À partir du 23 janvier 2025 et pour une durée de 3 à 4 mois, Didier Webre accueille Christian Jaccard pour le troisième volet du projet Le code a changé, dans son appartement avec une vue spectaculaire sur le Vieux-Port.
Pour répondre à l’invitation du collectionneur, Christian Jaccard a imaginé « Helios Rubor », une série de sept œuvres originales qu’il présente ainsi, et avec une certaine emphase,dans une conversation avec Bernard Muntaner, commissaire de l’exposition :
« Inspiré de la Mythologie l’idée d’une fiction naît au sein du site et son ouverture sur le ciel méditerranéen.
« Hélios Rubor » commence à se dilater à partir d’une « singularité »,tel un état si chaud et si dense qu’il éclaira la nuit stellaire. Puis « Hélios Rubor » en phase d’inflation fulgurante prend progressivement une configuration solaire et incandescente. « Hélios Rubor » devient le grand œil rayonnant du monde au cœur d’un ciel galactique comme au centre de l’être. C’est ainsi qu’« Hélios Rubor » héliocentrique légendaire tel un astre rubescent entre matière et lumière éclaira Sapiens, le façonna et le relia à l’immensité cosmique ».
Ces sept œuvres que Jaccard considère comme « la décomposition d’un polyptyque en sept états pérennes » sont le produit de la combustion d’une mèche lente parfois additionnée de poudre lisse sur carton ou vélin d’Arches et quelques fois d’un gel thermique sur médium.
Christian Jaccard – série « Hélios Rubor », 2024. ©Christian Jaccard
Dans son échange avec Bernard Muntaner, Christian Jaccard précise le sens qu’il attribue à chaque élément de son polyptyque :
Sol lnvictus : Le Soleil invaincu est une divinité solaire romaine dont le culte apparaît dans l’Empire romain au cours du 3ème siècle.
Sol divinus : est supposé comme pouvoir de manipulation de l’énergie divine.
Sol ad zenit : est le point le plus élevé du soleil au cours de la journée à midi ; c’est aussi le solstice d’été.
Sol ortus : est le moment où le soleil apparaît le matin à l’Est.
Sol levans, ou Solis ortus, Sol oriens : le soleil se lève.
Sol spirituale : représente la manière dont l’humain veut vivre, créer et tracer son destin.
Sur son compte Instagram, l’artiste a publier en août dernier ce réel dans lequel il dévoile son travail pour «Hélios Rubor».
À celles et ceux qui connaissent son travail et qui ont visiter l’hiver dernier « Christian Jaccard, une collection » au musée Fabre de Montpellier, cette série pourrait évoquer le « Rouge émis » du superbe Tondo BRN 04 de 1991 ou encore Bellona (1984) et les Burn cut up paper (1986) sur papier Canson et papier d’Arches…
Vernissage public le le jeudi 23 janvier 2025 de 18 h à 21 h, en présence de l’artiste.
Par la suite des visites seront sans doute possibles pendant le Printemps de l’Art Contemporain et Art-O-Rama et sur rendez-vous en envoyant un message au compte instagram @lecodeachange
L’équipe Le code a changé regroupe Didier Webre (collectionneur et initiateur du projet), Bernard Muntatner (commissaire d’exposition et ancien directeur du FRAC Sud) et Judie Montaudon (Galerie Béa-Ba, photographe et coordinatrice du projet).
On se souvient avec émotion du premier volet du Le code a changé avec « Suspendue » de Mayura Torii. On reviendra éventuellement sur cet « Hélios Rubor » de Christian Jaccard dans un prochaine chronique.
À lire, ci-dessous, Faire trace, l’entretien de Christian Jaccard avec Bernard Muntaner et quelques repères biographiques .
