Quelques impressions sur Paréidolie 2023


Pour sa dixième édition, Paréidolie 2023, le salon international du dessin contemporain de Marseille accueillait du 1er au 3 septembre les galeristes, les artistes, les collectionneurs et le public au Château de Servières… Pour fêter cet anniversaire, le [mac], musée d’art contemporain de Marseille inaugurait « Le Sentiment du dessin », une des plus belles expositions de la rentrée imaginée avec l’équipe de Paréidolie. L’alchimie subtile et parfaite des regards croisés de Jean de Loisy, Chiara Parisi et Gérard Traquandi sur les collections des Musées de Marseille, des Beaux-arts de Paris et du Frac Picardie créait l’événement. Leur accrochage inventif, délicat et audacieux, marquait inévitablement l’œil et l’esprit, laissant des traces très vivaces lors de la découverte du salon le lendemain…

On ne reviendra pas sur l’ambiance chaleureuse et le caractère convivial de ce salon dont le format volontairement court et intimiste se limitait cette année à 16 exposants auxquels s’ajoutaient plusieurs projets invités. Remercions cependant l’équipe organisatrice (Françoise Aubert, Martine Robin, Michèle Sylvander) pour la qualité de son accueil, sa disponibilité et son savoir-faire.

Pour Paréidolie 2023,le comité artistique, toujours présidé par Jean de Loisy,était composé comme l’an dernier de Nicolas Daubanes, Thierry Forien, Josée Gensollen, Laurent Godin, Pascal Neveux, Marine Pagés, Michèle Sylvander et Gérard Traquandi.

PARÉIDOLIE 2023, vue du stand de la galerie Bernard Jordan, Paris, Zurich, Berlin © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie2023, vue du stand de la galerie Bernard Jordan, Paris, Zurich, Berlin © Photo : Jean­Christophe Lett

Peu de changement dans l’organisation matérielle du salon. Les stands sont sensiblement les mêmes que l’an dernier. Plusieurs galeries se sont installées aux mêmes endroits. Comme en 2022, les accrochages très sobres, trop sages, sans surprise, montraient peu d’audace… L’hétérogénéité et la densité étaient très (trop) souvent présentes. Parfois, le regard pouvait facilement papillonner sans réussir à se poser…

Paréidolie 2023, Jean-Luc Verna sur le stand de la galerie Espace à vendre, Nice © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, Jean-Luc Verna sur le stand de la galerie Espace à vendre, Nice © Photo : Jean­Christophe Lett

Au centre du salon, Jean-Luc Verna assurait le show et attirait tous les regards, peut-être aux dépens de ses troublants transferts de dessins sur des pages de livres anciens que montaient Espace à vendre, sa galerie niçoise.

Les impressions qui suivent, nécessairement subjectives, portent un regard sur quelques propositions qui ont accroché mon attention lors d’un passage, sans doute trop rapide, dans la cohue du vendredi matin.

Paréidolie 2022 : Du côté des invités…

Diane Guyot de Saint Michel – Artiste invitée

À l’entrée du salon, on retrouvait avec beaucoup d’intérêt le travail de Diane Guyot de Saint Michel que l’on avait découvert les bannières dans l’atelier qu’elle occupait au premier étage du Château de Servières et à la galerie Gourvennec Ogor, en 2014.

Diane Guyot de Saint Michel - Artiste invitée - Pareidolie 2023
Diane Guyot de Saint Michel – Artiste invitée – Pareidolie 2023

On se souvient également de ses expositions à art-cade et notamment de l’inoubliable « Donut Forget » en 2016 où elle avait mis le « cul du camion » aux portes de la galerie. On se rappelle encore de son installation Salle de Conférence pour Art-o-rama 2018 au J1.

Artiste invitée de Paréidolie 2023, Diane Guyot de Saint Michel présentait Vous êtes entre la vie et la mort ? — presque, un ouvrage qui rassemble plus de 150 dessins réalisés aux services de soins critiques à l’hôpital Européen de Marseille et dont on avait suivi attention et souvent avec émotion leur publication sur les réseaux sociaux pendant et après les confinements… Vous êtes entre la vie et la mort ? — presque est édité par Fræme et Immixtion Books avec le soutien du Frac Sud.

