Jusqu’au 14 mars 2021, la Collection Lambert accueille pour la deuxième année le festival des résidences d’artistes ¡Viva Villa! 2020. Cette cinquième édition emprunte son titre, « Les vies minuscules », au roman de Pierre Michon publié chez Gallimard.

Dans son texte d’introduction, Cécile Debray, conservatrice générale du patrimoine, directrice du Musée de l’Orangerie et commissaire du festival depuis sa création, affirme vouloir placer cette édition 2020 de ¡ Viva Villa ! « à hauteur d’homme, sous l’égide de l’humain et de l’animal, de l’individu et des foules anonymes, de l’espèce et du biographique, des flux migratoires et de l’intime… »
Un peu plus loin, elle ajoute :
« L’image de vies minuscules semble bien pouvoir désigner les préoccupations actuelles autour de l’homme social, culturel et anthropologique, le monde qu’il s’est constitué, fait d’objets dérisoires, de paysages construits, modelés, de corps fabriqués, de mouvements auxquels il est soumis par l’histoire, sa fragilité voire son insignifiance face à la nature, aux forces géopolitiques, aux épidémies… »
On attendait avec intérêt de découvrir l’accrochage imaginé par Cécile Debray pour ce festival « marqué, modelé par cette période éprouvante, où le doute, la suspension, la réserve et la réflexion sont sous-jacents, souvent exprimés ».
L’exposition est une exceptionnelle réussite. Une évidente complicité réunit la commissaire et l’équipe du Studio Matters (Joris Lipsch et Florianne Pic) en charge de la scénographie de « ¡ Viva Villa ! 2020 ».
Le parcours qui résulte de leur collaboration est particulièrement fluide. Ses différentes parties s’enchaînent avec aisance et naturel.
L’articulation des séquences, quelques cimaises ajoutées avec opportunité et un accrochage remarquablement bien construit multiplient les changements de rythmes et offrent des perspectives séduisantes. Avec élégance et sobriété, la scénographie évite les nombreuses chausse-trappes que réservent les espaces d’exposition de l’hôtel de Montfaucon et notamment une lumière naturelle souvent difficile à maîtriser.
Le propos de « ¡Viva Villa! 2020 – Les vies minuscules » s’appuie sur une trame littéraire discrète qui souligne les enchaînements de l’exposition avec en exergue de chaque section des citations choisies avec soin depuis Michel Foucault jusqu’à Georges Pérec en passant par Gertrude Stein, Jurgis Baltrušaitis, ou Aimé Césaire.

Cécile Debray confiait récemment à artpress que « l’exercice de l’exposition comme une narration » faisait partie de ses obsessions… Dans le texte qu’elle signe pour le catalogue, la commissaire multiplie les références et offre quelques clés de lecture de l’exposition qu’elle nous propose :
« Pierre Michon, à l’instar de Pierre Sansot dans Les Gens de peu, de Michel Foucault dans L’histoire de la folie à l’âge classique ou de Samuel Beckett, choisit un rapport horizontal, frontal et discrètement empathique. Nous nous déplacerons autour de cet horizon selon trois positions successives : depuis un surplomb du regard qui introduit la profondeur spatiale, imaginaire ou historique, la cartographie analytique de flux migratoires, la multitude grouillante de personnages comme sortis d’un tableau de Jérôme Bosch, ou la cosmogonie poétique d’un Monsieur Palomar d’Italo Calvino ; puis une vue plus frontale, celle d’un réalisme franc comme l’écriture documentaire d’un Jonas Mekas ou celle des romans photographiques de W.G. Sebald ; pour finir par une scrutation rapprochée et subjective, comme les travestissements de Cindy Sherman, les accumulations d’objets à la manière de Fischli & Weissou de G. Pérec ou encore les observations cliniques et intimes d’Annie Ernaux. Ces références sont celles des artistes en résidence. […] »
On n’est donc pas surpris de trouver ici un parcours qui s’articule comme l’esquisse d’un récit en trois temps et avec trois focales.
Il débute avec une « posture d’observation de très loin ou de très haut » (Des Mondes), puis enchaîne « de face et de front » (Des Histoires), « jusqu’au plus près, le très proche » (Des Vies)…
Jouant brillamment avec les multiples disciplines et des propositions artistiques très diverses de pensionnaires de la Villa Medicis, de la Villa Kujoyama et de la Casa de Velázquez, l’exposition réussit le tour de force de proposer des mises en regard, des échos, des enchaînements qui font sens autour de la fragilité de la condition humaine et de notre rapport à la représentation et au réalisme.
Les textes de salle et les cartels offrent les repères nécessaires aux visiteurs individuels.
L’exposition est complétée par la projection dans l’auditorium de films réalisés par des artistes du festival ¡ Viva Villa ! 2020. Deux cycles d’un peu plus de deux heures s’y succèdent dans la journée.
Dans un format à l’italienne, le catalogue est mis en page avec beaucoup de soin. Le texte d’introduction de Cécile Debray propose des éclairages captivants et enrichissants sur l’articulation du projet et la place qui tient chaque proposition artistique. La partie catalogue est organisée comme le parcours de l’exposition. Chaque artiste dispose d’une double page où la reproduction des œuvres est accompagnée d’un texte critique.