En savoir plus :
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Faire trace – Entretien de Christian Jaccard avec Bernard Muntaner
Bernard Muntaner : Tu t’es fait connaître en créant des oeuvres participant d’« outils » qui te servaient à « empreinter » une feuille de papier, un tissus ou une pièce de cuir, qui, une fois dépliés, révélaient soit l’empreinte, soit l’empreinte et son outil. Il y avait une pression, un contact, laissant la trace d’une action qui pérennise celle du faire. D’autres outils sont constitués de cordes nouées, formant une sorte de famille d’objetssculptures mutiques, posées horizontalement ou verticalement telles des totems, passés au graphite, dont la couleur anthracite approche celle du brûlé.
Faire trace de l’acte créatif.
Dans ta pratique artistique tu as toujours privilégié des formes d’expressions issues d’outils différents et inattendus : la corde, le feu, prenant de la distance avec les outils conventionnels. L’œuvre est alors étroitement liée à l’objet qui l’a fabriqué. Celui-ci en déciderait et en résoudrait en grande partie la création.
Le feu est-il un de tes derniers outils privilégié, et peut-on dire que tu dessines/peins avec le feu ?
Christian Jaccard : « Le feu-outil et sa combustion » dessine, oblitère et peint. J’en suis le simple convoyeur
Bernard Muntaner : À quel moment le feu est-il apparu dans ton travail comme composante plastique, et quel en a été le déclencheur éventuel ? La dimension symbolique du feu est-elle aussi importante pour toi, ou est-ce la réalisation visuelle qui est le vrai sujet ?
Christian Jaccard : Captivé par les fossiles ramassés dans un ruisseau du Vercors je trouve l’origine de mon regard sur l’empreinte. Le Paléolithique m’intrigue, j’en saisis à l’époque l’incidence que ceci aura sur mon objectif artistique.
Dès les années 60 je m’intéresse à la Préhistoire, à l’aventure du feu, à son processus pariétal et à ses nombreux usages. Je découvre à travers ses divers moyens « l’ outil » de marquage primitif dont la force graphique visuelle et hypnotique m’apparaît exceptionnellement prometteuse.
Il s’agit de feu chimique ; celui qu’on appréhende avec un matériau (le combustible), l’oxygène de l’air (le comburant), et un apport d’énergie servant de déclencheur. Toute combustion est l’amorce d’une chimie potentiellement capricieuse. Sa mise en oeuvre produit des effets singuliers, son ignition engendre des traces de calcination et de brûlure imprévues ; elle crée des empreintes carbonées et des matières résiduelles dont l’ampleur de la substance est capable par sa singularité et son oblitération de matérialiser un pouvoir de fascination autant que les vestiges d’énergies dissipées. J’explore depuis plusieurs décennies et dans de multiples circonstances les variants esthétiques d’un processus de combustion dynamique, visuel, créateur et prodigieux.
Bernard Muntaner : Dans ton travail tu utilises 3 couleurs, le rouge, le blanc et le noir. Toujours dans la symbolique ?
Christian Jaccard : Pas nécessairement, leurs pigmentations produisent des nuances composites et leurs effets sont souvent subtils et inattendus. Rouge, Blanc, Noir ont chacun(e) leur triptyque ou trilogie : l’éclat et son degré de luminosité ; la tonalité et son degré chromatique ; la saturation et son degré émotif ou inspiré.
Bernard Muntaner : Quand tu interviens dans l’espace d’une galerie, un centre d’art, un musée, tu choisis souvent de travailler directement sur les murs. Dans le contexte du projet « Le code a changé », tu as été amené à prévoir tes créations sur des supports à présenter au mur. Qu’elle serait la différence notable entre ces deux réalisations de ton travail ? Le rapport à l’éphémérité/pérennité ?
Christian Jaccard : Des combustions in situ n’étant pas envisageables, il s’agit de présenter ici la décomposition d’un polyptyque en sept états pérennes effectué à l’extérieur du lieu en question. Le motif d’un tableau éphémère et sa finalité se conçoit dans un temps d’immédiateté, de précarité puis d’effacement.
Bernard Muntaner : Dans ce projet qu’est-ce qui a orienté tes réponses plastiques et réflexives en découvrant le lieu, avec sa baie vitrée panoramique, d’où apparaît la ville, les collines, le ciel et le soleil en face à face comme interlocuteur ?