Autour de cette édition posée parmi d’autres sur une table basse, Diane Guyot de Saint Michel a imaginé un accrochage pétulant. Ses grands dessins aquarellés proposent des situations où l’humour subtil, savoureux, parfois déjanté, le dispute aux jeux de mots construits souvent à partir de bribes de conversations et occasionnellement à double ou triple sens.

Diane Guyot de Saint Michel - Artiste invitée - Pareidolie 2023
Diane Guyot de Saint Michel – Artiste invitée – Pareidolie 2023

Ces feuilles quelques fois cocasses, moqueuses ou surréalistes entouraient une bannière où une main dont les doigts sont chaussés de pieds, affirme « Hip, Hip, Hip, Aura » !

Carte Blanche au Centre d’art contemporain de Châteauvert

En face, pour la carte blanche qui lui a été offerte, Lydie Marchi, figure historique de Paréidolie, proposait un des accrochages parmi les plus réussis de cette dixième édition du salon.

Côme di Meglio et Eve Pietruschi - Carte blanche au Centre d'art de Chateauvert - Pareidolie 2023
Côme di Meglio et Eve Pietruschi – Carte blanche au Centre d’art de Chateauvert – Pareidolie 2023

Sous la forme d’une grande invitation murale, elle présentait avec Regain des œuvres de Côme di Meglio et d’Eve Pietruschi pour un « prequel » du projet qui sera développé à Châteauvert début 2024. On attend avec curiosité cette exposition qui devrait être « pensée comme un paysage mental peuplé d’expériences et de pistes de réflexion que l’on traverse ».

C’est avec plaisir que l’on a retrouvé Côme di Meglio qui exposait plusieurs dessins d’une série intitulée Memento Myco Mori et MycoTemple Disparition après l’installation de son MycoTemple au Centre d’art Fernand Leger de Port de Bouc, en bordure du GR 2013, face aux industries pétrolières de Fos-sur-Mer… Ses dessins aux crayons de couleur dialoguaient avec les fresques, les monotypes, les montages entre papiers japonais et les dessins sur liège d’Eve Pietruschi dont on découvrait ici le travail.

Phantasmagora par le Frac Sud – Cité de l’art contemporain

Parmi les invités, le Frac Sud – Cité de l’art contemporain proposait Phantasmagora, sous le commissariat de Muriel Enjalran. Les œuvres choisies de Cathryn Boch, Karine Rougier, Ilana Salama Ortar et Michèle Sylvander témoignaient des acquisitions dans le domaine du dessin par le Frac depuis la création de Pareidolie.

En héritant du couloir en contrebas de la voie de chemin de fer, ce projet ne bénéficiait pas de condition d’éclairage idéale avec une lumière naturelle aveuglante le matin et des tonalités très bleues et froides l’après-midi.

Si la très belle œuvre de Cathryn Boch (Sans titre, 2020), les pierres vivantes de Karine Rougier et les grands formats de la série Traces Urbaines d’Ilana Salama Ortar résistaient assez bien à ces conditions. Par contre, les dessins de Michèle Sylvander étaient eux à peine visibles quand ils étaient directement éclairés par la lumière du matin…

Michèle Sylvander, série Juste un peu distraite, 2019 - 2020 - Frac Sud - Cité de l’art contemporain - Pareidolie 2023
Michèle Sylvander, série Juste un peu distraite, 2019 – 2020 – Frac Sud – Cité de l’art contemporain – Pareidolie 2023

Paréidolie 2023 : Du côté des galeries…

Galerie AL/MA

Paréidolie 2023, , vue du stand de la galerie AL/MA, Montpellier © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, , vue du stand de la galerie AL/MA, Montpellier © Photo : Jean­Christophe Lett

La Galerie AL/MA de Montpellier proposait une très belle sélection de la série « Ink mountains » de Gilles Balmet, dont on avait vu deux « représentations fictives de paysages crédibles » dans l’exposition personnelle que lui avait consacrée Marie-Caroline Allaire-Matte en début d’année et que l’on avait alors longuement commentée.

