Jusqu’au 26 juin 2021, Delphine Mogarra présente « Le Laboratoire Soluble » dans les espaces de art-cade* galerie des grands bains douches de la Plaine à Marseille.
Co-construit avec un un groupe d’adolescents de 11 à 15 ans lors d’une résidence artistique à la Maison Pour Tous de Saint Mauront, « Le Laboratoire Soluble » est sorti du Centre Social pour rejoindre la galerie avec des dispositifs « amplifiés » et permettre au groupe de partager le projet avec le public.
Une visite qui s’impose dès la réouverture des lieux d’exposition…
Le parcours s’organise à partir de dispositifs qui réactivent une partie des expériences menées lors de la résidence, des dessins et de textes produits par les jeunes et de tirages photographiques et de sculptures réalisées par Delphine Mogarra avec la collaboration de Camille Reich, Pierre Achitta et Antoine Gautron Verhelle…
Autour de Accrétion :
La visite commence avec Accrétion, 2021, une installation qui se développe autour d’une sculpture réalisée avec l’aide de Pierre Architta.
Au centre, une sphère thermoformée couverte de verre securit s’impose comme un ballon démesuré qui brille des mille feux magiques et illusoires au milieu d’un terrain de foot…
La fiche de salle présente cette installation comme une réponse au dessin d’lbrahima Quel est mon environnement, exposé sur le mur en compagnie de celui de Rachid…
Le texte précise encore :
« Le stade comme un lieu fédérateur, une zone d’accrétion de l’énergie et de la matière présente sur le sol. Tension du début du match, la rencontre entre les deux équipes est sur le point de commencer. Le désir s’accumule, s’agrège en son centre, se concentre et ramasse les particules autour »…
Est-ce la matérialisation d’un lieu de rencontre comme le suggère une fiche d’activité ? Une manière de briser la glace ? La concrétion, l’agglomération, la concentration des expériences partagées, des prélèvements dans le quartier et de leur cristallisation ?
Trois séries photographiques conduisent le visiteur vers la seconde installation…
Toutes sont présentées par des tirages soignés sur papier Hahnemühl, contrecollés sur support rigide.
Entre sol et ciel, 2020 évoque le « premier jour de prélèvement de débris dans le quartier avec le groupe : Arpenter le paysage et les cristallisations déjà présentes, observer les objets qui se fondent dans l’environnement ».
Une des deux images de Poids plume, 2020 matérialise les 0,05 gramme de celle qui a peut-être été trouvée par les trois jeunes…
Dans l’esprit de la chronophotographie, les quatre instants d’Effusion, 2020 incarnent les mouvements qui composent la chute du liquide contenu dans la pipette…
Autour de Tic Tac :
Au sol, deux cristallisoirs en verre, remplis d’eau salée, sont posés sur des socles en plâtre. Ils sont reliés par un fil qui trempe dans les solutions…
En migrant dans les fibres, le sel cristallise au contact de l’air. Intitulée Tic Tac, 2021, cette installation évolutive propose d’attendre le moment de la rencontre des deux évaporites le long du fil… La fiche de salle suggère de faire des pronostics sur l’arrivée de ce moment…
Delphine Mogarra – Tic Tac, 2021. Installation évolutive, eau salée, fil, contenants en verre et socle en plâtre – Le Laboratoire Soluble à art-cade galerie – Marseille
Au-dessus de cette « expérience » en cours, Moudre l’éclat, 2020, une série de deux photographies présente la dissolution du verre retrouvé dans la rue et le « passage de la brillance à la poudre »…
À côté, un superbe tirage Corolle, 2020 montre comment « la seconde peau qui s’est constituée sur cette pipette transforme cet objet artificiel en élément végétal qui évoque l’éclosion d’une fleur ».
Autour de Affusion :
Une troisième séquence s’articule autour de Affusion, 2021. Cette installation évolutive, composée de plexiglas thermoformé et d’un mélange de cyanotype et de sel, présente une forme mouvante qui « contient en son sein des paysages où les couleurs de la matière ne cessent de se transformer… »
Plusieurs photographies accompagnent ce dispositif.
