Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence – Marseille


Jusqu’au 21 avril 2024, le Musée Regards de Provence présente l’exposition « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche », une exposition qui rassemble un peu plus de 150 œuvres de cet artiste majeur, disparu il y a un an et dont les dessins, pastels et huiles sur toile sont sans doute restés trop longtemps l’apanage de certains privilégiés et de collectionneurs avertis.

Cette proposition prolonge le très bel hommage que le Musée Fabre avait rendu à Jean-Pierre Blanche au printemps dernier. Elle permet aussi de faire un nouveau bilan de son travail après la passionnante rétrospective qu’avait organisée Élisa Farran au Musée Estrine de Saint-Remy-de-Provence en 2021.

Le Musée Regards de Provence réunit des œuvres qui couvrent l’ensemble de la carrière de Jean-Pierre Blanche depuis les années 1950 jusqu’à ses dernières réalisations, ignorant à dessein celles produites en Bretagne. « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche » montre comment son travail est traversé par une recherche fondamentale de la couleur et de la lumière au travers des quelques motifs récurrents autour de la méditerranée, à proximité des lieux où il a vécu.

Poésie & lumière - Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence
Michel Hilaire, commissaire de l’exposition Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

Dans le texte qu’il signe pour le catalogue, Michel Hilaire, commissaire de l’exposition, souligne :
« Blanche n’a pas besoin d’aller sans cesse défricher de nouveaux territoires, convaincu comme Cézanne avant lui que “le même sujet vu sous un angle différent offre un sujet d’étude du plus puissant intérêt”. La géographie du peintre est donc étonnamment simplifiée et immédiatement repérable à quelques encablures d’Aix, ce sont les chemins qui montent vers Célony ou qui mènent vers la face nord de la Sainte-Victoire en direction de Vauvenargues, le plateau du Cengle et, tout à l’opposé, la route de la Camargue ou de la plaine de la Crau. Et puis la minéralité du littoral de Marseille, avec en tête tous les départs possibles vers la Corse (parcourue elle aussi au début des années 1950) ou le Maghreb. Ce sont ces paysages, mornes et desséchés, souvent banals, qui l’attirent pour leur dépouillement extrême et la possibilité qu’ils offrent de construire un espace à l’intérieur du tableau ».

C’est à partir de cette géographie restreinte et de quelques motifs récurrents que s’est construit le parcours de « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche ».

Jean-Pierre Blanche - Du Languedoc à la Provence - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Du Languedoc à la Provence – Pont-Rout – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

Par l’articulation des différentes séquences, par un accrochage toujours précis et pertinent dont il maitrise parfaitement le rythme, Michel Hilaire montre comment Jean-Pierre Blanche est un descendant spirituel et poétique de Vuillard, de Bonnard ou encore du japonisme. C’est dit-il « un héritier de Bonnard à travers la couleur qu’il place au premier plan de ses préoccupations… La couleur et l’espace ce sont les deux mots qui caractérisent Jean-Pierre Blanche mais aussi sa vision du paysage ». Pour le commissaire, Blanche n’est pas du tout un peintre naturaliste ou un impressionniste, même s’il pratique avec ardeur le motif depuis son séjour en Algérie.

Dans le catalogue, il reproduit ce propos éloquent de l’artiste en 2009 dans un dialogue avec Alain Paire : « Je pense qu’il faut une grande vacuité, faire le vide de nos connaissances pour aborder un paysage nouveau et en saisir le caractère. Le sentiment d’un paysage, ce n’est pas seulement du relationnel, c’est aussi l’occasion d’aller à la découverte de nous-mêmes. Je ne crois pas à l’immédiateté, au sensationnel. »