Christian Jaccard : Inspiré de la Mythologie l’idée d’une fiction naît au sein du site et son ouverture sur le ciel méditerranéen.
« Hélios Rubor commence à se dilater à partir d’une « singularité »,tel un état si chaud et si dense qu’il éclaira la nuit stellaire. Puis Helios Rubor en phase d’inflation fulgurante prend progressivement une configuration solaire et incandescente.Helios Rubor devient le grand oeil rayonnant du monde au coeur d’un ciel galactique comme au centre de l’être. C’est ainsi qu’Helios Rubor héliocentrique légendaire tel un astre rubescent entre matière et lumière éclaira Sapiens, le façonna et le relia à l’immensité cosmique »
Bernard Muntaner : Il y a 7 clous disposés sur différents murs qui reçoivent chacun les oeuvres des artistes invités. Tu as proposé 7 oeuvres que tu as titrées : Sol justitiae, Sol lnvictus, Sol divinus, Sol ad zenit, Sol ortus, Sol levans, Sol spirituale.
Quel en est le propos ?
Christian Jaccard : Sol lnvictus : Le Soleil invaincu est une divinité solaire romaine dont le culte apparaît dans l’Empire romain au cours du 3ème siècle
Sol divinus : est supposé comme pouvoir de manipulation de l’énergie divine.
Sol ad zenit : est le point le plus élevé du soleil au cours de la journée à midi ; c’est aussi le solstice d’été
Sol ortus : est le moment où le soleil apparaît le matin à l’Est
Sol levans, ou Solis ortus, Sol oriens : le soleil se lève
Sol spirituale : représente la manière dont l’humain veut vivre créer et tracer son destin.
Bernard Muntaner : L’odeur de brûlé fait-elle partie d’une affirmation de l’oeuvre, ou est-elle uniquement consubstantielle ?
Christian Jaccard : Accidentelle, fugace et passagère
Christian Jaccard – Repères biographiques
Né en 1939 à Fontenay-sous-Bois Christian Jaccard est d’origine suisse.
Il apprend le Manuel du gabier et les feux de camp (1948).
Lycéen, il ramasse des fossiles, traces indéfectibles du temps (1954).
Étudiant, Christian Jaccard se forme aux beaux-arts à l’école nationale de Bourges (1956-1960).
S’intéresse aux déchets industriels et aux traces par empreintes : genèse de ses premiers travaux lithographiques.
Graveur chromiste dans une imprimerie typographique (1964-1975) où il explore des processus d’imprégnation liés à la confection d’outils spécifiques : Noeuds et Ligatures, Couples toile/outil (1968-1973).
Façonne et oblitère successivement des Toiles effacées, Toiles ficelées, Toiles contrepliées, Toiles calcinées.
Professeur à l’école d’art et d’architecture (Marseille 1976).
Invité par Frans Krajcberg, il séjourne au Brésil (1981).
L’outil fait la peinture et les combustions génèrent de nouveaux ensembles : Anonymes calcinés, Trophées, Toiles brûlées (1977-1983).
Obtient sa licence de boutefeu (1983).
Séjourne en Italie où naît Le Rouge émis sur le site de Bellona (1984).
Met en oeuvre et développe Les Brûlis et le Concept supranodal (1989) au cours des décennies 1990 et 2000.
Lauréat de la villa Kujoyama, il réside au Japon (1994).
Intervient ponctuellement dans les friches industrielles, chapelles et autres lieux; l’atelier nomade est une nouvelle mise en oeuvre à chaque escale. Le tableau éphémère et ses différentes séquences effectuées en terme d’exploration s’accomplissent au droit des parois de sites en déshérence. L’intrigue se construit conjointement à celle du Concept supranodal : accumulation dont les forces d’attraction et de répulsion ne cessent de s’exalter mutuellement.
Calcination et tatouage par l’épreuve du feu, nouage et entrelacement d’objets constituent autant de gestes duels et complémentaires qui mettent en scène le processus de création et symbolisent « la flèche » du temps.