La réconciliation, 2020 évoque une des premières expériences à Saint Mauront : « Première tentative de mélange entre le liquide de cyanotype et l’eau salée. Tour à tour chacun pose des gouttes des deux solutions dans la boîte de pétri dans l’attente qu’elles se rencontrent en s’évaporant ».
Delphine Mogarra – Photosensibles, 2020. Série de trois photographies, tirages sur Hahnemühle Photo Pearl 310g contrecollés sur forex, 25×40, 33,5×45 et 20×26,5 cm – Le Laboratoire Soluble à art-cade galerie – Marseille
Les trois tirages de la série Photosensibles, 2020 représentent la « réaction activée par la lumière du soleil. Acheminement vers l’astre »…
Éruption, 2020, un dessin de Moustadrane, accompagne l’ensemble.
Une évocation du Laboratoire Soluble :
Le début de la seconde galerie d’art-cade* est consacré à une reconstitution du Laboratoire Soluble installé en 2020 au Centre Social de Saint-Mauront.
Trois ensemble de palettes superposées présentent différentes étapes de transformation des matières récoltées dans un environnement quotidien (médicaments, produits d’entretien et sodas). Des solutions mises en place évoluent pendant la durée de l’exposition…
Autour de Réaction :
Un peu plus loin, la mise en espace s’organise autour de Réaction (2021), une installation composées d’avions en papier et de cristal d’alun. « Figés dans l’impact ou vitrifiés par leur vitesse, les avions en papier tiennent en équilibre grâce à une formation lente de cristal d’alun » précise la fiche de salle.
Delphine Mogarra – Réaction, 2021. Installation, avion en papier et cristal d’alun – Le Laboratoire Soluble à art-cade galerie – Marseille
Réaction est une réponse au dessin d’lmame exposé juste au-dessus. Après avoir observé un des Astres de Pétri, il a esquissé, avec Quelle est cette planète ? (2020), un corps céleste où la rencontre de deux gaz produit une pluie de diamants…
lmame – Quelle est cette planète, 2020. Poudre de graphite sur le mur et impression sur papier recyclé 250g – Le Laboratoire Soluble à art-cade galerie – Marseille
Plusieurs de ces Astres de Pietri (2021) sont posés sur une étagère qui domine l’installation.
Delphine Mogarra – Astres de Pietri, 2021. Série de sculptures, plâtre et expériences cristallisées – Le Laboratoire Soluble à art-cade galerie – Marseille
Dans cette série de sculptures, des mélanges cristallisés dans des boîtes de pétri lors d’expériences dans le laboratoire ont été absorbés par le plâtre. Les différents dépôts ont corrodé la matière et évoquent d’étranges et mystérieuses planètes.
Pour terminer…
Le parcours se termine dans la pièce sombre avec une version participative de Astre de pétri (2021).
Sur le bord de la fenêtre, plusieurs solutions sont à la disposition du visiteur. Il est invité à laisser tomber une goutte à l’endroit de son choix sur la surface en verre d’une boîte de pétri géante.
Mélanger plusieurs solutés, étaler son émulsion, la superposer à des cristallisations présentes, rien n’est interdit… À la fin de l’exposition, du plâtre sera coulé pour absorber les rencontres et révéler un nouvel Astre de pétri.
Il y a beaucoup de générosité dans la démarche entreprise par Delphine Mogarra pour ce « Le Laboratoire Soluble » qu’elle expose avec les jeunes de la Maison Pour Tous Saint-Mauront.
Son travail autour de la « fragilité du vivant, sur la naissance et la croissance des formes » mérite sans aucun doute attention. Il n’est pas sans rappeler plusieurs des propositions que l’on avait pu voir dans « Biomorphisme » que le groupe de recherche « Biomorphisme – Approches sensibles et conceptuelles des formes du vivant » avait présenté à la Friche à l’hiver 2018-2019. Avec des moyens très réduits, plusieurs aspects de son travail évoquent en partie les recherches d’Atelier Luma à Arles – notamment celles des Algues géographiques et certains dispositifs vus dans « A School of Schools : apprendre par le design » à la Mécanique Générale au Parc des Ateliers à Arles en 2019.
