Anne Verdier – Brick by Brick à Nendo Galerie – Marseille

Jusqu’au 28 avril 2023, Frédéric Bonnet accueille Anne Verdier pour « Brick by Brick », une captivante exposition qui rassemble un peu moins d’une vingtaine d’œuvres. Si elles ont en commun l’usage de la brique, ces pièces appartiennent à différentes séries et ont été produites sur une assez large période.

Anne Verdier - Brick by Brick à Nendo Galerie – Marseille - Photo ©jcLett
Anne VerdierBrick by Brick à Nendo Galerie – Marseille – Photo ©jcLett

On se souvient des très belles pièces de sa série des « Affleurants » qu’Anne Verdier avait exposées l’an dernier au MO.CO. Panacée dans « Contre-nature – La céramique, une épreuve du feu ». On se rappelle également sa participation, l’été dernier, à « Toucher terre » à la Fondation Villa Datris, avec, dans les combles, le chaos directement construit dans le four à bois d’une exceptionnelle sculpture de sa série « Lignes » (LG 020-01, 2020).

Anne VerdierLG 020-01, 2020 – Toucher Terre à la Villa Datris ; Aff2016-15, 2015 et autres pièces – « Contre-nature – La céramique, une épreuve du feu » au MOCO Panacée

On retrouve dans « Brick by Brick » tout le mystère, la fascination et la sensualité de son travail où la matière laisse entrevoir des moments telluriques et flamboyants. Les empilements et les fragments de brique, de porcelaine, de faïence, de céladon, de grès bruts ou émaillés, les surfaces lisses ou rugueuses, les ruptures permettent de percevoir les crépitements et les craquements du bois qui brûle…

Anne VerdierBrick by Brick à Nendo Galerie – Marseille

Frédéric Bonnet insiste sur l’importance du travail du four chez Anne Verdier qui, écrit-il, « n’est plus là seulement de cuire afin de figer une volonté ; il est de cuire afin de provoquer un mouvement, un effondrement, un déplacement, une mutation de la proposition initiale sans tentative de contrôle par l’artiste. L’enjeu ici n’est toutefois pas de laisser libre le hasard d’intervenir comme bon lui semble afin de parachever une création ; il est d’offrir à un élément tiers la faculté d’agir sur les contours et l’apparence de l’œuvre ». L’artiste s’en était longuement expliquée il y a quelques années dans une intervention à l’université de Picardie et plus brièvement l’occasion de « Toucher terre » à la Fondation Villa Datris.

Anne VerdierBrick by Brick à Nendo Galerie – Marseille

Prendre le temps de contempler les œuvres de Anne Verdier, laisser son regard divaguer dans les plis des matériaux, éprouver les tensions qui les ont travaillées est un moment rare et intense qui procure un indescriptible vertige…

Anne VerdierD-212-3, 2011 – Brick by Brick à Nendo Galerie – Marseille – Photo ©jcLett Nendo Galerie

Comme à chaque exposition, Nendo Galerie propose une scénographie originale et particulièrement adaptée aux œuvres exposées. Pour « Brick by Brick », Frédéric Bonnet a choisi d’installer les pièces petites et moyennes, à hauteur du regard, sur des tablettes supportées par des trépieds de chantier. Les plus sculptures plus volumineuses sont présentées au sol, posées sur quatre plateaux à roulettes.

Anne VerdierBrick by Brick à Nendo Galerie – Marseille

Amateurs et les collectionneurs de céramique contemporaine ne peuvent manquer le rendez-vous avec ce « Brick by Brick » que leur propose Anne Verdier à Marseille. Pour les autres, la découverte sera sans doute passionnante…

À lire, ci-dessous, le texte de présentation de « Brick by Brick » communiqué à la presse.

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Anne Verdier – « Brick by Brick » – communiqué de presse de Nendo Galerie

Une forme archétypale, concrètement et symboliquement liée à l’environnement et au bâti tout autant qu’échelle de mesure de la corporalité ; un petit module basique, qui néanmoins contribue à des constructions d’ampleur.

Un objet lourd et un peu gauche d’aspect également, que la subtilité d’une approche parvient à animer, grâce des interventions parfois minimes – quelques simples touches d’émail – ou bien plus complexes – une matière plus riche, la rencontre avec la porcelaine, des empilements ou des assemblages composés de plusieurs unités… Explorer la présence de la brique dans le travail d’Anne Verdier, c’est revenir sur l’évolution d’un travail pas-à-pas et, au-delà du motif ou du parallélépipède soumis à des expérimentations nombreuses et à des déformations certaines, aborder un cheminement d’artiste à travers une sélection de travaux provenant de séries différentes mais reliées dans le temps.

Quoique n’étant pas un élément central de la réflexion, la brique est toutefois une présence récurrente et familière. En y revenant régulièrement, par touches plus ou moins appuyées, elle est devenue plus qu’un élément de langage ou un emblème, une sorte de liant.

Or tout l’oeuvre est traversé par cette question du liant. En premier lieu car l’hétérogénéité de ses compositions tient souvent de l’amas ou de l’accumulation, lorsque des pièces disparates ne doivent pas seulement trouver une manière de cohabiter mais de s’agréger afin de former un tout, de contraindre la multiplicité à se souder en unité.

Ensuite car, par les mouvements et glissements qu’elle provoque, la cuisson génère de nouveaux mélanges au coeur de la matière, parfois inattendus, ainsi qu’en témoigne par exemple une sculpture plate d’aspect, sorte de flaque de porcelaine aux coloris mêlés, à la surface de laquelle surnage un morceau de brique dans une étrange sensation de flottement.

Il n’est pas inutile d’insister là sur la nature-même de l’accomplissement. Car une fois enfournées, les oeuvres bougent.
Le travail du four n’est plus là seulement de cuire afin de figer une volonté ; il est de cuire afin de provoquer un mouvement, un effondrement, un déplacement, une mutation de la proposition initiale sans tentative de contrôle par l’artiste. L’enjeu ici n’est toutefois pas de laisser libre le hasard d’intervenir comme bon lui semble afin de parachever une création ; il est d’offrir à un élément tiers la faculté d’agir sur les contours et l’apparence de l’oeuvre. En d’autres termes, cela revient à conférer à l’accessoire un rôle de conception presque aussi important que celui du créateur. « Je compose en sachant que je vais utiliser un moyen de déplacement qui est la cuisson », admet d’ailleurs l’artiste.
L’une des spécificités du travail d’Anne Verdier tient alors dans le fait que le processus est aussi important que la forme, que la finalité n’est pas un objet terminé mais un objet terminé qui a gagné son autonomie grâce au four devenu le lieu d’une densification de l’espace et du temps.

Des ruptures naissent, des amas se font jour, des fissures apparaissent… Fondamentale est en outre la problématique de la matière et de son exploration. Dans la flaque de porcelaine évoquée plus haut, ce qui se passe dans la tranche laisse entrevoir le coeur de la matière, l’intérieur des choses, impossible à appréhender si l’oeuvre conserve intégrité et perfection. Dans un sophistiqué empilement de fragments, un examen attentif révèle mille surprises, entre surfaces lisses ou granuleuses, fragments émaillés ou paraissant bruts. Sur de simples briques, l’alliance des contraires se fait jour et génère des mouvements, la densité d’une matière devenue particulière interpelle, comme interpellent tensions et antagonismes, gages tout à la fois de complexité et de finesse.
Brick by Brick… pas-à-pas.

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