Partenaire historique de Parallèle – Festival international des pratiques artistiques émergentes, art-cade, Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine accueille pour la quatrième année et jusqu’au 12 mars prochain une des expositions du programme « La Relève 4, Veiller » dans le cadre de la douzième édition du Festival Parallèle.
L’accrochage et les mises en espace utilisent au mieux les espaces atypiques de la galerie art-cade* en tenant compte des contraintes imposées par la nature et les dimensions des œuvres exposées.
Un plan permet opportunément de repérer les différentes propositions artistiques et de rechercher les informations disponibles dans la feuille de salle commune à tous les lieux de « La Relève 4, Veiller ».
L’origine des sept artistes qui exposent à art-cade* est plus diversifiée que la sélection de l’an dernier qui était fortement marquée par la présence de diplômé·e·s de la Villa Arson.
La réponse à la problématique de cette quatrième édition n’est pas toujours très évidente.
Dans le couloir qui conduit aux anciens Grands Bains Douches de la Plaine, on retrouve la cigale de Chloé Erb. Son Discret device for smashing entrance (2022) alerte de l’arrivée d’un·e visiteur·euse dans l’exposition, comme dans les quatre autres sites de la « La Relève 4, Veiller » (Buropolis, Coco Velten en partenariat avec La compagnie, lieu de création, Le Château de Servières, le Centre Photographique Marseille).
Amentia Siard Brochard – Urvic, 2021
Dans la première galerie, l’accrochage débute avec Urvic (2021), une installation de Amentia Siard Brochard construite à partir d’une photographie imprimée sur une bâche. Cette proposition est sans doute une de celle qui répond avec le plus de nuance et de subtilité à la thématique Veiller choisie pour cette édition de La Relève. C’est aussi une des œuvres qui joue de manière troublante avec la lumière du lieu où elle est exposée. Si la pièce peut, à première vue, paraître énigmatique, la lecture du texte de salle permet d’en saisir toute la richesse :
« La question du regard alimente depuis plusieurs mois les réflexions de l’artiste. Elle s’inspire notamment de la pensée du philosophe Jean-Luc Nancy qui conçoit le regard et l’égard comme deux variations de la garde : “regarder, c’est garder deux fois”. Pour La Relève 4, l’artiste rapproche l’action de “garder” à celle de “veiller” ».
Il précise ensuite les circonstances dans lesquelles cette œuvre a été produite. Réalisée à l’occasion d’une résidence pendant le premier confinement dans un commerce vacant de Sablé
sur Sarthe. Lors d’une « exploration archéologique » du lieu, Amentia Siard Brochard découvre dans de minuscules toilettes sans fenêtre une publicité de la marque de pneus Kebler où apparaît un chien boxer nommé Urvic. Enfermé pendant 50 ans, l’artiste décide de libérer l’animal pour qu’il monte la garde devant un vrai panorama, un extérieur que l’on devine par les rayons du soleil sur la bâche dont la fenêtre hors champ pourrait être celle qui ouvre sur le patio de la galerie. Auparavant, le texte soulignait :
« Cette photographie-document est une mise en abîme autour de la notion de “veille” dans le sens de “l’attente”, mais aussi de “protection” et “surveillance” qui se manifestent par le fait de “porter une attention particulière”.
Amentia Siard Brochard est diplômée de l’école d’architecture de Bretagne et de la Villa Arson. Elle a également suivi un cursus en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal durant un an et reçu le Prix de la Venet Foundation en 2019. Membre du réseau RN13bis, elle vit actuellement entre Cherbourg et Paris.
https://www.instagram.com/amentiasb/?hl=fr
Flo*Souad Benaddi – HormonoBotanik, 2021
L’installation de Flo*Souad Benaddi occupe pratiquement les trois quarts de la première galerie d’art-cade*. Ce projet affirme l’ambition d’explorer les liens entre les plantes médicinales et les transidentités…
Deux panneaux composés de rideaux divisent l’installation en plusieurs espaces. Ces tentures représentent des espèces botaniques connues pour leurs actions sur la production hormonale (Sauge, Ortie, Verveine, Gattilier, Damiana).
Flo*Souad Benaddi – HormonoBotanik, 2021 – La Relève 4, Veiller à art-cade – Marseille
Sur des portants en bois, on découvre des « vêtements de cueillette ». Sur un banc, trois feuillets à destination du public explicitent les intentions de ce projet de recherche qui « n’est pas faite et alimentée par un·e spécialiste de santé, mais par des personnes consommant des hormones dans des parcours de Fucking with Gender souhaitant s’autoformer ».
On suppose que ce « work in progess » s’inscrit dans la thématique par son côté « veille technologique »…
Nora Barbier – Le Coeur solide, 2021
Un espace beaucoup plus réduit et intime est consacré à Nora Barbier qui présente Le Cœur solide, un recueil de dix-neuf textes et poèmes édité à 100 exemplaires et une vidéo de cinq minutes. La trame de cette production « est celle de la mémoire engourdie, de la confession, sans valeur religieuse, des regrets et des réconciliations, avec soi-même et le monde ».
