Jeanne Susplugas – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne – Ardenome à Avignon


Jusqu’au 19 décembre 2012, L’Ardenome accueille Jeanne Susplugas pour « J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne » une exposition qui s’inscrit dans le cadre de Chroniques, Biennale des imaginaires numériques et en partenariat avec le Festival ON – Octobre Numérique à Arles.

Les vastes espaces d’Ardenome – Ancien grenier à sel permettent à Jeanne Susplugas de présenter plusieurs de ses installations emblématiques dans d’excellentes conditions : Flying House (2017), Disco Ball (2019) et Light House III (2013).

« J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne » est l’occasion de découvrir également des œuvres récentes avec notamment certains de ses arbres généalogiques sous la forme de Wall Drawing qui avaient été exposés au printemps dernier à la Galerie Mansart et I Will Sleep When I’m Dead (2020), une installation en réalité virtuelle exposée pour la première fois à l’espace Van Gogh à Arles dans le cadre du festival Octobre Numérique.

Jeanne Susplugas - Wall Drawing, 2020 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Wall Drawing, 2020 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Jeanne Susplugas expose également dans « Pharmacopées » au Musée Fabre à Montpellier. Présentées dans des contextes très différents, ces deux propositions parfaitement complémentaires. À l’Ardenome, l’artiste peut montrer des pièces essentielles que les espaces de l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran ne pouvaient accueillir…

Si le deuxième confinement annoncé peu après le week-end d’ouverture interdit temporairement la visite de « J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne », on espère une réouverture très rapide de cette très belle exposition.

Le 24 octobre, une table ronde intitulée « Dans la boite : Regards sur le cerveau » accompagnait le week-end inaugural. Jeanne Susplugas y dialoguait avec Mario Blaise (psychiatre iconoblaste), Perrine Ruby (chercheure en neurosciencesà et Maxence Grugier (journaliste et conférencier).

La captation de cette rencontre devrait être bientôt disponible en ligne.

Commissariat : Véronique Baton & Julie Miguirditchian

À lire ci-dessous, un compte rendu photographique accompagné des textes extraits du document d’aide à la visite.

En savoir plus :
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« J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne » : Regards sur l’exposition

Hall d’entrée

Disorder, 2016

Jeanne Susplugas - Disorder, 2016 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Disorder, 2016 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Suspendue dans le hall d’entrée, la sculpture lumineuse Disorder donne le ton. Elle fait partie d’un ensemble d’œuvres réalisées en fil de lumière, restituant des mots ou des phrases qui parlent de déséquilibres et renvoient aux tensions qui se manifestent dans la vie sociale et personnelle de chacun.

S2 au rez-de-chaussée

I Will Sleep When I’m Dead, 2020

Jeanne Susplugas - I Will Sleep When I'm Dead, 2020 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – I Will Sleep When I’m Dead, 2020 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Un espace aménagé sur la droite accueille le visiteur pour faire l’expérience de l’application en réalité virtuelle que propose Jeanne Susplugas. Elle emprunte le titre de cette œuvre à un morceau de Bon Jovi dont le refrain est :

Until I’m six feet under
Baby I don’t need a bed
Gonna live while I’m alive
I’ll sleep when I’m dead
‘Til they roll me over
And lay my bones to rest
Gonna live while I’m alive
I’ll sleep when I’m dead

Le visiteur plonge dans une boîte crânienne parmi neurones et synapses. Il se perd dans un labyrinthe infini et croise des « pensées » matérialisées par des dessins à l’allure de pictogrammes…

Production déléguée à Julie Miguirditchian
Co-productions : Notoryou, EDIS, Chroniques Production, CNC-DICRéAM, Festival ON
Partenaires : VR Arles Festival, Institut français
Œuvre produite avec le soutien de la Bourse Orange XR dont Jeanne Susplugas est une des deux lauréats 2020.

Flying House, 2017

Jeanne Susplugas - Flying House, 2017 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Flying House, 2017 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Le deuxième espace de cette salle accueille Flying House une imposante installation que Jeanne Susplugas avait suspendue à la Maréchalerie de Versailles pour « At home she’s a tourist », en 2017. On la retrouve avant son envol, dans la même configuration que celle qui avait été choisie pour « Désordre » au Château de Servières à Marseille, en 2019…

Avec ce nouveau confinement, le texte du document de visite prend une résonance particulière :

Le thème de la maison occupe une place centrale dans le travail de Jeanne Susplugas. Sans doute parce que cet espace privé est un des meilleurs cadres d’analyse de nos obsessions. La maison nous protège autant qu’elle nous enferme. Sphère de l’intime, lieu de reconnexion avec le corps comme avec le groupe familial, son espace clos peut tout autant se transformer en lieu d’enfermement ou de repli sur soi. C’est cette ambiguïté que souligne Flying House, gigantesque maison suspendue aux poutres du Grenier à sel. Archétype de la maison individuelle dans les dessins d’enfants, cet habitacle semble vouloir s’élever vers le ciel comme un ballon, mais reste lourdement lestée par un attirail d’objets surdimensionnés. Réveil-matin, raquette de tennis, crayon à papier ou couteau suisse composent un réseau arachnéen, un soupçon enfantin voire dérisoire et, dans un même temps, renvoie à un quotidien qui ne semble pas si serein à la vue du revolver et du poing américain. Le merveilleux cohabite avec l’inquiétude.

L’accrochage du troisième espace fait une large place aux dessins.

Un large Wall Drawing (7 x 2 mètres) occupe le mur du fond. Jeanne Susplugas y a tracé six des grands arbres généalogiques qu’elle avait exposés au printemps à la Galerie Mansart.