Gilles Balmet - Galerie AL_MA - Pareidolie 2023
Gilles Balmet – Galerie AL_MA – Pareidolie 2023

Pour Pareidolie 2023, il retrouvait Anna Jaccoud, une de ses anciennes élèves aux Beaux-Arts de Montpellier/MO.CO ESBA. Cette jeune artiste qui termine son année aux Beaux-Arts de Paris avec la mention « Remarquable » présentait cinq œuvres récentes, qui méritaient attention. Après la pièce présentée pour son DNAP et l’étonnante maitrise de l’espace dont elle avait fait la démonstration lors de Supervues 022, en décembre dernier, on ne manquera pas de suivre avec intérêt l’évolution de son travail.

Anna Jacoud - Galerie AL_MA - Pareidolie 2023
Anna Jaccoud – Galerie AL_MA – Pareidolie 2023

Les feuilles de ces deux artistes étaient complétées par des œuvres de François Bouillon, Didier Demozay et Dominique Gauthier, trois artistes majeurs représentés par la galerie montpelliéraine.

Galerie 8 +4

Pour la Galerie 8 +4, Bernard Chauveau proposait un accrochage riche, dense et toujours aussi éclectique avec des feuilles des Sœurs Chevalme, Guillaume Millet, Vera Molnar, Gilles Pourtier, et François Réau.

Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries 8+4, Paris (Les Sœurs Chevalme) © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries 8+4, Paris (Les Sœurs Chevalme) © Photo : Jean­Christophe Lett

La réinterprétation d’anciennes photographies des colonies africaines par Les Sœurs Chevalme attirait toutes les attentions, provoquant par moment un embouteillage à l’entrée du stand…

Il fallait donc un peu de témérité pour traverser cette cohue et braver ses commentaires et remarquer sur le mur du fond une nouvelle proposition de Gilles Pourtier.

Gilles Pourtier - Galerie 8+4 - Pareidolie 2023
Gilles Pourtier – Galerie 8+4 – Pareidolie 2023

Dans ce dessin à la craie, il relève les éléments d’un constat réalisé par les équipes de conservation des musées à chaque déplacement d’une œuvre d’art. Dans ces documents, l’original disparait au profit d’annotations qui attestent de l’état de l’œuvre inspectée. Gilles Pourtier produit ainsi une nouvelle œuvre abstraite qui interroge sans doute la sacralité des œuvres conservées par les institutions et les collectionneurs.

Gilles Pourtier - Galerie 8+4 - Pareidolie 2023
Gilles Pourtier – Galerie 8+4 – Pareidolie 2023

On retrouve une feuille de sa série des « Labor Sculptures » que l’on avait découverte l’an dernier. En regardant avec beaucoup d’attention, les clichés de Bernd et Hilla Becher, Gilles Pourtier a remarqué la présence de personnages presque invisibles. Ces « détails », probablement ignorés des Becher ne pouvaient le laisser indifférent. Dans les dessins de cette série, il a reproduit (laborieusement ?) au crayon ces acteurs « invisibles »…

On regrette l’éclairage désastreux des cyanotypes de Vera Molnar en hommage à Kepes. Les reflets et effets de miroir les rendaient pratiquement invisibles !

Archiraar

Nouvelle venue sur le salon, la Galerie Archiraar de Bruxelles présentait un remarquable ensemble d’œuvres de Mélanie Berger, Mara Fortunatovic, Emmanuelle Leblanc, Roman Moriceau et Jonathan Rosic. C’est sans doute une des plus belles découvertes de Pareidolie 2023.

Mara Fortunatović - Scheda Unda, 2023 - Galerie Archiraar - Pareidolie 2023
Mara Fortunatović – Scheda Unda, 2023 – Galerie Archiraar – Pareidolie 2023

Une superbe pièce sur acier inoxydable, laqué à l’uréthane de Mara Fortunatovic (Scheda Unda, 2023) répondait à une sélection récente de la série « Diffuse » d’Emmanuelle Leblanc jouant sur d’étonnantes dichromies vibratoires (Rose-Angelico, Blond-Angelico, Or-Angelico, Azur-Lavandula, Verde-Gris)…

Emmanuelle Leblanc - série Diffuse(Rose-Angelico, Blond-Angelico, Or-Angelico, Verde-Gris, Azur-Lavandula), 2023 - Galerie Archiraar - Pareidolie 2023
Emmanuelle Leblanc – série Diffuse(Rose-Angelico, Blond-Angelico, Or-Angelico, Verde-Gris, Azur-Lavandula), 2023 – Galerie Archiraar – Pareidolie 2023