Nous n’avons probablement pas porté suffisamment d’attention à ce Cœur solide pour saisir de quelle Veille il s’agissait…
Nora Barbier (née en 1988) est artiste, écrivaine et réalisatrice basée à Paris. En 2018, elle a obtenu le DNSEP avec Félicitations du jury à EBABX – École supérieure des Beaux-Arts de BordeauX. Elle a ensuite suivi un post-diplôme Art, en 2019-2020, à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon.
https://barbier.hotglue.me/le-coeur-solide/
Valentine Gardiennet – Assiette, 2022
Avec cette installation qui se développe sur 10 mètres, Valentine Gardiennet entend veiller autour d’un feu de cheminée pour « au-delà de veiller, jouer, faire la fête, manger énormément, attendre, se faire chier, risquer des choses, se tromper, se cacher, se faire mal, construire des trucs, rompre, attendre ».
Le texte de Florent Allemand que reproduit la feuille de salle décrit très bien les ressorts de cette singulière « fresque » cartoonesque:
« Trop équivoque, le travail de Valentine Gardiennet est à jamais banni des lundis matin, des repas de familles ou des thés dansants. Incertain et ironique, il l’est sans doute ; mais plus encore, il laisse parfois se glisser avec complaisance quelque détail obscène. L’obscénité surgit dans les recoins les moins attendus et juste derrière elle la mort est aux aguets. De l’obscène comme de mort, et de la chair comme des os, personne ne veut en entendre parler. Les productions de Valentine Gardiennet ressemblent à ces matins de gueule de bois, aux miettes sur la table, aux verres renversés, au maquillage qui a coulé, à la bave sur l’oreiller, à ceux qui dorment sur le plancher. Le silence de celles et ceux qui décuvent est pareil au murmure des morts. Il ne s’agit plus alors d’interpréter l’espace et les choses mais les marges et les pourtours, les non-lieux que nous n’habitons pas : zones de l’imaginaire que nous ne concevons pas. »
Certain·e·s ne manqueront pas de faire quelques rapprochements, au moins au niveau de la vaisselle et de l’étendue des installations entre l’Assiette de Valentine Gardiennet et les Assiettes parlantes (2020) que Camille Chastang présente au Château de Servières…
Résidente et cofondatrice des ateliers Wonder, Valentine Gardiennet est diplômée de la Villa Arson en 2020.
http://www.valentinegardiennet.com/
Eloïse Vo – Grèves perlées, 2021
Vue en cours de montage, peu avant le vernissage à art-cade* et avant la lecture performée de l’artiste, puis revue au Château de Servières en cours d’installation, on reviendra éventuellement sur Grèves perlées après une nouvelle visite de l’exposition.
En attendant, on reproduit ce texte extrait du dossier de presse qui permet de saisir les enjeux de son installation :
« Si un œil s’assèche d’avoir trop regardé, alors il est conseillé d’abaisser la paupière et de la rouvrir rapidement. Cela peut aider à répartir l’humidité d’une larme sur la surface de l’œil. Cette fonction, aussi appelée nictation, reconstitue une barrière humide de protection contre toute forme de polluant ou d’éblouissement.
Pourtant, c’est pour une autre raison qu’une équipe de scientifiques japonais s’est également intéressée à ce geste. Leur étude a révélée que les aires cérébrales impliquées dans l’attention semblent s’inactiver à chaque battement de paupières. Dans le même temps, les régions qui se manifestent habituellement lorsque l’on dort, s’éveillent. Cligner des yeux revient à émuler une forme de sommeil. »
Éloïse Vo est titulaire d’un DNSEP Atelier communication graphique (2021) de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR). Elle vit et travaille actuellement en région parisienne où elle développe une méthode de recherche à partir des outils et de la pratique du design graphique.
http://eloisevo.fr/
Prune Phi – Otherworld Communication, 2022
Le parcours se termine avec Otherworld Communication (2022), une imposante installation de Prune Phi qui occupe la salle qui ouvre dans la troisième galerie d’art-cade*.
Les murs sont entièrement recouverts d’un tissu satiné de couleur mauve qui évoque immédiatement les salons funéraires et les veilles mortuaires. Otherworld Communication est un opérateur téléphonique imaginaire qui propose des objets votifs en carton. Ces derniers peuvent « être activés et envoyés aux êtres aimés passés dans l’autre monde ». Un étrange autel en bois sculpté permet cette communication entre les morts et les vivants. Avec cette installation, Prune Phi souhaite questionner « l’évolution de traditions du Sud-Est Asiatique et plus particulièrement l’introduction de nouvelles technologies dans les pratiques liées au culte des ancêtres »…
Prune Phi – Otherworld Communication, 2022 – La Relève 4, Veiller à art-cade – Marseille. Photo Marine Brilloit
Cette proposition de Prune Phi fait écho à la très belle installation Apprivoisées #1 (2022) qu’Aglaë Miguel expose au Château de Servières
Née en 1991, Prune Phi vit et travaille à Marseille. Après un Master en Création Artistique, Théorie et Médiation à Toulouse, puis une résidence d’un an au Birmingham Institute of Art and Design, elle intègre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles dont elle est diplômée en 2018.
http://www.prunephi.com/
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