Mon nom est personne – Une installation d’Alexandre Perigot au Mucem


Jusqu’au 17 août 2020, le Mucem présente « Mon nom est personne », une installation imaginée par l’artiste Alexandre Perigot.

Initiée en 2017 lors de l’édition du Voyage à Nantes, l’exposition « Mon nom est personne » rassemble 1300 reproductions d’œuvres anonymes issues des collections du Mucem, du Centre National des Arts Plastiques, du Musée d’Arts de Nantes, du Musée des Beaux-Arts de Rennes, du musée Rodin, du LaM de Villeneuve-d’Ascq et du Palais Fesch – Musée des Beaux-Arts d’Ajaccio.

Au deuxième niveau du J4, sur grand plateau, pour une fois débarrassé de toute cimaise, les 1 300 reproductions de peintures, photographies, dessins, objets d’artisanat et de design sont directement étalées sur le sol dans un même format.

Sans distinction, de genre ou de date, l’étalage/accrochage brouille les repères habituels et décloisonne joyeusement les catégories entremêlant beaux-arts, arts populaires, art brut ou art contemporain… La seule organisation de cet étonnant « accrochage » semble être le regroupement des reproductions par collections.

Pour une fois fermés, les rideaux noirs laissent entrer la lumière naturelle « filtrée » uniquement par la résille de béton conçue par Rudy Ricciotti depuis l’extraordinaire ouverture sur la Méditerranée.

Mon nom est personne – Une installation d’Alexandre Perigot au Mucem
Mon nom est personne – Une installation d’Alexandre Perigot au Mucem

Au fond de l’espace, un imposant dispositif audio vidéo (4 m sur 2,30 m) diffuse le film « Mon nom est personne ». Dans cette boucle de 40 minutes réalisée par Alexandre Perigot, on découvre une quinzaine de partitions musicales anonymes interprétées par Marie-Pierre Brébant au clavecin, Alma Perigot à la harpe et Xavier Boussiron à la guitare électrique et aux percussions.

Mon nom est personne – Une installation d’Alexandre Perigot au Mucem
Mon nom est personne – Une installation d’Alexandre Perigot au Mucem

Un simple texte de salle résume les objectifs de « Mon nom est personne ». Il débute par une interrogation qui semble en définir les enjeux :

Face à des œuvres sans auteur, le spectateur est-il plus libre de son expérience artistique et sensible ?

« Mon nom est personne » invite le visiteur à construire son exposition en déambulant dans ce vaste espace débarrassé des usages habituels du musée : présentation verticale à la hauteur des yeux où chaque œuvre est accompagnée d’un cartel en suivant un parcours organisé avec rigueur dans la logique d’un discours…

Dans « Mon nom est personne », il faut donc picorer ici et là, imaginer sa propre histoire en fonction de son humeur, de ses envies, de ses échanges avec les autres… Peu à peu, des trames de récits se dessinent puis parfois disparaissent ou se modifient à mesure que des dialogues et des conversations s’installent ou s’évanouissent entre les images étalées, semble-t-il, au hasard…

Un regard attentif laisse quelquefois deviner quelques associations en germe qu’auraient pu suggérer avec malice et humour l’artiste et la commissaire…

« Mon nom est personne » est sans aucun doute une expérience singulière qui exige un engagement de son visiteur et qui interroge avec beaucoup de pertinence et de subtilité les relations qu’entretient le musée et l’exposition avec les œuvres et bien entendu avec le spectateur.

De manière étrange, « Mon nom est personne » fait écho par certains aspects avec deux expositions qui ont marqué ce début d’été dans la région…
Par sa présentation au sol, sans hiérarchie apparente, on retrouve le dispositif conçu par Julien Blaine pour son Grand Dépotoir à la Friche La Belle de Mai. Il manque malheureusement la générosité du vide-grenier que proposait l’« anartiste » marseillais… Avec un peu d’audace, on aurait pu penser offrir au visiteur de repartir avec un des posters à la fin de l’exposition.
Par son utilisation de la reproduction, on peut également percevoir une résonance avec « It’Urgent » imaginée par Hans Ulrich Obrist qui est actuellement présenté par Luma Arles à l’entrée du Parc des Ateliers.
Si leurs propos sont très différents, ces trois expositions expriment assez bien la « crise » des institutions (musées, biennales, salons, etc..) mais aussi les multiples questions auxquelles elles sont irrémédiablement confrontées et qu’elles ont souvent voulu éviter ces dernières décennies par une certaine fuite en avant.

Inutile d’ajouter que « Mon nom est personne » mérite un passage par le Mucem avec le 17 août prochain.

L’exposition est accompagnée d’une publication de 137 œuvres anonymes issues des collections du Mucem.

Le commissariat de « Mon nom est personne » est assuré par Marie-Charlotte Calafat responsable par intérim du département des collections et des ressources documentaire au Centre de Conservation et de Ressources du Mucem. On a plusieurs fois apprécié ses co-commissariats au Mucem pour Document bilingue (2017), Roman-Photo (2017), Georges-Henri Rivière. Voir c’est comprendre (2018).

À lire ci-dessous le texte de salle.

En savoir plus :
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« Mon nom est personne » – Texte de salle

Face à des œuvres sans auteur, le spectateur est-il plus libre de son expérience artistique et sensible ?

Le large spectre de la question de l’anonymat est exploré par l’artiste Alexandre Perigot avec les collections du Mucem, du musée d’arts de Nantes, du musée Rodin, du CNAP, du musée des Beaux-Arts de Rennes, du LAM de Villeneuve d’Ascq, du Palais Fesch – musée des Beaux-Arts d’Ajaccio. Sans distinction et étalées au sol, 1 300 reproductions de peintures, photographies, dessins, objets d’artisanat et de design anonymes, du 17e au 21e siècle, sont dévoilées permettant de décloisonner les catégories : beaux-arts, arts populaires, art brut ou art contemporain.

Cette installation, intitulée Mon nom est personne, fait référence au cinéma et à la mythologie. Ce titre renvoie au célèbre western spaghetti de Tonino Valerii, au personnage Mister Nobody du film Dead Man de Jim Jarmush, mais aussi à la ruse d’Ulysse échappant au cyclope Polyphème en déclarant s’appeler « Personne » dans l’Odyssée d’Homère.

La perception, l’aveuglement, l’absence de nomination sont des notions en jeu dans ce projet artistique. Dans une société comme la nôtre et avec notre pratique du musée, il n’est guère aisé de penser l’œuvre d’art sans auteur. Les enjeux économiques du marché de l’art où la célébrité de l’artiste donne la valeur, le culte de la vedette, l’évolution du goût vers une appréciation toujours plus grande de la personne à travers l’œuvre, toutes ces forces sociales orientent les intérêts de la recherche vers la quête d’un nom. Toutefois les musées conservent dans leurs fonds une part significative d’œuvres anonymes, où la signature manque ou demeure incertaine, qui peuvent engager un jeu de l’attribution et un goût pour l’énigme.

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