Lors de la visite de presse, Michel Hilaire ajoutait : « C’est un peintre qui recrée une impression colorée, une impression poétique, une vision du paysage. Jean-Pierre n’est pas du tout un peintre de l’instantané, il n’est pas un peintre de la touche visible. C’est un travail qui est extrêmement précis, qui se fait dans le calme de l’atelier, qui ne se fait pas sur le motif. Il magnifiait à l’atelier tout ce qui avait été accumulé pendant des heures sur le motif ». Dans le catalogue qui accompagnait la rétrospective de 2021, Pierre Wat notait : « Dehors, il s’agit d’éprouver une sensation du monde, à l’atelier, il faut la restituer — affaire de temps et de travail. Il faut rendre au monde quelque chose de la complétude qu’il nous procure. »

Jean-Pierre Blanche - Nuits - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – La lumière de l’atelier, 2012 – Nuits – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

S’il a pratiqué un peu toutes les techniques, Jean-Pierre Blanche a beaucoup exploré le pastel gras dans les dernières décennies de son existence. En témoigne, entre autres, la magistrale série des « nuits » qui montrent entre chien et loup la bastide à Pont-Rout et avec lesquelles se termine le parcours de « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche ». Le catalogue rapporte ce propos de l’artiste à propos de cette technique : « La matière du pastel a cette qualité qui lui est propre d’aller naturellement de l’infinie douceur à la plus grande véhémence. […] Et puis il y a la magie de la poudre, le plaisir d’étaler cette matière subtile et fluide qui s’écrase et se travaille a la paume, au doigt et au chiffon ».

Mais quel que soit le motif ou l’outil choisi, comme l’écrit si justement Michel Hilaire, « Toujours il nous ramène à la surface du tableau, à l’épiderme de la matière colorée dans un face-à-face avec la peinture et avec nous-mêmes. Car ce qui compte avant tout pour Blanche, c’est faire œuvre de peintre, se plier aux règles internes du tableau, pratiquer d’infimes “mensonges” s’il le faut, pourvu que le tableau tienne afin que l’œil se promène à sa surface “sans aucun accroc” »…

Jean-Pierre Blanche - Marseille - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Marseille – – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

Celles et ceux qui connaissent le travail de Jean-Pierre Blanche savent que la visite de « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche » est absolument incontournable. Pour les autres, un passage par le Musée Regards de Provence s’impose comme une urgence !

Au-delà de la richesse et la qualité des œuvres exposées, « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche » n’est cependant pas exempt de quelques critiques. On peut ainsi s’interroger sur l’importance de la section consacrée au séjour du peintre en Algérie et à la Villa Abd-el-Tif. Fallait-il un accrochage aussi dense pour montrer ses influences, ses hésitations et l’importance de ses rencontres culturelles ? Contrairement au découpage du catalogue, pourquoi avoir éloigné les deux paysages à l’encre de Puéchabon de la vue de l’atelier au Mas Basile ?

Jean-Pierre Blanche - Camargue et Plaine de la Crau -  Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Camargue et Plaine de la Crau – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

On avait signalé l’an dernier, à l’occasion de l’exposition « Au bord de l’eau – Vincent Bioulès», l’organisation contrainte au premier étage dans la salle « Vieux Port », face au Mucem et à la Villa Méditerranée… On ne reviendra pas sur cette « articulation obligée » des cimaises, sauf à signaler que la visibilité de certaines œuvres en souffre. C’est notamment le cas de la série des Hautes Herbes où la lumière naturelle multiplie des reflets et des effets de miroir sur les verres de protection au point d’en rendre certaines difficilement appréciables (Triptyque roseau, 1988). Dans une moindre mesure, certains pastels de la séquence consacrée à Marseille dans le hall du musée, ou encore l’Appel au large de 2003 à l’étage subissent un sort assez semblable…

Jean-Pierre Blanche - Hautes Herbres - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Hautes Herbres – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

Toutefois ces quelques remarques s’oublient très vite face à la poésie et à la lumière qui se dégagent des œuvres de celui qui a été et reste aujourd’hui un des grands paysagistes de la Méditerranée.

Catalogue édité par l’Association Regards de Provence avec un très riche texte de Michel Hilaire et la reproduction de l’intégralité des œuvres exposées.