Initiée dans les années 1970 la voie ignée associe au geste pictural la pratique ancestrale de l’écobuage, dite culture sur brûlis. La combustion à mèche lente altère couleurs, matériaux et supports divers, desquels émerge des empreintes inédites. Ces « dessins automatiques » sont les traces du temps, constituant pour l’artiste une trace mémorielle et un repère signifiant. Au droit du mur ou d’un édifice, les « tableaux éphémères » célèbrent l’énergie des combustions.
Simultanément, Christian Jaccard construit des éléments de textures noueuses aux formes domestiques, organiques ou abstraites qui occupent l’espace dans des agencements dynamiques et baroques : ils forgent le Concept Supranodal.
Expositions personnelles récentes
1998-1999
– Empreintes, dessins et objets, 1972-1995, exposition itinérante : National Museum of Art, Osaka ; The Museum of Art, Ehime, Art Gallery Artium, Fukuoka, Japon
2002
– Confrontation, La Piscine, musée d’Art et d’Industrie, Roubaix ; En noir et blanc,
1993-2000
– Musée des Beaux-Arts, La Chaux-de-Fonds
2003
– As a White dream, chapelle de la Vieille-Charité, Marseille
2008
– G.-H. Breitner / Chr. Jaccard, Correspondances, Musée d’Orsay, Paris
2010
– Migrations saisonnières, GAC, Église Sainte Marie, Annonay
2011-2012
– Énergies dissipées, Domaine de Kerguéhennec Centre d’art, Bignan ; Villa Tamaris Centre d’art, La Seyne-sur-mer ; EACAM, Colmar ; Arsenal musée de Soissons
2012
– Agrégations, Abbaye Saint André Centre d’art contemporain, Meymac
2014
– Signa mentis, Musée de Picardie, Amiens
CHRISTIAN JACCARD/CV
2017
– Comme un rêve blanc, musée industriel de la Corderie Vallois, Rouen Métropole
2018
– 8 Parts de croissance, Sorbonne art gallery, Paris Mur/Murs, la peinture au-delà du tableau, Gyeonggi Museum of Modern art, Ansan, Corée
2020
– Fonds de la collection du MNAM-CCI, Centre Pompidou, Paris
– Poétique de l’incandescence ,Galerie 8+4, Paris
2023-2024
– Christian Jaccard, une Collection, Musée Fabre, Montpellier
– Pics de combustion, galerie Dutko, Paris
Bibliographie choisie
Gilbert Lascault, Christian Jaccard, l’événement et sa trace, éd. Adam Biro, Paris, 2000
Stéphanie Jamet, Christian Jaccard, À travers un nuage, la peinture retrouvée, éd. Argol/Musée d’Orsay, Paris, 2008
Christian Jaccard, Conversations, éd. de l’ENSBA, Paris, 2010
Dominique Chateau, Energies dissipées, éd. Bernard Chauveau, Paris 2011
Jean-Paul Blanchet, Agrégations, IAC Editions, Saint-Etienne / C.A.C Meymac, 2012
Paul Ardenne, Signa Mentis, co-éd. Bernard Chauveau/Musée de Picardie, 2014
Alain Borer, Christian Jaccard, l’art en fusion, co-éd. Musée Fabre / éd. Snoeck, 2023
Filmographie documentaire
Ombres de brûlis, 26’, réalisation production, MAC/VAL, Vitry-sur-seine, 2010
Paroles d’artiste, 6’, réalisation Philippe Puicouyoul, Christian Bahier, Centre Pompidou/MNAM-CCI, 2011
La Trinité Kerguéhennec, 26’, réalisation Illés Sarkantyu, production Domaine de Kerguéhennec / Conseil Général du Morbihan, 2011
L’odyssée du Pyronaute, texte images et son D. Château, Cori Shim, Eric La Casa, 2021
Filmographie d’auteur
Autre vie, 17’, Dominik Barbier, friche de la Belle de Mai, Marseille, 2003
Bloc 14, 19’, production Christian Jaccard, hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-Seine, 2004
Lafoliméricourt, 11’, production HorsLesMurs, Paris, 2006