On ne manquera pas de suivre avec intérêt l’évolution de sa pratique.
En attendant, un passage s’impose avant la fin juin par ce Laboratoire Soluble qui devrait captiver parents, enfants et enseignants…
Cela devrait être possible dès la réouverture des lieux d’exposition car pour le moment, « Le Laboratoire Soluble » n’est accessible que sur rendez-vous : https://form.jotform.com/210875481401351
À lire, ci-dessus, le texte communiqué par art-cade* galerie des grands bains douches de la Plaine et une brève présentation de Delphine Mogarra.
En savoir plus :
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Sur le site de Delphine Mogarra
Delphine Mogarra – Le Laboratoire Soluble : Présentation
L’été dernier, l’artiste-plasticienne Delphine Mogarra et un groupe d’adolescents, entre 11 et 15 ans, engagés dans le secteur jeunesse de la Maison Pour Tous de Saint-Mauront (13 003) se sont rencontrés autour d’un projet de recherche : le Laboratoire Soluble dans le cadre de la résidence « Rouvrir le monde » soutenue par la DRAC PACA.
Ils ont travaillé ensemble pendant deux semaines pour construire et organiser cet espace au sein du centre, pensé comme un lieu de connivence entre art et science, un outil d’observation des cycles de transformation de la matière.
S’inscrivant dans un protocole circulaire, les premières substances sont issues d’une récolte opérée dans le quartier, interrogeant ainsi la composition de notre environnement à un niveau microscopique. Les gestes se sont tournés vers des tentatives de dissolution, de fusion entre les poudres, vers des expériences alchimiques. Le phénomène de cristallisation avec le sel, comme source de rencontres, est venu alimenter le désir d’injecter du vivant dans ce qui paraît inerte.
Le Laboratoire soluble sort du centre social et prend aujourd’hui une nouvelle forme, entre espace d’exposition et d’expérimentation : l’atelier se déplace dans la galerie, les expériences sont réactivées et des dispositifs sont amplifiés pour permettre au groupe de partager le projet avec le public.
Sur les murs de la galerie s’articule un déploiement de la recherche photographique et sémantique menée par l’artiste, composante centrale du projet. La future édition Laboratoire soluble s’ouvre à la réflexion : vers une dissolution des mots, la forme du diagramme ou de la constellation, un rapprochement à outrance qui s’étire jusqu’au voyage stellaire…
À propos de Delphine Mogarra
Vit et travaille à Marseille
À l’attention de la matière dans tous ses changements d’états, des corps qui se transforment et qui se cristallisent dans leur mouvement, Delphine Mogarra tente de s’approcher du fugace.
« Delphine Mogarra est en constante expérimentation, en observation et analyse continues du monde. Les moindres petits morceaux de matière deviennent des univers, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, l’artiste fait le pas, photographie, cadre, déchire et nous entraine avec elle dans une échelle nouvelle dont elle est la maîtresse, immense et minuscule, abyssale et stratosphérique. À cela les mots s’ajoutent, s’accrochent, s’entremêlent pour raconter sa vision, sa recherche. La poésie, la mythologie, la philosophie, la science, Delphine Mogarra les lit, s’en imprègne et écrit, mettant ainsi en forme les mots comme un paysage sculpté. » – Extrait du texte d’Isabelle Pellegrini / Circa, 2019.
Après un DNSEP, en 2016, avec les Félicitations du Jury aux Beaux-Arts de Marseille, Delphine Mogarra co-organise avec Charlotte Morabin un lieu de production, de recherche et d’exposition : l’Atelier Hyph. Tournées vers l’expérimentation et la pédagogie, elles animent à la fois des ateliers pour le public et invitent d’autres artistes à réfléchir sur des pistes proposées.