Le commissariat est assuré par Michel Hilaire, conservateur général du patrimoine et directeur du Musée Fabre de Montpellier, en collaboration avec les héritiers de Jean-Pierre Banche et Adeline et Pierre Dumon, respectivement directrice du Musée et président de l’Association Regards de Provence.

À gauche : Guillaume Blanche, Alain Paire, Veronica Grange et Adeline Dumon – À droite : Michel Hilaire

Les œuvres exposées ont été prêtées par l’Atelier de Jean-Pierre Blanche, la Médiathèque Edmond Charlot de Pézenas, le Musée Bonnard du Cannet, le Musée Estrine de Saint Rémy de Provence, le Musée Fabre de Montpellier, le Palais – Musée des Archevêques de Narbonne et par plusieurs collections particulières.

Après « Au bord de l’eau – Vincent Bioulès » et la « Trilogie de Jean Le Gac », « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche » clôture la célébration en 2023 des 10 ans du Musée Regards de Provence et des 25 ans de la Fondation et Association Regards de Provence.

En savoir plus :
Sur le site du Musée Regards de Provence
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« Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche » : Regardes sur le parcours de l’exposition

Marseille

Jean-Pierre Blanche - Marseille - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Marseille – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Le hall du Musée Regards de Provence présente un superbe ensemble de paysages où comme l’écrit Michel Hilaire « Après l’exploration de la verticalité des arbres de Pont-Rout, il trouve là, sur la Corniche, l’horizontalité des formats très ouverts donnant sur la mer »…

Face à l’entrée, une superbe série de pastels sur papier ou sur carton et de formats très proches, carrés ou presque accueillent les visiteurs. Parmi ces derniers, Marseille, le départ (2009), La Corniche (vers 2008) et Vue de Marseille (vers 2008) sont particulièrement fascinants.

Jean-Pierre Blanche - Marseille - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Marseille – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Impossible de ne pas rapprocher ces vues avec celles que son ami Vincent Bioulès a peintes lors de ses séjours à la Villa Bianco et qui étaient accrochées aux cimaises du musée il y a un an. Mais comme le souligne très justement Alain Paire dans son article pour La Marseillaise, « Dans cette confrontation, les différences d’approches et de tempéraments sont évidentes. Chez Bioulès, les compositions sont plus vastes, le désordre urbain n’est pas loin, le Mistral souffle fréquemment. Chez Blanche, les aubes et les journées sont claires, les partis pris de simplification et de décantation façonnent des paysages quasiment intemporels ».

Jean-Pierre Blanche - Petit matin à Marseille, 1998 - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Petit matin à Marseille, 1998 – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Sur la gauche, Petit matin à Marseille, une huile sur toile de 1998 est une merveille de délicatesse et de poésie devant laquelle on peut méditer longuement…

L’ Algérie

Jean-Pierre Blanche - Villa Abd-el-Tif - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Villa Abd-el-Tif – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

On ne reviendra pas ici sur la densité de l’accrochage de cette section. On présume que la volonté des commissaires était ici de souligner l’importance de ce séjour algérien dans la construction de la personnalité artistique de Jean-Pierre Blanche.

Jean-Pierre Blanche - Villa Abd-el-Tif - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Villa Abd-el-Tif – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Dans le catalogue, Michel Hilaire souligne les échos au tracé de Matisse (Portrait d’un jeune Kabyle, Tipasa, 1958), aux couleurs des Fauves (La Cabane du pêcheur, Tipasa, 1958), aux simplifications du cubisme (Baigneurs sur le môle à Alger, 1958), à la construction de l’espace de Nicolas de Staël (La Boucherie du centre, Tipasa, 1958) ou encore à la stylisation de Bernard Buffet (Portrait de Houtia Mezzari, 1957)…

Outre les deux paysages du Sahel (1959) au crayon et au fusain du Musée Fabre, on retiendra les deux croquis au feutre et au pastel (Ghardaïa, 1958), une étonnante Étude de figure (Alger, 1958) au fusain et au pastel.

