d’étranges maisons montées sur roulettes… À l’intérieur de chacune, un mini-projecteur diffuse en boucle des séquences d’images dont on a un peu de mal à comprendre le sens…

Il s’en dégage le sentiment d’une situation précaire, instable… Peut-être s’agit-il de la préparation de déménagements répétés… Trois affichettes placardées sur la cimaise pourrait accrédité cette hypothèse. En effet, on peut y lire des annonces « We buy houses » ou « Cheap Divorce » et la suggestion d’appeler une numéro de téléphone…

Certainement le projet le plus énigmatique… Quoique… Des boites dans un hangar maritime, cela semble assez logique !

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