Depuis 2018, elle occupe le poste d’Assistante d’Enseignement pour les Ateliers Publics organisés par l’Institut des Beaux-Arts, ESADMM.
Expositions collectives :
La force du détail, Salle d’Exposition du Quai Antoine 1er, Monaco, commissariat Stefania Angelini, février 2021.
Rencontres perméables, Pac Aussillion (81), commissariat Aude Halbert et Rebecca Brueder, octobre 2020.
Héliotropes, Atelier Hyph, Marseille, septembre 2020.
Objets inanimés, commissariat d’Isabelle Pellegrini/Circa, Villa Henry, Nice, Mars 2020.
Ouvrir la parenthèse, Atelier Hyph, Marseille, Septembre 2019.
Biennale PACT(e), Carreau du Temple, Paris 3e, Juin 2019.
Sur la page, abandonnés volume 3, une exposition d’artistes-écrivains. AU LIEU – éditions extensibles, Mai 2019.
L’été du dessin – spring expo chez Gallandstudio, Marseille, Mai 2019.
Glissement de terrain, restitution de la résidence Travail-Travail!!, Art-cade, galerie des bains douches,
Elementa, commissariat d’Isabelle Pellegrini/Circa, Villa Adelaïda, Nice, Avril 2019.
Rêvez #3, Mémoires sauvées du vent, collection Lambert, Avignon, Février 2019.
Lexique de l’imprévu, Olympique de la Macule, SCPC, le Vecteur à Charleroi (Belgique), Janvier 2019.
Nopoto, Matériaux Mixtes chez l’Atelier Frega, Nice, Décembre 2018.
Sous-jacent, Atelier Hyph, Marseille, Septembre 2018.
L’été du dessin II, Maison Blanche Mairie du 9/10, Marseille, Septembre 2018.
Épineux, sortie de résidence, avec Double V gallery, Grand Littoral, Juillet 2018.
100titres, Matériaux mixtes chez Bel oeil Intérior Design, Nice, Juin 2018.
À force à l’Atelier Hyph, Marseille, Mai 2018.
Look&Listen chez Gallandstudio, Marseille, Novembre 2017.
L’été du dessin, Maison Blanche Mairie du 9/10, Marseille, Septembre 2017.
Corps II, La grande galerie, Savasse (26), Aout 2017.
Vente aux enchères, Maison des ventes Damien Leclere, à Marseille, Octobre 2016.
Cavités, La déviation, Marseille, Septembre 2016.
Croquer, Le goût et les couleurs #3, dans le cadre du salon du dessin contemporain «Paréidolie», Mac Arteum à Châteauneuf-le-rouge (13), Septembre 2015.
Désir(s), Thèm’Art n°3, Art contemporain et philosophie, obtention du 1er prix, à Lagarde, Octobre 2014.
Dess(e)ins Interdits, Salon d’art Luxury Lobsters, à Marseille, Mars 2014.
Cabinet de Curiosités Contemporain, Galerie Béatrice Soulié, à Marseille, Février 2014.
Expositions personnelles :
Galatée, corps ductile, commissariat d’Isabelle Pellegrini/Circa, Villa Henry, Nice, Février 2019.
Les Larmes d’Eros, «Murs d’Expression Libre», Marseille, Novembre 2016.
Hikari, Galerie G, à Lagarde, Juin 2015.
Résidences & Workshops :
Mercure hôtel, en partenariat avec Didier Webre et Mécènes du sud, Marseille, en cours.
Résidence en entreprises chez Cadentia, fabricant d’eaux de Cologne à Aubagne, 2019.
Résidence Grand Littoral, Marseille, Juin/Juillet 2018.
L’été du dessin, résidence avec l’artiste Yifat Gat à Saint-Chamas, Aout 2017.
Recherches en art & récits d’expérience en action, workshop avec Céline Domengie et Jean-Paul ibeau, Avril 2015.