Pont-Rout

Jean-Pierre Blanche - Du Languedoc à la Provence - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Du Languedoc à la Provence – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Cette séquence qui évoque l’installation déterminante de Blanche à la fin des années 1970 au domaine de Pont-Rout à proximité d’Aix. Il y vivra jusqu’à la fin de ses jours et trouvera des motifs infinis dans cette bastide du XVIIIe siècle, dans son parc planté d’arbres centenaires et sur le côté de la ferme d’un cèdre majestueux…

Jean-Pierre-Blanche - Du-Languedoc-à-la-Provence---Pont-Rout---Poésie-&-lumière-au-Musée-Regards-de-Provence-
Jean-Pierre-Blanche – Du-Languedoc-à-la-Provence – Pont-Rout – Poésie-&-lumière-au-Musée-Regards-de-Provence

L’accrochage commence avec une vue de l’atelier du Mas Basile (1974) dont on a dit plus haut regretter qu’il soit séparé des paysages de la garrigue languedocienne. Elle est mise en dialogue avec la Chambre de Pont-Rout (2001) illustrant aussi le passage du Languedoc à la Provence aixoise.

Suit une très belle série de dessins au fusain où Blanche montre divers aspects du domaine depuis la bastide jusqu’à l’orangerie de l’ancienne résidence de la congrégation des Oratoriens. Cet enchaînement s’achève avec une superbe huile sur toile aux accents japonisants (Automne, Pont-Rout, 2001).

Jean-Pierre Blanche - Du Languedoc à la Provence - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Du Languedoc à la Provence – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Arbres

Jean-Pierre Blanche - Arbres - Pont-Rout - Poésie & lumière - Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Arbres – Pont-Rout – Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche au Musée Regards de Provence

Cette section centrale de l’exposition montre l’attention que Blanche va accorder aux arbres de Pont-Rout et en particulier à ce grand cèdre avec lequel il noue une relation particulière. Cet arbre « tant de fois rencontré, tant de fois affronté, tant de fois dessiné et sans doute rêvé » dont Jean-Pierre Blanche, raconte Pierre Watt, « parle en le touchant, disant par ce geste de la main autant que par les mots (“Là, regarde, le nombril, et puis ces rides, je les connais tellement !”) le long et familier dialogue, fait de tendresse et d’émerveillement intacts, qui lie le peintre et son modèle ». (Extrait du catalogue de la rétrospective au Musée Estrine).

Face aux regards attentifs de Blanche au port, au tronc comme à l’écorce de ce cèdre tricentenaire, l’exposition présente avec beaucoup de tact et de finesse les portraits de François-Bernard Huyghe, de Pierre Guyotat et de Vincent Bioulès adolescent et ceux des enfants de son ami montpelliérain avec lequel il n’a cessé d’échanger sur la peinture, la littérature ou la musique…

Jean-Pierre Blanche - Arbres - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Arbres – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Si ce cèdre majestueux devient une figure majeure dans l’œuvre de Jean-Pierre Blanche, d’autres arbres de Pont-Rout ou d’ailleurs sont observés avec attention (Tilleul, 2011 ; Marronnier en hiver, 2010 ; Chêne millénaire, Bédoin, 2000 et 2007…

Jean-Pierre Blanche - Arbres - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Arbres – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Dos aux bassins du port, l’éclatant Sous Bois Rouge (vers 2001) fait écho à Automne, Pont-Rout, (2001) qui clôturait la séquence précédente et introduisant celle-ci…

Jean-Pierre Blanche - Arbres - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Arbres – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

En haut de l’escalier, l’extraordinaire Écorce n° 1 (2002) conservée par le Musée Fabre, portrait rapproché du cèdre de Pont-Rout termine ces portraits d’arbres et conduit le visiteur vers les Hautes Herbes qui suivent…

Jean-Pierre Blanche - Hautes Herbres - Pont-Rout - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Hautes Herbres – Pont-Rout – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Hautes Herbes