Jeanne Susplugas - Wall Drawing, 2020 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Wall Drawing, 2020 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Avec les grands arbres généalogiques peints par l’artiste directement sur les murs de l’Ardenome, on revient une nouvelle fois aux addictions et aux phobies logées dans le cerveau. Cette frise déploie une esthétique apparemment séduisante et décorative, mais à y regarder de plus près, elle se révèle rapidement perturbante, voire inquiétante. À la place des noms de personnes composant habituellement l’arbre familial, ce sont des pathologies et tout un éventail de phobies qui s’inscrivent dans les cartouches. Cette nomenclature médicale a été établie à partir de témoignages recueillis auprès de différentes personnes.

Sur les demies cimaises qui lui font face, on retrouve trois dessins de la série Flying House (2017), « portraits » de maisons ou de leurs occupants, réalisés à partir d’une enquête dans laquelle l’artiste avait demandé aux habitants de dresser « une liste des choses qu’ils emporteraient avec eux s’ils devaient quitter leur lieu de vie pour ne peut-être jamais y revenir ».

Jeanne Susplugas - Flying House, 2017 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Flying House, 2017 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Ils sont accompagnés d’un assemblage vertical de trois encres sur papier (There is no Place like Home, 2019), d’un leporello (Carnet Moleskine, 2019).

Deux dessins de la série « In My Brain » (2018) complètent cet ensemble. Le texte de salle rappelle qu’elle prolonge une pratique participative initiée par Jeanne Susplugas avec les Flying Houses.

Pour ces « neuro-portraits », ses interlocuteurs devaient faire la liste de ce qui leur traversait l’esprit dans l’instant et livrer leurs pensées les plus obsessionnelles. L’artiste s’est ensuite appliquée à retranscrire ces visions par des pictogrammes facilement compréhensibles. Pour cela, elle s’est inspirée de l’imaginaire enfantin et d’images trouvées sur internet qui correspondent à la manière dont les gens visualisent communément les choses. L’ensemble constitue une cartographie « mentale » dont l’allure ludique et naïve soulève délicatement un voile sur ce qui nous constitue psychiquement.

Jeanne Susplugas - In My Brain, 2018 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – In My Brain, 2018 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Cette série « In My Brain » trouve une suite dans l’installation VR I will sleep when I am dead.

S1 au rez-de-chaussée

There’s no place like home, 2012

L’autre grande salle de l’Ardenome accueille dans un premier espace la projection de There’s no place like home (2012), une boucle vidéo de 20 secondes où on retrouve la comédienne Manesca de Ternay qui répète continuellement « There’s no place like home », phrase clé de la fin du magicien d’OZ dans laquelle l’héroïne aspire à rentrer chez elle.

La répétition inlassable de ces mots finit par devenir terriblement inquiétante… et comme le souligne le texte du document de visite, elle «nous conduit à nous interroger sur cette affirmation : en est-elle certaine ? ou veut-elle s’en persuader ? »

Disco Ball (Ether), 2019

Jeanne Susplugas - Disco Ball (Ether), 2019 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Disco Ball (Ether), 2019 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Cette installation monumentale reproduit la structure chimique de l’éther diéthylique. Solvant, il a longtemps été utilisé comme un anesthésique général et reste un des psychotropes qui engendre le plus de dégâts. Produite pour la ZAT 2019-100 artistes dans la Ville qui accompagnait l’ouverture du MO.CO. à Montpellier, cette version trouve ici un espace à sa mesure. Dans la pénombre, la lumière se diffracte sur ses sphères à facettes et tapisse les murs de la salle d’une multitude de points scintillants et mouvants. Cette singulière ambiance nocturne est accompagnée de Little Helpers (2018), une boucle sonore de plus de deux cents chansons qui évoquent des substances psychotropes.

Jeanne Susplugas - Disco Ball (Ether), 2019 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Disco Ball (Ether), 2019 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

S3 au sous-sol

Light House III, 2013

Au centre de la petite salle du sous-sol, Light House III (2013) attire et repousse le visiteur…

Jeanne Susplugas - Light House III, 2013 - J'ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon
Jeanne Susplugas – Light House III, 2013 – J’ai fait ta maison dans ma boite crânienne à l’Ardenome – Avignon

Monumentale cage de lumière, Light House, s’apparente à une prison lumineuse qui nous plonge dans l’ambivalence des addictions et de leurs fausses promesses, de l’attirance à la dépendance. A la fois cocon et refuge, dans laquelle le visiteur peut pénétrer pour s’isoler ou se projeter dans un monde factice, Light House est aussi la matérialisation de notre enfermement. Les diodes luminescentes attirent le visiteur telles des lumières prometteuses, un chant des sirènes qui finit par aveugler celui-ci, devenu prisonnier de son monde, de son corps. Les cercles concentriques de la cage, doublé d’un son sourd, le renvoie à une solitude obsédante.

Mezzanine

Bottles, 2018

Celles et ceux qui connaissent le travail de Jeanne Susplugas savent que les contenants y sont très présents… Ils ne seront pas surpris de retrouver ces bouteilles en céramique.

Cette sculpture s’inscrit dans la continuité d’un travail consacré aux contenants de toutes sortes : boites, flacons, tubes, ou bouteilles qui s’empilent dans nos intérieurs et aident à pallier les maladies ou les déprimes et accompagnent des moments intimes. Avec Bootles, l’artiste a choisi de vider les récipients de leurs contenus et de leurs noms pour les transformer en objets précieux façonnés en céramique blanche. Séduisante au premier abord, cette nature morte immaculée et à l’esthétique hygiéniste se révèle vite d’une d’inquiétante étrangeté par l’insertion d’une inscription – « J’allume la télé, je prends une bouteille de whisky, prête à tout oublier » – qui active le soupçons d’une réalité cachée bien plus sombre.

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