Cirva – Feux Sacrés ! à La Criée – Théâtre National de Marseille


Jusqu’au 13 juin 2022, La Criée – Théâtre National de Marseille accueille « Feux Sacrés ! » une spectaculaire et captivante exposition coproduite avec le Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques) en partenariat avec le GMEM-CNCM.

Événement incontournable de l’édition 2022 du Printemps de l’Art Contemporain à Marseille, « Feux sacrés ! » est remarquable par la richesse et l’intérêt de son propos et par sa remarquable scénographie. Son parcours s’articule en trois séquences.

Paysage de propagations 3 – « Fusion » de Christian Sebille

Dans le hall du théâtre, Christian Sebille avec la complicité de Francisco Ruiz de Infante présente le troisième opus de Paysage de propagations. Un ensemble de pièces en verre produites au Cirva est installé dans un « pré carré mécanique et organique » qui évoque le champ de fouille d’une improbable archéologie du futur. Avant de descendre dans la fosse aux allures de petit amphithéâtre, le visiteur peut agir sur une pédale pour déclencher l’exécution d’une composition musicale. Elle est interprétée par un orchestre de ballons, vasques, cymbales, soucoupes ou tiges en verre animés par des dispositifs mécaniques et numériques génératifs…

Christian SebillePaysage de propagations 3Cirva – Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Paysage de propagations 3 – « Fusion » est accompagné du texte suivant que signe Francisco Ruiz de Infante :

«  Un espace…. Un pré carré mécanique et organique au même temps. Un désir incandescent de maîtriser le beau désordre de quelques respirations fossilisées dans des boules transparentes. Le mot « désordre* », pour certains évoque un cauchemar domestique. Il nous convient ; il nous rassure aussi, car tout ordre peut devenir facilement effrayant. L’ordre fait peur parce qu’il nous attire avec la même force que le désordre nous porte. Si nous existons et si un espace vibre, c’est probablement à cause de ces va-et-vient. Comment construire une archéologie en transition ? Un potentiel fragile qui, amplifié par la résonance de quelques peaux transparentes et quelques souvenirs du feu, puisse composer un espace-temps énigmatique avec lequel vibrer ? Voilà des formes improbables générées grâce aux désirs du son ! Voilà les marteaux pour provoquer la réaction de l’air fossilisé dans l’air du présent ! Voilà les ombres pour expliciter des mouvements presque invisibles ! Et voilà aussi les scanners pour éclairer, souligner et cacher ces souffles vitrifiés. Et voilà donc ces regards mécaniques qui balaient les transparences et les corps. Ces regards qui, en regardant tout, ne voient rien… pour mieux laisser entendre l’orchestre. » *Désordre, de Jean-Claude Carrière, 2012 aux éditions André Versaille

Dans un texte de 2021, Christian Sebille écrivait :

« Nous sommes dans un lieu clos où les pièces de verre, réveillées par des mécanismes asservis, propagent leur identité sonore. Les lumières balayent l’espace. Rien ne semble fixe. Dix tables présentent des pièces uniques, inertes, jusqu’à l’action du percuteur. Le souffle des artistes verriers se prolonge par le son. La matière passe du solide au vibrant, du souffle figé à son expansion retentissante. Les sons se propagent dans l’espace, se mélangent entre leurs zones de propagation. Les éclats de lumière et les nappes de couleurs, en contrepoint, brouillent les repères.

Après un temps d’observation, vous déambulez à la recherche des mécanismes. Ogives ou vasques frappées, longues tiges ou cymbales tapées ou frottées, bandes de lumière vibrantes… après le premier étonnement, c’est la recherche de la compréhension du dispositif qui s’impose. D’où viennent les phénomènes ? Puis jaillissent les bulles de spectres lumineux ou sonores, les axes de dialogues et les traces des fréquences. Les jeux entre les familles de sons – bois, métal, pierre – s’interrogent et s’interpellent. Les mouvements des résonances demandent l’immobilité de l’auditeur et son observation.

Vous décidez d’être à l’intérieur du petit monde. Un lien dérisoire et ironique s’installe entre vous et le cosmos. Vous êtes dans un endroit décidé de votre écoute, à un endroit de l’orchestre, proche de ce qui est fort, écarté du lointain. »

Paysage de propagationsChristian Sebille (Épisode 3)

Conception et composition : Christian Sebille.
Développement des dispositifs mécanique et numérique génératif : Maxime Lance, Vivien Treicat et Nicolas Canot, Collectif Sonopopée.
Production et réalisation verre Cirva. Equipe Cirva : Carlo Maria Marangoni, Responsable d’atelier – Valérie Olléon, Technicienne verrière – Fernando Torre, David Veis, Cyrille Rocherieux, Souffleurs maîtres verrier. Francisco Ruiz de Infante, Plasticien. Benoit Fremaux, Constructeur. Damien Ripoll, Ingénieur son
Production déléguée GMEM-Centre national de création musicale et Cirva, Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques
En partenariat avec Saint-Ex, Culture Numérique-Reims Remerciements à Reso-Nance & Fablab Lfo