Jean-Pierre Blanche - Hautes Herbres - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Hautes Herbres – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Cet ensemble, où comme le souligne le commissaire « la ligne d’horizon se réduit tellement que les graminées sauvages finissent par investir toute la surface du tableau dans un formidable effet all over », aurait mérité à l’évidence une autre lumière ou un autre endroit dans les espaces du musée…

Jean-Pierre Blanche - Hautes Herbres - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Hautes Herbres – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

On aurait aimé pouvoir partager l’enthousiasme de Pierre Watt pour ces Hautes Herbes : « En elles pas d’horizon, mais une confusion délibérée (…) qui engendre un effet de buissonnement. Que faire de cela, que faire si ce n’est regarder, regarder de toutes ses forces, autrement dit tenter d’ajouter la profondeur aux deux dimensions qui se heurtent jusqu’à l’aveuglement ? »
On aurait aimé pouvoir ressentir ses sensations : « Soudain, à force de s’égarer dans les herbes hautes, à force de se passer du ciel et de tout horizon, des fleurs s’allument, comme des étoiles, des herbes crépitent, en blanc, telles des notes sur une partition de nature »…

Vauvenargues, Plateau du Cengle

Jean-Pierre Blanche - Vauvenargues et Plateaux du Cengle - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Vauvenargues et Plateaux du Cengle – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Au milieu des années 2000, Alain Paire propose à Jean Pierre Blanche et Vincent Bioulès dedialoguer autour d’un même thème, celui du site de Vauvenargues, lieu emblématique des environs d’Aix-en-Provence. Entre 2008 et 2010, Blanche part sur les terres de Picasso, à la rencontre des paysages sur le flanc nord de Sainte-Victoire, de l’autre côté de celui peint par Cézanne.

Dans une conversation avec Alain Paire, il lui confie :

« Il faut dire en effet qu’au début j’étais plutôt déconcerté par ce projet. Il a fallu apprivoiser ce lieu que je n’avais pas choisi. Peu à peu la peinture a pris le dessus, et les découvertes s’ensuivirent. […] De Vauvenargues, j’ai observé le château en cherchant comment je pourrais l’intégrer dans divers cadrages, à plusieurs moments, au cours des saisons. L’arrière-plan des montagnes a fini par s’imposer et a donné différentes échelles et apparences au château. Dans ce voyage à Vauvenargues, il y a aussi pour moi une histoire du temps, une métamorphose, un va-et-vient à travers les saisons. Ce déplacement dans le temps, c’est en quelque sorte un motif en mouvement ».

Jean-Pierre Blanche - Vauvenargues et Plateaux du Cengle - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Vauvenargues et Plateaux du Cengle – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Dans le catalogue qui accompagnait les expositions à la Galerie Alain Paire et à l’Atelier Cézanne en 2009, Michel Hilaire écrivait à propos des pastels de Jean Pierre Blanche : « Parfois le château s’impose dans sa masse étincelante de lumière de fin d’été comme un monastère andalou ; ailleurs il apparaît dans la brume d’un soir d’avril comme une île flottant au milieu d’un lagon bleu, avec au premier plan la cime des platanes, d’un vert vif, humide, qui aide à structurer l’espace et à orienter le regard ; ailleurs encore et avec une audace qui ne semble plus avoir de limite, Blanche montre le château juste avant que l’automne ne vienne flétrir les tons de la campagne, avec des colorations intenses de vert et de bleu. L’artiste se débarrasse de tout ce qui viendrait encombrer sa vision, ne retenant que les lignes de force du paysage comme dans cette vue d’après la pluie qui installe au confluent des collines nappées d’un beau bleu uniforme, la façade du château, à la coloration de vieil os jauni, au milieu de son parc solitaire ; dans le ciel court une frise nécessaire de gros nuages gris ourlés de blanc. Blanche avoue avoir cherché longtemps le ton de bleu de la montagne en fonction du beige des maçonneries. L’expérience de Vauvenargues l’a amené à expérimenter des colorations souvent inédites qui tranchent sur la production antérieure, que ce soit en Bretagne, avec ses demi-tons plus assourdis, ou encore sur le plateau du Cengle à la monochromie un peu monotone ».

