À l’occasion des dix ans du musée Soulages, Jeanne Vicerial présente « Sans attendre la naissance du jour ». Dans cette installation éphémère, trois de ses œuvres dialoguent avec les peintures de Soulages dans les collections permanentes du musée jusqu’au 3 novembre 2024.
Cette proposition fait écho à « Avant de voir le jour », l’exceptionnel duo posthume avec Pierre Soulages que Jeanne Vicerial expose au Musée du Vieux Nîmes jusqu’au 24 novembre 2024. C’est sans aucun doute le « binôme intergénérationnel » qui aura marqué « La Fleur et la Force », l’exposition en douze lieux imaginée par Anna Labouze et Keimis Henni pour la première triennale Contemporaine de Nîmes.
Cette installation que l’artiste présente comme « une libre rencontre de lignes, de lumière et de différentes natures de noir » emprunte son titre à un poème du professeur Itsuji Yoshikawa, un ami proche de Soulages qui lui fit découvrir le Japon : « Avec les fleurs de prunier qui tombent, tu t’es éteint sans attendre la naissance du jour. »
Les œuvres de Jeanne Vicerial sont installées dans la salle 5 dite « Outrenoir II », à l’extrémité ouest du musée où les variations de la lumière du jour jouent à l’infini avec les peintures de Soulages.
L’immense diptyque Peinture 162 x 724 cm, novembre 1996 y occupe un mur entier.
La matière noire de ses quatre panneaux a été régulièrement incisée à l’aide d’un peigne construit par le peintre. Les stries obliques engagent le regardeur à percevoir dans son déplacement comment la lumière se décompose et fait émerger les nuances du spectre.
Au pied de cette œuvre majeure, Jeanne Viceral a installé une de ses gisantes (Gisante (ex Vénus ouverte), 2020-2021), sans doute celle qu’elle avait montrée l’an dernier dans « Persephone », l’exposition inaugurale la Fondation Thalie à Arles.
Le corps de cette impressionnante sculpture tricotissée est rempli de fleurs séchées. Celles et ceux qui sont passés au Musée du Vieux Nîmes ne manqueront pas de ressentir ici un écho troublant avec ce qui est présenté dans une « chapelle » crépusculaire où une autre gisante (Gisante (Amnios), 2022 ) repose au pied de Peinture 166 x 230 cm, 17 janvier 1980. La lumière semble glisser des stries du tableau au fil de la sculpture dans un étrange dialogue aux limites d’une forme de transcendance.
Comme à Nîmes, le corps de la gisante est veillé par une imposante et mystérieuse figure qui appartient ici à la série des Présence (Présence 3 – Totem, 2021).
Sa silhouette solennelle se découpe dans la lumière du jour, mais aussi sur deux œuvres qui font face au monumental diptyque.
À gauche, les horizontales de blanc semblent arrachées à la surface noire de Peinture 222 x 222 cm, 4 mars 2000. Sur la droite, Soulages confronte sur la même toile l’outrenoir et le noir et blanc dans le fascinant Peinture 300 x 235 cm, juillet 2000. Au Musée du Louvre, en 2003, cette toile était accrochée à côté du panneau de la Bataille de San Romano de Paolo Uccello. Le peintre confiait alors : « J’ai accepté cette proximité parce que je pense qu’il n’y a pas de confrontation possible entre cette toile et la mienne, qui sont deux choses fondamentalement différentes. Ce sont deux œuvres tellement éloignées qu’elles ne se rencontrent pas. On pourrait dire en plaisantant qu’elles ne dialoguent pas parce que l’une est sourde (celle d’Uccello) et l’autre muette (la mienne)… »
De l’autre côté du passage qui conduit à la salle suivante, Jeanne Viceral a installé une partie de ses Sex Voto (2022) qu’elle présente comme « des boucliers érotisés, inspirés par les parties de corps présents sur les ex-voto. Faits d’un fil et de fleurs, ces organes sexuels vestimentaires (ovaires, testicules, organes génitaux internes et externes, glandes mammaires) sont des offrandes votives faites à la Terre ».
Les Sex Voto de Jeanne Viceral ont-ils plus à dire à Peinture 300 x 235 cm, juillet 2000 que La Contre-Attaque de Micheletto Attendolo da Cotignola (1450-1475), le panneau d’Uccello conservé par le Louvre ?
Jeanne Vicerial – Sex Voto, 2022. 10 ans du Musée Soulages Rodez, 2024. Photo © Charlotte Delrieu
Commissariat d’Anna Labouze et Keimis Henni, directeurs artistiques de la Contemporaine de Nîmes et de Benoit Decron, directeur du musée Soulages.
Une importante programmation accompagne les dix ans du musée Soulages avec notamment un nouvel accrochage des collections permanentes avec :
– les sept Outrenoir donnés par Colette Soulages en 2023.
– un focus sur les deux affiches créées par Soulages pour les Jeux Olympiques en 1972.
– Soulages, atelier 2009, une exposition de 34 photographies de Claude Gassian prises sans l’atelier de la rue Saint-Victor au moment de la grande rétrospective du Centre Pompidou et ont été acquises par le musée Soulages.
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