Coup de cœur pour Mélanie Berger et son travail sur la relation entre surface et profondeur dans le dessin. Dans les œuvres radicales et minimalistes qui sont exposées, elle est, à lire le texte de présentation d’Archiraar, « en recherche d’une image fulgurante et profonde, qui tisse un lien entre la surface – l’arrière-plan – et le premier plan de l’instant, fugitif et ténu »…

On peut aussi s’y perdre dans d’improbables paysages à travers d’étranges traces, superpositions, face aux réactions du papier… On pourra lire avec intérêt l’excellent billet de Léon Mychkine dans art-icle ainsi que son entretien avec Mélanie Berger.

L’accrochage tente des raprochements audacieux, assez réussis entre des œuvre de Mélanie Berger (Sans Titre (Agrafé Bleu-Vert en Paysage), 2023) et de Roman Moriceau (Fregilupus Varius, 2021), mais aussi des dialogues plus téméraires et à priori moins féconds avec Jonathan Rosić (Touching from a Distance, 2022)

Graphe, Dilecta et Anne de Villepoix

Première participation également pour Graphe (Madrid) avec des échanges entre de grands fusains de Raúl Artiles et des propositions très intéressantes de Eva Rodríguez Góngora.

Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries Graphe, Madrid (Pepa Mora, Raúl Artiles) © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries Graphe, Madrid (Pepa Mora, Raúl Artiles) © Photo : Jean­Christophe Lett

Dilecta (Paris) présentait un remarquable ensemble de dessins à l’encre de Chine de Mircea Cantor, créés en 2018 pour le Musée de la Chasse.

Paréidolie 2023, vue du stand de la galerie Dilecta, Paris (Mircea Cantor, Mathilde Lestiboudois) © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, vue du stand de la galerie Dilecta, Paris (Mircea Cantor, Mathilde Lestiboudois) © Photo : Jean­Christophe Lett

De son côté, la galerie Anne de Villepoix exposait trois de ses artistes d’origine africaine : Atsoupé, Gastineau Massamba et Franck Lundangi.

Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries Anne de Villepoix, Paris (Gastineau Massamba, Atsoupé, Franck Lundangi) © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, vue du stand de la galeries Anne de Villepoix, Paris (Gastineau Massamba, Atsoupé, Franck Lundangi) © Photo : Jean­Christophe Lett

Laurent Godin

Paréidolie 2023, vue du stand de la galerie Laurent Godin, Paris (Marc Couturier, Laurent Galland) © Photo : Jean­Christophe Lett
Paréidolie 2023, vue du stand de la galerie Laurent Godin, Paris (Marc Couturier, Laurent Galland) © Photo : Jean­Christophe Lett

Si l’accrochage chez Bernard Jordan était toujours aussi pléthorique et hétéroclite, Laurent Godin avait choisi de proposer un focus très réussi sur Laurent Galland avec des feuilles de sa série des « grandes formes molles dynamisées » (2023) et de celle des « constructions répétitives » (2022).

On remarquait également un ensemble d’encres sur papier de Marc Couturier absolument fascinantes.

Marc Couturier - Galerie Laurent Godin - Pareidolie 2023
Marc Couturier – Galerie Laurent Godin – Pareidolie 2023

L’opportunité de présenter cet artiste s’imposait cette année. En effet, on peut voir, dans l’incontournable « Sentiment du dessin » au [mac], L’infini sur terre dans un espace donné, une installation fabuleuse de Marc Couturier, composée de 4032 dessins au crayon réalisés entre décembres 1995-septembre 1996…

Hors les murs, la programmation propose jusqu’au 19 novembre « Le sentiment du dessin », incontournable exposition au [mac] musée d’art contemporain de Marseille à propos de laquelle on peut lire ici « Traversées sentimentales » de Marie Godfrin-Guidicelli

Paréidolie 2023 inaugure La Saison du Dessin qui prolonge le salon avec des projets curatoriaux et des temps d’exposition longs sur le dessin dans une trentaine de lieux partenaires à Marseille et sur tout l’arc méditerranéen, de Nice à Perpignan, jusqu’à fin décembre.

En savoir plus :
Sur le site de Paréidolie
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