Morteza Herati – Photographies

Dans l’escalier et la mezzanine qui conduisent à la salle du petit théâtre, Morteza Herati, photographe afghan réfugié à Marseille et accueilli par le Cirva en août 2021, présente une série de huit impressions jet d’encre sur dos bleu. On se souvient des deux très belles séries intitulée Les garçons du fleuve de 2016 et 2018 qu’il avait montré dans « Kharmohra. L’Afghanistan au risque de l’art » au Mucem en 2019. Pour « Feux Sacrés ! », Morteza Herati confronte son regard sur les expériences de recherches menées au Cirva avec le souvenir de sa découverte du travail du verre à Herat en Afghanistan.

Dans le texte d’introduction à sa série, Morteza Herati explique :

« Ce qui se joue au Cirva va bien au-delà de la déformation et de la mise en forme d’une matière à la fois solide et fragile. Dans l’atelier, le verre est pilé, fondu, et tout en composant avec sa fragilité, il est modelé de toutes les façons possibles. Par la couleur, la lumière et le feu, il devient tout autre. L’équipe du Cirva n’agit pas simplement sur ses formes, les verrier·ère·s transforment l’identité même de la matière par leur savoir-faire. Chaque pièce est l’objet d’une métamorphose, les verrier· ère·s soustrayant la dureté et la délicatesse du verre pour y incorporer l’âme de l’artiste. C’est cette transformation qui me captive le plus. »

Morteza Herati – Cirva – Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Ces images constituent une très belle introduction à l’installation qui suit…

Feux Sacrés dans la salle du petit théâtre

La salle du petit théâtre accueille l’installation Feux Sacrés ! imaginée par Macha Makeïeff et Stanislas Colodiet. Dans la pénombre, la directrice de La Criée et le directeur du Cirva mettent en scène une sélection de pièces « volontairement inachevées, choisies comme des fragments de recherche, des essais, des échecs, des récits ouverts à l’imaginaire ».

Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Ce projet concrétise l’ambition que Stanislas Colodiet nous avait confiée peu après son arrivée au Cirva. Celle d’aller au-delà de la présentation d’œuvres abouties et d’exposer aussi « du “non formalisé”, du récit en cours de construction, dans un état encore relativement chaotique » et de ne plus montrer seulement « une relation académique à la création ». Feux Sacrés ! traduit parfaitement cette intention esquissée l’an dernier dans « Souffles » au Château Borély.

Les fragments de recherches choisis sont habilement associés à des outils et objets empruntés dans l’atelier. L’ensemble est superbement complété par une une bande son composée par Duuu radio et des vidéos de Camille D.Tonnerre.

Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Dans sa note d’intention, le directeur du Cirva exprimait ainsi son ambition partagée avec Macha Makeïeff :

« Notre curiosité réciproque, nourrie par quelques intuitions, multiplie nos désirs. Créer un lieu nouveau : quelque part entre l’exposition et la mise en scène. Donner à voir : à mi-chemin entre l’observation et l’absorption. Donner vie à des objets : affirmer que tout acte de création n’est pas une forme inerte. Comment penser, faire et montrer en même temps ?
La scène et le verre, ces pièges à regard, contiennent des mondes dans lesquels son et lumière se diffractent et s’amplifient. A-t-on jamais rêvé de se retrouver de l’autre côté du verre ? Non pas en dehors, mais en dedans. Le théâtre est un espace clos ouvert sur l’imaginaire propre à animer la matière.


Le Cirva est un atelier, un lieu de production où se joue quotidiennement un état transitoire depuis la matière en fusion vers la forme. Un lieu de passage entre le feu et le danger qu’il représente et son précipité : un objet fragile, cassant, tranchant. La scène peut-elle rejouer cette duplicité ? Peut-elle traduire les paradoxes d’une matière ? Les ateliers de verre sont des enceintes qui pour longtemps furent entourées du secret, des espaces alchimiques. Chaque jour il en sort quantité de formes nouvelles qui souvent n’aboutissent pas en des objets. Sélectionnées et mises en scène avec la complicité de Macha Makeïeff, les pièces choisies pour le Petit Théâtre seront parfois inachevées, ce sont des fragments de recherche, des essais, des échecs ».

Cirva Feux Sacrés à La Criée – Théâtre National de Marseille

Faut-il ajouter qu’un passage s’impose par La Criée ?

Attention, « Feux sacrés ! » se termine le 13 juin ! C’est sans doute le seul reproche que l’on peut faire à cette enthousiasmante proposition. Dix jours d’exposition pour un tel travail !!! Quel dommage ! Souhaitons que « Feux sacrés ! » puisse trouver rapidement un autre lieu d’accueil…

En savoir plus :
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