L’ouverture de « ¡Viva Villa! 2020 – Les vies minuscules » s’est inscrit dans le cadre de la Semaine d’Art programmée par le Festival d’Avignon. La programmation annoncée pour le week-end inaugural s’est déroulée avant le confinement..
La journée professionnelle du lundi 26 octobre au Conservatoire du Grand Avignon est disponible sur la page Facebook du Festival. Organisée en collaboration avec l’Institut français, la Région Sud et la Collection Lambert, cette journée d’entretiens et de débats a abordé plusieurs notions : la mobilité internationale, les questions environnementales, l’engagement sociétal des artistes, la question de l’Europe mais aussi l’intégration à l’échelle du local, et les nouveaux enjeux révélés par la crise que nous traversons.
51 artistes et résidents des trois grandes institutions engagées dans le Festival, la Casa de Velázquez, la Villa Kujoyama et l’Académie de France à Rome – Villa Médicis sont représentés pour « ¡Viva Villa! 2020 – Les vies minuscules » :
Nathalie Azoulai (Villa Kujoyama – Littérature) • Sammy Baloji (Villa Médicis – Arts plastiques) • Thomas Andrea Barbey (Casa de Velázquez – Dessin) • Frédérique Barchelard & Flavien Menu (Villa Médicis – Architecture) • Jonathan Bell (Casa de Velázquez – Composition musicale) • Pierre Bellot (Casa de Velázquez – Peinture) • Benjamin Karim Bertrand (Villa Kujoyama – Danse) • Hugo Capron (Villa Kujoyama – Arts plastiques) • Marine de Contes (Casa de Velázquez – Cinéma) • Benjamin Crotty (Villa Médicis – Cinéma) • Pauline Curnier Jardin (Villa Médicis – Arts plastiques / Cinéma) • Bastien David (Villa Médicis – Composition musicale) • Hugo Deverchère (Casa de Velázquez – Arts visuels) • Mimosa Echard (Villa Kujoyama – Arts plastiques) • Flore Falcinelli (Villa Kujoyama – Métiers d’art) • Clément Fourment (Casa de Velázquez – Arts visuels) • Samuel Gratacap (Villa Médicis – Photographie) • Étienne Haan (Casa de Velázquez – Composition musicale) • Valentina Hristova (Villa Médicis – Histoire de l’art) • Sara Kamalvand (Casa de Velázquez – Architecture) • Mathieu Larnaudie (Villa Médicis – Littérature) • Isabelle Le Minh (Villa Kujoyama – Photographie) • Anne Le Troter (Villa Kujoyama – Arts plastiques) • Native Maqari & Simon Rouby (Villa Kujoyama – Arts plastiques / Cinéma) • Leticia Martínez Pérez (Casa de Velázquez – Arts plastiques) • Luz Moreno & Anaïs Silvestro (Villa Kujoyama – Art culinaire) • Benjamin Mouly (Casa de Velázquez – Arts visuels) • François Olislaeger (Villa Médicis – Bande dessinée) • Laurel Parker & Paul Chamard (Villa Kujoyama – Métiers d’art) • Blaise Perrin (Villa Kujoyama – Cinéma) • Daniel Pescio (Villa Kujoyama – Parfum) • Aurélie Pétrel & Vincent Roumagnac (Villa Kujoyama – Photographie / Théâtre) • Émilie Rigaud (Villa Kujoyama – Typographie) • Francisco Rodríguez Teare (Casa de Velázquez – Vidéo) • Baptiste Rossi (Villa Médicis – Littérature) • Louise Sartor (Villa Médicis – Arts plastiques) • Fanny Taillandier (Villa Médicis – Littérature) • Sébastien Thiéry (Villa Médicis – Littérature) • Mikel Urquiza (Villa Médicis – Composition musicale) • Guillaume Valenti (Casa de Velázquez – Peinture) • Jeanne Vicerial (Villa Médicis – Design textile / mode) • Keke Vilabelda (Casa de Velázquez – Arts plastiques) • Sara Vitacca (Villa Médicis – Histoire de l’art) • Justin Weiler (Casa de Velázquez – Peinture) • Alexandre Westphal (Villa Médicis – Auteur de documentaire) • Katarzyna Wiesiolek (Casa de Velázquez – Dessin)
Commissariat : Cécile Debray assistée d’Assia Quesnel
Scénographie : Joris Lipsch – Studio Matters
Après la levée de ce second confinement, un passage par la Collection Lambert s’impose ! « ¡ Viva Villa ! 2020 – Les vies minuscules » est une proposition essentielle et incontournable.
À lire, ci-dessous, un compte rendu de visite photographique accompagné des textes de salle et des cartels.
En savoir plus :
Sur le site du Festival ¡Viva Villa!
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