Jean-Pierre Blanche - Vauvenargues et Plateaux du Cengle - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Vauvenargues et Plateaux du Cengle – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Un peu plus loin, on découvre quelques œuvres de Blanche réalisées du côté du plateau du Cengle et notamment un imposant dessin panoramique de 2011.

Camargue, Plaine de la Crau…

Jean-Pierre Blanche - Camargue et Plaine de la Crau - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Camargue et Plaine de la Crau – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Sur la longue cimaise où l’an dernier on pouvait admirer deux versions monumentales de l’Ile Maïre de Vincent Bioulès, l’accrochage rassemble six paysages de Camargue. On y retrouve les Grandes Salines (2005) du Musée Fabre et son paysage parfaitement étal où la sublime lumière grise qui joue sur les aires saunantes, est presque aveuglante…

Jean-Pierre Blanche - Camargue et Plaine de la Crau - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Camargue et Plaine de la Crau – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Ici aussi, les reflets et effets de miroir sont désagréables, c’est particulièrement le cas pour l’Appel au large (2003) du Musée Bonnard…

Jean-Pierre Blanche - Camargue et Plaine de la Crau - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Camargue et Plaine de la Crau – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

À l’extrême droite, Nuit en Camargue (2009) conduit naturellement le visiteur vers la dernière séquence du parcours…

Jean-Pierre Blanche - Camargue et Plaine de la Crau - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Camargue et Plaine de la Crau – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

En face, on retrouve les paysages de Puéchabon évoqués ci-dessus. Ils accompagnent plusieurs pastels sur la plaine de la Crau où des chemins sinueux se perdent dans une campagne déserte et silencieuse, un des thèmes récurrents chez Blanche…

Nuits

Point d’orgue de l’exposition, cette dernière séquence justifie à elle seule une ou plusieurs visites de « Poésie & lumière – Jean-Pierre Blanche ».
Avec un éclairage plus maitrisé, elle rassemble une quinzaine d’œuvres magistrales, dont celles conservées par le Musée Fabre et un très bel ensemble issu de l’Atelier Jean-Pierre Blanche.

Jean-Pierre Blanche - Nuits - Poésie & lumière au Musée Regards de Provence
Jean-Pierre Blanche – Nuits – Poésie & lumière au Musée Regards de Provence

Après avoir rappelé la découverte de cette série fascinante en 2013 lors d’une exposition à la ferme Courbet à Flagey en Franche-Comté, Michel Hilaire écrit avec un certain lyrisme dans le catalogue :

« La nuit, il sort, il rôde autour de la bastide, arpente le domaine et se livre à quelques notations sommaires. Il lui arrive même parfois de s’obséder et avoue lui-même ne vouloir rater aucune lunaison. […] L’obscurité est aussi porteuse d’abstraction et il est frappant de voir combien, d’un pastel à l’autre, les repères topographiques s’amenuisent, une fenêtre laissée éclairée projette des ombres matérielles sur le sol à la manière de Hopper (La Lumière de l’atelier, 2012), tandis que la masse indistincte des feuillages du parc semble se dissoudre dans les lueurs de la nuit safranée (Les Grands Arbres, 2013). La nuit a fait prendre conscience à Blanche que “le principal sujet, c’est la surface qui a sa couleur, ses lois, par dessus les objets”, comme le notait Bonnard dans son agenda à la date du 2 décembre 1935. Dans Les Abords, 2013, la bastide prend en effet des allures de décor de théâtre féerique avec de rares accords de vert épinard, de jaune paille et de gris mauve. Cette évacuation progressive du sujet qui semble être la quête intime et secrète du peintre depuis de nombreuses années a incontestablement trouvé dans la série magistrale des nuits une expression nouvelle ».

Il faut impérativement faire l’expérience de ces « Nuits » et se perdre dans la contemplation de ces grands pastels de Jean-Pierre Blanche

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